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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Comme les enquêtes d'opinion l'avaient annoncé, le Parti démocrate-chrétien flamand (CD&V) dirigé par le ministre-président de Flandre, Yves Leterme, allié à la Nouvelle alliance flamande (NV-A), a nettement remporté les élections législatives et sénatoriales qui se sont déroulées le 10 juin en Belgique, recueillant dans le royaume 18,51% des suffrages à la Chambre des représentants (30 sièges) et 19,42% au Sénat (9 sièges).
Les Libéraux et démocrates (Open VLD) du Premier ministre sortant, Guy Verhofstadt, sont les grands perdants de ce scrutin. Ils obtiennent 11,83% des suffrages à la Chambre (18 sièges) et 12,40% au Sénat (5). La formation du Chef du gouvernement sortant, au pouvoir depuis huit ans, est devancée par le Vlaams Belang (VB) qui, sans progresser en voix et perdant même pour la première fois un siège dans l'arrondissement d'Anvers, recueille 11,99% des suffrages à la Chambre (17 sièges) et 11,89% au Sénat (5). Pour le président du Vlaams Belang, Frank Vanhecke, ce résultat signe la quatorzième victoire d'affilée de sa formation et "une grande défaite méritée de la coalition violette de gauche". Le Vlaams Belang n'a cependant aucune chance d'accéder au pouvoir en raison du cordon sanitaire mis en place autour de lui par l'ensemble des autres formations politiques. Le Parti socialiste (SP. A) de Johan Vande Lanotte enregistre un net revers, obtenant 10,26% des voix à la Chambre (14 sièges) et 10,04% au Sénat (4).
La formation écologiste Groen emmenée par Vera Dua retrouve la Chambre des représentants dont elle avait été exclue il y a 4 ans, recueillant 3,98% des suffrages (4 sièges) et 3,64% au Sénat (1). Enfin, la liste populiste du sénateur Jean-Marie Dedecker, ancien sélectionneur de l'équipe belge de judo, a créé la surprise en recueillant pour sa première participation à des élections fédérales 4,03% des voix à la Chambre (5 sièges) et 3,64% au Sénat (1).
Le Parti socialiste (PS), dirigé par le ministre-président de Wallonie, Elio Di Rupo et éclaboussé par plusieurs affaires de corruption mettant en cause ses élus, perd, pour la première fois, son statut de première formation francophone, enregistrant un recul par rapport à 2003 : 10,86% des suffrages (20 sièges) à la Chambre et 12,80% au Sénat (6). Les socialistes sont devancés par le Mouvement réformateur (MR) du ministre des Finances Didier Reynders qui a réussi son pari et recueille 12,52% des voix à la Chambre (23 sièges) et 12,31% au Sénat (6). Didier Reynders s'est félicité de son résultat : "Le centre de gravité en communauté française a bougé. Aujourd'hui, le centre de décision politique n'appartient plus au Parti socialiste". Le Mouvement réformateur est le seul parti de la coalition gouvernementale à progresser.
Le Centre démocrate humaniste (CDH) dirigé par Joëlle Milquet est également en progression mais peut cependant s'estimer déçu au vu des résultats de son homologue néerlandophone. La formation obtient 6,06% des suffrages à la Chambre (10 sièges) et 5,90% au Sénat (2). Autre parti en progression, les écologistes d'Ecolo, emmenés par l'ancienne ministre Isabelle Durant, qui recueillent les fruits du recul du Parti socialiste et obtiennent un très bon résultat, frôlant leur record des élections parlementaires de 1999, 5,10% des voix à la Chambre (8 sièges) et 5,82% au Sénat (2). La formation écologiste voit dans l'affirmation de son projet politique et dans son refus de la confrontation avec les autres partis les raisons de son succès. Enfin, le parti d'extrême droite, le Front national, recueille 1,97% des suffrages à la Chambre (1 siège) et 2,27% au Sénat (1), se maintenant par rapport à son résultat du 18 mai 2003.
Après huit années d'opposition, le Parti démocrate-chrétien flamand, qui a dirigé la Belgique quasiment sans interruption depuis 1830, retrouve donc le pouvoir. "Le temps du changement est venu. Devant cette victoire, nous devons avoir un sentiment de responsabilité. Nous devons réaliser ce que l'électeur attend de nous. Plus de sécurité, plus de justice et une réforme moderne de l'Etat, c'étaient les objectifs de notre programme et dès demain ce sera notre fil conducteur" a déclaré Yves Leterme devant de nombreux militants brandissant le drapeau flamand sur lequel figure un lion noir sur fond jaune alors que le drapeau noir-jaune-rouge de la Belgique était invisible.
