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Le parti d'opposition, Centre de l'harmonie, arrive en tête des élections législatives lettones

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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19 septembre 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 17 septembre, un parti de gauche est arrivé en tête des élections législatives lettones pour la première fois depuis 1991, année où le pays a recouvré son indépendance. Le Centre de l'harmonie (SC) a recueilli 28,37% des suffrages et remporté 31 sièges au parlement (+ 2 par rapport au précédent scrutin législatif du 2 octobre 2010). Il a obtenu 52,08% des voix dans la circonscription de Latgale et 41,56% dans celle de Riga. Le Centre de l'harmonie s'impose devant le Parti de la réforme de Zatlers (PRZ), parti de droite fondée par l'ancien président de la République (2007-2011) Valdis Zatlers, qui a recueilli 20,82% des suffrages et 22 sièges et Unité (V), parti du Premier ministre sortant Valdis Dombrovskis, qui a obtenu 18,83% des voix et 20 sièges (- 13). Le centre-droit sort donc également renforcé de ces élections législatives et devrait pouvoir former un gouvernement.

Alliance nationale–Tout pour la Lettonie, nouveau parti issu de la fusion de l'Union pour la patrie et la liberté (TB/LNNK) et du parti d'extrême droite, Tout pour la Lettonie (VL), est l'autre vainqueur du scrutin. Il est en nette progression, arrivant en 4e position avec 13,88% des voix et 14 sièges (+ 6), juste devant l'Union des Verts et des paysans (ZSS), membre de la coalition gouvernementale sortante, qui a recueilli 12,22% des suffrages et 12 sièges (- 9).

Les autres partis, dont le Parti populaire (TP) de l'homme d'affaires et ancien Premier ministre (1995-1997 et 1999-2000) Andris Skele et Premier de Lettonie-Voie lettone (LPP-LC), dirigé par Ainars Slesers, ne sont pas parvenus à franchir le seuil de 5% des suffrages exprimés indispensable pour être représenté à la Saeima, chambre unique du Parlement. Ces deux hommes ont été qualifiés avec le maire de Ventspils Aivars Lembergs (ZSS) comme d'"oligarques" par l'ancien chef de l'Etat Valdis Zatlers qui, le 28 mai dernier, avait procédé à la dissolution du parlement letton pour protester contre le refus des députés de lever l'immunité parlementaire d'Ainars Slesers, soupçonné de versement et d'acquisition de pots-de-vin, de blanchiment d'argent, de fausses déclarations et d'abus de pouvoir. La dissolution de la Saeima avait conduit à l'organisation d'un référendum le 23 juillet dernier lors duquel les Lettons avaient massivement approuvé la décision de leur ancien président de la République : 94,30% des votants avaient en effet voté "oui" à la dissolution de leur parlement. Les trois plus célèbres oligarques ne siègeront donc pas dans la nouvelle Saeima ; leurs partis politiques sont les grands perdants des élections législatives du 17 septembre.

La participation a été moindre que ce qu'avaient anticipé les enquêtes d'opinion et légèrement inférieure à celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 2 octobre 2010. Elle s'est élevée à 60,55% (- 1,45 point). La circonscription de Riga a été la plus mobilisée (66,18%), celle de Zemgale la plus abstentionniste (57,33%). Les Lettons de l'étranger n'ont jamais été aussi nombreux à remplir leur devoir civique depuis les élections législatives de 1993 même si, en raison de leur nombre croissant, leur taux de participation a été inférieur à celui enregistré lors du précédent scrutin législatif du 2 octobre 2010. Leur vote diffère de celui de leurs compatriotes qui résident en Lettonie : 31,4% d'entre eux se sont prononcés pour Unité, 22,96% pour le Parti de la réforme, 21,54% pour Alliance nationale–Tout pour la Lettonie et 14,95% ont donné leur voix au Centre de l'harmonie.

"Je suis convaincu que les dirigeants lettons seront en mesure de former une coalition où les intérêts de tous les électeurs seront représentés" a déclaré le leader du Centre de l'harmonie, Nils Usakovs. "Il est important de former une coalition efficace et de travailler à des décisions difficiles" a-t-il ajouté. Le député Andrejs Klementjevs (SC) a affirmé que les résultats de son parti ne pouvaient être ignorés et que celui-ci avait sa place dans le futur gouvernement. "Le contraire serait un manque de respect envers nos électeurs qui représentent un tiers des Lettons" a-t-il averti.

La participation du Centre de l'harmonie au futur gouvernement est toutefois loin d'être acquise. "Nous allons d'abord parler avec Unité, ensuite avec Alliance nationale–Tout pour la Lettonie, et seulement après avec le Centre de l'harmonie" a ainsi indiqué Edmunds Sprudzs, candidat du Parti de la réforme de Zatlers au poste de Premier ministre. "Dans un premier temps, nous allons rencontrer le Parti de la réforme de Zatlers" a précisé Valdis Dombrovskis sur la chaîne de télévision LNT. "Nous avons certainement, moi-même et Unité, travaillé à obtenir les meilleurs résultats possibles. Nous sommes donc prêts à continuer à gouverner" avait indiqué le chef du gouvernement sortant après avoir déposé son bulletin dans l'urne. "Le Parti de la réforme de Zatlers est le plus proche de nous idéologiquement parlant, le Centre de l'harmonie est le plus éloigné" a souligné le Premier ministre sortant. "Nous allons continuer à discuter et je suis certain que les négociations seront fructueuses. Notre principal objectif est le maintien de la stabilité" a précisé Valdis Zatlers.

