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Alternance au Danemark où l'opposition remporte de peu les élections législatives

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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19 septembre 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Les forces d'opposition de gauche emmenées par le Parti social-démocrate (SD) ont remporté les élections législatives qui se sont déroulées au Danemark le 15 septembre. Ensemble, les 4 partis du Bloc rouge – Parti social-démocrate, Parti social-libéral, Parti socialiste populaire et Liste de l'unité – ont recueilli 50,2% des suffrages et 89 sièges au Folketing, chambre unique du Parlement, soit + 8 par rapport au précédent scrutin législatif du 13 novembre 2007, s'imposant devant le Bloc bleu, formé par les partis de droite – Parti libéral, Parti du peuple danois, Alliance libérale et Parti conservateur –, qui a obtenu 49,7% des voix et 86 sièges ( - 3).

Le Parti libéral (V) du Premier ministre sortant Lars Lokke Rasmussen conserve sa position de 1er parti du pays avec 26,7% des suffrages et 47 sièges (+ 1). Il devance les sociaux-démocrates emmenés par Helle Thorning-Schmidt qui ont recueilli 24,9% des voix, soit leur plus faible résultat depuis 1906, et 44 sièges (- 1). Le Parti du peuple danois (DF), formation populiste d'extrême droite dirigée par Pia Kjaersgaard, enregistre un recul pour la première fois de son histoire. Il a obtenu 12,3% des suffrages et 22 sièges (- 3). Le Parti social-libéral (RV), formation d'opposition conduite par Marghrethe Vestager, a réalisé une percée avec 9,5% des voix et 17 sièges (+ 8). A l'inverse, le Parti socialiste populaire (SF) de Villy Sovndal est en net recul : il a recueilli 9,2% des suffrages et 16 sièges (- 7). Le Parti conservateur (KF), formation membre de la coalition gouvernementale sortante et dirigée par Lars Barfoed obtient 4,9% des voix (-10), soit plus de la moitié de ses sièges et devient le plus petit parti du Folketing. L'Alliance libérale, ancienne Nouvelle alliance (Y), a recueilli 5% des suffrages et remporté 9 sièges (+ 4).Enfin, la Liste de l'unité (E), parti de l'opposition de gauche, a obtenu 6,7% et 12 sièges (+ 8).

Kaj Leo Johannesen et Aksel Johannesen sont élus députés aux îles Féroé ; Kuupik Kleist et Aleqa Hammond au Groenland.

La participation s'est élevée à 87,71%, soit très légèrement au-dessus de celle enregistrée lors des précédentes élections législatives du 13 novembre 2007 (+ 1,18 point).

"Nous l'avons fait ! Ce jour est celui du changement. Nous avons de nouveau démontré ce soir que les sociaux-démocrates constituent une grande force qui occupe une position centrale dans la société danoise" a déclaré Helle Thorning-Schmidt lors de l'annonce des résultats. "Ensemble, nous pouvons écrire l'histoire. Nous pouvons dire au revoir à 10 ans d'un règne bourgeois qui a calé et offrir un nouveau gouvernement et une nouvelle majorité au Danemark" a-t-elle ajouté, affirmant qu'elle travaillerait à bâtir "une société qui ne laisse personne de côté et où chacun peut avoir une deuxième chance".

Le Premier ministre sortant Lars Lokke Rasmussen a reconnu sa défaite en félicitant sa rivale pour son succès et annoncé qu'il démissionnerait dès le lendemain. "Demain à 11h, je remettrai la démission du gouvernement à la reine. Il n'y a plus de motif de rester au gouvernement" a-t-il indiqué sur la chaîne de télévision TV2.

Les élections législatives ont été dominées par l'inquiétude des Danois envers l'état de leur économie. Les trois quarts d'entre eux (74%) avaient cité ce thème comme l'enjeu le plus important du scrutin dans une enquête d'opinion début septembre.

Longtemps considéré comme l'un des meilleurs élèves de l'Europe au niveau économique, le Danemark a échappé de peu à la récession (deux trimestres consécutifs de croissance négative) grâce à l'augmentation de 0,1% de son PIB au 1er trimestre 2011. Le taux de chômage est en hausse dans le royaume et le déficit budgétaire du pays, qui s'est élevé à 2,8% du PIB l'an passé, devrait atteindre 68 milliards de couronnes (9, 1 milliards €), soit 3,8% du PIB, en 2011 et près de 85 milliards de couronnes (11,4 milliards €) l'année suivante (4,6% du PIB). Il y a quatre ans, en 2007, le budget du Danemark avait été excédentaire de plus de 80 milliards de couronnes (5% du PIB).

