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Corinne Deloy,
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Fondation Robert Schuman
Le 26 août, le Premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen (Parti libéral, V) a annoncé que les prochaines élections législatives se tiendraient le 15 septembre. Le chef du gouvernement devait convoquer ce scrutin avant le 13 novembre prochain.
Le Premier ministre a tenu à expliquer que les élections législatives devaient, selon lui, avoir lieu avant la prochaine session du parlement, prévue en octobre prochain, afin que le gouvernement puisse mettre en œuvre au plus vite les réformes nécessaires à la relance de l'économie. Les récents scrutins législatifs ont toujours été anticipés dans le royaume. En 2001, les élections ont été organisées 4 mois avant la fin du mandat du parlement, en 2005, 9 mois plus tôt et en 2007, 15 mois avant. La date du scrutin a été fixée 3 semaines avant le jour du vote. "Il est habituel au Danemark que le Premier ministre annonce l'organisation d'élections législatives de cette façon et il essaie toujours de le faire de façon inattendue. C'est une sorte de pouvoir dont dispose le chef du gouvernement" a précisé Soren Risberg Thomsen, professeur de science politique à l'université Aarhus.
Le scrutin législatif se déroule traditionnellement le mardi dans le royaume, à l'exception de celles de 1990 et 1994 qui ont été organisées un mercredi. Cette année, les élections auront lieu un jeudi.
Un pays touché par la crise économique
Les questions économiques (la relance de la croissance et le redressement des finances publiques) seront l'un des enjeux principaux des élections. Le Danemark, dont le PIB s'est contracté de 0,1% au 1er trimestre 2011 et qui a eu une croissance négative au trimestre précédent, est en récession. "La situation de l'économie nationale ou comment ramener la croissance au Danemark ? sera le thème majeur de la campagne électorale" a affirmé Peter Goll, analyste au cabinet de consultants Geelmuyden.Kiese. "Ces élections législatives se feront sur les thèmes de la relance de la croissance, de l'amélioration de l'emploi. Ensuite, elles se feront sur la façon de garantir l'Etat-providence" a indiqué Lars Andersen, directeur du Conseil économique du mouvement du travail.
Lors des dernières semaines, gouvernement et opposition ont présenté chacun leur plan pour sortir le pays de la crise économique. Le 23 août dernier, le Premier ministre Lars Lokke Rasmussen a dévoilé son "plan de croissance durable" destiné à stimuler la croissance du pays durant les 2 années à venir. "Quand le monde est aussi incertain qu'il l'est, nous avons besoin de bien baliser le chemin à suivre, c'est la tâche à laquelle s'attelle le gouvernement. La solution réside dans la prise de responsabilité économique qui fait du Danemark l'un des pays les plus sûrs du monde et non dans un endettement incontrôlé et des hausses d'impôts. Nous ne voulons pas créer de la croissance par l'emprunt" a déclaré le chef du gouvernement, ajoutant "En pleine crise de la dette, les Danois ont le choix entre un endettement incontrôlé ou une politique fiscale responsable et la permanence de l'Etat-providence".
Le plan de croissance durable, dont le montant est de 10,8 milliards de couronnes (1,4 milliard €) devra relancer le secteur de la construction (nouvelles dépenses publiques notamment dans les infrastructures routières et ferroviaires , aide au marché immobilier suspension de certaines taxes d'habitation ainsi que des frais d'enregistrement des propriétés et soutien à l'investissement et à la consommation privés).
