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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 27 janvier dernier, le Parlement monténégrin a voté par 42 voix contre 13 et 9 abstentions, sa propre dissolution, ouvrant la voie à des élections anticipées, un an avant la fin du mandat prévu. Le scrutin aura lieu le 29 mars prochain. Après les dernières élections législatives du 10 septembre 2006, les partis politiques monténégrins s'étaient mis d'accord sur la tenue de nouvelles élections avant fin 2009
Les listes de candidats au scrutin législatif devront être soumises à la Commission électorale avant le 4 mars. Le 29 mars se tiendront également des élections locales anticipées, notamment dans les villes de Zabljak, Tivat, Cetinje, Niksic et Budva.
Le système politique
Le Monténégro possède un Parlement monocaméral de 81 députés élus au sein d'une seule circonscription nationale au système proportionnel selon la méthode d'Hondt. Chaque liste doit recueillir au moins 3% des suffrages exprimés pour être représentée au Parlement.
Actuellement, 13 partis politiques sont représentés au Parlement :
- l'Union démocratique des socialistes (DPS), parti du Premier ministre sortant Milo Djukanovic, allié au Parti social-démocrate (SDP) dirigé par Ranko Krivokapic. Les deux partis comptent 41 députés ;
- le Parti populaire (SNS), dont le leader est Andrija Mandic, possède 12 sièges ;
- le Parti populaire socialiste (SNP), le Parti populaire (NS) et le Parti démocratique (DSS) alliés lors du scrutin du 10 septembre 2006, comptent 11 élus ;
- le Mouvement pour le changement (GZP) dirigé par Nebojsa Medojevic possède 11 sièges ;
- le Parti libéral (LP) et le Parti bosniaque (BS) qui avaient fait alliance aux élections législatives du 10 septembre 2006, comptent 3 députés ;
- l'Alliance démocratique du Monténégro et le Parti de la prospérité démocratique possède 1 siège ;
- l'Union démocratique des Albanais (DUA-UDSh), 1 élu ;
- l'Alternative albanaise (AA), 1 député.
Le Monténégro est dominé depuis 15 ans par l'Union démocratique des socialistes de Milo Djukanovic, Premier ministre depuis le 8 janvier 2003, et de Filip Vujanovic, ancien Premier ministre (1998-2002), élu Président de la République le 11 mai 2003 et réélu le 6 avril 2008.
La campagne électorale
Le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Milo Djukanovic et rassemblant l'Union démocratique des socialistes et le Parti social-démocrate de Ranko Krivokapic, a justifié ces élections législatives anticipées par le fait qu'il se doit de préparer au mieux la candidature du Monténégro à l'adhésion à l'Union européenne, un sujet qui fait consensus dans la classe politique. "En pensant aux nombreuses obligations que requiert l'accès du Monténégro à l'Union européenne, le gouvernement estime que ce processus doit être menée par le Parlement et le gouvernement au cours d'un mandat plein de 4 ans" a ainsi déclaré le vice-Premier ministre, Igor Luksic. Le pays a fait acte de candidature à l'Union européenne le 15 décembre 2008, soit dans un délai record de 14 mois après la signature de l'Accord de stabilisation et d'association (ASA). Le commissaire européen à l'Elargissement, Olli Rehn, avait déclaré le 10 décembre que "de bien plus grands efforts sont nécessaires au Monténégro, notamment en ce qui concerne la consolidation des institutions et l'État de droit". De fait, la candidature du Monténégro a été bloquée au Conseil de l'Union européenne avant même que la Commission ait pu donner son avis sur l'état de préparation du pays. Plusieurs Etats membres, notamment les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Espagne, la France et la Belgique, s'opposent à ce que le dossier soit transféré au Comité des représentants permanents (COREPER), composé des ambassadeurs des États membres auprès de l'Union européenne (représentants permanents) et présidé par l'État membre qui assure la Présidence du Conseil, en vue d'être soumis au Conseil des ministres. Habituellement, les candidatures d'adhésion sont automatiquement transmises au Conseil qui invite la Commission à préparer son avis, une opération qui prend en moyenne un an.
