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Victoire de l’Union chrétienne-démocrate et percée de l’extrême droite aux élections fédérales allemandes

Élections en Europe

Corinne Deloy

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24 février 2025
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Victoire de l’Union chrétienne-démocrate et percée de l’extrême droite aux élect...

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L'Union chrétienne-démocrate (CDU), principal parti d’opposition, dirigé par Friedrich Merz, a remporté les élections fédérales anticipées du 23 février en Allemagne. Allié à l’Union chrétienne-sociale (CSU), conduit par le ministre-président de Bavière, Markus Söder, le parti a recueilli 28,52% des suffrages et a remporté 208 des 630 sièges du Bundestag, chambre basse du Parlement (soit +11 par rapport au scrutin du 26 septembre 2021). La CDU a néanmoins obtenu un résultat inférieur à celui que lui avait prédit les enquêtes d’opinion qui la créditaient de 30% des voix. Par ailleurs, elle ne parvient pas à franchir le seuil de 30% alors que le Parti social-démocrate (SPD) font un mauvais score et que les libéraux-démocrates (FDP) s’effondrent.

Comme les enquêtes d’opinion l’avaient annoncé, l'Alternativ für Deutschland (AfD), parti d’extrême droite dirigé par Alice Weidel et Tino Chrupalla, a pris la 2e place du scrutin avec 20,80% des voix et 152 députés (+ 69). L’AfD devient le premier parti d’opposition d’Allemagne et arrive en tête dans les cinq Länder de la partie orientale de l’Allemagne. 

Le Parti social-démocrate (SPD) du chancelier sortant Olaf Scholz est arrivé en 3e position avec 16,41% des suffrages et 120 élus (- 44). Il s’agit du plus faible résultat de son histoire, un score décrit comme « catastrophique » par les sociaux-démocrates. « Le résultat des élections fédérales est mauvais et j'en assume donc la responsabilité » a déclaré Olaf Scholz à l’annonce des résultats. Le SPD va devoir se trouver un nouveau leader. 
Les Verts/Alliance 90 (Grünen), membres de la coalition gouvernementale sortante, emmenés par Felix Banaszak et Franziska Brantner et dont la liste était conduite par le ministre sortant de l’Economie et du Climat Robert Habeck (Verts), ont recueilli 11,61% des voix et remporté 85 sièges (- 33). 
Le Parti de gauche (Die Linke), conduit par Jan van Aken et Ines Schwerdtner, a confirmé la remontée que les enquêtes d’opinion avaient observée ces dernières semaines. Il a recueilli 8,77% et remporté 64 sièges (+ 25). La prise de parole de la coprésidente du groupe au Bundestag, Heidi Reichinnek, explique en grande partie ce résultat. Celle-ci avait appelé à « ne pas abandonner, à se battre et à résister au fascisme », notamment après le vote d’une mesure non contraignante par les députés de la CDU alliés à ceux de l’AfD et à ceux du parti de gauche radicale l'Alliance Sahra Wagenknecht-Pour la raison et la justice (BSW) qui visait à bloquer tous les étrangers aux frontières, y compris les demandeurs d’asile, le 29 janvier, soit le jour même où le Bundestag commémorait les 80 ans de la libération d’Auschwitz et s’était recueilli à la mémoire des victimes du 3e Reich. Deux jours plus tard, le 31 janvier, Friedrich Merz avait de nouveau présenté une proposition de loi visant à restreindre les rapprochements familiaux des migrants, à faciliter la mise en détention des étrangers sans papiers et à renforcer les pouvoirs de la police. Ce projet a échoué, 350 députés ont voté contre et 338 ont exprimé un avis favorable (5 élus se sont abstenus). 
Die Linke a donc largement dominé l'Alliance Sahra Wagenknecht (Bündnis Sahra Wagenknecht-Für Vernunft und Gerechtigkeit, BSW), qui a fait scission, et qui obtient 4,97% des suffrages, soit en dessous du seuil de 5% nécessaire pour être  représenté au Bundestag.
Le Parti libéral démocrate (FDP), dirigé par Christian Lindner, membre de la coalition gouvernementale sortante jusqu’en novembre 2024 et longtemps faiseur de rois des élections en Allemagne, disparaît du Bundestag. Certains électeurs ont sans doute été déçus par sa participation au gouvernement et ont estimé que celle-ci n’a pas permis de peser dans les choix du gouvernement. D’autres ne lui ont pas pardonné d’avoir fait éclater la coalition gouvernementale. Le FDP a obtenu 4,33% des voix et donc perdu ses 91 sièges au Bundestag. Christian Lindner a annoncé son retrait de la politique.

Le taux de participation a été particulièrement élevé, s’établissant à 82,54%, soit +6,04 points par rapport  aux élections fédérales du 26 septembre 2021.
Le scrutin avait été anticipé de quelques mois (il était initialement prévu pour septembre 2025) après le départ des ministres libéraux-démocrates de la coalition dirigée par Olaf Scholz le 6 novembre 2024 qui a entraîné la chute du gouvernement.

