Elections législatives en Biélorussie, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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22 septembre 2008
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

280 candidats sont officiellement en lice pour le scrutin législatif du 28 septembre prochain en Biélorussie, soit trois fois moins que lors du précédent scrutin législatif du 17 octobre 2004. 62 personnes, soit un peu plus d'un cinquième du total, se présentent de façon indépendante ; 34 sont des députés sortants. Dans 12 circonscriptions, un seul candidat sera en lice ; dans 53 autres, le scrutin se résumera à un duel entre 2 candidats. Adzintsowski, la 7e circonscription de Minsk, est celle qui compte le plus grand nombre de candidats. De façon générale, les personnalités du Front populaire sont concentrées dans la capitale, celles du Parti social-démocrate (Narodnaya Hramada) à Brest-Litovsk et les candidats du Parti communiste dans la 2e ville du pays, Homiel.

A une semaine du scrutin, les rumeurs de boycott se font de plus en plus vives parmi les partis d'opposition. Le Front populaire, plus vieux parti d'opposition du pays, a annoncé qu'il retirerait ses candidats 5 jours avant les élections pour dénoncer "leur caractère faussement démocratique" si aucune aucun progrès n'était enregistré sur la voie de la démocratisation. Liavon Barshchewski, son président, a invité l'ensemble des partis d'opposition à suivre cet exemple. "Une fraude massive se prépare" a-t-il déclaré.

Les forces de l'opposition mettent en avant leur faible présence au sein des commissions électorales locales, celles-ci demeurant aux mains du pouvoir en place. Seules 46 personnes sur 1 900 candidats ont été autorisées à y siéger. Le Front populaire envisage de demander de nouvelles élections législatives. "Nous ne pouvons reconnaître la future Chambre des représentants (Palata pretsaviteley) car la situation politique de la Biélorussie ne s'est pas améliorée depuis 2004, elle a même, par certains aspects, empirée" a déclaré Liavon Barshchewski.

L'idée du boycott ne fait cependant pas l'unanimité. Le leader du Parti civique uni, Anatoli Liabedzka, candidat dans la circonscription Suhkarawski de Minsk, estime qu'en ne participant pas aux élections législatives, la coalition de l'opposition se transformerait en un mouvement dissident et il considère que l'opposition se doit de chercher un compromis avec les autorités en place. "Il est important que les forces démocratiques soient reconnues à l'issue de ces élections ; plus large sera notre base, plus nous aurons de chance en 2011 (année de l'élection présidentielle)" a-t-il déclaré.

Alexandre Milinkevitch, candidat des Forces démocratiques unies à la dernière élection présidentielle du 19 mars 2006 (il a obtenu 6% des suffrages, contre 82,6% pour Alexandre Loukachenko), partage son opinion. Il affirme que, même si les prochaines élections législatives ne sont pas démocratiques, elles constituent néanmoins l'occasion pour l'opposition de se faire entendre. "Si l'opposition entre au Parlement, ce que souhaite ouvertement Alexandre Loukachenko, les députés auront été désignés d'office mais même si tel est le cas, nous disposerons de ce que nous n'avons jamais obtenu en 12 ans, c'est-à-dire d'une représentation de l'opposition" a déclaré Alexandre Milinkevitch au quotidien Vremya Novostei.

A l'initiative de la Pologne, l'Union européenne a récemment envisagé de lever ses sanctions contre la Biélorussie. "La situation a changé parce que les autorités biélorusses ont pris un certain nombre de décisions qui remplissent nos conditions, par exemple par la libération des prisonniers politiques, et donné des signes que les élections législatives du 28 septembre seront plus démocratiques que les précédentes qui avaient conduit l'Union européenne à renforcer ses sanctions" a déclaré Radoslaw Sikorski, ministre polonais des Affaires étrangères, qui a ajouté : "Mes arguments et mes propositions ont été encouragés par le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, et la Commissaire européenne chargée des relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner".

Cette dernière s'est en effet déclaré favorable aux propositions de Varsovie estimant que c'était à l'Union européenne de "faire un geste" après la libération des prisonniers politiques (le 16 août dernier, Alexandre Loukachenko a libéré le plus célèbre des prisonniers politiques, Alexandre Kozouline, 4 jours plus tard, Sergueï Parsioukevitch et Andreï Kim quittaient également leur prison). Benita Ferrero-Waldner a toutefois souligné que rien ne pouvait être décidé avant les élections législatives du 28 septembre. "Mais nous pourrions envoyer un signal montrant que nous sommes prêts" a-t-elle indiqué, évoquant la possibilité de réduire les tarifs des visas d'entrée dans l'Union européenne pour les Biélorusses.