Selon le ministère des Finances, le déficit du pays, qui s'est élevé à 2,8% du PIB l'an passé, devrait atteindre 68 milliards de couronnes (9, 1 milliards €), soit 3,8% du PIB, cette année et près de 85 milliards de couronnes (11,4 milliards €) en 2012 (4,6% du PIB), soit + 5 milliards par rapport à ce qui avait été annoncé en mai dernier. La faiblesse de la consommation, les prévisions de croissance internationale en baisse et la chute des Bourses a accru la pression sur les finances publiques a indiqué le ministre des Finances, Claus Hjort Frederiksen, pour expliquer la hausse du déficit budgétaire au-delà du plafond des 3% fixés par le Pacte de stabilité et de croissance de l'Union européenne. Le ministère des Finances a également revu à la baisse son estimation de la croissance du royaume pour 2011. Celle-ci devrait s'établir à 1,3% du PIB (et non 1,9% comme annoncé en mai dernier) ; elle atteindrait 1,8% en 2012. "Le monde est d'une certaine façon différent aujourd'hui de ce qu'il était avant l'été" a souligné Claus Hjort Frederiksen, pour expliquer la révision à la baisse des prévisions économiques. Le plan de relance contient des mesures pour accroître l'activité économique et créer 8 000 emplois nouveaux. Le taux de chômage s'élevait à 4% de la population active en juin dernier. "Le programme de croissance durable est entièrement financé et ne remet pas en cause l'objectif d'équilibrer le budget en 2020" a t-il ajouté.
Le Premier ministre Lars Lokke Rasmussen a également présenté sa proposition de budget. Celle-ci prévoit des mesures d'austérité mais le gouvernement a cependant promis d'augmenter les budgets de l'éducation et de la santé. Avant la crise économique, en 2007, le budget du Danemark avait été excédentaire de plus de 80 milliards de couronnes. "Ce programme constitue la réponse du gouvernement à une crise internationale renouvelée et aux élections législatives à venir ; il consiste fondamentalement en mesures classiques de dépenses budgétaires" a déclaré Steen Bocian, économiste à la Danske Bank.
Le 21 août dernier, l'opposition de gauche avait présenté son propre plan de relance de l'économie. Celui-ci prévoyait des dépenses d'un montant quasiment équivalent dans les infrastructures, de l'éducation, de la santé et des énergies renouvelables. Le financement de ce plan devrait provenir de nouvelles taxes sur les banques, des gains du capital et des Danois les plus fortunés. "En cette période de crise internationale de la dette qui affecte aussi le Danemark, notre économie a besoin de politiques économiques responsables, pas de souhaits irresponsables" a déclaré le Premier ministre Lars Lokke Rasmussen en parlant des propositions de l'opposition de gauche.
La situation politique
Le gouvernement de Lars Lokke Rasmussen allie le Parti libéral et le Parti conservateur (KF) de Lars Barfoed. Ancien ministre des Finances, le chef du gouvernement actuel a remplacé en avril 2009 Anders Fogh Rasmussen (V) après la nomination de celui-ci au poste de secrétaire général de l'OTAN. Le gouvernement est minoritaire au Parlement depuis son arrivée au pouvoir en 2001. Il bénéficie du soutien du Parti du peuple danois (DF), parti populiste d'extrême droite dirigé par Pia Kjaersgaard. Cet appui était conditionné à un important durcissement par le gouvernement de la législation danoise en matière d'immigration. De fait, le Danemark est l'un des Etats membres les plus fermés aux étrangers.
Ainsi, il est indispensable d'être âgé d'au moins 24 ans pour être autorisé à faire venir dans le royaume un conjoint étranger (qui doit lui aussi être âgé d'au moins 24 ans). Ce dernier doit également posséder de forts liens avec le Danemark (plus qu'avec tout autre pays tiers), payer une caution de 100 000 couronnes (13 400 €) et enfin habiter un appartement aux normes. En 2002, on a dénombré 8 151 regroupements de conjoints pour seulement 3 525 en 2005.
Au printemps 2011, le parlement a voté une nouvelle loi restreignant l'accès des immigrés aux cartes de séjour. Un système de permis à points combinant la connaissance du danois et la situation professionnelle de la personne a été mis en place.
