Elections législatives en Autriche, 28 septembre 2008

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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1 septembre 2008
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

6 350 000 Autrichiens sont appelés aux urnes le 28 septembre prochain pour des élections législatives anticipées. Le 7 juillet dernier, le leader du Parti populaire (ÖVP) et vice-chancelier, Wilhelm Molterer, annonçait le retrait de son parti de la coalition gouvernementale dirigée par Alfred Gusenbauer (SPÖ) et réunissant depuis janvier 2007 les deux plus grands partis du pays, le Parti social-démocrate (SPÖ) et le Parti populaire.

Le 9 juillet dernier, le Parlement autrichien votait donc à l'unanimité sa dissolution. Alfred Gusenbauer est donc devenu le Chancelier ayant effectué le plus court mandat de la deuxième République autrichienne.

La "grande coalition" n'aura jamais réussi à s'imposer et les deux partis qui la composaient ne sont jamais parvenus à travailler ensemble et à devenir des partenaires. Le Parti populaire, surpris par sa défaite aux dernières élections législatives, n'a jamais accepté de ne pas diriger le gouvernement. Alors que le Parti social-démocrate souhaitait mettre en place de grandes réformes, le Parti populaire faisait du rétablissement de l'équilibre budgétaire un préalable à toute action réformatrice. Les deux partis ont donné durant 16 mois l'image d'être incapables d'agir et de passer leur temps à se quereller.

Cependant, si les enquêtes d'opinion montraient en mars dernier que 80% des Autrichiens étaient mécontents de l'action gouvernementale, peu nombreux étaient les électeurs se montrant désireux de retourner aux urnes ; plus des 2/3 d'entre eux (67%) se déclarent opposés à des élections anticipées. La majorité des Autrichiens manifestait son souhait de voir les deux grands partis du pays cesser leurs querelles et amorcer une coopération.

Le 4 mars, le Parti social-démocrate et les Verts votaient de concert en faveur de la mise en place d'une enquête parlementaire contre le précédent gouvernement de Wolfgang Schüssel (2004-2007) et notamment son ministre de l'Intérieur, Liese Prokop, pour manquements et corruption dans l'enquête sur la disparition de Natasha Kampush, jeune Autrichienne enlevée en 1998 et réapparue en 2007.

L'ancien chef de la police criminelle, Herwig Haidinger, accuse le gouvernement dirigé par Wolfgang Schüssel d'avoir exercé des pressions sur les forces de police et empêché l'arrestation du ravisseur, Wolfgang Priklopil, qui s'est donné la mort en 2007 après que la jeune fille se fut échappé de l'endroit où il la retenait prisonnière depuis 9 ans.

Outre le vote de cette enquête parlementaire, le Parti populaire a peu apprécié la signature le 26 juin dernier par Alfred Gusenbauer et Werner Fayman qui lui a succédé à la tête du Parti social-démocrate d'une lettre ouverte au quotidien Kronen Zeitung dans laquelle les deux hommes affirment que toute modification des traités européens qui touchera aux intérêts autrichiens (y compris toute révision du traité de Lisbonne, ratifié par l'Autriche le 13 mai dernier) devra désormais être décidée par référendum. Alfred Gusenbauer et Werner Fayman n'ont consulté ni les cadres de leur parti ni leurs partenaires du Parti populaire avant la rédaction de leur texte. Le Kronen Zeitung compte 3 millions de lecteurs quotidiens, soit 43% de la population autrichienne en âge de lire un journal. Propriété de Hans Dichand, fervent eurosceptique, il est actuellement le plus grand quotidien au monde rapporté à la population.

Par cette proposition, vieille revendication des eurosceptiques, les sociaux-démocrates montrent qu'ils n'hésitent pas se rapprocher des populistes en vue des prochaines élections législatives dans un pays qui apparaît comme l'un des plus eurosceptiques (selon la dernière enquête réalisée par l'Eurobaromètre au printemps dernier, seuls 36% des Autrichiens jugent positive l'appartenance de leur pays à l'Union européenne, contre 52% en moyenne dans l'Union). "L'hostilité à l'Europe est devenu une force puissante en Autriche et le Parti libéral (FPÖ) de Heinz-Christian Strache récolte les fruits de l'incapacité des partis principaux à expliquer aux électeurs les avantages de l'appartenance à l'Union européenne et de l'élargissement à l'Est" analyse le politologue Thomas Hofer.

