Le conservateur Sauli Niinistö, grand favori de l'élection présidentielle finlandaise

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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19 décembre 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 22 janvier prochain, soit le troisième dimanche de janvier comme le veut la tradition, un peu plus de 4,4 millions de Finlandais sont appelés aux urnes pour désigner le successeur de Tarja Halonen à la présidence de la République. La chef de l'Etat sortante, élue la première fois le 6 février 2000, ne peut se représenter, la Constitution interdisant au président de la République d'exercer plus de deux mandats consécutifs.

L'élection présidentielle est le plus populaire des scrutins en Finlande. 300 000 électeurs ne se déplacent en effet que pour cette seule élection. La participation est en moyenne de 80%, soit environ dix points au-dessus de celle enregistrée traditionnellement aux élections législatives. Les Finlandais apprécient ce vote beaucoup plus personnalisé que les élections législatives où ils doivent se prononcer pour une liste de personnes et donc davantage pour un parti politique.

Si aucun candidat n'obtient la majorité absolue le 22 janvier prochain, un 2e tour se déroulera le 5 février.

Selon Pekka Perttula, rédacteur en chef du journal Suomenmaa, l'élection présidentielle des 22 janvier et 5 février constituera un tournant comme l'a été celle de janvier 1982. Cette année-là, Mauno Koivisto (Parti social-démocrate, SPD) l'avait emporté et marqué la fin de la prédominance du Parti du centre sur la vie politique finlandaise, initiant un cycle de 30 ans de présidence social-démocrate (Martti Ahtisaari (SPD) a succédé à Mauno Koivisto le 6 février 1994 à la tête de l'Etat et Tarja Halonen à Martti Ahtisaari le 6 février 2000).

Le vote par correspondance aura lieu pour le 1er tour du 11 au 17 janvier.

La fonction présidentielle

Le chef de l'Etat finlandais est élu pour un mandat de 6 ans. Depuis 1994, le scrutin a lieu au suffrage universel direct le troisième dimanche de janvier (pour le 1er tour, deux semaines plus tard pour le 2e) et le candidat élu prend ses fonctions le premier jour du mois suivant son élection (soit cette année, le 1er février s'il est élu au 1er tour de scrutin et le 1er mars s'il est désigné le 5 février). Dans le cas où une seule personne est candidate au poste présidentiel, le scrutin n'est pas organisé et l'unique candidat est élu d'office à la tête de l'Etat. Le président de la République ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Il est également d'usage qu'il remette sa carte de membre d'un parti politique pendant la durée de son mandat.

Les candidats, qui doivent obligatoirement être nés citoyens finlandais, peuvent être désignés par un parti ou par un groupe rassemblant un minimum de 20 000 électeurs.

Le chef de l'Etat dirige la politique étrangère et la défense du pays (en collaboration avec le gouvernement) et est le commandant en chef des armées. Il n'a aucun pouvoir sur les affaires intérieures du pays.

Le 21 octobre dernier, l'Eduskunta/Riksdag, chambre unique du parlement, a modifié les pouvoirs du président de la République. Ainsi, il est désormais inscrit dans la Constitution que la Finlande est représentée au sein de l'Union européenne par son Premier ministre. Par ailleurs, les éventuels conflits entre le chef de l'Etat et le gouvernement seront dorénavant tranchés par le Parlement. Ces changements entreront en vigueur le 1er mars prochain, date à laquelle si le chef de l'Etat est élu au 2e tour de scrutin, le successeur de Tarja Halonen prendra ses fonctions. Ces modifications ont été votéES par 118 députés, contre 40 (dont ceux du parti des Vrais Finlandais – PS – et deux députés de l'Alliance – VAS) et 40 abstentions. "On a décidé de diminuer les pouvoirs du président de la République alors que le peuple veut un président fort" a déclaré Tarja Halonen après le vote du Parlement. Le leader des Vrais Finlandais, Timo Soini, et le candidat du Rassemblement conservateur (KOK) à la présidence, Sauli Niinistö, se sont également exprimé pour dire que les changements constitutionnels avaient trop altéré l'autorité présidentielle.

Une hausse de la rémunération et de la pension de retraite du chef de l'Etat a également été décidée. La première, jusqu'ici établie à 126 000 € annuels après un sextennat, passera à 160 000 € par an. La retraite, actuellement de 75 600 € (soit 60% de la rémunération), atteindra 96 000 €. Deux anciens chefs de l'Etat sont toujours en vie : Mauno Koivisto et Martti Ahtisaari. La rémunération du chef de l'Etat (comme sa pension de retraite) n'est pas imposable.

