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Contre toute attente, les socialistes remportent les élections législatives

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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14 mars 2004
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le Parti socialiste espagnol (PSOE) remporte les élections législatives espagnoles, recueillant 42,64% des suffrages et obtenant cent soixante-quatre sièges. Son principal adversaire, le Parti populaire, obtient 37,64% des voix et cent quarante-huit sièges. Izquierda unida (IU) arrive en troisième position avec 4,96% des suffrages (cinq sièges). Elle est suivie de Convergencia i union de Catalunya (CiU), 3,24% des voix (dix sièges), puis de Esquerra republicana de Catalunya (ERC), 2,54% (huit sièges) et du Parti nationaliste basque (PNV) avec 1,63% des suffrages (sept sièges).

Les derniers jours avant le vote ont été marqués par l'attaque terroriste la plus meurtrière qu'ait connu l'Espagne. Le jeudi 11 mars, dix bombes ont explosé à Madrid à quelques minutes d'intervalle dans quatre trains de banlieue faisant à ce jour deux cents morts et mille cinq cent blessés. Dès l'annonce de ces attentats, toutes les formations politiques ont décidé de mettre fin à la campagne électorale et un deuil national de trois jours a été proclamé dans le pays.

Les attentats terroristes semblent avoir eu un impact significatif sur le résultat des élections législatives. La participation a ainsi été particulièrement élevée, 77,21%, soit sept points de plus que lors du précédent scrutin du 12 mars 2000. Cette participation élevée a bénéficié aux socialistes. Signalons également que près de deux millions de jeunes étaient appelés pour la première fois aux urnes pour ces élections législatives, des primo votants qui ont peut-être fait pencher la balance en faveur des socialistes.

« Il semble clair qu'il y a eu des circonstances qui ont provoqué un choc dans l'opinion », déclarait dès l'annonce des résultats le porte-parole du gouvernement sortant, Eduardo Zaplana. Si l'ensemble des enquêtes d'opinion donnaient, une semaine avant les élections le Parti populaire vainqueur (la publication des sondages est interdite en Espagne durant la semaine précédant le vote), celui-ci semble avoir pâti de sa gestion de la crise déclenchée par les attentats. Ainsi, il a été reproché au ministre de l'Intérieur, Angel Acebes, d'avoir immédiatement mis en avant la responsabilité de l'organisation terroriste basque ETA dans ces crimes et d'avoir persisté dans cette thèse alors que des indices convergents orientaient les enquêteurs vers la piste des réseaux islamistes. « Il n'y a aucun doute » sur la responsabilité d'ETA a affirmé le ministre à plusieurs reprises, qualifiant « d'intoxication » les rumeurs d'attentat islamiste. De même, l'ensemble du gouvernement a été accusé de manquer de transparence et de multiplier les déclarations ambiguës. Si l'ETA a démenti vendredi sa responsabilité dans les attentats par un appel téléphonique au journal indépendantiste Gara, canal habituel de communication de l'organisation terroriste, en revanche Al Qaïda a revendiqué le crime une première fois vendredi par un communiqué des brigades Abou Hafs Al Masri/Al Qaïda au journal Al Qods Al Arabi basé à Londres et une seconde samedi dans une vidéo par la voix d'un « porte parole militaire en Europe », Abou Doukhan Al Afgani. Samedi, le chef de file du Parti populaire, Mariano Rajoy, déclarait dans un entretien au journal El Mundo avoir « la conviction morale » qu'il s'agissait de l'organisation terroriste basque et dimanche encore, la ministre des Affaires étrangères, Ana Palacio, affirmait dans une interview à la BBC que « l'idée qu'ETA est derrière les attentats demeure forte ».

Vendredi soir, des millions d'Espagnols se sont retrouvé dans les rues des principales villes du pays pour témoigner de leur tristesse, rendre hommage aux victimes et célébrer leur unité face au terrorisme. Le chef du gouvernement, José Maria Aznar, a défilé à Madrid derrière une banderole « Aux côtés des victimes, avec la Constitution et pour la défaite du terrorisme ». Le slogan de cette banderole, ambigu sur une éventuelle responsabilité des nationalistes, a été très critiqué par l'opposition. Le Prince Felipe et ses deux sœurs, les infantes Elena et Cristina, se sont joint à la manifestation populaire tout comme de nombreuses personnalités européennes, Romano Prodi, Président de la Commission européenne, les Premiers ministres français, italien et portuagis, Jean-Pierre Raffarin, Silvio Berlusconi, Juan Manuel Barroso, Louis Michel, Ministre belge des affaires étrangères, Joschka Fischer, Ministre allemand des Affaires étrangères et Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère.