Ce nouveau positionnement sur les affaires européennes a finalement provoqué la chute de la coalition gouvernementale, le Parti social-démocrate et le Parti populaire ne possédant plus aucun projet commun si la politique européenne, jusque là objet de consensus, devenait à son tour un facteur de division. Le Parti populaire a alors choisi de se rompre l'accord de coalition. Le politologue de l'Institut des sciences de communication de Vienne, Hannes Haas, affirme que Werner Faymann, considéré comme un homme de compromis, a succombé "à une réaction de panique" en signant ce texte.

La ministre des Affaires étrangères Ursula Plassnik (ÖVP) a révélé avoir fait l'objet d'une offre de soutien du journal Kronen Zeitung contre la promesse d'un référendum sur le traité de Lisbonne, une offre qu'elle aurait vertueusement déclinée. "Je crois qu'une bonne partie des opinions négatives (sur l'Union européenne) est imputable à un média en particulier, le Kronen Zeitung" a-t-elle déclaré, dénonçant les "simplifications conduisant à des impasses" et qui nuisent à la crédibilité de l'Autriche sur la scène internationale.

Le système politique autrichien

Le Parlement autrichien est bicaméral. Le Conseil national (Nationalrat) regroupe 183 députés fédéraux et le Conseil fédéral (Bundesrat) rassemble les 64 représentants des Länder. Les membres du Conseil national sont élus au scrutin proportionnel (un minimum de 4% des suffrages exprimés est indispensable pour y être représenté) à l'exception de la capitale Vienne et du Land du Voralberg où prévaut le scrutin majoritaire. Le vote est obligatoire dans plusieurs régions du pays, la Carinthie, la Styrie, le Tyrol et le Voralberg. Le nombre des députés élus dépend du rapport entre le nombre d'électeurs de la circonscription et celui des citoyens enregistrés dans la circonscription lors du dernier recensement.

La vie politique a longtemps été dominée par les deux grands partis : le Parti populaire (ÖVP) et le Parti social-démocrate (SPÖ). Jusque dans les années 1970, ces deux partis regroupaient en moyenne 93% des suffrages lors de chaque consultation électorale nationale. Mais deux phénomènes ont modifié le paysage électoral au début des années 1980 : l'apparition de nouvelles formations (notamment les Verts) et la renaissance de partis auparavant très minoritaires comme le Parti libéral créé en 1956.

L'Autriche fonctionne selon le Proporzsystem, système selon lequel les deux grands partis se répartissaient de façon équitable les postes du secteur public. En outre, le partenariat social du patronat et des syndicats (les chambres professionnelles regroupant les ouvriers et employés, les agriculteurs, les travailleurs de l'industrie et du commerce sont associées au processus de décision politique) ont constitué un élément clé de la paix sociale dans le pays depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Pour la première fois le 28 septembre prochain, les personnes âgées de 16 à 18 ans seront autorisées à voter à des élections nationales (une mesure déjà en vigueur dans 3 des 9 Länder). L'électorat s'accroîtra de plus de 200 000 votants par rapport au précédent scrutin législatif du 1er octobre 2006, dont 40 000 personnes entre 16 et 18 ans. "Nous avons décidé de montrer que les jeunes de 16 ans peuvent participer à la vie politique de leur pays parce que cela concerne leur avenir" a indiqué le ministre de la Santé, de la Famille et de la Jeunesse, Andrea Kdolsky (ÖVP).

La réforme modifiant la loi électorale votée en 2008 a changé la durée de la législature qui passe de 4 à 5 ans, une mesure destinée à harmoniser les mandats de l'ensemble des gouvernants (les gouverneurs des régions et la plupart des maires sont élus pour 5 ans).La réforme rend également plus facile le vote des Autrichiens de l'étranger qui pourront désormais remplir leur devoir civique par correspondance. Cette dernière mesure a permis l'adoption de l'ensemble de la réforme par le Parti populaire à qui le vote des électeurs de l'étranger est traditionnellement favorable alors qu'il est avéré que les jeunes, et donc les 16-18 ans, sont généralement plus portés à voter en faveur des partis situés à gauche sur l'échiquier politique. Cette réforme n'est que la première partie d'une réforme de l'Etat qui prévoit, entre autres, de rationaliser le partage des compétences entre l'Etat fédéral et les Länder.

