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Analyse

L’Alternative pour l’Allemagne pourrait réaliser une percée importante aux élections fédérales du 23 février pour lesquelles l’Union chrétienne-démocrate demeure favorite

Élections en Europe

Corinne Deloy

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27 janvier 2025
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

L’Alternative pour l’Allemagne pourrait réaliser une percée importante aux élect...

PDF | 209 koEn français

Le 6 novembre 2024, le chancelier sortant Olaf Scholz (Parti social-démocrate, SPD) a congédié son ministre des Finances Christian Lindner (Parti libéral-démocrate, FDP), ce qui a entraîné le départ des ministres FDP de la coalition tricolore qu’il dirigeait, la première de l’histoire à compter trois partis (SPD, Verts (Grünen) et FDP). Olaf Scholz est depuis ce jour à la tête d’un gouvernement minoritaire. Au cours des deux dernières années, les tensions entre les trois partenaires du gouvernement, devenues importantes, s’étaient transformées en véritables désaccords de fond. Le budget 2025 a servi de détonateur à la crise finale : Olaf Scholz avait en effet exprimé son désir de déroger temporairement au mécanisme introduit dans la Loi fondamentale en mai 2009 de frein à l’endettement (Schuldenbremse) qui interdit tout déficit supérieur à 0,35% du PIB, une mesure à laquelle le FDP est opposé. Les trois partis du gouvernement s’opposaient sur la politique économique : le chancelier sortant était favorable à l’accroissement des dépenses sociales, le ministre de l’Economie et du Climat Robert Habeck (Verts) demandait un développement des investissements en faveur de la transition écologique et le ministre des Finances défendait une politique d’économies et de baisses d’impôts. Cette tension entre une politique de l’offre destinée à créer un environnement favorable à l’activité économique et une politique de la demande visant à renforcer l’Etat-providence a souvent été la cause de la chute des gouvernements en Allemagne. 

Le 5 décembre, Olaf Scholz a perdu la confiance du Bundestag par 394 voix contre, 207 pour et 116 abstentions, ce qui a ouvert la voie à dissolution de la Chambre basse du Parlement et à la convocation d’élections fédérales anticipées (de sept mois). Celles-ci ont été fixées au 23 février.  Le dépôt d’une motion de confiance devant le Bundestag est un événement très rare en Allemagne qui, depuis 1945 et jusqu’à présent, n’a eu lieu qu’à quatre reprises. En septembre 1972, le chancelier Willy Brandt (SPD) a perdu sa majorité au Bundestag avant de la retrouver lors des élections de novembre. Dix ans plus tard, le chancelier Helmut Schmidt (SPD) a chuté à son tour. Il a été remplacé par Helmut Kohl (CDU). En 2001, le chancelier Gerhard Schröder (SPD) a déposé une motion de confiance mais la Chambre basse lui a renouvelé sa confiance. Mais, en juillet 2005, il a déposé de nouveau une motion de confiance qui a été rejetée et il a été remplacé par Angela Merkel (CDU). 

Après le rejet de la motion de confiance, le président de la République fédérale dispose de 21 jours pour dissoudre le Bundestag. Un droit de dissolution qui s’éteint si la Chambre basse élit un chancelier à la majorité de ses membres. Si tel n’est pas le cas, les élections fédérales doivent alors avoir lieu dans les soixante jours suivant la dissolution (article 39 de la Constitution).

Selon l’enquête d’opinion réalisée par l’institut INSA, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) emmenée par Friedrich Merz devrait arriver en tête le 23 février, avec néanmoins l’un de ses résultats les plus faibles (30% des suffrages). L’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite dirigé par Alice Weidel, prendrait la deuxième place avec 21% devant le SPD 16%. Les Verts, emmenés par Felix Banaszak et Franziska Brantner, obtiendraient 12% et l'Alliance Sahra Wagenknecht (Bündnis Sahra Wagenknecht-Für Vernunft und Gerechtigkeit, BSW), parti de gauche radicale né d’une scission du Parti de gauche, 7%. 

Le FDP et le Parti de gauche (Die Linke) seraient en dessous du seuil de 5% des suffrages indispensable pour être représenté au Bundestag. La future Chambre basse devrait donc refléter la fragmentation du paysage politique allemand qui va croissante au fil des ans. 

