Analyse
Élections en Europe
Corinne Deloy
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Les Croates sont invités à élire leur président de la République. Le 1er tour de l’élection présidentielle se tient le 29 décembre et le 2e le 12 janvier. Ce scrutin clôture une « super année » électorale après les élections législatives pour renouveler les 161 membres du Sabor (chambre unique du parlement) le 17 avril et les élections européennes pour désigner les 12 députés au Parlement européen de Strasbourg le 9 juin.
Les Croates vivant à l'étranger peuvent voter dans 105 bureaux de vote installés dans 38 pays. Le plus grand nombre se trouve en Bosnie-Herzégovine (42) et en Allemagne (17).
A l’issue des élections législatives du 17 avril, l’Union démocratique (HDZ), qui a remporté 61 des 151 sièges du Sabor, a formé un gouvernement en s’alliant avec le Mouvement patriotique (Domovinski Pokret, DP), parti populiste de droite créé par Miroslav Skoro et dirigé par Ivan Penava, (14 députés). Le Premier ministre sortant, Andrej Plenkovic (HDZ), a donc conservé son poste qu’il occupe depuis octobre 2016.
La coalition Rivières de justice (Rijeke Pravde), emmenée par le Parti social-démocrate (SDP) de Sinisa Hajdas Doncic, avait pris la deuxième place du scrutin et obtenu 42 élus.
Un mois et demi plus tard, l’Union démocratique (HDZ) s’est de nouveau imposée dans les urnes en remportant 6 sièges aux élections européennes (soit +2 par rapport au précédent scrutin de 2019).
Les candidats en présence
8 personnes sont candidates à l’élection présidentielle :
- Zoran Milanovic (indépendant), président de la République sortant, soutenu par le Parti social-démocrate (SDP), le Parti paysan (HSS), le Parti populaire-Réformistes (NS-R), la Plateforme indépendante du nord (NPS), le Bloc des retraités (BUZ), Dalija Oreskovic et les gens qui ont un prénom et un nom (DO i SIP), l’Alliance civique libérale (GLAS), l’Alliance démocratique de Medimurje (MDS) le Parti des retraités (SU) et le Parti du centre (Centar). Le chef de l’Etat sortant avait annoncé le 15 mars être candidat à sa propre succession ;
- Dragan Primorac (indépendant), soutenu par l’Union démocratique (HDZ) du Premier ministre Andrej Plenkovic, le Mouvement patriotique (DP), le Parti croate des retraités (HSU), le Parti chrétien démocrate (HDS), le Parti social-libéral (HSLS), le Parti populaire/libéraux-démocrates (HNS-LD) et les Indépendants. Il a été ministre de la Science, de l’Education et des Sports entre 2003 et 2009 dans les gouvernements d’Ivo Sanader (HDZ) ;
- Marija Selak Raspudic (indépendante), députée, philosophe et bioéthicienne ;
- Ivana Kekin (Nous pouvons ! (Mozemo !)), députée. Elle s’engage à défendre des valeurs de gauche et écologistes ;
- Tomislav Jonjic (Parti des droits, HSP), juriste, diplomate et publicitaire. Il est soutenu par le Parti des souverainistes (HS) ;
- Niko Tokic Kartelo (indépendant), homme d’affaires ;
- Branka Lozo (Patrie et rassemblement national, DOMINO), professeur d’art graphique à l’université de Zagreb ;
- Miro Bulj (Le Pont (Most)), député et maire de Sinj, ville située au nord-est, près de la frontière avec la Bosnie-Herzégovine.
Le président de la République sortant est donné gagnant par les enquêtes d’opinion. Selon le dernier sondage réalisé par l’institut Promocija+ et publié le 6 décembre, Zoran Milanovic recueillerait 37,4% des suffrages le 29 décembre devançant le candidat du Premier ministre, Dragan Primorac, qui en obtiendrait 20,8%. Marija Selak Raspudic pourrait prendre la 3e place avec 10,4% et Ivana Kekin la 4e, avec 9,2%. Tous les autres candidats sont crédités de moins de 5% des voix.
Toutes les enquêtes d’opinion accordent la victoire au 2e tour à Zoran Milanovic.
La campagne électorale
« Pour la présidence, votez pour le président ! », tel est le slogan choisi par le chef de l’Etat sortant qui souhaite « Une Croatie qui s'occupe d'elle-même et qui protège ses intérêts doit également être un pays qui respecte chacun de ses citoyens, un pays dont les institutions sont au service du peuple et non des individus ».
Zoran Milanovic reste populaire parmi ses compatriotes et ce, en dépit du moment -inouï - de la campagne législative du 17 avril. En effet, mi-mars, le président de la République avait annoncé sa candidature aux élections législatives comme tête de liste du SDP à Zagreb dans la première circonscription de la capitale croate où se présentait le Premier ministre, Andrej Plenkovic.
