Analyse

Le chef de l'Etat sortant Serzh Sarkisian devrait être reconduit dans ses fonctions lors de l'élection présidentielle arménienne

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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21 janvier 2013
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 18 février prochain, les Arméniens désigneront leur président de la République. Selon l'article 51 de la Constitution, l'élection présidentielle doit se tenir au moins 50 jours avant l'expiration du mandat du chef de l'Etat sortant. La période d'enregistrement des candidats a cette année été réduite de 15 à 10 jours et 1 988 bureaux de vote seront installés à travers le pays, dont 450 dans les 13 districts électoraux d'Erevan. La campagne électorale débutera le 21 janvier et s'achèvera le 16 février au soir

Le chef de l'Etat sortant Serzh Sarkisian (Parti républicain, HHK) est candidat à sa propre succession et le grand favori des enquêtes d'opinion. Le seul véritable enjeu est d'ailleurs de savoir si celui-ci sera réélu dès le premier tour ou si un deuxième tour de scrutin sera nécessaire.

La fonction présidentielle en Arménie

Le président de la République est élu en Arménie au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans qui n'est renouvelable qu'une seule fois. Le chef de l'Etat dispose de nombreux pouvoirs dont notamment celui de dissoudre l'Azgayin Zhoghov (Assemblée nationale), Chambre unique du parlement. Commandant général des armées, il est également le garant de l'intégrité territoriale et de la sécurité du pays.

Source : Ministère de l'Intérieur arménien

8 personnes sont officiellement candidates à l'élection présidentielle du 18 février prochain :

– Serzh Sarkisian, président de la République sortant, ancien Premier ministre (2007-2008) et leader du Parti républicain (HHK), soutenu par Règne de la loi (Orinats Erkir, OEK), membre du gouvernement et dirigé par Artur Baghdasarian, ainsi que par le Parti de l'accord national d'Artaches Geghamian (ancien candidat de l'opposition à l'élection présidentielle des 19 février et 5 mars 2003) et l'Union pour les droits constitutionnels dirigée par Haik Babukhanian ;

–Raffi Hovannisian, leader d'Héritage (Zharangutiun, Z), parti libéral centriste qu'il a fondé en 2002, soutenu par le Parti socialiste du travail (HASK) de Moses Shahverdian ;

–Hrant Bagratian, ancien Premier ministre (1993-1996) et leader du Parti de la liberté (Azatutuyn), membre du Congrès national arménien (HAK), coalition de 13 partis présidée par l'ancien président de la République (1991-1998), Levon Ter Petrossian ;

– Paruir Hairikian, leader de l'Union pour l'auto-détermination nationale, ancien membre de la Fédération révolutionnaire Dashnaktsutyun (HHD) ;

– Arman Melikian, ancien ministre des Affaires étrangères du Nagorny Karabakh (2004-2005) et actuel conseiller pour les enjeux politiques des réfugiés et du réseau de la société civile du droit international ;

– Aram Harutinian, président du Parti de la solidarité nationale et candidat à l'élection présidentielle des 19 février et 5 mars 2003 (2,8% des suffrages au 1er tour) et du 19 février 2008 (0,17% des voix) ;

– Andreas Ghukasian, analyste politique ;

– Vardan Sedrakian, spécialiste du folklore.

Chaque candidat doit impérativement s'acquitter de 8 millions de drams (soit 14 784 €) au titre des frais d'enregistrement (le salaire mensuel moyen est de 230 € en Arménie). Certains candidats ont jugé cette mesure "anticonstitutionnelle".