Le Centre de l'harmonie, parti russophone positionné à gauche sur l'échiquier politique, inspire une grande méfiance dans un pays qui reste fortement marqué par 50 ans d'occupation soviétique et où la gauche reste apparentée à ce passé. En outre, le Parti de la réforme de Zatlers et Unité divergent sur de nombreux points avec le Centre de l'harmonie, notamment sur les questions économiques et diplomatiques.

Au pouvoir depuis 2009, le Premier ministre sortant Valdis Dombrovskis a mené une politique de grande rigueur pour sortir son pays de la crise économique qu'il traverse (récession de 18% en 2009, soit le plus important recul des 27 pays de l'Union européenne). Riga n'a été sauvé de la faillite que par les prêts de 5,27 milliards de lats (7,05 milliards €) que lui ont accordés principalement le Fonds monétaire international (1,30 milliard €) et l'Union européenne (3,1 milliards €). Valdis Dombrovskis s'est engagé à combler le déficit budgétaire et à stabiliser le secteur bancaire de son pays. Pour ce faire, il a opéré de sévères coupes budgétaires, diminué de 10% les pensions de retraite et de 35% le salaire des fonctionnaires, drastiquement réduit le nombre des fonctionnaires et augmenté les impôts (+ 3 points pour l'impôt sur le revenu et + 3 points pour la TVA, qui s'élève désormais à 21%). Les milieux économiques s'inquiètent d'une éventuelle participation du Centre de l'harmonie au gouvernement qui pourrait remettre en cause certaines de ces mesures. Le parti de Nils Usakovs s'est en effet déclaré favorable à une renégociation des termes du remboursement du prêt de 7,5 milliards € (dû pour 2014) accordé par le Fonds monétaire international à Riga et souhaite revenir sur une partie des coupes prévues pour réduire le déficit budgétaire. Le Centre de l'harmonie s'est fixé un objectif de déficit de l'ordre de 5% ou 6% au lieu des 3% (qui correspondent aux obligations fixés par le Pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne) que souhaitent atteindre Unité et le Parti de la réforme de Zatlers qui aimeraient voir la Lettonie adopter la monnaie unique en 2014.

Outre le soutien aux réformes économiques, le Parti de la réforme de Zatlers et Unité exigent du Centre de l'harmonie qu'il reconnaisse l'occupation de la Lettonie par l'Union soviétique entre 1945 et 1991. Le 16 septembre dernier, à la surprise générale, Nils Usakovs, évoquant le passé récent de son pays, a parlé pour la première fois des "50 années d'occupation" lors d'une conférence à Riga. Enfin, Unité avait ajouté une dernière condition pour envisager de collaborer avec le Centre de l'harmonie : la reconnaissance du letton comme seule langue officielle du pays. Récemment, le Centre de l'harmonie a déclaré être favorable à une hausse modérée des heures d'enseignement du letton dans les écoles de langue russe.

"Une coalition gouvernementale composée du Parti de la réforme de Zatlers, d'Unité et d'Alliance nationale–Tout pour la Lettonie Alliance nationale semble la plus probable" a déclaré Ivars Ijabs, politologue de l'université de Lettonie. "Il existe une longue tradition de tenir les Russes à l'écart" a-t-il ajouté. "La formation du prochain gouvernement sera plus difficile qu'elle ne l'a été il y a un an" a déclaré l'ancienne présidente de la République (1999-2007) Vaira Vike-Freiberga.

Si les partis politiques ne parviennent pas à s'entendre, le Parti de la réforme de Zatlers et Unité pourraient décider de former une coalition gouvernementale minoritaire qui s'appuierait sur un ou plusieurs partis pour les grandes décisions. En effet, après 3 scrutins en 11 mois (élections législatives le 2 octobre 2010, référendum sur la dissolution du parlement le 23 juillet dernier et enfin élections législatives anticipées le 17 septembre), bien peu de politiques souhaitent pour l'heure retourner devant les électeurs.

Le président de la République, Andris Berzins, a prévenu il y a quelques jours qu'il n'entamerait pas les négociations pour la formation du prochain gouvernement avant le 28 septembre prochain, jour de son retour de l'assemblée générale des Nations unies qui se tient à New York. "Ces dix jours seront mis à profit par les partis pour trouver des arrangements. Je n'y vois pas de problème. Les négociations démarreront le 28 septembre, tout sera fait en temps et en heure et les partis seront prêts" a-t-il indiqué.

"Le prochain parlement disposera de seulement 3 ans pour prouver qu'il travaille mieux que la précédente assemblée. Vous devrez exercer votre mandat dans un monde à la fois plus complexe et plus exigeant. La situation économique du monde d'aujourd'hui ne nous pousse guère à l'optimisme ; par conséquent, la prochaine législature ne devra pas être celle des luttes entre individus mais celle du travail pour, et non contre, les intérêts de la Lettonie et l'avenir du pays" a déclaré Andris Berzins en s'adressant aux futurs parlementaires.

Conformément à ce que stipule la Constitution lettone, la Saeima élue le 17 septembre prochain devra tenir sa première séance dans le mois suivant, soit avant le 17 octobre.

Source : Site internet de la Commission électorale centrale de Lettonie

(http://www.velesanas2011.cvk.lv )

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