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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Les Français éliront les 10 et 17 juin prochains les 577 membres de l'Assemblée nationale, Chambre basse de leur Parlement. 7 639 personnes sont officiellement candidates à ces élections, soit 13,2 candidats en moyenne par circonscription. Parmi eux, 3 177 candidates, soit 41,5% du total. "Nous sommes la seule formation politique à avoir atteint ou presque ses objectifs de parité. Nous sommes les seuls à avoir voulu donner à la diversité non seulement une chance mais une présence" a déclaré le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), François Hollande. En effet, la principale force de l'opposition présente 48% de candidates, contre 30% pour l'Union pour un mouvement populaire (UMP) du Président de la République, Nicolas Sarkozy, et 38% pour le Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou. L'UMP espère cependant tripler le nombre de ses élues (36 actuellement). Le Parti socialiste a également fait le pari de la diversité, puisque 20 de ses 572 candidats sont issues des minorités, 8 étant en position éligible. L'âge moyen de l'ensemble des candidats est de 51 ans et les enseignants sont, de loin, la formation la plus représentée.
Plus d'un quart des 78 députés européens briguent un siège de député : 8 élus socialistes, 2 de l'UMP, 6 du Mouvement démocrate, 1 Vert et 6 du Front national (FN).
Quatre semaines après le 2e tour de l'élection présidentielle, la cote de popularité du nouveau Chef de l'Etat Nicolas Sarkozy atteint des records : 65% des Français se déclare satisfaits de sa présence à l'Elysée selon une enquête réalisée par l'institut Ifop et publiée par le Journal du Dimanche du 28 mai dernier. Seul le général de Gaulle a fait mieux lors de son arrivée à la tête de l'Etat, il y a presque cinquante ans. Le Premier ministre, François Fillon, recueille 62% d'opinions positives.
Nicolas Sarkozy n'a pas hésité à s'engager dans la campagne électorale des élections législatives en participant à une "réunion républicaine" le 30 mai dernier au Havre, un geste inhabituel de la part d'un Chef de l'Etat qui, selon la Constitution, est le Président de tous les Français et ne peut se poser en défenseur d'un camp particulier, rôle dévolu au Premier ministre. L'ancien Président de la République (1974-1981), Valéry Giscard d'Estaing, était également intervenu dans la campagne des élections législatives de 1978, mais seulement entre les deux tours.
Le Chef de l'Etat a souhaité que les ministres de son gouvernement soient candidats : 11 d'entre eux le sont et devraient être aisément réélus, le plus menacé étant le ministre de l'Ecologie, du Développement et de l'Aménagement durables, Alain Juppé, qui se présente dans la 2e circonscription de Gironde où Ségolène Royal a devancé Nicolas Sarkozy le 6 mai dernier.
L'UMP se présente confiante devant les électeurs, forte du succès de son candidat à l'élection présidentielle le 6 mai dernier, et convaincue que les Français souhaitent donner une majorité à celui qu'ils viennent de désigner pour diriger le pays durant les 5 prochaines années.
Le PS traverse une période difficile. Battu pour la troisième fois consécutive à l'élection présidentielle, la formation est traversée par des tensions entre ses différents courants que "l'ouverture" de Nicolas Sarkozy n'a fait qu'attiser (le Président de la République a appelé à plusieurs personnalités de gauche comme Bernard Kouchner, Jean-Pierre Jouyet ou Martin Hirsch, à siéger dans le gouvernement de François Fillon). Ainsi, un tiers des partisans socialistes déclarent apprécier les débuts de Nicolas Sarkozy à l'Elysée selon une enquête de l'institut Ipsos du 19 mai dernier.
Critiques et petites phrases assassines, notamment à l'encontre de son leader, François Hollande, se sont fait jour au sein de la formation d'opposition. "Le temps de François Hollande à la tête du parti est passé" a ainsi déclaré le président du Conseil régional de Franche-Comté et ancien président de l'Assemblée nationale, Raymond Forni, qui a appelé à la refondation du parti avec un nouveau responsable. Le premier secrétaire a indiqué qu'il ne serait pas candidat à sa succession lors du prochain congrès du parti prévu en novembre 2008, une décision qu'il avait déjà annoncée lors du congrès du Mans en 2005.