Les candidats à la présidence de la République

8 personnes sont officiellement candidates à la magistrature suprême :

– Sauli Niinistö, 63 ans, candidat du Rassemblement conservateur (KOK), qu'il a présidé de 1994 à 2004 et actuellement au pouvoir dans le pays. Ancien ministre de la Justice (1995-1996) et des Finances (1996-2003) et ancien président du Parlement (2007-2011), il a été candidat à la dernière élection présidentielle des 15 et 29 janvier 2006 qu'il a perdu au 2e tour avec 48,20% des suffrages contre Tarja Halonen (51,80% des voix) ;

– Paavo Väyrynen, 65 ans, candidat du Parti du centre (KESK) dont il a été le Président de 1980 à 1990. Candidat à l'élection présidentielle de 1988 et 1994, il n'a pas été réélu député lors des dernières élections législatives du 17 avril 2011 ;

– Paavo Lipponen, 70 ans, candidat du Parti social-démocrate (SPD). Leader du parti de 1993 à 2005, il est nommé Premier ministre en 1995 et gouverne jusqu'en 2003. Président du Parlement de 2003 à 2007, il s'était ensuite retiré de la vie politique ;

– Timo Soini, 49 ans, leader des Vrais Finlandais (PS), parti qui a réalisé une véritable percée lors des dernières élections législatives du 17 avril dernier où il a recueilli 19% des suffrages. Candidat au scrutin présidentiel des 15 et 29 janvier 2006, Timo Soini avait obtenu 3,40% des suffrages au 1er tour de scrutin ;

– Pekka Haavisto, 53 ans, candidat des Verts (VIHR). Ancien ministre de l'Environnement (1995-1999), il a ensuite travaillé pour l'Organisation des Nations unies (ONU). En 2005, il est devenu le représentant de l'Union européenne au Soudan où il a participé aux négociations de paix du Darfour. Pekka Haavisto a été réélu député lors des élections législatives du 17 avril dernier après 12 ans d'absence au Parlement ;

– Sari Essayah, 44 ans, candidate du Parti démocrate-chrétien (SKL). Championne du monde du 10km marche en 1993 et championne d'Europe en 1994, elle est députée européenne depuis 2009.

– Paavo Arhinmäki, 35 ans, candidat de l'Alliance des gauches (VAS) dont il est le président depuis 2009. Actuel ministre de la Culture et des Sports, il est le plus jeune candidat à ne s'être jamais présenté à l'élection présidentielle ;

– Eva Biaudet, 50 ans, candidate du Parti du peuple suédois (SFP) dont elle représente l'aile libérale. Ancienne ministre de la santé et des Affaires sociales (1999-2000 et 2002-2003), elle est l'actuelle ombudsman pour les minorités.

Grand favori de l'élection présidentielle, Sauli Niinistö doit affronter deux fronts d'opposition : le camp anti-européen, qui rassemble le populiste Timo Soini et le centriste Paavo Väyrynen, ainsi que l'opposition de gauche, importante mais fragmentée. Très populaire, il attire un électorat très large, bien au-delà de son parti politique. "Cela s'explique en partie par le fait que chaque électeur social-démocrate, vrai Finlandais ou centriste se déclare prêt à voter pour Sauli Niinistö au 2e tour de scrutin et non en faveur du candidat de leur parti" analyse Erkki Karvonen, politologue de l'université de Tampere. Celui-ci attribue également la popularité du candidat à ses qualités personnelles, à son expérience et à son indépendance.

Paavo Väyrynen, qui se veut le "président de toute la Finlande", a été désigné candidat du Parti du centre. Il se démarque de son parti, notamment sur l'Europe, même si le parti dirigé par l'ancien Premier ministre (2010-2011) Mari Kiviniemi, traditionnellement pro-européen, a évolué depuis les élections législatives du 17 avril dernier sur ce sujet. La leader centriste a accusé les autres partis, notamment le Parti social-démocrate, d'avoir eu peur des Vrais Finlandais avant le scrutin législatif et d'avoir adopté un discours anti-immigration. Elle a affirmé la nécessité d'une véritable coopération entre le Parti du centre et le parti populiste. Mari Kiviniemi, qui a refusé de se présenter à l'élection présidentielle, répète que les divergences de vues entre le candidat et son parti existent dans tous les autres partis, notamment entre Sauli Niinistö et le Rassemblement conservateur.

Timo Soini a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle le 24 septembre dernier. Celle-ci a été avalisée le 15 octobre lors d'un congrès du parti des Vrais Finlandais. Président de la Commission des Affaires étrangères du Parlement, le leader populiste est cependant moins populaire que son parti. Il s'est fixé pour objectif minimum de parvenir au 2e tour.

Le social-démocrate Paavo Lipponen a remporté le 13 septembre dernier l'élection primaire organisée par son parti pour désigner son candidat au scrutin présidentiel. Il a recueilli 67% des suffrages devançant Tuula Haatainen, maire adjointe de Helsinki, qui a obtenu 22% des voix, et Ilkka Kantola, député, qui en a recueilli 11%. 2 700 membres du Parti social-démocrate ont voté à l'élection primaire, soit 37,5% du total. Paavo Lipponen a choisi de centrer sa campagne électorale sur les thèmes suivants : la coopération européenne, la défense de l'Etat-providence et la justice.

La crise européenne au cœur de la campagne électorale

La crise de la zone euro et de la dette en Europe s'est logiquement imposée comme l'un des thèmes principaux de la campagne électorale présidentielle.