La décision de convoquer les électeurs et les raisons invoquées par le gouvernement ont été réfutées par les partis de l'opposition. Ceux-ci affirment que le gouvernement souhaite ainsi éviter d'avoir à affronter le mécontentement qui ne manquera pas de se faire jour au sein de la population à cause de la crise économique. "Le gouvernement veut organiser des élections le plus rapidement possible car, sous l'impact de la crise économique, il aura plus de mal à remplir ses obligations, diminuant ses chances de réussite" affirme Velizar Kaludjerovic du Parti populaire socialiste. "Le gouvernement est effrayé des effets de la crise intérieure et pas seulement de ceux de la crise internationale. Le fait d'accélérer l'intégration européenne n'arrive qu'en 3e position" indique Predrag Popovic, leader du Parti populaire. "Personne ne croit aux raisons évoquées par le gouvernement. Celles-ci sont connues de tous. Nous faisons face à une crise très importante dont le Monténégro n'est pas à l'origine et qui n'est pas la conséquence de la crise économique internationale mais bien l'œuvre du gouvernement. C'est pour cela que celui-ci veut que les élections aient lieu le plus vite possible, pour éviter les effets de cette crise" déclare Slaven Radunovic du Parti populaire. "Ces élections anticipées sont un acte désespéré du parti au pouvoir" affirme Koca Pavlovic, porte parole du Mouvement pour le changement, qui affirme que le budget de l'Etat sera caduc dès le 1er avril.
Le scrutin intervient à un très mauvais moment pour les partis de l'opposition. En effet, le 24 janvier dernier, le Parti populaire s'est transformé en un nouveau parti, Nouvelle démocratie (NOVA), qu'a rejoint la Ligue du Nord. En outre, 3 députés du Mouvement pour le changement (l'ancien vice-président du parti, Goran Batricevic, Slavko Hrvacevic et Emin Durakovic) ont quitté leur parti pour former, le 7 février dernier, le Centre démocratique (DC), qui se veut la continuation du programme politique de l'ONG Mouvement pour un changement qui avait donné naissance en 2006 au Mouvement pour le changement et qui souhaite développer une " 3e voie". "Nous sommes absolument ouverts à tous les partis politiques démocratiques, européens, citoyens et suffisamment monténégrins, non dans le sens national mais dans le sens étatique, c'est-à-dire qui reconnaissent l'indépendance du Monténégro. Nous sommes ouverts à tous les partis prêts à œuvrer pour la coopération régionale, qui ont un projet pour sortir de la crise économique et qui sont attachés à la justice sociale" a déclaré Goran Batricevic. Le leader du Centre démocratique a affirmé qu'il ne formerait pas d'alliance pré ou postélectorale avec l'Union démocratique des socialistes même s'il a tenu à préciser qu'il n'existait pas en politique "d'amis ou d'ennemis éternels". "La transformation d'un parti politique conduit toujours à la désaffection d'un certain nombre de ses électeurs" analyse le professeur Svetozar Jovicevic qui va même jusqu'à considérer que l'Union démocratique des socialistes, au pouvoir depuis 1991, pourrait remporter seule la majorité absolue des sièges du Parlement et ne pas avoir à former une coalition avec le Parti social-démocrate.
Par ailleurs, les disputes internes occupent toujours une place importante dans les relations entre les partis d'opposition. Le président de Nouvelle démocratie, Andrija Mandic, a tenté de former une alliance électorale avec le Parti socialiste populaire et le Mouvement pour le changement de Nebojsa Medojevic. En vain. Srdjan Milic, président du Parti socialiste populaire, a décliné l'invitation au motif que le Parti libéral et le Centre démocratique ne faisaient pas partie de l'alliance. Le 18 février dernier, ces deux partis ont décidé de s'unir en vue des élections du 29 mars. Les partis de l'opposition ont demandé un changement de la loi électorale avant toute organisation d'un nouveau scrutin, une exigence jugée irrecevable par les partis au pouvoir. "L'Union démocratique des socialistes pourrait, avec ses alliés du Parti social-démocrate et du parti musulman, remporter la majorité absolue aux élections du 29 mars. La seule chance pour l'opposition de sérieusement entraver la domination du parti au pouvoir est de présenter une liste unique, ce qui relève de la science fiction" déclare l'analyste Milos Besic.
Les spéculations sur un retrait du Premier ministre Milo Djukanovic à l'issue des élections du 29 mars ont reprises ces derniers jours. Si nul ne connaît la part de vérité des rumeurs qui circulent, la majorité des analystes politiques s'accordent à voir en Igor Luksic, actuel ministre des Finances nommé vice-Premier ministre, le successeur le plus probable du Chef du gouvernement sortant. Le nom de Branimir Gvozdenovic, collaborateur de Milo Djukanovic et grand artisan des privatisations dans le pays, est également cité.
A un mois du scrutin, l'Union démocratique des socialistes du Premier ministre sortant Milo Djukanovic, au pouvoir depuis 18 ans, est le grand favori. La véritable question de ce scrutin est de savoir si le parti parviendra à obtenir la majorité absolue ou s'il aura besoin des voix du Parti social-démocrate pour former la prochaine coalition gouvernementale.
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