Le PS aborde les élections législatives en position d'indéniable faiblesse, cherchant à limiter ses pertes et à sauver ce qui peut l'être n'imaginant pas pouvoir s'imposer dans les urnes. Certains tentent cependant de trouver la force de combattre. "Une élection n'est pas perdue ou gagnée d'avance, le résultat est affaire de volonté et de pugnacité" a ainsi déclaré dans le Journal du dimanche du 28 mai dernier Laurent Fabius. "Compte tenu de l'urgence, c'est non seulement un appel à la raison mais d'un véritable coup de gueule qu'il s'agit" affirme t-il, ajoutant "le Parti socialiste appartient à tous ceux qui ont besoin d'une gauche forte pour faire progresser notre pays et pour défendre leurs droits". Dominique Strauss-Kahn se positionne différemment, n'hésitant pas à affirmer que "pour battre Nicolas Sarkozy, il n'y a pas d'hostilité de principe à un éventuel soutien à certains candidats du Mouvement démocrate" au 2e tour des élections législatives dans les circonscriptions où la gauche aurait été éliminée. "Il ne s'agit pas d'abandonner nos valeurs mais de les adapter, de les faire vivre dans un monde qui a changé avec une mondialisation dont tout le monde est conscient et sur laquelle nous n'avons pas eu de réponse assez claire lors de la campagne présidentielle" indique t-il. La candidate du Parti socialiste à l'élection présidentielle, Ségolène Royal, a réaffirmé qu'elle n'excluait pas des accords de désistement entre le PS et le MoDem.
François Hollande plaide pour une "campagne de conquête et non de défense ou de résistance". "Je lance un appel aux Français. Si vous voulez éviter qu'il y ait cette majorité écrasante que veulent avoir le gouvernement et le Président de la République, si vous voulez qu'il y ait une politique qui puisse s'exprimer en contrepoint, alors il faut faire en sorte que la seule force présente pour jouer tout son rôle d'opposition ou davantage si elle est majoritaire, le Parti socialiste, soit représentée à un niveau le plus élevé possible les 10 et 17 juin" a t-il souligné le 20 mai dernier à Lyon. Le PS poursuit également sa stratégie de diabolisation de Nicolas Sarkozy qui ne lui a pourtant pas vraiment réussi durant la campagne présidentielle et qui est mise à mal par l'ouverture du gouvernement à des personnalités de gauche. "Nicolas Sarkozy veut une majorité à sa dévotion, à sa main, soumise. On a un pouvoir qui veut écraser, qui veut dominer, qui veut avoir tous les leviers de commande, il y a péril et urgence" affirme François Hollande.
Ségolène Royal a également lancé un appel à la mobilisation. "Je veux lancer ici, à La Rochelle, dans ma région, un message de mobilisation aux électeurs. Quelque chose s'est déclenché qui ne doit pas s'arrêter. C'est un enjeu démocratique majeur que tous les pouvoirs ne soient pas concentrés entre les mêmes mains et donc je lance un appel à tous les électeurs qui sont venus sur mon nom lors du second tour de la présidentielle à ne pas rester chez eux, à venir voter. C'est important que ces près de 17 millions d'électeurs viennent voter et que ce mouvement continue" a-t-elle déclaré le 26 mai dernier.
Selon une enquête réalisée par l'institut LH2 et publiée dans le quotidien Libération le 22 mai dernier, Ségolène Royal est la personnalité représentant le mieux les valeurs de la gauche pour 41% des sympathisants socialistes, contre 28% pour Dominique Strauss-Kahn. Le pourcentage est encore plus élevé parmi les électeurs socialistes puisque 47% d'entre eux choisissent la présidente de la région Poitou-Charentes, contre 30% qui se prononcent en faveur de l'ancien ministre de l'Economie et des Finances (1997-1999) du gouvernement de Lionel Jospin
Le Parti socialiste possède toutefois quelques chances de parvenir à exercer une opposition efficace face à une droite puissante et conquérante, ne serait-ce que parce que Ségolène Royal a su fédérer sur son nom un grand nombre de voix qui ne se sont pas évanouies en cinq semaines. De même, la concurrence exercée par les forces de l'opposition non socialistes (Parti communiste et formations d'extrême gauche) s'est considérablement affaiblie. Enfin, la candidate socialiste l'a emporté sur son rival Nicolas Sarkozy dans 65 circonscriptions détenues par les forces de droite, quand le candidat de l'UMP ne l'a devancée que dans 38 circonscriptions détenues par la gauche. Le PS cependant ne rebâtira pas sa cohérence politique en quelques semaines, une cohérence qu'il a perdue non pas faute de s'opposer mais probablement faute de proposer.