Les élections européennes du 9 juin 2024 ont vu la victoire de la CDU/CSU avec 30,02% des suffrages devant l’AfD, 15,89%, et le SPD (13,94%). Il s’agit de son résultat le plus faible depuis les premières élections européennes de 1979. 
La CDU/CSU souhaite éviter d’avoir à former une coalition tripartite et pourrait s’allier avec les Verts, mais pourrait également choisir de former une « grande coalition » avec le SPD, sous peine pour ce parti de descendre encore plus bas dans les intentions de vote. 

« L’Allemagne est en proie au doute, le modèle allemand est en crise » a indiqué Claire Demesmay, chercheuse au centre Marc Bloch de Berlin. Le pays, auparavant modèle de stabilité, traverse une grave crise. Il est en récession depuis deux ans (- 0,3% en 2023 et – 0,2% en 2024) et les statistiques prévoient une croissance de 0,2% du PIB pour 2025. De nombreuses entreprises, fleurons de l’industrie, ont annoncé des restructurations : ThyssenKrupp Steel, qui devrait supprimer 5 000 postes ; Volkswagen, qui souhaite fermer trois de ses usines et réduire ses effectifs de plus de 35 000 personnes, mais aussi BASF, Ford, Bosch. « L’Allemagne doit revoir en profondeur un modèle obsolète fondé sur une énergie bon marché fournie par le gaz russe, les exportations vers la Chine et la garantie de la sécurité apportée par les Etats-Unis » a déclaré Shahin Vallée, chercheur au German Council on Foreign Relations (DGAP).

Le résultat de l’AfD au centre de tous les regards

Dans une Allemagne en crise, l’avenir d’Olaf Scholz à la tête du gouvernement paraît compromis et le dirigeant de la CDU Friedrich Merz fait figure de favori pour la chancellerie. Cependant, tous les yeux sont braqués sur Alice Weidel (AfD) dont le parti prône une ligne dure contre l’immigration et l’islam. Il est contre la théorie du réchauffement de la planète (il demande d’ailleurs la démolition des éoliennes). L’AfD est favorable à une sortie de l’Allemagne de l’Union européenne et au retour du Deutsche Mark. Economiquement libéral, il est favorable à la dérégulation du marché. Pacifiste, il est opposé à l’OTAN et demande l’arrêt des livraisons d’armes à l’Ukraine, l’ouverture de négociations avec la Russie et la reprise des achats de gaz russe. « Choisir de confier le destin de l’Allemagne à Friedrich Merz, c’est choisir la guerre » répète Alice Weidel.

L’AfD est particulièrement bien implanté dans la partie orientale du pays. On a pu le constater notamment lors des élections organisées en septembre 2024 dans trois Länder. Dans le Brandebourg, l’AfD est arrivé en 2e position (31,52% des suffrages et 30 sièges) derrière le SPD (33,57% des voix et 32 élus) ; en Saxe, l’AfD a recueilli 33,96% des suffrages (40 sièges), devancée par la CDU (34,43% et 41 élus). Mais le parti est arrivé en tête en Thuringe, remportant 34,33% des suffrages (et 32 sièges) devant la CDU (33,48% des voix et 23 élus).

Quel que soit son résultat le 23 février, l’AfD ne devrait pas pouvoir accéder au pouvoir, faute de partenaire de coalition. Tous les partis de gouvernement ont exclu de travailler avec lui et le système politique allemand implique la formation d’une coalition et donc la possibilité d’accepter des compromis, ce qui n’est pas dans l’ADN des forces radicales. Reste que si le parti prenait la 2e place et devenait ainsi la principale force d’opposition, l’Allemagne vivrait un véritable séisme.