Le 15 septembre dernier, les 27 ministres des Affaires étrangères ont indiqué que si Alexandre Loukachenko "saisit l'opportunité de démontrer son respect pour les valeurs démocratiques et permet un accès effectif des observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à toutes les étapes du déroulement des élections législatives du 28 septembre prochain", ils étaient "prêts à commencer à réexaminer les mesures restrictives à l'encontre des responsables biélorusses". Ils se sont également dit "prêts à prendre des mesures positives" tels que "l'accroissement des échanges officiels, commerciaux et culturels ou le déblocage de la politique de voisinage" qui permettrait à la Biélorussie de recevoir une aide financière conséquente.

Les Etats-Unis voient également dans la bonne tenue des élections un "élément important" pour une éventuelle levée des sanctions. "Des mesures positives de la part de Minsk pourraient mener à une amélioration significative des relations entre les Etats Unis et la Biélorussie, y compris à la levée des restrictions de visas et des sanctions économiques" a indiqué le porte-parole du Département d'Etat, Robert Wood. Washington a suspendu il y a trois semaines certaines des sanctions économiques qu'il faisait peser sur la Biélorussie.

Alexandre Kozouline, Sergueï Parsioukevitch et Andreï Kim ont récemment affirmé qu'il était "prématuré de dire que il n'y a plus de prisonniers politiques en Biélorussie". "Nous sommes heureux d'être sortis de prison mais nous ne jouissons pas d'une réelle liberté" a déclaré Alexandre Kozouline, ajoutant "nous voyons notre libération comme une mesure de justice mais nous n'avons jamais admis notre culpabilité et nous croyons que nous avons été condamnés pour des raisons politiques". "Le seul fait que je sois ici prouve que Alexandre Loukachenko ne pouvait pas ne pas tenir compte de la pression combinée de l'Europe et des Etats-Unis" a t-il affirmé mentionnant que, selon lui, les progrès réalisés par les autorités en place sur la voie de la démocratisation étaient ténus et que les changements étaient "des changements de façade, aucun changement fondamental". "Alexandre Loukachenko n'a pas de stratégie d'amélioration de ses relations avec l'Occident, il marchande avec les Occidentaux d'un côté et avec les Russes de l'autre pour obtenir le maximum. L'Europe ne doit pas fermer la porte mais être consciente de ce marchandage. Le régime qui gouverne sans partage depuis 1994 est peut être fatigué et c'est le moment de coopérer" a-t-il indiqué, précisant qu'il ne fallait pas "placer les priorités économiques devant les valeurs fondamentales des droits de l'Homme".

Alexandre Milinkevitch a appelé le 12 septembre dernier l'Union européenne à encourager le gouvernement biélorusse sur la voie de la démocratisation et à "partiellement ou complètement" lever les sanctions qui pèsent sur le pays.

En cette veille de scrutin législatif, Alexandre Loukachenko semble en effet énormément se soucier de son image auprès de l'Occident. Il a indiqué que la Biélorussie ne prendrait sa décision de reconnaître ou non l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, deux provinces géorgiennes ayant unilatéralement déclaré leur indépendance, qu'en octobre prochain après le renouvellement de la Chambre des représentants. En août dernier, le silence de la Biélorussie après l'entrée des chars russes en Géorgie avait déjà été remarqué. L'an passé, Alexandre Loukachenko avait déclaré que les relations de son pays avec la Russie devaient être revues et avait menacé Moscou de lui faire payer un droit de passage sur son territoire (la Russie doit traverser la Biélorussie pour atteindre l'enclave de Kaliningrad). Dans un entretien publié le 19 septembre par le Financial Times et la Frankfurter Allgemeine Zeitung, Alexandre Loukachenko a indiqué que "les Etats-Unis et l'Union européenne sont plus forts que la Russie".

S'il multiplie les ouvertures à l'Ouest, le dirigeant biélorusse est cependant lié à la Russie voisine qui lui vend, par exemple, son gaz à prix d'ami (119 $ les 1000m3 contre 400 $ pour les Européens) et lui achète nombre des produits que le pays fabrique. Un abandon de Moscou serait particulièrement onéreux pour Minsk. "La Russie veut entrer dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui impliquerait l'abandon de ces tarifs préférentiels et l'application des tarifs similaires à ses clients. La Biélorussie n'est pas prête. La dette de la Biélorussie est énorme à l'égard de la Russie, 10 à 12 milliards $ environ" affirmait Alexandre Milinkevitch dans un entretien au quotidien Le Monde le 9 mai dernier.

Enfin, Alexandre Loukachenko se montre également très soucieux de satisfaire l'Union européenne et les Etats-Unis lors des élections législatives du 28 septembre dans la perspective du prochain scrutin présidentiel qui aura lieu en 2011 et auquel il compte bien se représenter.

"Le monde entier attend les premières élections libres et démocratiques en Biélorussie depuis 1994 (année de l'arrivée au pouvoir d'Alexandre Loukachenko)" indique Ihar Rynkevich, proche d'Alexandre Kozouline, membre du Parti social-démocrate et candidat à Minsk pour ce scrutin législatif. En dépit des récentes évolutions du régime, le scrutin du 28 septembre ne devrait pas être très différent de ceux qui se sont tenus durant ces 14 dernières années.

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