Samedi, quelques milliers de personnes s'étaient réunies à l'appel d'associations altermondialistes pour exiger du gouvernement l'entière vérité sur les auteurs des attentats. Plusieurs dizaines de personnes ont encore manifesté dimanche matin à Madrid devant le siège du Parti populaire, accusant le gouvernement d'avoir menti sur la responsabilité des attentats. « Avant de voter, nous voulons la vérité » clamaient les manifestants. Le Premier ministre a été conspué alors qu'il se rendait aux urnes accomplir son devoir de citoyen avec sa femme, Ana Botella, elle-même conseillère municipale de Madrid. Mariano Rajoy, chef de file du Parti populaire, a également été hué alors qu'il se rendait à son bureau de vote.

Enfin, de nombreuses personnes se sont élevées contre la diffusion samedi soir à la télévision espagnole d'un documentaire « Assassinat en février » sur l'assassinat à Vitoria en février 2000 par l'ETA d'un député socialiste Fernando Buesa et de son garde du corps, Jorge Diez, en remplacement de l'émission de variété initialement prévue. Ce même documentaire avait été diffusé vendredi sur Telemadrid, chaîne de télévision dépendant du gouvernement de la région de Madrid présidée par le Parti populaire. Les chaînes ont justifié leur choix dans un communiqué à l'agence de presse espagnole EFE par le fait « qu'il s'agissait d'une critique du terrorisme et d'un hommage aux victimes » et ont déclaré avoir souhaité exprimer un sentiment contre le terrorisme « indépendamment de ceux qui ont été les auteurs des attentats ».

José Luis Rodriguez Zapatero 43 ans, sera donc le prochain Premier ministre espagnol. Alors inconnu du grand public, il a été élu il y a quatre ans, après une difficile lutte interne au parti, à la tête du Parti socialiste et s'est donné la mission « d'apporter au parti un bain de modernité ». Petit-fils d'un soldat républicain fusillé par les franquistes durant la guerre civile, ce professeur de droit constitutionnel a été élu à vingt-six ans plus jeune député socialiste au Congrès des députés. Surnommé Bambi par ses partisans, il a dû lutter pour s'imposer au sein d'une formation où les anciens barons possèdent encore un poids important et font souvent entendre des voix dissonantes. Dimanche soir, le chef de file du Parti populaire, Mariano Rajoy, a téléphoné à son rival pour le féliciter de sa victoire. Le futur Premier ministre a débuté son premier discours par une minute de silence en mémoire des victimes des attentats. « Aujourd'hui, les électeurs ont dit qu'ils voulaient un changement de gouvernement », a-t-il ensuite déclaré.

Les Espagnols votaient également le 14 mars pour élire leurs deux cent huit sénateurs provinciaux. Le Parti populaire est sorti victorieux de ce scrutin, obtenant cent deux sièges, contre quatre-vingt un pour les socialistes. Enfin, les Andalous renouvelaient leur Parlement régional. Le Parti socialiste d'Andalousie dirigé par Manuel Chaves Gonzalez a obtenu la majorité absolue, recueillant 50,27% des suffrages et soixante et un sièges. Le Parti populaire obtient 31,79% des voix et trente-sept sièges, Convocatorio por Andalucia (CA), 7,51% (six sièges) et le Parti andalou (PA), 6,19% des suffrages et cinq sièges. La participation à ces élections régionales s'est élevée à 75,85%.

Ne possédant pas de majorité absolue, le Parti socialiste est dans l'obligation de s'allier avec d'autres formations même si la constitution d'un gouvernement minoritaire concluant, selon les circonstances, des accords avec différents partis peut également être envisagée. Le Premier ministre sortant, José Maria Aznar, assurera l'intérim jusqu'à la formation du nouveau gouvernement. Il représentera donc l'Espagne lors du prochain sommet européen qui se déroulera à Bruxelles les 25 et 26 mars prochains.

Observateur sûr et impartial de la vie politique espagnole et symbole fort de l'unité du pays, le Roi Juan Carlos a déclaré avant l'annonce de tout résultat que les élections législatives du 14 mars étaient un événement sans précédent dans l'histoire du pays. «Ceux qui vont gagner et ceux qui vont perdre sont sur le même bateau, au creux de la même tempête. Une tourmente parcourt le monde entier. L'Espagne n'est plus un pays en dehors de l'histoire. Elle a rejoint le XXIème siècle » a affirmé le souverain.

Résultats des élections législatives du 14 mars 2004

Participation : 77,21%

Source Ministère de l'Intérieur espagnol

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