Helle Thorning-Schmidt avait accusé le chef du gouvernement sortant Lars Lokke Ramussen d'avoir échoué à ramener la croissance et accru le déficit budgétaire. Elle propose de donner un "nouveau départ" au Danemark. Pour ce faire, elle est favorable à une hausse des investissements publics dans l'éducation et les infrastructures et à un relèvement de l'imposition des hauts revenus et défend le système de retraite actuel que le gouvernement sortant voulait modifier. Le plan de l'opposition de gauche prévoit d'injecter dans l'économie 18 milliards de couronnes (2,4 milliards €) financés par des emprunts et par une augmentation du temps de travail quotidien de 12 minutes (soit une heure hebdomadaire) dans l'économie. "Nous ne sautons pas dans le train de l'austérité" a affirmé Helle Thorning-Schmidt. La gauche a promis le retour à l'équilibre budgétaire d'ici à 2020.

"La seule chose dont nous soyons sûrs, c'est qu'un nouveau gouvernement rendrait plus coûteux d'être Danois. Nous avons déjà le secteur public le plus important du monde. Nous devrions rester sur le chemin qui nous a fait passer la crise de manière raisonnable, redonner l'optimisme au Danemark et non pas créer des obstacles à la consommation privée et rendre la vie plus chère pour les Danois" avait déclaré Lars Lokke Ramussen qui avait demandé aux électeurs de lui rester fidèles pour empêcher la gauche de défaire ce que son gouvernement avait réalisé et mis en garde contre des promesses "financées par des hausses d'impôts qui entraîneront une réduction de la consommation des ménages". Probablement usé par les dix ans de pouvoir de son parti, le Premier ministre sortant n'a pas été entendu et les difficultés économiques ont conduit les Danois à sanctionner le gouvernement sortant.

En matière d'immigration –sujet longtemps clivant dans le royaume scandinave –, Helle Thorning-Schmidt, qui a déclaré souhaiter mettre en place une politique d'immigration plus humaine que celle suivie par le gouvernement sortant, a cependant précisé qu'elle ne reviendrait pas sur la plupart des mesures prises depuis dix ans par celui-ci. "L'une des raisons pour lesquelles l'immigration n'a pas constitué un enjeu lors de ces élections législatives est que la gauche a adopté la même rhétorique que la droite sur le sujet" a déclaré Peter Kurrild-Klitgaard, professeur de science politique de l'université de Copenhague.

Agée de 44 ans, Helle Thorning-Schmidt est diplômée de science politique de l'université de Copenhague et du Collège d'Europe de Bruges. Elle est mariée à Stephen Kinnock, fils de l'ancien leader (1983-1992) du Parti travailliste britannique, Neil Kinnock.

Adhérente du Parti social-démocrate en 1993, elle occupe tout d'abord les fonctions de chef du secrétariat de la délégation du parti au Parlement européen de 1994 et 1997 avant de devenir consultante internationale pour la Confédération danoise des syndicats (LO). En 1999, elle est élue député européenne puis entre au Folketing à l'occasion des élections législatives du 8 février 2005.

A l'issue du scrutin remporté par la droite et après la démission du précédent leader social-démocrate Mogens Lykketoft, Helle Thorning-Schmidt se présente comme candidate à sa succession. Le 12 avril 2005, elle est élue à la tête de son parti avec 53,2% des suffrages en battant Frank Jensen, positionné plus à gauche. Elle devient alors la première femme à diriger les sociaux-démocrates.

A ce poste, elle manoeuvre en faveur du rapprochement de son parti avec le Parti socialiste populaire et le Parti social-libéral et prône la formation d'un gouvernement d'union soutenu par l'Alliance rouge et verte en cas de victoire des forces de gauche. "Elle a su panser les blessures remontant au début des années 1990 et reconstruire une unité dans le parti grâce à des qualités de chef, à la fois autoritaire et capable de travailler en équipe" affirme Rune Subage, politologue de l'université d'Aarhus.

Ayant réussi à fédérer la gauche danoise et à remporter les élections, elle devrait donc devenir la première femme Premier ministre de l'histoire du Danemark.

Si la victoire du Bloc rouge est indéniable, la gauche a cependant obtenu une courte majorité. La formation du prochain gouvernement pourrait être difficile. La coalition conduite par Helle Thorning-Schmidt reste effectivement très hétérogène. Ainsi, le Parti social-libéral (RV), positionné au centre sur l'échiquier politique, est favorable à une politique économique libérale et a cherché, durant la campagne électorale, à minimiser le rôle que pourraient avoir le Parti populaire socialiste et la Liste de l'unité dans un futur gouvernement. Ces partis ont des opinions divergentes sur plusieurs dossiers importants : la réforme des retraites, l'immigration, la fiscalité et la politique économique.

Par ailleurs, l'alternance ne devrait pas profondément modifier le visage du Danemark. "Les différences sont minimes entre les deux bords de l'échiquier politique. Les changements ne seront pas très importants" a affirmé Bo Sandemann Rasmussen, professeur de science politique de l'université Aarhus.

Source : institut danois de la statistique

(http://www.dst.dk/valg/Valg1204271/valgopgmid/valgopgHL.htm )

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