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Les deux "grands" partis sévèrement sanctionnés par les Autrichiens, l'extrême droite en progression.

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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29 septembre 2008
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Les deux "grandes" forces politiques du pays – le Parti social-démocrate (SPÖ) et le Parti populaire (ÖVP) – toutes deux membres de la coalition gouvernementale sortante dirigée par Alfred Gusenbauer (SPÖ) - ont été sévèrement sanctionnées par les électeurs lors des élections législatives qui se sont tenues en Autriche le 28 septembre. Le Parti social-démocrate arrive toutefois en tête du scrutin et recueille 29,71% des suffrages et 58 sièges (- 10 par rapport aux élections législatives du 1er octobre 2006). Il est suivi du Parti populaire conduit par le ministre des Finances sortant Wilhelm Molterer qui obtient 25,61% des voix et 50 sièges (-16). Les deux partis tombent tous deux sous la barre des 30% des suffrages et remportent conjointement 55,32% des voix, soit leur plus faible résultat depuis la naissance de la République autrichienne en 1918.

Le Parti social-démocrate réalise ses résultats les plus élevés dans le Burgenland (40,42%) et à Vienne (35,78%) ; le Parti populaire dépasse les 30% dans le Vorarlberg (31,07%), au Tyrol (30,87%) et en Basse-Autriche (31,94%).

Les deux partis d'extrême droite - le Parti libéral (FPÖ) et l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ) – recueillent ensemble 28,99% des voix, soit 1,7 point au-dessus du résultat obtenu par le Parti libéral seul lors des élections législatives du 3 octobre 1999 et largement au-dessus des 15,1% que les deux partis avaient recueilli lors du scrutin du 1er octobre 2006. Le Parti libéral de Heinz-Christian Strache obtient 18,01% des suffrages (35 sièges, + 18) ; le parti de Jörg Haider recueille 10,98% des voix (21 sièges, + 14). Le BZÖ a séduit près de 4 électeurs sur 10 en Carinthie, Land dont son leader est le gouverneur (39,41%) tandis que le Parti libéral réalise son résultat le plus élevé à Vienne (21,42%).

Enfin, les Verts reculent et obtiennent 9,79% des voix (19 sièges, - 2).

La participation a été inférieure de 7 points à celle enregistrée lors des élections législatives du 1er octobre 2006 et s'est élevée à 71,48%.

"Le succès de l'extrême droite tient à un sentiment négatif de frustration de méfiance à l'égard de la grande coalition gauche droite au pouvoir entre janvier 2007 et juillet 2008" a déclaré Peter Filmzmaier, professeur à l'université du Danube de Krems. "Il n'existe pas en Autriche de parti populiste d'extrême gauche. Par conséquent, le vote protestataire se porte sur l'extrême droite et cette année, l'insatisfaction a encore progressé. Si vous demandez aux électeurs "Pensez-vous que votre situation économique et sociale est meilleure que celle d'il y a deux ou trois ans ?", une grande majorité répond "Non, elle s'est dégradée. Cet état d'esprit bénéficie aux partis populistes d'extrême droite qui affirment que les étrangers et les autres pays sont responsables de cette situation" analyse le politologue.

"Collectivement, le principal vainqueur, c'est la droite radicale mais cela ne signifie pas que ces deux partis pourront s'unir dans un partenariat politique" a déclaré Richard Luther, professeur à la Keele University au Royaume-Uni. Ce dernier privilégie la thèse d'une reconduction de la grande coalition rassemblant le SPÖ et l'ÖVP. Il note néanmoins que "celle-ci disposerait d'une faible légitimité" et que "la force des partis d'extrême droite va rendre extrêmement difficile la formation d'une coalition si l'une ou l'autre de ces deux formations n'entre pas au gouvernement".

"Les perspectives d'un gouvernement stable dans un proche avenir sont épouvantables" affirme le politologue Anton Pelinka. "Je pense que la mise au ban de Heinz-Christian Strache (leader du Parti libéral) par les deux principaux partis se poursuivra, ce qui veut dire qu'il n'y aura pas d'autre solution qu'une nouvelle coalition entre les deux mêmes partis" a-t-il estimé.

"J'ai réussi en à peine 3 ans à multiplier le score par 10" s'est réjoui Heinz-Christian Strache sur la chaîne de télévision ORF après l'annonce des résultats. "J'ai toujours dit qu'une coalition à deux partis est la variante la plus stable et celle qu'il faudrait préconiser" a t-il ajouté, offrant ses services pour le poste de Chancelier. "Le Parti social-démocrate et le Parti populaire ont été sanctionnés et rejetés. Et les sociaux-démocrates vont devoir clairement expliquer les raisons pour lesquelles ils ne souhaitent pas entamer des négociations pour former une autre coalition que la grande coalition sortante" a-t-il précisé. "Nous n'excluons rien, nous sommes ouverts à toutes les options s'il y a un contenu pour les Autrichiens" a déclaré le secrétaire général du FPÖ, Herbert Kickl.

