Analyse

Le Parti social-démocrate du Premier ministre sortant Luis Montenegro, favori des élections législatives du 18 mai au Portugal

Élections en Europe

Corinne Deloy

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28 avril 2025
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 13 mars 2025, le président de la République portugaise, Marcelo Rebelo de Sousa, a annoncé la dissolution de l'Assemblée de la République, chambre unique du parlement, et a appelé ses compatriotes aux urnes le 18 mai. 14 mois après les dernières élections législatives, les Portugais vont devoir de nouveau élire, de façon anticipée, leurs 230 députés. Ce scrutin est consécutif à la polémique créée par la publication d’un article dans le quotidien Correio da Manha le 15 février dernier.

La crise politique

Le journal fait état de soupçons de conflit d’intérêt qui concernerait la personne du Premier ministre Luis Montenegro (Parti social-démocrate, PSD) en raison des activités de l'entreprise Spinumviva dont il est propriétaire. Fondée en 2021, Spinumviva est une entreprise de prestations de services spécialisée dans les activités de conseil et l'achat-vente de biens immobiliers. Cette société possède plusieurs contrats de prestation de services (pour environ de 4 500 € mensuels) avec, entre autres, le groupe de casinos et d’hôtels Solverde, qui bénéficie de concessions de la part de l’État. Ces contrats expirant fin 2025 doivent être renégociés. Beaucoup s’interrogent sur le lobbyisme dont pourrait faire preuve Luis Montenegro lors de cette négociation. En outre, l'entreprise pourrait bénéficier de la modification de la loi foncière en discussion au parlement. Le 1er mars, le Premier ministre sortant a annoncé qu'il avait cédé sa société Spinumviva à ses enfants, désormais seuls en charge de sa gestion. De même, le siège social de l'entreprise a été modifié.

Luis Montenegro avait formé fin mars 2024 un gouvernement minoritaire composé des seuls membres du Parti social-démocrate, d’un ministre venu du Centre démocratique et social/Parti populaire (CDS/PP) et de 6 personnalités indépendantes. En février 2025, cette coalition a survécu à deux motions de censure soumises respectivement par le parti d'extrême droite Chega (« Assez ») et par le Parti communiste (PCP). Le chef du gouvernement sortant a nié tout conflit d’intérêt et tout manquement à l’éthique. « Je ne démissionnerai pas car je n’ai commis aucun crime. Je n’ai obtenu aucun bénéfice de cette entreprise depuis que je suis Premier ministre et depuis que je suis président du Parti social-démocrate » répétait-il avant d'annoncer, le 6 mars, qu'il se soumettrait à un vote de confiance au parlement. Reconnaissant que l’organisation d’élections législatives anticipées n’était pas opportune moins d’un an après la formation du gouvernement, il a déclaré : « Ce sera un mal nécessaire pour éviter la dégradation des institutions et la perte de la stabilité politique en raison de la volonté de quelques agitateurs. En un mot, si les partis d’opposition n’acceptent pas la légitimité politique du gouvernement, deux mois de suspension de la stabilité politique valent mieux qu’un an et demi de dégradation et de paralysie ».
La décision de Luis Montenegro de solliciter la confiance du parlement a surpris. Ce vote, perdu d'avance, a été un échec puisque les députés ont voté la défiance, une première depuis 1977, avec 137 voix contre et 87 pour. Hormis le Parti social-démocrate et l'Initiative libérale (IL), tous les partis ont rejeté la motion de confiance. « Le vote nous montrera si le Parti socialiste va s’allier à l’extrême droite pour faire chuter le gouvernement » a déclaré Luis Montenegro qui a été contraint à la démission et quitté son poste le 11 mars.

Le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa a très vite écarté l'idée de nommer un nouveau Premier ministre. La possibilité de trouver une majorité absolue était en effet très faible dans un parlement très divisé. « Seule la démocratie possède la capacité à surmonter et à affronter les crises » a-t-il déclaré, ajoutant « Ces élections législatives anticipées, personne ne s’y attendait ni ne les souhaitait ». De plus, personne ne veut apparaître comme celui qui a provoqué la crise.

Un nouveau scrutin pour quoi faire ?

« Les élections législatives du 18 mai sont une sorte de fuite en avant du Premier ministre et de son parti pour éviter une commission d’enquête et pour lui permettre de survivre politiquement » a indiqué Antonio Costa Pinto, professeur à l'université lusophone de Lisbonne, soulignant  « Le discours du PSD va être de dire que l’opposition a fait tomber le gouvernement parce que celui-ci était en train de réussir alors que la personne du Premier ministre sortant constituera le thème dominant des propos des partis d’opposition ».

Les résultats des élections législatives du 18 mai devraient cependant être relativement proches de ceux du scrutin précédent du 10 mars 2024 où l’Alliance démocratique, qui regroupait le PSD, le CDS/PP et le Parti populaire monarchiste (PPM), était arrivée en tête avec 80 sièges devant le Parti socialiste (PS), qui avait recueilli 78 élus. Le parti d’extrême droite Chega avait pris la 3e place avec 50 députés. Cette percée mettait fin à l’exception portugaise, le pays étant l’un des rares (avec l’Irlande et Malte) à ne pas posséder de parti de droite radicale. 
La participation avait été élevée pour un pays habituellement abstentionniste (59,84%). Chega avait visiblement convaincu de nombreux abstentionnistes de reprendre le chemin des urnes.