Le 28 décembre, le milliardaire américain Elon Musk, appelé par le président américain Donald Trump à diriger la Commission de l’efficacité gouvernementale à Washington, a publié une tribune dans l’édition dominicale du quotidien Die Welt, affirmant que l’AfD constituait « la dernière lueur d’espoir pour l’Allemagne ». « Seule l’AfD peut sauver l'Allemagne » écrit-il, estimant le pays « au bord de l’effondrement économique et culturel ». Le patron de X, Tesla, SpaceX, considéré comme l’homme le plus riche du monde, approuve la politique d’immigration contrôlée de l’AfD, sa volonté de réduire les impôts et de dérèglementer le marché. Accusé d’ingérence dans la vie politique allemande, Elon Musk s’est justifié en arguant qu’il est le propriétaire d’une méga-usine Tesla près de Berlin et qu’il est un important investisseur du pays. Le 9 janvier, Elon Musk a diffusé, en direct sur X, une discussion-débat entre lui et Alice Weidel. « L’AfD n’aurait pu imaginer un meilleur militant dans ses rangs car son image d’entrepreneur à succès légitime le parti d’extrême droite dans l’électorat conservateur traditionnel allemand, sceptique jusqu’ici sur son programme économique » a souligné Johannes Hillje, expert en communication politique. « Elon Musk travaille désormais main dans la main avec Donald Trump, réélu président aux Etats-Unis. Cela envoie un message clair aux électeurs : l’AfD pourrait devenir un interlocuteur crédible pour Washington » a indiqué Paul Maurice, secrétaire général du comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA). Le 25 janvier, Elon Musk est de nouveau intervenu (en vidéo) dans un meeting électoral de l’AfD où il a appelé les Allemands à « être fiers d'être Allemands » et à « ne pas se perdre dans le multiculturalisme ». « Les enfants ne doivent pas être coupables des péchés de leurs parents, et encore moins de ceux de leurs arrière-grands-parents. L’accent est trop mis sur la culpabilité par rapport au passé et nous devons dépasser tout cela » a affirmé le patron de X dont le geste semblable à un salut nazi lors de l’investiture de Donald Trump le 20 janvier fait toujours polémique. « L’AfD doit se battre (…) notamment pour plus d'autodétermination pour l'Allemagne et pour les pays d'Europe et moins de Bruxelles » a-t-il encore déclaré.  « Alice Weidel permet à l’AfD de se présenter un visage plus respectable aux électeurs » a souligné Gerd Mielke, politologue de l’université de Mayence. Elle est persuadée que les conservateurs la rejoindront sur ses appels à stopper l’immigration. « Avec elle, la normalisation de l’AfD est en cours et elle devrait lui permettre d’atteindre un jour 30% des suffrages. En 2029, elle pourrait être en mesure de former un gouvernement avec les conservateurs », estime Gerd Mielke, qui précise : « Mais elle en sera la chancelière ». Le 25 janvier, les Allemands se sont mobilisés et sont descendus dans les rues de plusieurs grandes villes du pays pour dire « non » à l’extrême droite. Ils étaient 40 000 à Cologne et 35 000 à Berlin, selon les chiffres donnés par la police. 

L’attaque du 22 janvier 2025 d’un groupe d’enfants par un demandeur d'asile qui a fait deux morts dont un enfant ne peut qu’apporter de l’eau au moulin de l’AfD. Le parti a beau jeu de dénoncer l’incapacité du pouvoir en place à assurer la sécurité de la population. En outre, la nationalité de l’assassin, un Afghan en situation illégale, est exploitée et mise en avant. Cette attaque intervient après celles du marché de Mannheim en mai (un mort) dont l’auteur est un réfugié afghan, et du festival de Solingen en août (trois morts) perpétré par un Syrien bénéficiant du statut de protection subsidiaire ainsi que celle perpétré sur le marché de Noël à Magdebourg (six morts) par un Saoudien en décembre. 
Alice Weidel affirme que si elle accède au pouvoir, l’AfD « fermera complètement les frontières » et elle procèdera à des expulsions massives de personnes étrangères ou d'origine étrangère. « Nous avons besoin de la remigration pour vivre en sécurité en Allemagne » a-t-elle répété lors d’un meeting le 25 janvier. 

Olaf Scholz peut-il espérer un nouveau miracle ?