Le Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou part également en situation de grande faiblesse pour ces élections législatives où le mode de scrutin majoritaire à deux tours devrait lui être fatal. François Bayrou veut rester optimiste et aime à rappeler qu'en 1951, le général de Gaulle avait fait élire près de120 députés qui l'avaient tous quitté un an plus tard. En 1958, le général revenait au pouvoir. "Nous avons commencé une longue marche et cette marche, pour moi, elle est enthousiasmante" a-t-il déclaré le 24 mai dernier semblant effectivement plus songer à la prochaine élection présidentielle de 2012 qu'à tenter d'imaginer la façon dont sa nouvelle formation pourra survivre après les élections législatives. "Ce premier combat sera suivi de bien d'autres, plus faciles, plus encourageants et dès l'année prochaine, dans dix mois, viennent les municipales, véritable occasion de reprendre à la base l'enracinement de terrain avec des femmes et des hommes jeunes, nouveaux, dans toutes les communes françaises" affirme t-il.
François Bayrou est candidat dans la 2e circonscription des Pyrénées-Atlantiques. La vice-présidente du MoDem, Marielle de Sarnez, actuellement députée européenne, se présente dans la 11e circonscription de Paris. Parmi les rares députés qui lui sont restés fidèles, Gilles Artigues est en lice dans la 1ère circonscription de la Loire où l'UMP lui oppose la députée européenne Françoise Grossetête. Anne-Marie Comparini se présente dans la 1ère circonscription du Rhône. Philippe Folliot, député du Tarn et Rodolphe Thomas, député du Calvados, disposent également du soutien du Mouvement démocrate.
Enfin, certaines personnalités, Jean-Marie Cavada, journaliste et député européen, dans la 1ère circonscription du Val de Marne et le judoka Djamel Bouras dans la 2e de Seine-Saint-Denis, porteront également les couleurs du parti. Le Mouvement démocrate a séduit de nombreux Verts ces dernières semaines puisqu'après Jean-Luc Benhamias qui avait été parmi les premiers à rejoindre la nouvelle formation, trois élus écologistes parisiens - Violette Baranda, Olivier Pagès et Danièle Auffray - l'ont imité et ont immédiatement été investis pour les élections législatives à Paris. François Florès, vice-président groupe vert au Conseil de Paris et 7 autres élus ont encore quitté les Verts pour le MoDem ces derniers jours.
Les députés de l'Union pour la démocratie française (UDF) qui ont quitté François Bayrou ont créé le 29 mai dernier leur propre formation politique sous le nom de "Nouveau centre". "Nous comptons donner à ce nouveau parti l'espace qu'occupait l'UDF. Nous soutiendrons les idées des forces du centre. Nous espérons 30 députés" a déclaré son président, le ministre de la Défense, Hervé Morin qui affirme que le MoDem sera obligé de passer des accords avec le Parti socialiste au soir du premier tour pour obtenir quelques députés. Hervé Morin assure être "dans une démarche de loyauté" à l'égard du Président de la République, mais promet que sa "parole sera libre".
Mais la création du nouveau parti, affilié à la majorité présidentielle, ne fait pas l'unanimité au sein des anciens députés de l'UDF. Ainsi, Pierre Albertini, député de Seine Maritime, a fait savoir qu'il refusait d'intégrer un mouvement "animé par Hervé Morin dont les propos et les actes récents ne correspondent pas à sa conception personnelle de la politique". Il s'interroge également sur l'efficacité de l'entrée "d'ailleurs très minoritaire" de centristes au gouvernement et condamne une démarche qu'il qualifie de "essentiellement tactique et personnelle". Jean Dionis du Séjour, député du Lot et Garonne, n'a pas non plus souhaité rejoindre le Nouveau Centre. "On n'a rien à gagner politiquement à lancer dans le barnum actuel un nouveau parti. Il aurait fallu y réfléchir. L'électorat centriste est déjà profondément troublé. Cela ajoute à la confusion" a-t-il souligné.
A gauche, le Parti communiste (PCF) cherche à se rassurer. "Nous serons la troisième force à l'Assemblé nationale. Donc qu'on arrête de dire que le PCF est mort" répète sa secrétaire nationale, Marie-George Buffet. Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, qui brigue son 9e mandat consécutif, prêche également la confiance : "On peut surprendre en conservant 10 à 15 sièges, voire en en gagnant un ou deux comme à Dieppe. Les Français sont attachés au pluralisme et aux équilibres : la direction devrait peut-être faire plus campagne sur ce thème". Le PCF, fortement menacé dans ses bastions, ne devrait cependant pas retrouver son groupe parlementaire. (Il faut 20 députés pour faire un groupe).