Sauli Niinistö a critiqué la solidarité budgétaire entre les Etats membres de l'Union européenne. "Nous avons fait des erreurs dans les années 2000 en affaiblissant le Pacte de stabilité et de croissance puis, en 2010, lorsque nous avons aidé la Grèce alors qu'il aurait fallu laisser cette tâche au Fonds monétaire international (FMI) " a-t-il déclaré. Selon lui, seule l'inflation permettra aux pays endettés de se débarrasser de leur dette. Il affirme que les banques qui ont été recapitalisées devraient être nationalisées afin d'éviter que les contribuables ne se sentent floués.

Paavo Väyrynen exige la faillite ordonnée de la Grèce et estime que "la Finlande devrait sortir de l'euro où elle n'est pas en bonne compagnie". Le candidat centriste considère que la zone euro est trop large et a affirmé qu'Helsinki avait fait une erreur en adhérant à l'Union économique et monétaire (UEM). Paavo Väyrynen pourrait attirer les anciens électeurs du Parti du centre qui, déçus par leur parti, avaient voté en faveur des Vrais Finlandais lors des dernières élections législatives du 17 avril 2011.

Pour Timo Soini, le départ de la Grèce de la zone euro est inéluctable et aura un effet domino. "Dès qu'un Etat quittera la zone euro, il sera suivi par de nombreux autres comme une réception où personne ne veut partir mais où le premier départ sonne la fin de la fête" a-t-il déclaré. Le leader des Vrais Finlandais affirme que la Finlande doit maintenir son droit à l'autodétermination et sa situation dans le monde. "En URSS, le NKVD (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures dans l'Union soviétique) décidait de tout. Dans les pays européens se développe l'idée pernicieuse que seule la Banque centrale européenne (BCE) sait comment résoudre la crise de l'euro" a t-il déclaré, ajoutant que l'euro et l'Union européenne ne sont pas éternels. Le leader populiste a pour modèle la Norvège voisine, pays en dehors de l'Union européenne et doté de sa propre monnaie.

A l'inverse, Paavo Lipponen demande une plus grande fermeté des contrôles des finances des Etats par l'Union européenne. Il est favorable à un approfondissement de l'intégration européenne et à un renforcement de la démocratie parlementaire. Enfin, il souhaite que le Parlement finlandais participe à la coordination de la politique financière européenne.

Le 5 décembre dernier, le journal Aamulehti a publié une enquête d'opinion qui montre que 63% des Finlandais estiment que l'euro doit à tout prix être sauvé (81% des membres du Rassemblement conservateur et 2/3 des électeurs du Parti du centre mais seulement 26% des membres des Vrais Finlandais). Plus de quatre personnes interrogées sur dix (44%) se déclarent favorables à une union monétaire limitée aux Etats qui "ont bien géré leurs finances", un tiers (33%) y sont opposés.

Le 14 décembre s'est déroulé sur la chaîne de télévision MTV3 le premier débat de la campagne présidentielle auquel ont participé les 8 candidats. La crise de la dette en Europe a dominé les échanges. Timo Soini et Paavo Väyrynen ont affirmé que l'euro allait disparaître. Sauli Niinistö s'est montré confiant et a répété que la crise sera résolue par l'inflation et l'augmentation de la masse monétaire. De même, Pekka Haavisto a déclaré que la crise sera résolue par la volonté de l'Allemagne et de la France.

La situation économique de la Finlande figure au centre de la campagne. Après avoir connu une récession de 8,9% en 2009, le pays a enregistré une croissance de son PIB de 3,6% en 2010, celle-ci devrait être de 2,8% cette année. Le déficit budgétaire est au-dessous du seuil des 3% autorisés par le Pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne. La dette publique s'élève à environ 50% du PIB.

Enfin, comme souvent, la question de l'adhésion à l'OTAN est au cœur des débats. Le candidat d'extrême gauche Paavo Arhinmäki se veut le candidat anti OTAN. Quatre autres candidats sont opposés à l'adhésion d'Helsinki à l'Alliance du traité de l'Atlantique Nord : Pekka Haavisto, Paavo Lipponen, Paavo Väyrynen et Sauli Niinistö. Ce dernier, qui regrette l'attitude finlandaise qui consiste à utiliser l'OTAN comme un épouvantail, souhaite qu'un référendum soit organisé sur le sujet au cas où la question s'imposerait sur l'agenda politique.

Selon la dernière enquête d'opinion rendue publique le 15 décembre dernier par la chaîne de télévision YLE, Sauli Niinistö recueillerait 40% des suffrages lors du 1er tour de scrutin le 22 janvier. Il bénéficie d'une large avance sur ses rivaux. Paavo Väyrynen arriverait en 2e position avec 9% des voix ; Timo Soini recueillerait 7% des suffrages ; Pekka Haavisto 6% ; Paavo Lipponen, 5% ; Eva Biaudet et Paavo Arhinmäki, 3% chacun et Sari Essayah, 2%. On notera que la proportion des personnes interrogées déclarant ne pas encore avoir fait leur choix a considérablement augmenté ces dernières semaines. Le pourcentage s'établit à 25%.

Selon tous les sondages, Sauli Niinistö devrait être élu lors du 2e tour le 5 février 2012.

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