Désigné candidat du SPD à la chancellerie le 25 novembre à l’unanimité des membres du parti, Olaf Scholz est néanmoins le chancelier le plus impopulaire qu’a connu l’Allemagne. Il n’a pas capitalisé sur sa participation au pouvoir, ce qui est habituellement le cas outre-Rhin. Et ce même au sein de son propre parti puisqu’une enquête d’opinion réalisée par l’institut Infratest dimap révélait le 21 novembre que 60% des Allemands considéraient Boris Pistorius comme le meilleur candidat pour la chancellerie, contre 21% qui lui préféraient Olaf Scholz. L’hebdomadaire Der Spiegel a affirmé qu’Olaf Scholz était le candidat le plus faible que le SPD n’a jamais présenté. « Olaf Scholz est un candidat endommagé et dont la candidature suscite des doutes. Il part en campagne lesté de ce fardeau à la tête d’une coalition qui s’est effondré » a indiqué Stefan Marshall, professeur de science politique à l’université de Düsseldorf. 
Olaf Scholz a cependant toujours été sous-estimé. Il avait d’ailleurs créé la surprise lors des élections fédérales du 26 septembre 2021 en s’imposant devant la CDU, même s’il faut noter que Armin Laschet, candidat chrétien-démocrate, avait accumulé les gaffes durant la campagne, ce qui avait fait fondre son avance dans les sondages au fur et à mesure des semaines. Aujourd’hui, le chancelier sortant n’est pas loin de penser que la chance pourrait de nouveau lui sourire, notamment s’il parvient à mener une campagne centrée sur la défense des acquis sociaux.  Olaf Scholz a dû assumer le bilan de ses prédécesseurs et particulièrement leurs choix en matière énergétique. L’ancienne chancelière (2005-2021) Angela Merkel (CDU) avait en effet fait le choix du gaz russe comme énergie de transition au moment de la sortie du nucléaire de l’Allemagne. Berlin a dû renoncer au gaz russe après l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, un renoncement qui a contribué à faire flamber le prix de l’électricité. 

En 2023, Robert Vehrkamp et Theres Matthiess ont rédigé un bilan d’étape du mandat de la coalition gouvernementale à la demande de la Fondation Bertelsmann et estiment que le jugement porté sur le mandat d’Olaf Scholz devrait être moins sévère d’ici quelque temps. Selon eux, les principales mesures sociales et sociétales du programme du candidat social-démocrate ont été mises en place rapidement : le salaire minimum a été porté à 12 € de l’heure (9,6 € en 2021), l’allocation chômage a été relevée et réformée, les allocations familiales ont été augmentées, l’âge du départ à la retraite a été gelé, les pensions de retraite ont été indexées. Par ailleurs, l’Allemagne a, pour la première fois de son histoire, atteint l’objectif fixé par l’OTAN d’allouer 2% du PIB à la défense. 

Olaf Scholz défend un programme proposant une politique de la demande et une hausse des subventions sociales. Il veut relever le salaire minimum à 15 €/heure en 2026, il veut baisser la TVA sur les produits alimentaires de 7% à 5%, alléger les impôts des personnes les plus modestes, réformer l’impôt sur la succession et instaurer un impôt sur la fortune pour les personnes dont le patrimoine est supérieur à 10 millions €. Le chancelier sortant a fait de la lutte pour l’emploi sa priorité. Il défend le maintien de l’âge de la retraite (entre 65 et 67 ans). Il souhaite réformer le mécanisme du frein à l’endettement de l'Etat. Olaf Scholz défend la mise en place d’une prime pour attirer les investisseurs en Allemagne. Cette mesure accorderait un remboursement sous forme de crédit d’impôts à hauteur de 10% de la somme versée à toute entreprise allemande ou étrangère qui investirait dans l’industrie. L’objectif est de créer un fonds de 100 milliards € afin de financer les investissements publics indispensables pour remettre à niveau les structures énergétiques, numériques, ferroviaires, etc. du pays.

Enfin, l’Allemagne est l’un des principaux fournisseurs d’armes à l’Ukraine. Olaf Scholz se présente néanmoins comme l’homme de la retenue dans son soutien militaire à Kiev. Il espère capitaliser en se présentant comme le « chancelier de la paix » et il met en avant la voie de la prudence pour éviter toute escalade militaire avec la Russie. Le chancelier sortant demande en effet un allègement du soutien militaire à l’Ukraine. Pour l’heure, il s'oppose à la délivrance à Kiev d'un nouveau paquet d'aides militaires d’un montant de 3 milliards €. Au total, l’Allemagne a versé près de 40 milliards € à l’Ukraine, le deuxième montant le plus important après les Etats-Unis. Le pays a accueilli 1,2 million d’Ukrainiens au titre de réfugiés. 