Les Verts présentent 562 candidats aux élections législatives. Ayant refusé tout accord avec le Parti socialiste, les écologistes tentent de se démarquer du grand frère qu'ils avaient rallié en 1995. "Les électeurs doivent comprendre que nous ne sommes plus l'appendice du Parti socialiste. Il n'y aura plus de désistement républicain automatique en faveur d'un candidat socialiste au second tour" a affirmé Jean-Vincent Placé, président du groupe vert au conseil régional d'Ile-de-France. Les Verts ont retenu quatre critères pour vérifier "l'écocompatibilité" des candidats qu'ils pourraient éventuellement soutenir : leur position vis-à-vis du nucléaire, des OGM, des autoroutes et des incinérateurs. Mais cette posture du ni droite ni gauche est loin de faire l'unanimité au sein de la formation. Ainsi, Noël Mamère, député de la 3e circonscription de Gironde, déclare : "Il faudrait une majorité de gauche à l'Assemblée nationale. On entend des discours du type "l'écologie n'est ni de droite ni de gauche''. C'est faux, l'écologie est une composante de la gauche"
La candidate écologiste à l'élection présidentielle, Dominique Voynet, affiche sa confiance : "Beaucoup de gens m'ont dit qu'ils allaient voter utile à l'élection présidentielle mais qu'ils reviendraient vers nous après", mais modère fortement ses ambitions estimant que "ces élections législatives seront un succès si, déjà, nos trois députés sont réélus".
A l'extrême gauche, Olivier Besancenot (Ligue communiste révolutionnaire, LCR) qui a recueilli 4,08% des suffrages au 1er tour de l'élection présidentielle, tente de fédérer les forces antilibérales. Qualifiant le PS "de parti inefficace" contre le gouvernement de droite, il présente la LCR comme l'élément fédérateur de la gauche radicale et n'hésite pas à tendre "une main fraternelle" à tous les militants. "Face à Nicolas Sarkozy, il faudra une résistance politique. Et c'est là où j'ai un désaccord avec le Parti socialiste. Le PS pour les élections législatives nous refait le coup du vote utile. Le vrai vote utile cette fois-ci c'est de donner le maximum de voix et de forces à la gauche anticapitaliste" répète t-il. L'autre formation d'extrême gauche, Lutte ouvrière (LO), se positionne déjà au-delà du scrutin. "Les classes ouvrières n'ont rien à attendre du résultat de ces élections législatives. Qu'est ce que changerait la présence de quelques députés du Parti socialiste de plus dans la future Chambre dominée par la droite ?" s'interrogeait, le 28 mai dernier, Arlette Laguiller.
"Je suis marin et quand la tempête menace, le commandant prend la barre lui-même. J'ai pensé que compte tenu des difficultés, il était bon que je m'implique dans cette campagne législative" a déclaré le leader du Front national, Jean-Marie Le Pen. Les élections législatives sont un scrutin difficile pour la formation d'extrême droite dont les performances électorales sont très liées à la personnalité charismatique de son leader. En outre, le mode de scrutin majoritaire à deux tours handicape le Front national comme tous les "petits" partis.
Le Mouvement national républicain (MNR), autre formation d'extrême droite dirigée par Bruno Mégret, présente 379 candidats. La formation s'est entendu avec Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers, pour ne pas s'opposer dans 72 circonscriptions. Le MPF présente 400 candidats et devrait conserver ses 2 sièges actuels à l'Assemblée nationale.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée les 28 et 29 mai par l'institut Sofres pour le quotidien Le Figaro, la radio RTL et la chaîne de télévision LCI rendue publique le 31 mai dernier, l'UMP et le Nouveau centre recueillerait 42% des suffrages (soit entre 410 et 430 sièges). Elle devancerait nettement le PS allié au Parti radical de gauche (PRG) et au Mouvement républicain et citoyen (MRC) de l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement qui obtiendrait 27% des voix (entre 101 et142 sièges). Le MoDem, avec 10% des suffrages, ne remporterait qu'entre 2 et 6 députés, le PCF (4%) obtiendrait entre 4 et 10 sièges, les Verts (3%) entre 1 et 3 et enfin le MPF (1,5%) entre 2 et 3 députés.
Les deux tiers des personnes interrogées se disent sûres de leur choix (67%).
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