Jörg Haider a déclaré que son parti était devenu "respectable" et a également fait acte de candidature pour participer au futur gouvernement. "Nul ne veut plus des sociaux-démocrates et des conservateurs et nous avons le devoir de trouver entre nous une majorité" a t-il affirmé. Il a confirmé que, comme il l'avait dit durant la campagne électorale, il souhaitait rester gouverneur du Land de Carinthie.

Le leader du Parti social-démocrate, Werner Faymann, devrait se voir confier la tâche de former le prochain gouvernement. L'arithmétique et surtout la logique politique devraient conduire à une reconduction de la grande coalition regroupant le SPÖ et l'ÖVP.

"Werner Faymann prendra sans doute la tête d'une nouvelle grande coalition mais les choses vont être difficiles parce que les grands partis apparaissent comme les grands perdants de ces élections législatives" déclare l'analyste politique Thomas Hofer. "Le résultat de ce scrutin montre que les électeurs ne font plus confiance aux deux grands partis. Nous sommes face à un véritable tremblement de terre ; les Autrichiens ne pensent pas que ces formations sont capables de lutter contre l'inflation ou d'assurer leur système de retraite ou de santé. Les électeurs sont en pleine incertitude quant à leur avenir, ce qui les a conduit à voter contre la grande coalition" ajoute-t-il.

Werner Faymann a exclu toute alliance avec les partis d'extrême droite. "Je maintiens notre "non" à une coalition avec le Parti libéral ou l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche. Nous voulons un gouvernement stable avec une large base, pas un gouvernement qui se querelle sans cesse et dont ne veulent pas les électeurs" a-t-il déclaré. "Ce que nous avons dit avant le scrutin reste d'actualité: il n'y aura pas de coalition avec le Parti libéral ou l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche" a répété la secrétaire générale du SPÖ Doris Bures après l'annonce des résultats avant de proposer à l'ÖVP l'ouverture de négociations en vue de la formation du prochain gouvernement.

En revanche, le leader de l'ÖVP, Wilhelm Molterer, a indiqué qu'il n'écartait pas a priori une coalition avec le Parti libéral à la condition que ce dernier renonce à son opposition à l'Union européenne. Une coalition rassemblant les deux partis d'extrême droite est de toute façon exclue, les deux partis se détestant plus encore qu'ils ne détestent les autres partis.

Le plan présenté il y a quelques semaines par Walter Faymann pour améliorer la vie quotidienne des Autrichiens (diminution de moitié de la TVA sur les produits alimentaires, suppression des frais d'inscription à l'université et augmentation des pensions des personnes âgées et des subventions accordées aux familles) ainsi que son changement de cap sur la question de l'Europe (le 24 septembre, le SPÖ s'est allié au FPÖ et au BZÖ pour voter en faveur d'un projet de loi stipulant que toute future modification des traités européens touchant aux intérêts autrichiens soit décidée par référendum) semble avoir réussi à ce dernier. "Sa campagne a été ouvertement populiste reprenant des arguments propres à l'extrême droite dans le but de ramener dans le giron social-démocrate un électorat populaire désorienté mais cela n'a marché qu'en partie et il a ainsi sérieusement entamé sa future crédibilité gouvernementale" déclare le professeur de sciences politiques Mario Telo à propos du leader social-démocrate.

Le professeur de science politique de l'université de Graz, Klaus Poier, affirme que "le Parti populaire a échoué parce qu'il n'avait pas de programme électoral prêt dans un contexte de ralentissement de la croissance économique et de montée de l'inflation".

Pour la première fois le 28 septembre, les jeunes âgés de 16 à 18 ans étaient autorisés à voter à des élections législatives. Ces nouveaux électeurs représentaient environ 183 000 personnes, soit 3% de l'ensemble des votants. 580 000 Autrichiens –soit 9,27% du total et le double de 2006 - avaient choisi de voter par correspondance. Le résultat du dépouillement de leurs bulletins ne sera connu que le 6 octobre prochain mais ne devrait pas modifier considérablement les résultats du scrutin.

Les négociations risquent d'être longues et difficiles contrairement au souhait du Président de la République Heinz Fischer qui avait exprimé il y a quelques jours son désir de voir le nouveau gouvernement rapidement formé à l'issue du scrutin (la constitution du précédent gouvernement avait pris 99 jours). En dehors de la reconduction de la grande coalition (dirigée par le SPÖ arrivé en tête des élections) dont l'échec a été à l'origine de ce scrutin anticipé et qui, selon les enquêtes d'opinion est rejetée par la grande majorité des Autrichiens, tous les autres gouvernements potentiels devront inclure au moins un parti d'extrême droite afin de s'assurer une majorité au Parlement.

Résultats des élections législatives du 28 septembre 2008 en Autriche

Participation : 71,48%

Source : Site internet de la chaîne de télévision ORF (http://orf.at/wahl08/)

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