Des démocrates-libéraux à la peine

Partenaire du SPD durant plus de deux ans à la tête de l’Etat, le FDP pourrait bien être sanctionné non seulement pour avoir fait chuter le gouvernement mais également pour avoir planifié cette chute et tenté de se faire passer pour la victime de cette dernière. L’ancien ministre des Finances Christian Lindner, qui multipliait pourtant les propositions provocantes afin de pousser le chancelier à la rupture, a par la suite accusé Olaf Scholz d’avoir planifié son éviction. La révélation récente d’un plan élaboré par le FDP pour faire tomber la coalition dirigée par Olaf Scholz affaiblit le parti libéral-démocrate. Le document, intitulé D Day, soit le nom donné au débarquement en Normandie le 6 juin 1944, un détail qui a été peu apprécié, décrit la façon dont la rupture avec Olaf Scholz devait se dérouler, le moment idéal pour son déclenchement et même les éléments de langage qui devaient accompagner l’événement, y compris le discours de Christian Lindner au moment de son départ. Après la publication de cette affaire, le 29 novembre, le secrétaire général du parti Bijan Djir-Sarai et le directeur fédéral Carsten Reymann ont démissionné. Les déboires du FDP pourraient in fine profiter à la CDU.

La victoire annoncée de l’Union chrétienne-démocrate

Friedrich Merz a pris la tête de la CDU en janvier 2022. Il est depuis parvenu à apaiser le parti en mettant fin aux querelles internes. « Friedrich Merz a façonné le parti en faisant évoluer son socle idéologique. La CDU est plus conservatrice qu’à l’époque d’Angela Merkel sur le plan sociétal, notamment sur les questions d’immigration et de genre, et elle est plus libérale sur le plan économique. Friedrich Merz, plus libéral et conservateur que ne l’était Angela Merkel, est donc le candidat idéal pour mener ce programme qui ressemble davantage à ce qu’était la CDU avant Angela Merkel » a déclaré Uwe Jun, professeur de science politique de l’université de Trèves. Le dirigeant chrétien-démocrate souhaite en effet rompre avec l’héritage de la chancelière qu’il juge trop proche du SPD et à qui il reproche d’avoir, dans les années 2015-2016, ouvert le pays à plus d'un million de personnes venues de Syrie et d’Afghanistan qui fuyaient la guerre. Les demandes d'asile ont atteint le chiffre de 900 000 en 2015 ; elles s’élevent à 213 000 en 2024. Avec Friedrich Merz, la CDU fait un retour aux valeurs traditionnelles et un discours plus dur sur l'immigration afin de tenter de contenir la montée de l'AfD. Alice Weidel a d’ailleurs accusé Friedrich Merz d’avoir copié son programme.

Angela Merkel s’est toujours méfiée de Friedrich Merz qu’elle a écarté du pouvoir en l’évinçant de la tête du groupe parlementaire de la CDU en 2002. Friedrich Merz a alors quitté le parti en 2009. Durant les années qu’il a passé loin de la politique, Friedrich Merz a travaillé comme lobbyiste et comme gérant de fortunes privées. Il a été membre du conseil d’administration de plusieurs sociétés (la banque HSBC, la filiale allemande du gestionnaire d’actifs Blackrock, l’aéroport public de Cologne-Bonn). Il lui est maintenant reproché de ne jamais avoir exercé de mandat de maire ou de conseiller régional, de ne jamais avoir fait partie d’un gouvernement régional, ni du gouvernement fédéral. 

La CDU prône une politique de l’offre pour permettre à l’Allemagne de renouer avec la croissance. Avec son programme baptisé Agenda 2030, la CDU vise 2% de croissance du PIB « à moyen terme ». Le moyen préconisé pour y parvenir ? Des mesures d’allègement fiscal. Le parti est favorable à des baisses d’impôts pour les plus aisés et pour les entreprises afin d’augmenter la compétitivité. La CDU veut alléger les impôts notamment sur les successions et sur le capital, réduire les charges fiscales des entreprises de 25%, défiscaliser les heures supplémentaires et modifier le barème de l'impôt sur le revenu. « Vous laissez le pays dans l’une des pires crises économiques qu’il n’a jamais connues depuis la fin de la guerre » a déclaré Friedrich Merz à l’adresse du chancelier sortant Olaf Scholz. Cependant, la politique de baisse d’impôts souhaitée est onéreuse. D'après les calculs de l'Institut économique allemand (IW), elle s’élèverait à environ 90 milliards € par an. « Il s'agira d'un trou important dans le budget fédéral » a déclaré Martin Werding, membre du Conseil allemand des experts économiques et professeur de politique sociale et de finances publiques à la Ruhr-Universität Bochum (RUB).