Résultats des élections fédérales du 23 février 2025 en Allemagne
Participation : 82,54%

Source : https://www.bundeswahlleiterin.de/bundestagswahlen/2025/ergebnisse.html 

« Notre main sera toujours tendue pour participer à un gouvernement et pour exécuter la volonté du peuple (…) Nous sommes ouverts à des négociations de coalition avec l’Union chrétienne-démocrate sans lesquelles aucun changement de politique ne sera possible en Allemagne » a indiqué la dirigeante de l’AfD, Alice Weidel, qui s’est réjoui du « résultat historique » de son parti, ajoutant « Nous n’avons jamais été aussi forts au niveau national ». 
La percée de l’AfD s’inscrit dans la dynamique qui touche tous les pays en Europe (et plus largement dans le monde) et qui voit l’extrême droite se renforcer. « On peut le voir comme une forme de normalisation mais l'Allemagne n'a jamais été normale en la matière du fait de son histoire, de la Shoah. La République fédérale s'est construite sur le " plus jamais ça ", c'est le fondement de sa démocratie. Un parti d'extrême droite avec des éléments néonazis remet en question ce positionnement, et c'est un problème » a déclaré Claire Demesmay, chercheuse associée au Centre Marc Bloch de Berlin. Avec 20,80% des suffrages, le parti d’extrême droite est désormais en position de force.
La montée de l’AfD tout comme celle de l’extrême gauche (Die Linke) montre la fragmentation du paysage politique allemand et  complique la formation d’une coalition gouvernementale stable. Un tiers des Allemands ont voté pour des partis représentant les extrêmes (34,54%).

Friedrich Merz a exclu toute coopération avec l’AfD. La formation d’une « grande coalition » (Grosse Koalition ou GroKo) qui rassemble la CDU-CSU et le SPD est le scénario post-électoral le plus probable. Ensemble, les deux partis disposent de 328 sièges, soit plus que la majorité absolue au Bundestag. « Il s'agit avant tout de recréer le plus rapidement possible un gouvernement capable d'agir en Allemagne, avec une bonne majorité parlementaire » a déclaré Friedrich Merz.
Les deux partis ont déjà gouverné ensemble à quatre reprises depuis 1945 : entre 1966 et 1969, entre 2005 et 2009, entre 2013 et 2018 et enfin entre 2018 et 2021. Les trois dernières grandes coalitions ont été dirigées par Angela Merkel (CDU). 

Friedrich Merz a promis aux Allemands de leur apporter la stabilité, de gouverner avec fermeté sur certains sujets, notamment l’immigration lorsqu’il affirme vouloir tourner définitivement la page de la politique d’accueil en vigueur depuis 10 ans et renforcer la politique migratoire dans le sens de la sévérité. Il affirme vouloir agir avec souveraineté, par exemple en matière de politique étrangère. Le dirigeant chrétien-démocrate a fait du renforcement de la défense européenne la priorité de son action. « Compte tenu de "l'indifférence" de Donald Trump à l'égard de l'Europe, le vieux continent doit progressivement atteindre l’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis » a-t-il indiqué. Partisan de l’aide militaire à l’Ukraine, Friedrich Merz a fait de la création d'une « capacité de défense européenne autonome » comme force alternative à « l'OTAN dans sa forme actuelle » une « priorité absolue ».

Friedrich Merz a répété durant la campagne électorale qu’il souhaitait former un gouvernement avant Pâques, soit le 20 avril. « Je suis conscient de la responsabilité qui m’incombe, ainsi que de l’ampleur de la tâche qui nous attend. J’aborde cela avec le plus grand respect et je sais que ce ne sera pas facile (…) C’est ambitieux mais nous devons prendre, au plus tard avant les vacances d’été, des décisions qui auront un effet réel et psychologique, surtout pour les entreprises, afin que la situation s’améliore en Allemagne. Nous devons mettre un terme à la saignée des investissements et des emplois » a-t-il déclaré, ajoutant « Il s'agit avant tout de recréer le plus rapidement possible un gouvernement capable d'agir en Allemagne, avec une bonne majorité parlementaire ».
La CDU a adopté le 3 février un catalogue de quinze mesures à mettre en œuvre immédiatement. Parmi celles-ci figurent les exonérations d'impôts sur les heures supplémentaires, la réduction des taxes dans la gastronomie ou sur les réseaux d'utilisation de l'électricité, le retour des subventions pour le diesel agricole ou encore des exonérations d'impôts pour les retraités qui travaillent, dans la limite d'un salaire de 2 000 € par mois. 

Agé de 69 ans et originaire de Brilon, station thermale de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Friedrich Merz a été élu député européen en 1989. En 1994, il remporte un siège au Bundestag. En 2000, il remplace Wolfgang Schäuble à la présidence du groupe CDU-CSU au Bundestag. Angela Merkel le remplace alors à l’issue des élections fédérales du 22 septembre 2002. Friedrich Merz quitte alors la vie politique. Il exerce plusieurs activités professionnelles, dont l’une auprès de la filiale allemande de BlackRock, société multinationale américaine spécialisée dans la gestion d'actifs.  Après l’annonce en octobre 2018 par la chancelière Angela Merkel de son intention de quitter ses fonctions à la tête de la CDU à l’issue des élections fédérales du 26 septembre 2021, Friedrich Merz déclare sa candidature pour la remplacer à la tête du parti. Le 7 décembre 2018, il est battu par Annegret Kramp-Karrenbauer, qui recueille 51,8% des suffrages. Elle démissionne le 10 février 2020 et Friedrich Merz se porte de nouveau candidat à la présidence du parti. Il est alors battu par Armin Laschet. Après la défaite de celui-cîaux élections fédérales du 26 septembre 2021, Friedrich Metz devient finalement président de la CDU en décembre 2021 avec 62,10% des suffrages, 
Il devrait, selon de très fortes probabilités, accéder à la chancellerie et remplacer Olaf Scholz à la tête du gouvernement allemand dès qu’il sera parvenu à former une coalition, 
Il n’est toutefois pas certain que l’Allemagne sorte de l’incertitude politique à l’issue de ces élections. La tâche de Friedrich Merz est considérable à l’heure où le système, politique et économique, sur lequel fonctionnait le pays depuis des décennies est désormais obsolète. Il l’a exprimé en indiquant que l’Europe devait s’émanciper des Etats-Unis. « Je n’aurais jamais cru devoir dire une telle chose » a affirmé le futur chancelier allemand.

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