Le paysage politique arménien

De nombreuses personnalités de l'opposition ont renoncé à se porter candidates à l'élection présidentielle du 18 février prochain. Aram Sargsian, leader du Parti République, a indiqué que celle-ci était, selon lui, inutile car le chef de l'Etat sortant conserverait le pouvoir. Il a décidé de ne soutenir aucun des candidats en lice. Il s'est cependant déclaré convaincu qu'une nouvelle ère allait débuter à l'issue du scrutin. Parour Airikian, leader de l'Union de l'identité nationale et partisan de l'établissement d'un régime parlementaire et de l'utilisation du scrutin proportionnel aux élections législatives, a renoncé à se présenter. Aram Karapetian, président des Temps nouveaux, et Tigran Karapetian, leader du Parti du peuple, ont exprimé une position identique estimant que le résultat du scrutin était "connu d'avance". Le premier secrétaire du comité central du Parti communiste, Ruben Tovmasian, s'est dit certain que cette élection "sera aussi corrompue que le précédent scrutin parlementaire (6 mai 2012)". Enfin, Levon Ter Petrossian, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle du 19 février 2008 (21,50% des suffrages), a lui aussi renoncé à se porter candidat. Il s'est dit trop âgé (il vient d'avoir 68 ans) tout en précisant que l'Arménie était "aux mains d'un groupe de criminels".

La Fédération révolutionnaire Dashnaktsutyun (HHD) dirigée par Hrant Markarian ne participera pas non plus à l'élection présidentielle et ne soutiendra aucun candidat. Le Congrès national arménien a renoncé à présenter un candidat et décidé de ne soutenir aucun des 8 en lice. La coalition de partis a accusé le gouvernement en place de "rendre impossible la tenue d'élections démocratiques et d'avoir perfectionné les techniques de fraude électorale" au cours des 5 dernières années.

Le leader d'Arménie prospère (BHK), l'homme d'affaires Gagik Tsarukian, qualifié "d'unique rival potentiel du président de la République sortant Serzh Sarkisian" par le directeur de l'Institut du Caucase, Alexander Iskandarian, a annoncé son retrait de la course présidentielle le 12 décembre dernier par une déclaration écrite. Il a déclaré qu'il ne soutiendrait aucun candidat le 18 février prochain.

En février 2011, le Parti républicain, le Règne de la loi (Orinats Erkir, OEK) et Arménie prospère avaient signé un accord pour ne pas s'opposer aux élections législatives du 6 mai 2012 et soutenir le chef de l'Etat sortant lors du prochain scrutin présidentiel. Arménie prospère, membre – avec le Parti républicain et le Règne de la loi – de la coalition au pouvoir depuis mars 2008, a cependant choisi, après les dernières élections législatives du 6 mai 2012, de ne pas participer au gouvernement dirigé par Tigran Sargsyan (HHK). Gagik Tsarukian avait à l'époque souligné qu'il était indispensable de construire une option alternative au Parti républicain et, en juin 2012, avait voté contre le nouveau gouvernement issu du scrutin législatif.

Selon Galust Sahakian, leader du groupe parlementaire du Parti républicain, plusieurs membres d'Arménie prospère ont cependant choisi de soutenir le président sortant Serzh Sarkisian au prochain scrutin présidentiel.

Héritage sera donc le seul parti d'opposition présent à cette élection présidentielle à travers son leader Raffi Hovannisian. Celui-ci a déclaré que Serzh Sarkisian était son seul véritable rival. Il a signifié qu'il en appellerait à la rue en cas de fraude électorale le 18 février prochain.

Raffi Hovannisian lancera sa campagne électorale le 21 janvier place de la liberté à Erevan. Pour celle-ci, il a fait appel à Levon Baghramian, jeune Arménien de 30 ans établi aux Etats-Unis et qui a travaillé à la dernière campagne présidentielle de Barack Obama. Le leader d'Héritage vient également d'obtenir le soutien du chanteur de rock Serj Tankian.

Beaucoup d'analystes politiques pensent que certains membres de l'opposition préfèrent ne pas s'impliquer dans l'élection présidentielle dans l'espoir d'obtenir un poste au gouvernement après le scrutin. "C'est la première fois dans l'histoire de l'Arménie que l'opposition ne participe pas à une élection, comme si elle admettait sa défaite" analyse Gevorg Poghosian, directeur de l'Institut de sociologie et de philosophie.