Les résultats de ces élections parlementaires devraient entraîner une refonte des institutions, le programme électoral du Parti démocrate-chrétien flamand promettant un approfondissement de la fédéralisation de la Belgique et, notamment, une plus grande autonomie pour les régions. "Ce qu'on peut attendre d'Yves Leterme est une accélération du processus de fédéralisation. C'est sa promesse explicite" souligne le professeur de science politique de l'université de Gand, Carl Devos. Les formations politiques francophones sont cependant opposées à une réforme des institutions dans laquelle elles voient les prémices d'un éclatement du pays et qui les obligerait à trouver les financements nécessaires à de nouvelles compétences alors que les caisses de la Wallonie sont vides. Le Centre démocrate humaniste, parti homologue du Centre chrétien démocrate en Wallonie, est d'ailleurs le plus hostile à de nouveaux transferts de compétences vers les régions ; sa présidente, Joëlle Milquet, a plusieurs fois affirmé que sa formation s'opposera "fermement à toute avancée institutionnelle contraire aux intérêts des francophones". "Nous nous dirigeons vers des moments difficiles. Cette exigence d'Yves Leterme de réformer l'Etat est contraire à la volonté des francophones" a affirmé la vice-Première ministre et ministre de la Justice, Laurette Onkelinx (PS). "J'ai le sentiment qu'en Flandre, tout le monde va se radicaliser. La tâche sera donc difficile pour les francophones" a affirmé André Antoine, vice-président du gouvernement wallon. "Pour les quatre partis francophones (PS, MR, CDH et Ecolo), il y a au moins un point commun: ce sera de dire non aux revendications institutionnelles insensées" a t-il ajouté.
Le Premier ministre sortant, Guy Verhofstadt, a très vite reconnu sa défaite et félicité Yves Leterme. "L'électeur a clairement opté pour une autre majorité", a t-il déclaré, "j'étais la figure de proue du parti pour ces élections. Je prends la responsabilité du résultat. Nous avons payé pour avoir conduit le pays pendant huit ans mais cela n'enlève rien à la force de notre projet. Avec le président (de l'Open VLD) Bart Somers, nous sommes prêts pour l'avenir". Le Chef du gouvernement sortant, qui estime que les électeurs n'ont malheureusement pas fait le lien entre la bonne situation économique du pays et la politique menée par le gouvernement durant la dernière législature, a défendu son bilan à la tête des coalitions qu'il a dirigées : "Le pays est sur la bonne voie. Nous avons enregistré des avancées majeures sur le plan éthique et sur le plan international, notre voix est écoutée". Enfin, il a tenu à dire le plaisir qu'il avait eu à être Premier ministre, affirmant que la Belgique était "un pays merveilleux, parfois trop peu fier" qu'il avait eu "beaucoup de fierté" à diriger.
"Par rapport à 2004 (date des élections régionales), ce n'est pas une correction mais bien une chute" a souligné le président de la Chambre des représentants, Herman De Croo (Open VLD). Interrogé sur une éventuelle participation des Libéraux et démocrates à la prochaine coalition gouvernementale, il a affirmé que "si une telle demande est formulée, nous devrons insister sur nos principes et nous montrer très durs". Nous ne participerons à cette majorité que si nous ne sommes pas la cinquième roue du char" a t-il conclu. Pour Didier Reynders, le recul de la famille socialiste à Bruxelles, en Wallonie et en Flandre constitue l'enseignement majeur des élections du 10 juin. "Nous sommes redevenus la première formation à Bruxelles et nous sommes proches de l'être en Communauté française" a-t-il déclaré.
De nombreux analystes ont expliqué la déroute du Parti socialiste néerlandophone par la volonté des électeurs de Flandre de sanctionner le Parti socialiste francophone, laminé par les scandales de corruption à répétition, et de rejeter la formation dans l'opposition, les deux formations néerlandophone et francophone gouvernant toujours de concert. Elio Di Rupo doit donc s'interroger sur son impuissance à imposer à ses camarades de Charleroi, ville de tous les scandales, l'autorité et la crédibilité qui ont pourtant fait son succès à la tête de la Wallonie. Le résultat de ces élections est "un appel à un changement de comportement face aux erreurs inacceptables commises par quelques uns" a déclaré Elio Di Rupo. L'heure est venue de prendre des décisions radicales et je le ferai" a-t-il ajouté, affirmant encore qu'il "redoublerait d'énergie" pour rendre au Parti socialiste "sa véritable place". Joignant le geste à la parole, le ministre-président de Wallonie décidait de placer l'union socialiste communale, les sections locales du parti, ainsi que la fédération du Parti socialiste de Charleroi sous la tutelle du Bureau de la formation. Pour les deux années à venir, toute décision des instances locales du parti relèvera exclusivement du ressort du Bureau national.