Les "petits" partis (possédant moins de 3 députés au Conseil national) doivent, pour participer aux élections législatives, obtenir 2 600 signatures de soutien de citoyens. Celles-ci doivent obligatoirement être recueillies dans tout le pays : un minimum de 500 en Basse-Autriche et à Vienne, 400 en Haute-Autriche et en Styrie, 200 en Carinthie, au Tyrol et à Salzbourg et enfin 100 dans le Burgenland et le Vorarlberg.

5 partis politiques sont actuellement représentés au Conseil national :

- le Parti social-démocrate (SPÖ), dirigé depuis mi-juin 2008 par l'ancien ministre des Transports Werner Faymann et principale formation de la coalition gouvernementale sortante, a gouverné l'Autriche de 1970 à 1983 sous la conduite du Chancelier Bruno Kreiski. En 1986, après un rapprochement désastreux avec le Parti libéral (FPÖ), le chancelier Franz Vranitzky a conclu une alliance avec le Parti populaire avec qui il a gouverné jusqu'en 1999. Il compte 68 députés ;

- le Parti populaire (ÖVP), formation de centre droit dirigée par Wilhelm Molterer et membre de la coalition sortante, possède 66 sièges ;

- les Verts (Die Grünen), formation écologiste dirigée par Alexander van der Bellen, compte 21 députés ;

- le Parti libéral (FPÖ), dirigé par Heinz-Christian Strache et situé à l'extrême-droite, possède 21 sièges ;

- l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ), formation d'extrême-droite issue d'une scission avec le Parti libéral et créée le 4 avril 2005 par Jörg Haider qui vient d'en reprendre la tête après la condamnation de son ancien leader, Peter Westenthaler, à 9 mois de prison avec sursis le 29 juillet dernier, possède 7 sièges.

Le Bundesrat est l'organe de représentation des Länder. Chaque Land possède sa propre Constitution et est administré par un gouvernement (Landesregierung) et une Diète (Landtag). Les Länder sont compétents dans tous les domaines ne relevant pas expressément de l'Etat fédéral : aménagement du territoire, protection de l'environnement, occupation des sols, transports. Chaque Land élit au Bundesrat (au scrutin proportionnel selon un système complexe) un nombre de représentants proportionnel à sa population (au minimum 3). Vienne, qui constitue la région la plus peuplée, possède 12 représentants. La présidence du Bundesrat est assurée par un Land différent tous les 6 mois en suivant l'ordre alphabétique.

Les enjeux des élections législatives

Les élections législatives du 28 septembre prochain se présentent comme difficiles pour les deux grands partis (SPÖ et ÖVP) menacés par deux mouvements concomitants : une nouvelle poussée des partis d'extrême droite et la poursuite de la fragmentation de l'électorat constatée depuis plusieurs scrutins législatifs et qui met à mal le bipartisme autrichien. L'année 1986 qui a vu la naissance des Verts et Jörg Haider prendre la tête du Parti libéral est souvent considérée comme celle où les choses ont commencé à changer.

Si d'aucuns ont pu croire l'extrême droite autrichienne affaiblie, voire abattue, après son expérience gouvernementale (2000-2006) auprès du Chancelier Wolfgang Schüssel et sa scission en deux branches opposées en 2005, ils se sont lourdement trompés. Selon les analystes politiques, les deux partis les plus à droite de l'échiquier politique (FPÖ et BZÖ) pourraient recueillir ensemble plus de 20% des suffrages le 28 septembre. Le directeur de l'institut d'analyse et de recherche sociales, Christoph Hofinger, estime que "le jour du scrutin, l'extrême droite va prendre des voix aux deux principaux partis, les sociaux-démocrates et les libéraux, et gagner également quelques suffrages de ceux qui pensaient s'abstenir".

Entre 1983 et 1999, 850 000 électeurs ont quitté le Parti populaire et 780 000 le Parti social-démocrate. Autre élément d'inquiétude pour les analystes politiques, les résultats d'une enquête réalisée par l'Association des études de sciences sociales et publiée le 29 juillet dernier qui, selon le politologue Ernst Gehmacher, révèle une situation "préoccupante et dangereuse" pour la vie politique du pays. Dans ce sondage, plus d'un tiers des Autrichiens déclarent en effet ne faire confiance à aucun parti politique, majoritairement pour les raisons suivantes : l'échec de la grande coalition, la mauvaise image qu'ils ont des hommes politiques et le sentiment d'insécurité qu'ils éprouvent. "L'heure des "petits partis" est venu" affirme-t-il.