Le président de la République Serzh Sarkisian a annoncé sa candidature le 15 décembre dernier. Modernisation et réarmement sont les deux maîtres mots de son programme. Avec son slogan "Vers une Arménie sûre et prospère", le chef de l'Etat sortant promet que chaque Arménien jouira d'une "meilleure vie" en 2018, soit à la fin du prochain mandat présidentiel. Il veut porter une attention particulière à la reconnaissance du génocide arménien (1915-1916) par la communauté internationale et souhaite poursuivre les relations avec la Turquie voisine.

Serzh Sarkisian sera soutenu par la principale minorité vivant en Arménie, les yézidis (40 000 personnes) dont Aziz Tamoyan, président de l'Union des yézidis d'Arménie et du monde, est le représentant.

Hrant Bagratian a présenté son programme économique le 11 janvier dernier. Intitulé Cent pas vers la justice sociale, il prévoit une hausse des revenus, de l'emploi et de la natalité ; une réforme des taxes ; une modernisation de la politique budgétaire ; une amélioration de l'environnement économique et la réduction de l'économie parallèle.

L'analyste politique Andreas Ghukasian a appelé le 11 janvier dernier tous les candidats à l'élection présidentielle (à l'exception du chef de l'Etat sortant Serzh Sarkisian) à se désister et à s'unir au sein d'un mouvement civique pour exiger de réels changements. Quelques jours plus tard, il a changé de stratégie et a finalement appelé le seul Serzh Sarkisian à se désister.

Bruxelles a demandé aux autorités arméniennes de conduire le 18 février prochain une élection présidentielle "transparente, juste et qui corresponde aux normes internationales". "La qualité du scrutin pèsera sur l'accord d'association avec l'Union européenne" a déclaré Willem van der Geest, conseiller de l'Union européenne en Arménie. "Une élection réussie, libre et équitable est vraiment importante et cruciale pour les relations entre l'Arménie et l'Union européenne. Sans cela, le processus continu de réformes que nous voulons voir pourrait être compromis" a souligné le commissaire européen à l'Elargissement et à la Politique de voisinage, Stefan Füle qui a rappelé la nécessité pour l'Arménie et l'Azerbaïdjan d'éviter des actions susceptibles d'alimenter les tensions dans le Haut-Karabagh. "Avant l'élection présidentielle du mois prochain, des progrès supplémentaires sont nécessaires dans la mise en œuvre du cadre législatif actuel tel que recommandé par l'Organisation de la sécurité et de la coopération en Europe (OSCE)" a précisé Stefan Füle. "Après les élections parlementaires du 6 mai 2012, l'OSCE a fait plusieurs recommandations pour l'amélioration du processus électoral. Si je ne me trompe pas, sur 26 recommandations, 18 ont été suivies" a indiqué Andrei Sorokin, chef du bureau d'Erevan de l'organisation internationale.

Bruxelles et Erevan ont signé en décembre dernier un accord sur la facilitation des visas (qui doit encore obtenir l'accord du parlement européen). Celui-ci, qui ne concerne pas le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark, facilitera l'obtention de visas pour les Arméniens désireux de se rendre en Europe. Par ailleurs, l'Arménie a levé le 10 janvier dernier la nécessité de visas pour les citoyens européens.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par le centre Sotsiometr, 20% des Arméniens s'apprêteraient à voter pour le président sortant Serzh Sarkisian et 5,5% pour le leader d'Héritage Raffi Hovannisian le 18 février prochain. Un peu plus de la moitié des personnes interrogées (52%) se disent intéressées par l'élection et un tiers (32%) certaines de se rendre aux urnes. Le directeur du centre Sotsiometr, Aharon Adibekian, a indiqué que les voix des sympathisants d'Arménie prospère se diviseront entre le chef de l'Etat sortant et le leader du Parti de la liberté, Hrant Bagratian. "Je ne vois pas de rival au président Serzh Sarkisian. Raffi Hovannisian et Hrant Bagratian vont s'affronter pour la 2e place. Paruir Hairikian devrait arriver en 4e position. Les autres ne sont que des clowns" a-t-il souligné.

La participation sera enfin une donnée intéressante à observer. En 2005, la plupart des partis d'opposition avaient appelé au boycott du référendum sur les amendements constitutionnels. La forte abstention avait en partie délégitimé le vote.

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