De son côté, son homologue néerlandophone, le ministre du Budget, des Équipements communautaires et de la mer du Nord, Johan Vande Lanotte, a annoncé sa démission de la tête du parti où il sera remplacé par la vice-présidente Caroline Gennez. Le leader socialiste a tout d'abord expliqué la défaite de son parti en affirmant que les élections avaient été remportées par "les partis qui ont utilisé la tendance anti-wallonne", soit le Parti démocrate-chrétien flamand, la Nouvelle alliance flamande et le Vlaams Belang. Le refus des libéraux, des socialistes et des écologistes de dresser une partie des Belges contre l'autre expliquant, selon lui, leur échec du 10 juin. Le leader socialiste a également tenté d'expliquer ce qu'il a qualifié de "défaite lourde" par un brouillage du message du SP.A par le débat sur le poste de Premier ministre qui aurait empêché les électeurs d'apprécier le programme de son parti. Enfin, interrogé sur la future coalition gouvernementale, il a refusé de répondre : "Nous n'allons pas réagir à cela. Nous ne sommes tout simplement pas dans le coup. Maintenant, nous allons nous pencher sur nous-mêmes", précisant "Notre place normale se trouve dans l'opposition. L'inverse serait surprenant. Nous sommes faibles vu le nombre de nos sièges et nous ne sommes pas nécessaires pour former une majorité". Enfin, il a noté que les formations de gauche étaient "sur la défensive" partout en Europe. "C'est un mouvement de balancier, à terme, la situation se rétablira" a t-il souligné.
"Le temps de la fantaisie est passé. Yves Leterme n'est pas très excitant, mais il a les pieds sur terre. C'est une personnalité sans charisme, piètre orateur mais réputé pour son sérieux. Il est attractif par son côté ennuyeux. Il correspond à l'image traditionnelle du Flamand travailleur" affirme le professeur de science politique de l'université libre de Bruxelles, Pascal Delwitt. Agé de bientôt 47 ans, celui qui se définit comme "flamand, belge, européen" selon un ordre bien défini est diplômé de droit et de science politique de l'université de Gand et a commencé sa carrière en étant auditeur auprès de la Cour des comptes de 1987 à 1989. De père wallon et de mère flamande, il maîtrise aussi bien le français que le néerlandais. Le 27 juin 2003, Yves Leterme prend la tête d'un Parti démocrate-chrétien flamand au plus bas. Défenseur d'une union de la formation avec les nationalistes de la Nouvelle alliance flamande (N-VA), il a, depuis sa prise de pouvoir, remporté toutes les élections intermédiaires avant de s'imposer le 10 juin. Ministre-président de Flandre et ministre de l'Agriculture et de la Pêche du gouvernement flamand depuis juillet 2004, il est aussi populaire auprès des néerlandophones qu'il est jugé dangereux par les francophones. Ancien expert auprès de la Commission européenne, Yves Leterme est un Européen convaincu
Conformément à la Constitution, le Premier ministre sortant, Guy Verhofstadt, a présenté sa démission au roi Albert II le 11 juin. Vainqueur des élections, Yves Leterme est donc chargé de former la prochaine coalition gouvernementale qui devra compter un nombre égal de ministres francophones et néerlandophones.
Le ministre-président de Flandre va désormais devoir gérer les rapports avec ses alliés de la Nouvelle alliance flamande qui vont veiller à ce qu'il maintienne ses promesses électorales et parvenir néanmoins à convaincre les formations francophones de gouverner avec lui. Selon certains analystes politiques, Yves Leterme pourrait, côté flamand, privilégier une allaince tripartite avec les libéraux et les écologistes. Les pronostics sont rendus difficiles par la poussée à droite de l'électorat flamand et le maintien du Parti socialiste en Wallonie. Yves Leterme n'a jusqu'alors donné aucun détail sur la coalition qu'il pourrait former. "Nous voulons le faire avec tous les partis qui sont prêts à construire un avenir positif pour le pays" a-t-il indiqué. Par ailleurs, le futur Premier ministre devra parvenir à s'assurer une majorité des deux tiers au Parlement pour mettre en œuvre sa réforme de l'Etat.
La constitution de la future coalition gouvernementale sera "très difficile" selon les termes du politologue Vincent de Coorebyter qui s'est exprimé à l'issue du scrutin sur la télévision publique RTBF. "Les négociations seront très longues" prédit également Pascal Delwitt qui envisage même qu'elles durent jusqu'à six mois.
Résultats des élections législatives et sénatoriales belges du 10 juin 2007
Participation : 97,21% (La participation est obligatoire en Belgique)
Chambre des représentants
Sénat
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