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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Un peu plus de 4 millions de Danois sont appelés aux urnes le 13 novembre prochain pour des élections législatives anticipées. Alors que le gouvernement du Premier ministre sortant, Anders Fogh Rasmussen (Parti libéral, V), peut afficher de bonnes performances économiques – le Danemark vient d'être classé 3e pays le plus compétitif du monde derrière les Etats-Unis et la Suisse par le World Economic Forum, le royaume connaît quelques difficultés : menace d'une pénurie de main d'œuvre, notamment dans le domaine des emplois qualifiés, pesant sur la production et risque élevé d'inflation. En outre, le gouvernement est confronté à un dilemme : comment améliorer l'Etat providence auquel les Danois comme tous les peuples du Nord de l'Europe sont très attachés et tenir ses promesses de baisse de la pression fiscale ? Enfin, Anders Fogh Rasmussen aimerait, à l'issue de ces élections législatives, parvenir à constituer une majorité parlementaire sans l'appui du Parti du peuple (DF), formation d'extrême droite qui lui assure depuis six ans une majorité au Parlement.
Cependant, à une semaine du scrutin, les spéculations sur la future coalition gouvernementale vont bon train, le débat sur les programmes politiques des partis étant relayé au 2nd plan. Par conséquence, le Premier ministre Anders Fogh Rasmussen et la responsable des forces de l'opposition, Helle Thorning-Schmidt (Parti social-démocrate, SD) ont un peu de mal à se faire entendre. Cet intérêt pour la composition du futur gouvernement est lié à l'arrivée dans le champ politique d'une nouvelle formation, Nouvelle alliance (Y), parti de centre-droit créée le 7 mai 2007 par Naser Khader et deux députés européens, Anders Samuelsen et Gitte Seeberg, et que certaines enquêtes d'opinion créditent de 10 des 179 sièges du Folketing, Chambre unique du Parlement.
"Nous avons dit qu'Anders Fogh Rasmussen était notre premier choix pour former un gouvernement. S'il présente un programme proche du nôtre, il restera Premier ministre" a souligné Naser Khader le 31 octobre dernier. Parmi les demandes exprimées par la Nouvelle alliance figurent une politique d'asile moins sévère, une réforme fiscale (établissement d'un impôt unique sur le revenu), le renforcement de la place du Danemark dans l'Union européenne et davantage d'aide au développement. Les sympathisants de la formation se montrent très partagés. Une petite moitié (47%) souhaitent que le Premier ministre sortant conserve son poste, tandis que 46% ne le souhaitent pas. "Cela montre que nos électeurs sont sur la même longueur d'ondes que nous et sont d'accord sur l'importance à accorder au contenu sans rejeter personne d'emblée" affirme Anders Samuelsen.
Naser Khader est très critique vis-à-vis de la politique économique du Parti social-démocrate (SD) qu'il qualifie d'"irresponsable". Il lui reproche son attitude au moment de la crise des caricatures du prophète Mahomet, crise au cœur de la campagne après l'utilisation par le Parti du peuple (DF) d'une affiche électorale montrant un dessin du prophète orné du slogan "La liberté d'expression est danoise, pas la censure. Nous défendons les valeurs danoises".
Le 30 septembre 2005, le quotidien Jyllands Posten publiait 12 caricatures du prophète Mahomet après que l'écrivain de livres pour enfants, Kare Bluitgen, se fût plaint de ne pas trouver d'illustrateurs pour son ouvrage sur la vie du Prophète, les dessinateurs disant craindre la réaction des intégristes musulmans. Ces caricatures avaient provoqué l'indignation de certains musulmans à travers le monde et entraîné de nombreuses manifestations, pacifiques et violentes. L'ambassade du Danemark en Syrie et le consulat danois de Beyrouth avaient été incendiés.