Friedrich Merz veut rendre le travail financièrement attrayant, voire de transformer le marché du travail. Il veut créer une Agence fédérale numérique pour l'immigration qualifiée afin de recruter les talents dont l’Allemagne aura besoin et qui devraient lui faire défaut puisque selon les chiffres, la population allemande en âge de travailler devrait passer de 52 à 43 millions de personnes d'ici à 2050. Il souhaite réduire le nombre de fonctionnaires et simplifier les procédures administratives. S’il ne dit pas non à une réforme du mécanisme de frein à l’endettement de l'Etat, il réclame au préalable une baisse des dépenses sociales de l’Etat en matière de politique migratoire et familiale.  Les chrétiens-démocrates veulent également revoir la politique énergétique et, par exemple, lever l'interdiction des moteurs à combustion d'ici à 2035. Ils ont affirmé qu’ils reviendraient sur la priorité accordée au climat dans l'élaboration des politiques économiques. Friedrich Merz est cependant revenu il y a quelques jours sur sa décision de remettre en activité les réacteurs nucléaires du pays. Il a annoncé « un changement fondamental » des règles migratoires en Allemagne s’il arrive au pouvoir. Il a promis de renforcer la sécurité intérieure en ordonnant « des contrôles à toutes les frontières nationales », de durcir la politique migratoire et les procédures d’asile. Il est favorable à l’externalisation des demandes d’asile dans des pays tiers. « Nous sommes devant les décombres d'une politique d'asile et d'immigration erronée en Allemagne depuis dix ans » a-t-il déclaré.

Le système politique allemand

Le Parlement allemand est bicaméral, il est composé d'une Chambre basse, le Bundestag et d'une Chambre haute, le Bundesrat. Les élections par lesquelles sont désignés les membres du Bundestag ont lieu tous les 4 ans selon un système mixte qui combine vote uninominal majoritaire et vote à la proportionnelle de liste. Chaque électeur dispose de 2 voix. La première (Erststimme) lui permet de désigner, au scrutin uninominal, le député de la circonscription (Wahlkreise) dans laquelle il réside. Le pays compte 299 circonscriptions et le nombre d'élus désignés de cette façon, qui obtiennent ainsi un mandat direct, va de 2 à Brème et 4 en Sarre à 64 en Rhénanie du Nord-Westphalie. La deuxième (Zweitstimme) permet à l'électeur de voter par ordre préférentiel en faveur d'une liste présentée par un parti politique au niveau du Land (l'Allemagne compte 16 Länder).

La loi électorale a été modifiée en mars 2023 et prévoit que le Bundestag comprend désormais le chiffre fixe de 630 députés. Le nombre d’élus n’avait cessé de croître à la Chambre basse : 603 en 2002, 614 en 2005, 622 en 2009, 631 en 2013, 709 en 2017 et … 736 en 2021.
Auparavant, seuls les partis ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés au niveau national ou 3 mandats directs au scrutin uninominal pouvaient être représentée au Bundestag. Si, dans un Land, un parti remportait davantage de mandats directs que le nombre de sièges qui lui était accordé en fonction du nombre de « 2e voix », il conservait néanmoins ces mandats excédentaires (Uberhangmandate) ce qui expliquait que le nombre de membres de la Chambre basse variait d'une élection à l'autre. Désormais, seul le pourcentage de « 2e voix » sera pris en compte, ce qui signifie que certains députés arrivés en tête dans leur circonscription pourraient ne pas entrer au Bundestag si leur parti obtient un résultat inférieur à 5% des suffrages au niveau national Le principal argument mis en avant par les partisans de la réforme est d’ordre budgétaire. En effet, la nouvelle loi électorale devrait permettre une économie de 310 millions €. En 2023, le coût de fonctionnement de la Chambre basse s’est élevé à 1,14 milliard € (736 élus) ; il était de 857 millions € en 2016 (631 députés).