Lors des dernières élections législatives du 1er octobre 2006, les Verts sont arrivés pour la première fois à la troisième place, devançant le Parti libéral d'extrême justesse (532 voix). Au total, 10 partis politiques seront en lice pour le scrutin du 28 septembre prochain, un record dans l'histoire autrichienne : le Parti social-démocrate, le Parti populaire, le Parti libéral, les Verts, l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche, le Forum libéral (LIF), le Parti communiste (KPÖ) emmené par Mirko Messner, Sauvons l'Autriche (Rettö) de Wilfried Auerbach, opposé à l'Union européenne et qui a pour but l'organisation d'un référendum sur le traité de Lisbonne, et les Chrétiens (DCP) conduits par Alfons Adam. Ces 9 partis auront des listes dans tout le pays ; l'alliance électorale appelée La Gauche ne sera présente que dans 5 Länder.

Ces élections législatives anticipées s'avèrent risquées pour les deux grands partis. "Les deux grandes formations ne bénéficieront pas des élections anticipées dont elles n'ont rien à gagner et qui ne leur permettront certainement pas de parvenir à un résultat confortable pour négocier" affirme Sven Gächter, éditorialiste à l'hebdomadaire Profil. A l'issue du scrutin du 28 septembre, l'Autriche pourrait, pour la première fois de son histoire, devoir former un gouvernement tripartite.

Les forces en présence

"Assez de querelles" (Genug Gestritten), tel est le slogan adopté par le Parti social-démocrate. Le choix de ce slogan a fait l'objet de nombreuses remarques ironiques, certains affirmant que cette bonne résolution arrivait un peu tard. Le parti au pouvoir a choisi, contrairement à son principal adversaire le Parti populaire, de faire figurer sur ses affiches électorales le portait de son nouveau leader, Werner Faymann, ministre des Transports. Il a été élu par 98,36% des suffrages des 574 délégués présents lors du 40e congrès du parti qui s'est réuni à Linz le 8 août dernier en lieu et place du Chancelier sortant Alfred Gusenbauer. Alors que celui-ci avait fini par se faire beaucoup d'ennemis au sein de son parti et était régulièrement accusé de "capitulation" devant le Parti populaire et finalement rendu responsable de l'échec de la coalition gouvernementale, Werner Faymann est décrit comme un homme de consensus.

Le Parti social-démocrate a choisi de mettre en avant dans son programme la réforme du système de santé sur laquelle il n'est jamais parvenu à trouver un accord avec le Parti populaire. Il a également promis une réforme fiscale en faveur des classes moyenne et modeste, ainsi que la suppression des frais d'inscription universitaire pour 2009 en cas de victoire lors du scrutin le 28 septembre. Enfin, il met en avant les succès obtenus en matière d'emploi et rappelle que le chômage a chuté ces derniers mois. En revanche, l'inflation a atteint, en juin dernier, son taux le plus haut depuis 15 ans, s'élevant à 4%. Les sociaux-démocrates souhaitent baisser les impôts de 2,5 milliards € l'an prochain et réduire les taxes sur les produits de première nécessité. Le 21 août dernier, le directeur du Centre autrichien de recherche économique, Karl Aiginger, a affirmé l'urgence d'une réforme fiscale en Autriche, appuyant le programme économique du Parti social-démocrate.

Lors du congrès de Linz, Werner Faymann a formellement écarté l'éventualité d'une coalition gouvernementale avec le Parti libéral de Heinz-Christian Strache. Il a également annoncé qu'il ne formerait pas de coalition avec le Parti populaire si Wilhelm Molterer restait le leader de l'ÖVP et si Wolfgang Schüssel conservait le leadership du Parti populaire au Parlement.

"C'en est assez !", tel est le slogan du Parti populaire pour le scrutin du 28 septembre. Parmi les thèmes développés figurent les soins aux personnes âgées, thème de campagne des précédentes élections législatives du 1er octobre 2006, la lutte contre l'inflation, le contrôle de l'immigration et l'obligation pour les étrangers vivant en Autriche d'apprendre l'allemand. Concernant l'inflation, Wilhelm Molterer a suggéré de réduire les impôts pour les plus bas salaires et d'augmenter les subventions pour les familles avec enfants et les pensions de retraite d'ici novembre 2009. Les baisses d'impôts prévues devraient atteindre 2,7 milliards €, soit 4% du total, en 2010.