« Parfois, il faut quitter sa zone de confort pour rassembler une majorité solide et former un gouvernement de salut national » avait-il déclaré.
Appelée à se prononcer sur cette situation inédite, la Cour constitutionnelle avait affirmé le 18 mars que la candidature d’un chef de l’Etat en exercice aux élections législatives était absolument impossible. « La candidature du président de la République aux élections législatives est incompatible avec la Constitution et le principe de séparation des pouvoirs. Le président de la République est une personne non partisane et il ne peut participer aux activités d'aucun parti politique. S'il souhaite être candidat, il doit démissionner » avait statué la Cour. Le chef de l’Etat n'est pas non plus autorisé à faire campagne en faveur d’une liste au risque d’entraîner l’annulation du scrutin. Zoran Milanovic, qui a été Premier ministre de 2011 à 2016, ne pouvait ignorer cette disposition, pourtant il a qualifié les membres de la Cour constitutionnelle de « paysans illettrés ».
Dès lors, la cohabitation entre le chef de l’Etat et le Premier ministre est houleuse.
Zoran Milanovic est opposé au soutien du gouvernement à l’Ukraine et à la participation des soldats croates à la mission de formation des soldats ukrainiens dirigée par l'OTAN. Le président sortant se dit « nationaliste » alors que Andrej Plenkovic plaide pour renforcer les liens de son pays avec les alliés occidentaux. Le Premier ministre accuse le chef de l’Etat de jouer avec la démocratie. Récemment, ce dernier a empêché le général Tihomir Kundid, chef d'état-major, d’assister à une réunion de la commission de la défense du Parlement. Il a aussi refusé de l’autoriser à informer les députés sur l’engagement de la Croatie dans une mission de l’OTAN en Ukraine. Pour Andrej Plenkovic, il ne s’agit rien de moins que d’un « coup d’Etat », d’une « attaque contre l’armée » et contre l’agence de sécurité et de renseignement du pays (SOA). Pour le chef du gouvernement, le président de la République se comporte « de façon dictatoriale et pharaonique » et son action ne bénéficie qu’à la Russie, compromet la sécurité nationale de la Croatie et déstabilise le pays.
« La Croatie a besoin d’un changement. Zoran Milanovic représente l’histoire tandis que Dragan Primorac représente l’avenir » a affirmé Andrej Plenkovic, ajoutant « Nous avons besoin d’un président de la République qui respecte la Constitution et l’Etat de droit, qui va ancrer la Croatie en Occident et qui va ramener un dialogue politique civilisé sur la scène politique ».
Le Premier ministre est sorti victorieux début décembre d’un vote de défiance au Parlement demandé par les partis d’opposition à la suite d'une enquête menée par l’agence en charge de la lutte contre la corruption (USKOK). Le ministre de la Santé, Vili Beros, a été arrêté et démis de ses fonctions le 15 novembre dans le cadre de cette enquête. Il est accusé de corruption, de blanchiment d'argent, d'abus de pouvoir et de trafic d'influence. 76 députés se sont opposés à la motion de défiance tandis que 64 l'ont soutenue.
Le mandat de Zoran Milanovic, s’il n’est pas réélu, s’achève le 18 février 2025
Les pouvoirs du président de la République
Le président de la République croate est élu pour 5 ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire. Il n'est rééligible qu'une seule fois.
La réforme constitutionnelle du 28 février 2001, qui a renforcé les pouvoirs du Sabor (nom du parlement) en supprimant l'ancienne chambre haute (la Chambre des Comitats), a considérablement réduit les pouvoirs du chef de l'Etat.
Celui-ci nomme le Premier ministre et les membres du gouvernement, il représente la Croatie à l'étranger et il accrédite les ambassadeurs. Il dispose d'un droit de regard sur les questions diplomatiques et il est associé au gouvernement dans l'élaboration et la conduite de la politique étrangère du pays. Commandant en chef des armées, il dispose de pouvoirs exceptionnels en temps de guerre. Enfin, le chef de l'Etat peut dissoudre le parlement, soumettre à référendum - avec l'accord du gouvernement - un projet de loi ou une réforme constitutionnelle ou encore demander la tenue d'un conseil des ministres exceptionnel sur certains sujets mais il ne peut s'opposer aux lois votées par les députés.
Tout candidat à la fonction présidentielle doit réunir sur son nom au moins 10 000 signatures d'électeurs sur son nom pour pouvoir participer au scrutin.
Rappel des résultats de l’élection présidentielle des 22 décembre 2019 et 5 janvier 2020 en Croatie
Participation : 51,18 % (1er tour) et 54,99 % (2e tour)
Source : https://www.izbori.hr/arhiva-izbora/index.html#/app/predsjednik-2019
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