Les sièges sont attribués selon la méthode de Sainte-Laguë/Schepers. Le pourcentage des 2e voix détermine le nombre de sièges revenant proportionnellement à chaque parti et, in fine, le rapport de forces entre les partis au sein du Bundestag. Les partis représentant les minorités nationales reconnues (Danois, Frisons, Souabes et Roms) sont exemptés d’atteindre au moins 5% des suffrages pour être représentés au Bundestag.

Le système électoral allemand vise à assurer le parti d'une majorité parlementaire stable et à éviter l'émiettement de la scène politique que le pays a connu sous la République de Weimar (1919-1933), où le grand nombre de partis politiques représentés alors au parlement avait rendu la formation d’un gouvernement quasiment impossible. En 1949, 11 partis politiques étaient représentés au Bundestag, ils n'étaient plus que 4 en 1957, et même seulement 3, entre 1961 et 1983 (SPD, CDU/CSU et FDP). En 1983, les Verts sont parvenus à franchir la barre de 5% des suffrages exprimés et à entrer au parlement ; ils ont été suivis en 1990 du Parti du socialisme démocratique (PDS), issu du Parti socialiste unifié (SED) de l'ancienne République démocratique allemande (RDA), ancêtre du Parti de gauche - les députés anciennement communistes sont entrés au Bundestag un an après la chute du Mur de Berlin- et, en 2013, de l'Alternative pour l'Allemagne.
 
8 partis politiques sont représentés dans l'actuel Bundestag
- le Parti social-démocrate (SPD), du chancelier sortant Olaf Scholz, fondé en 1863 et dirigé par Lars Klingbeil et Saskia Esken, est le plus ancien parti politique d'Allemagne. Il compte 208 députés ;
- l'Union chrétienne-démocrate (CDU), principale formation d’opposition créée en 1945 et dirigée par Friedrich Merz, possède 152 sièges ;
- l'Union chrétienne-sociale (CSU), créée en 1946 et dirigée par le ministre-président de Bavière, Markus Söder, coopère avec la CDU depuis 1953. Selon leur accord, la CDU ne présente pas de candidat en Bavière et la CSU ne concourt que dans ce seul Land. Elle compte 55 sièges ;
- les Verts/Alliance 90 (Grünen), issus de la fusion, en 1993, d'Alliance 90, mouvement pour les droits civiques de l'ancienne RDA, avec le parti écologiste. Membres de la coalition gouvernementale sortante et emmenés par Felix Banaszak et Franziska Brantner, ils comptent 118 élus ;
- le Parti libéral démocrate (FDP), créé en 1948 et dirigé par Christian Lindner, a longtemps été le faiseur de rois des élections. Membre de la coalition gouvernementale sortante jusqu’en novembre 2024, il possède 92 sièges ;
- l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), fondée au printemps 2013, est un parti d’extrême droite. Emmenée par Alice Weidel et Tino Chrupalla, elle compte 83 députés ; 
- le Parti de gauche (Die Linke), parti populiste de gauche, est né en juin 2007 de la fusion du PDS, issu du SED, avec l'Alternative pour le travail et la justice sociale (WASG), mouvement créé le 22 janvier 2005 et qui rassemblait l'ancienne élite communiste et les déçus de la social-démocratie. Dirigé par Jan van Aken et Ines Schwerdtner, il possède 39 sièges.
1 député appartient à l’Association des électeurs du Schleswig du Sud qui représente la minorité danoise.

La Chambre haute, le Bundesrat, est composée des membres des gouvernements des 16 Länder. Chaque Land y dispose d'au moins 3 voix ; celles comptant plus de 2 millions d'habitants possèdent 4 voix ; celles de plus de 6 millions, 5 voix et, enfin, celles de plus de 7 millions, 6 voix. Au total, le Bundesrat compte 69 membres.

Enfin, l'Allemagne élit, de façon indirecte, son président de la République (Bundespräsident) tous les 5 ans. Frank-Walter Steinmeier (SPD) a été réélu le 13 février 2022 par l'Assemblée fédérale (Bundesversammlung), qui regroupait les 736 membres du Bundestag et un nombre égal d'élus des 16 Länder du pays, députés des parlements régionaux ou personnalités de la société civile.

Rappel des résultats des élections fédérales du 26 septembre 2021 en Allemagne
Participation : 76,5 %

Source : https://www.bundeswahlleiter.de/bundestagswahlen/2021/ergebnisse/bund-99.html 

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