Crédité de 20% des suffrages, soit près du double du résultat qu'il avait obtenu lors des précédentes élections législatives (11%), le Parti libéral surfe sur les sondages à un mois du scrutin. Son président, Heinz-Christian Strache, âgé de 39 ans, cultive son image de jeune politicien face aux figures d'Alfred Gusenbauer et de Wilhelm Molterer. Sa popularité a d'ores et déjà obligé les deux "grands" partis politiques à le prendre en compte. Le Parti populaire a durci son discours sur l'immigration, proposant même d'expulser les demandeurs d'asile déboutés pendant 10 ans et s'oppose fermement à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne pour laquelle il souhaite consulter le peuple par référendum. Le Parti social-démocrate a modifié son discours sur l'Union européenne.

Heinz-Christian Strache bénéficie sans conteste d'une position identique à celle de Jörg Haider lors des élections législatives du 3 octobre 1999. Cependant, selon le politologue Peter Filzmeier, "Jörg Haider rassemblait les nostalgiques du passé. Aujourd'hui, les sympathisants du Parti libéral sont majoritairement des hommes, âgés de 30 à 40 ans et positionnés très à droite sur l'échiquier politique". "Le Parti libéral a choisi de faire du Jörg Haider des années 1990 sans Jörg Haider" analyse le politologue Anton Pelinka. Le parti pratique, en effet, une politique populiste d'opposition systématique fondée sur la xénophobie, la dénonciation de l'islam et le rejet de l'Union européenne.

Le 14 août dernier, Jörg Haider a annoncé son retour en politique et sa décision de conduire la liste du BZÖ le 28 septembre. Le leader d'extrême droite s'était officiellement retiré de la scène politique nationale en 2006, abandonnant la tête de son parti à Peter Westenhaler et décidant de se concentrer sur son Land de Carinthie. "C'est de mon devoir de patriote" a t-il déclaré une semaine après avoir été élu à la tête du BZÖ après que Peter Westenhaler a été condamné à 9 mois de prison avec sursis pour parjure et mensonge sous serment et faux témoignage le 29 juillet dernier. Ce dernier avait, en effet, déclaré n'avoir rien remarqué de particulier et avoir passé une très bonne soirée lors des élections législatives du 1er octobre 2006 où les membres du parti célébraient leurs résultats électoraux alors même que durant cette soirée, son garde du corps a été reconnu coupable d'avoir blessé le porte-parole de l'ancienne ministre de la Justice, Karin Gastinger. Quelques jours avant le scrutin, Karin Gastinger avait quitté le BZÖ qu'elle accusait de xénophobie.

Jörg Haider a indiqué que quel que soit le résultat que son parti obtiendra (il s'est fixé pour objectif de dépasser le seuil des 4% de voix obligatoires pour être représenté au Parlement), il conserverait son poste de gouverneur de Carinthie, poste qu'il devrait remettre en jeu lors des prochaines élections régionales qui se dérouleront dans le Land en 2009. Il a également affirmé qu'il n'était pas intéressé par un siège au Conseil national, mais seulement par la fonction de Chancelier.

Le directeur de l'institut Gallup, Fritz Karmasin, affirme que "la présence de Jörg Haider dans la course va attirer des sympathisants du Parti libéral vers l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche". Selon le directeur de l'institut d'analyse et de recherche sociales Christoph Hofinger, Jörg Haider a été, à une époque, l'un des politiciens européens les plus talentueux et s'il est difficile de savoir de quel soutien il bénéficie toujours actuellement, sa personnalité devrait attirer les électeurs. "Je pense que sa présence dans la course va booster la participation" affirme t-il, ajoutant "il est très intelligent mais en dehors de la Carinthie, son image est plutôt mauvaise". L'Alliance pour l'avenir de l'Autriche devrait toutefois pâtir de son manque d'assise nationale.