La crise actuelle, qui a conduit à la chute du gouvernement, donne une plus grande résonnance au discours anti-corruption et anti-élites qui est celui de Chega. « La lassitude électorale ajoutée à l’évaluation négative que les Portugais ont de la manière dont les politiciens ont géré le pays pourrait contribuer à l’abstention » a déclaré Bruno Ferreira da Costa, professeur de science politique de l’université Beira interior, ajoutant « Un schéma qui pourrait aussi bien favoriser les partis qui possèdent un électorat plus fidèle que les partis antisystème ».

Le système politique portugais reste l'un des plus solides d'Europe. Lors des dernières élections législatives du 10 mars 2024, 6 électeurs sur 10 (59,41%) ont voté en faveur de l'une des 2 « grands » partis - le PSD et le PS. Toutefois, aucun gouvernement n'est parvenu à rester en place le temps d'une législature depuis octobre 2019. Le président de la République, Marcelo Rebelo de Sousa, connaît d'ailleurs sa 3e dissolution en un seul mandat, un record dans le pays. 

Les socialistes comptent sur ce scrutin pour rebondir après s’être abstenus lors du vote du dernier budget. De son côté, Chega est à la peine en raison de plusieurs scandales qui ont éclaté en son sein. 

Selon la dernière enquête d’opinion réalisée par l’institut d’opinion Consulmark2 du 14 au 22 avril, l'Alliance démocratique, qui rassemble le PSD et CDS/PP, recueillerait 34,1% des suffrages. Le PS, conduit par Pedro Nuno Santos, obtiendrait 27,1%, Chega, dirigé par son fondateur André Ventura, 15,2% et l’Initiative libérale (IL), conduite par Rui Rocha, 8,3%. Les autres partis seraient au-dessous de 5%. 
De nouveau, l'Alliance démocratique échouerait à obtenir une majorité absolue. Luis Montenegro refuse toujours toute alliance avec Chega. « Gouverner avec Chega est impossible pour 3 raisons. Tout d’abord, ce parti n'est pas fiable dans ce qu'il pense, il se comporte politiquement comme une girouette qui change d'avis plusieurs fois et qui n'est pas adéquat dans l'exercice de la gouvernance » a déclaré le Premier ministre. Il a accusé André Ventura « d'avoir une tendance éminemment destructrice, à dire du mal de tout ». Enfin, selon lui, Chega a démontré qu'il ne disposait pas de la maturité ou de la décence nécessaires à l'exercice de la fonction gouvernementale. 
Une coopération est envisageable entre le PSD et IL, néanmoins, celle-ci ne devrait pas être suffisante pour atteindre la majorité absolue.

Le système politique portugais

Le parlement portugais est monocaméral. L'Assemblée de la République comprend 230 membres, élus pour 4 ans au scrutin proportionnel au sein de 22 circonscriptions plurinominales. Le pays compte 18 circonscriptions métropolitaines et 2 régions autonomes – Madère et les Açores – qui forment chacune une circonscription. Par ailleurs, 2 circonscriptions regroupent le vote des Portugais qui résident à l'étranger : l’une rassemble ceux qui habitent en Europe, qui élisent 2 députés ; l’autre ceux qui vivent dans le reste du monde, qui en désignent également 2.

Les listes de candidats aux élections législatives sont bloquées, les électeurs ne peuvent donc exprimer aucune préférence au sein de la liste pour laquelle ils votent. A l'issue du scrutin, la répartition des sièges se fait à la proportionnelle selon la méthode d'Hondt sans seuil préélectoral défini.

8 partis ou coalitions politiques sont représentés à l'Assemblée de la République :
- l'Alliance démocratique, qui rassemble le PSD, présidé par Luis Montenegro, le CDS/PP de Nuno Melo et le Parti populaire monarchiste (PPM) de Gonçalo da Camara Pereira, possède 80 sièges ;
- le PS, fondé en 1973 et conduit par Pedro Nuno Santos, compte 78 députés ;
- Chega (Assez) (CH), parti d'extrême-droite fondé en 2019 par André Ventura, possède 50 sièges ;
- l’Initiative libérale (IL), parti créé en 2017 et conduit par Rui Rocha, compte 8 députés ;
- le Bloc des gauches (BE), parti de gauche radicale fondé en 1999 et dont Mariana Motagua est la porte-parole, possède 5 sièges ;
- la Coalition démocratique unitaire (CDU), alliance du Parti communiste (PCP), créé en 1921, du Parti écologiste-Les Verts (PEV), fondé en 1982, et de l'Intervention démocratique (ID), compte 4 élus ;
- LIVRE (Libre) (L), parti écologiste de gauche dont Rui Tavares est le porte-parole, possède 4 sièges ;
- Personnes-animaux-nature (PAN), parti défenseur des droits des animaux et de la nature, fondé en 2009 et dont Ines Sousa Real est la porte-parole, compte 1 élu.

Les Portugais élisent également tous les 5 ans leur président de la République au suffrage universel direct. L'actuel chef de l'Etat, Marcelo Rebelo de Sousa, ancien dirigeant du Parti social-démocrate (1996-1999), a été réélu avec 60,66% des suffrages le 24 janvier 2021 dès le 1er tour de scrutin. Il a devancé Ana Gomes (PS), qui se présentait sans l'aval de son parti (12,96%), et André Ventura (CH) (11,93%). Quatre Portugais sur dix (39,26%) s'étaient rendus aux urnes.

Rappel des résultats des précédentes élections législatives du 10 mars 2024 au Portugal
Participation : 59,84%

Source : https://www.eleicoes.mai.gov.pt/legislativas2024/resultados/globais 

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