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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Dominant la scène politique monténégrine depuis près de deux décennies, Milo Djukanovic s'est de nouveau largement imposé dans les urnes et conserve donc, pour la 4e fois, son poste de Chef du gouvernement.
La coalition "Le Monténégro européen" - formée par l'Union démocratique des socialistes (DPS), parti du Premier ministre sortant, le Parti social-démocrate (SPD) dirigé par Ranko Krivokapic, le Parti bosniaque (BS) de Rafet Husovic et l'Initiative citoyenne croate (HI) - est arrivée en tête du scrutin avec 51,1% des suffrages, soit la majorité absolue, et remporte 49 des 81 sièges du Parlement. Le principal parti d'opposition, le Parti populaire socialiste (SNP) de Srdjan Milic obtient 16,1% des voix (15 sièges), Nouvelle démocratie serbe (NOVA) 9% (8 sièges), le Mouvement pour le changement (GZP) 6,1% (4 sièges) et la coalition formée par le Parti populaire (NS) et le Parti démocratique serbe 3% (2 sièges). Les partis albanophones devraient avoir 3 sièges.
La participation s'est élevée à 66%, soit au-dessous de celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 10 septembre 2006 (- 5,37 points).
"Les Monténégrins ont clairement choisi de voter pour une vie sûre, pour la prospérité économique et pour un avenir européen" a déclaré le Premier ministre sortant Milo Djukanovic après l'annonce des premiers résultats. "Ces résultats montrent que les électeurs estiment que la coalition Le Monténégro européen est capable de faire face à la crise économique. Nous ferons tout ce qui est possible pour mettre en place rapidement un gouvernement responsable et compétent qui mènera en toute confiance les réformes économiques et démocratiques et fera avancer très vite le Monténégro vers ses objectifs d'adhésion à l'Union européenne et à l'Otan" a-t-il ajouté.
Le Président de la République, Filip Vujanovic a déclaré souhaiter que "la future opposition travaille avec le pouvoir dans l'intérêt des citoyens et avant tout dans le but de surmonter les effets de la crise économique globale".
Les forces de l'opposition, morcelées, ne pouvaient pas s'imposer, leur division les empêchant d'envisager de former une coalition gouvernementale. "Nous avions mis en garde les gens de ne pas éparpiller leurs voix entre les petits partis mais l'opposition a perdu en raison d'une trop grande fragmentation des votes" a indiqué le leader de la Nouvelle démocratie serbe, Andrija Mandic. Une analyse confirmée par l'éditorialiste Drasko Djuranovic qui souligne que les Monténégrins ont jugé la coalition gouvernementale sortante comme plus sûre pour affronter la crise économique internationale. "Ce résultat va être vu en Europe comme un signe de stabilité" a-t-il déclaré.
"Il s'agit sans aucun doute de la victoire la plus convaincante de ces 10 dernières années de la coalition sortante et de l'Union démocratique des socialistes" a souligné Srdjan Darmanovic, professeur à la faculté des sciences politiques de Podgorica, ajoutant "Il sera primordial de voir désormais comment un nouveau gouvernement issu de la coalition sortante gère la crise économique et ses obligations résultant de l'intégration à l'Union européenne et à l'Otan. Un tel résultat donne une liberté totale à la coalition au pouvoir pour diriger la politique d'Etat. Nous entrons dans des années de grands défis".
Milo Djukanovic avait justifié ces élections législatives anticipées par son souhait de préparer au mieux la candidature du Monténégro à l'adhésion à l'Union européenne, un sujet qui fait consensus dans la classe politique. La coalition gouvernementale sortante assure être la mieux à même de gérer les effets de la crise économique mondiale sur le pays. Les partis de l'opposition avaient réfuté l'argument, affirmant que le gouvernement souhaitait en fait éviter d'avoir à affronter le mécontentement de la population et la baisse de sa popularité que la crise économique internationale ne peut qu'amplifier.
La croissance du PIB, qui s'élevait à 8% l'an passé au Monténégro, devrait chuter en 2009. Le Premier ministre, qui assure que son gouvernement combattra la crise, sauvera l'économie, soutiendra les entreprises et assurera les pensions de retraite, a déclaré qu'une croissance zéro représenterait un "succès". Il devrait annoncer des mesures de rigueur et négocier un plan de sauvetage avec le Fonds monétaire international (FMI). "L'absence de liquidités constitue le problème le plus important pour l'Etat" indique le professeur d'économie Milenko Popovic. "L'absence de liquidités devient de plus en plus visible. Mais nos problèmes sont structurels car le système a favorisé les profits faciles, la spéculation boursière et les investissements à risque" confirme l'ancien vice-Premier ministre Zarko Rakcevic.
La plus importante entreprise du pays, KAP, qui travaille dans le secteur de l'aluminium, emploie 4 000 personnes et représente environ la moitié des exportations du Monténégro et 20% du PIB du pays, connaît des difficultés. Ses responsables viennent de reconnaître qu'ils sont incapables d'envisager l'avenir de l'entreprise au-delà de quelques mois. Le propriétaire de KAP, le milliardaire russe Oleg Deripaska, a néanmoins refusé les 20 millions € que le gouvernement de Milo Djukanovic lui a proposés. Le tourisme, autre secteur très important du pays, est très touché par la crise économique internationale.
Agé de 47 ans, Milo Djukanovic est entré tôt en politique, rejoignant dès 1979 la Ligue des communistes de Yougoslavie, parti politique dominant de l'ex-Yougoslavie. Un peu plus d'une dizaine d'années plus tard, il fonde avec ses amis Momir Bulatovic et Svetozar Marovic le Parti démocratique socialiste du Monténégro (DPS) et s'impose à la tête du Monténégro, devenant, à 29 ans en 1991, le plus jeune Chef de gouvernement de toute l'Europe. Après avoir longtemps soutenu Slobodan Milosevic, Milo Djukanovic rompt avec le dictateur serbe en 1997 puis, un peu plus tard, avec l'idéologie communiste. En 1998, il devient Président de la République du Monténégro et signe avec la Serbie le 14 mars 2002 les accords de Belgrade qui unissent les deux entités serbe et monténégrine dans l'Etat de Serbie et Monténégro, l'obligeant à patienter au moins 3 ans avant de pouvoir organiser la consultation populaire dont il rêve et qui doit permettre à son pays de recouvrer son indépendance. Devenu Premier ministre en mai 2003, le référendum du 21 mai 2006 par lequel le Monténégro devient indépendant constitue le moment de gloire de Milo Djukanovic. Quatre mois plus tard, celui-ci remporte largement les élections législatives et entame son 3e mandat à la tête du gouvernement, le premier dans un Monténégro indépendant. Des rumeurs circulent régulièrement sur son retrait de la scène politique. La majorité des analystes politiques s'accordent à voir en Igor Luksic, ministre des Finances sortant nommé vice-Premier ministre, son successeur le plus probable. Le nom de Branimir Gvozdenovic, collaborateur de Milo Djukanovic et grand artisan des privatisations dans le pays, est également avancé.
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