Le leader d'extrême droite, qui a expulsé de Carinthie trois demandeurs d'asile, deux Arméniens de 43 et 14 ans et un Tchétchène de 44 ans, vers le camp de réfugiés de Traiskirchen (quelque temps plus tôt, une opération similaire visant à expulser 6 personnes avait échoué, la ministre de l'Intérieur Maria Fekter (ÖVP) ayant fait intercepter le bus qui les transportait à la frontière de la Carinthie), devrait centrer sa campagne électorale sur l'immigration et les étrangers. "Dans le peu de temps qui lui reste, Jörg Haider va certainement marteler encore et encore ses positions sur ces sujets" analyse Wolfgang Bachmayer de l'institut d'opinion OGM. "Il n'y a pas de place sur l'échiquier politique pour un 2e parti de droite populiste" considère toutefois Anton Pelinka. Le BZÖ professe en effet une idéologie similaire à celle du FPÖ, s'adresse aux mêmes électeurs et mobilise sur des thèmes similaires (dénonciation de l'immigration, opposition à l'Union européenne, etc.).

Les Verts devraient bénéficier le plus de l'extension du droit de vote aux plus de 16 ans. Selon le directeur de l'institut d'opinion Linz, Werner Beutelmeyer, la formation écologiste plaît aux plus jeunes pour qui elle est un "parti cool". Lors du précédent scrutin du 1er octobre 2006, 22% des personnes âgés de 18 à 24 ans se sont prononcés en faveur des Verts, contre 11% pour l'ensemble de l'électorat autrichien.

L'ancien membre du Parti populaire Fritz Dinkhauser conduira sa liste le 28 septembre prochain sous le nom de Citoyens pour l'Autriche. Le 8 juin dernier, l'homme politique tyrolien a devancé le Parti social-démocrate et est arrivé en deuxième position lors des élections régionales qui se déroulaient dans son Land en recueillant 18,35% des suffrages. Annonçant une campagne "modeste et indépendante", Fritz Dinkhauser, qui se déclare "conservateur-libéral", veut faire une "politique pour le peuple et non une politique des lobbies". "Les partis les mieux établis doivent se méfier, la frustration est grande dans le pays" a-t-il averti. Le candidat du Tyrol a affirmé qu'un résultat de 6% ou 7% serait, pour lui, un "grand succès".

La fondatrice du Forum libéral (LIF), Heide Schmidt, a décidé de mettre fin à sa retraite politique et de conduire la liste de son parti le 28 septembre. Le parti a été représenté au Parlement de 1993 à 1999. Le millionnaire Hans Peter Haselsteiner, patron de l'entreprise Strabag, première entreprise de construction d'Autriche (et sixième d'Europe dans ce secteur) et porte-parole du Forum libéral en matière économique, a demandé à la mi-août que les impôts soient augmentés pour les plus riches des Autrichiens, souhaitant la mise en place d'une "contribution de solidarité" pour préserver la paix sociale.

Peter Ulram de l'institut d'opinion Fessel-GfK estime que les électeurs du Parti social-démocrate et du Parti populaire pourraient se tourner plus aisément vers la liste Citoyens pour l'Autriche-Fritz Dinkhauser que vers le Parti libéral, ce dernier ne représentant pas une alternative sérieuse à la politique actuelle. L'analyste considère également que le Forum libéral est plus à même d'attirer des électeurs venus de la gauche (Parti social-démocrate et Verts) que ceux du Parti populaire.

La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Market et publiée le 28 août par le magazine News place pour la première fois le Parti social-démocrate en tête des intentions de vote avec 28% des suffrages. Il est suivi du Parti populaire qui recueillerait 26% des voix, des Verts (13%), du Parti libéral (20%), de l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (4%). Citoyens pour l'Autriche-Fritz Dinkhauser et le Forum libéral n'obtiendraient que 3% chacun et ne pourraient donc être représentés au Conseil national.

La remontée dans les sondages du Parti social-démocrate s'explique probablement par l'annonce récente de Walter Faymann de faire voter le 18 septembre prochain lors d'une session spéciale du Parlement un ensemble de mesures destinées à améliorer la vie quotidienne des Autrichiens. Le leader social-démocrate veut en effet diminuer de moitié la taxe sur la valeur ajoutée sur les produits alimentaires, supprimer dès maintenant les frais d'inscription à l'université et augmenter les pensions des personnes âgées et les subventions accordées aux familles. Wilhelm Molterer a accusé les sociaux-démocrates de pratiquer une politique onéreuse et inefficace et d'entraîner le pays dans le chaos.

8 Autrichiens sur 10 (80%) déclarent qu'ils se rendront aux urnes le 28 septembre prochain.

Rappel des résultats des élections législatives du 1er octobre 2006 en Autriche

Participation : 78.5%

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