"Cette affiche fait partie de notre campagne électorale centrée sur les valeurs danoises que nus voulons promouvoir. Parmi celles-ci, on trouve l'égalité des genres, la solidarité et la liberté d'expression" a affirmé la responsable du parti du peuple, Pia Kjaersgaard, dans le journal Nyhedsavisen. A la question de l'utilité d'une telle démarche, elle répond : "et pourquoi ne le ferions-nous pas ? L'autocensure n'est pas une bonne chose".
Muhammad Ahmad Hussein, grand mufti de Jérusalem, a demandé au gouvernement danois de prendre position sur cette affiche électorale. Le Premier ministre Anders Fogh Rasmussen a refusé d'emblée, répondant "cette affiche n'est un enjeu politique que si le grand mufti veut qu'elle devienne un enjeu". De son côté, le ministre des Affaires étrangères, Stig Moller (Parti conservateur, KF), a souligné : "je ne peux rien dire et je n'ai rien à dire. Le gouvernement défend la démocratie et la liberté d'expression. Limiter la liberté d'expression est le travail de la justice".
Naser Khader, que le Premier ministre Fogh Rasmussen avait recruté comme conseiller au moment de l'affaire des caricatures, se montre critique envers Asmaa Abdol-Hamid, membre de la Liste de l'unité (E), qui pourrait devenir le 13 novembre prochain la première députée du parlement à porter le hijab. Cette dernière, qui refuse de serrer la main des hommes, provoque quelques remous dans son parti, certains lui reprochant de ne pas être claire sur certains sujets comme la peine de mort, l'égalité hommes/femmes ou les droits des homosexuels.
"Notre but est de casser la politique des blocs et de réduire l'influence de l'extrême droite" répète Naser Khader. L'hostilité de Pia Kjaersgaard et de son parti envers les immigrés est devenue odieuse, voire de plus en plus intolérable, à beaucoup de Danois et notamment aux hommes d'affaires et aux chefs d'entreprise qui savent combien le pays a besoin d'immigrants.
Le 1er novembre dernier, le Premier ministre sortant Anders Fogh Rasmussen et Helle Thorning-Schmidt, se sont retrouvés sur un plateau de télévision pour leur premier débat électoral. Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Greens à l'issue de l'émission, 53% des Danois estiment qu'Anders Fogh Rasmussen doit rester Premier ministre, contre 36% qui préfèreraient voir Helle Thorning-Schmidt accéder à la tête du gouvernement.
Comme Naser Khader, cette dernière souhaite "mettre fin à politique des blocs" et a tendu la main au Parti conservateur et à la Nouvelle alliance. "Nous avons beaucoup de valeurs en commun avec les conservateurs. Ils ont une vision positive de l'Etat et nous partageons les mêmes vues sur la politique relative à l'enseignement scolaire, à la justice et aux étrangers" a-t-elle souligné. Le président du Parti conservateur, Bendt Bendtsen, a cependant décliné l'invitation à un rapprochement.
Les forces de l'opposition tentent également de focaliser l'attention sur le rôle du Danemark dans la guerre en Irak et demandent qu'une commission d'enquête soit créée sur cette question, une demande soutenue par Naser Khader. En août dernier, le Premier ministre sortant Anders Fogh Rasmussen a rappelé les 400 soldats danois encore en poste en Irak.
Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Gallup et publiée le 31 octobre dernier, le Parti libéral (V) remporterait 86 des 179 sièges du Parlement le 13 novembre prochain. Les forces de l'opposition - Parti social-démocrate (SD), Parti radical-libéral (RV), Liste de l'unité et Parti socialiste populaire (SF) - sont créditées de 79 sièges. La Nouvelle alliance obtiendrait 10 sièges.
74% des Danois disent avoir une plus grande confiance dans la politique fiscale du Premier ministre Anders Fogh Rasmussen que dans celle des sociaux-démocrates. Cependant, en matière d'Etat providence, d'éducation et d'environnement, l'opposition est jugée plus crédible que le gouvernement. Peut-on défendre le système social et améliorer les services publics tout en allégeant les prélèvements fiscaux ? De la réponse que donneront les Danois à cette question dépend le résultat des élections législatives anticipées le 13 novembre.
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