Sous la pression du Parti du peuple danois, le Danemark a également rétabli le 1er juillet dernier les contrôles douaniers permanents à ses frontières, une mesure très critiquée par ses partenaires de l'Union européenne.
Le Premier ministre sortant a déclaré le 26 août dernier que sa coalition gouvernementale ferait campagne en direction du centre et non de l'extrême droite. "Le Parti libéral et le Parti conservateur se présentent pour obtenir un nouveau mandat et sécuriser les finances publiques dans un monde marqué par l'agitation des marchés et les crises de la dette" a indiqué Lars Lokke Rasmussen.
Les partis du gouvernement abordent cependant les élections législatives en position de faiblesse. Devancés par l'opposition de gauche dans les enquêtes d'opinion, ils ont également échoué à obtenir le soutien du Parti du peuple danois à leur plan de relance économique.
Après dix années dans l'opposition, le Parti social-démocrate (SD), emmené par Helle Thorning-Schmidt espère former un gouvernement majoritaire avec ses alliés du Parti populaire socialiste (SF), dirigé par Villy Sovndal, à l'issue du scrutin. "Après dix années de gouvernement de droite, le pays piétine" a déclaré la leader de l'opposition. "La crise a été dure avec le Danemark. Nous avons 175 000 personnes sans emploi et nos entreprises ont besoin de commandes" a-t-elle ajouté.
L'opposition a promis d'assouplir la politique en matière d'immigration et de revenir sur la décision du gouvernement de réintroduire des contrôles douaniers à ses frontières terrestres si elle remportait les prochaines élections législatives.
Le Parti social-libéral (RV), positionné au centre sur l'échiquier politique mais qui depuis les années 1990, a coopéré essentiellement avec les sociaux-démocrates, s'est souvent trouvé dans le passé dans la position de faiseur de rois. Sa leader, Marghrethe Vestager, a répété sur la chaîne de télévision TV2 qu'elle soutenait la candidature de Helle Thorning-Schmidt au poste de Premier ministre.
Le système politique danois
Le Folketing, parlement monocaméral, comprend 179 membres élus pour 4 ans au scrutin proportionnel selon la méthode de Sainte-Lagüe. Pour présenter des listes aux élections législatives, tout parti doit être représenté au parlement au moment de la tenue du scrutin. Si tel n'est pas le cas, il lui faut alors recueillir un nombre de signatures correspondant à 1/175e des suffrages déclarés valides lors du précédent scrutin législatif.
La province du Groenland et celle des îles Féroé disposent chacune de 2 représentants. Les 175 autres sièges sont répartis entre 3 régions : Copenhague, le Jutland et les îles. Ces trois régions sont subdivisées en 3 circonscriptions urbaines et 7 circonscriptions rurales. Le nombre de sièges alloués à chacune d'entre elles, proportionnel au nombre de ses habitants, est revu tous les 5 ans. Le calcul effectué (addition de la population, du nombre d'électeurs aux dernières élections législatives et de la surface de la circonscription en kilomètres carrés multipliée par vingt, le résultat étant ensuite divisé par 175) favorise les régions faiblement peuplées.
La répartition des sièges du parlement se fait en deux temps, tout d'abord par parti puis par candidat. 135 des 175 sièges du Folketing sont des sièges de circonscription, les 40 restants sont des sièges compensatoires. Ceux-ci permettent d'assurer une représentation nationale aux "petits" partis. Pour accéder à la répartition des sièges compensatoires, un parti doit avoir obtenu un minimum de sièges dans une circonscription donnée ou encore un nombre de suffrages supérieur ou égal au nombre de voix nécessaires à l'obtention d'un siège dans au moins 2 des 3 régions du royaume ou encore au moins 2% des suffrages exprimés au niveau national.
Si les principes d'organisation des élections législatives sont inscrits dans la Constitution danoise de 1953, en revanche, le royaume ne possède pas de règle pour la conduite de la campagne électorale et n'impose aucune limite en matière de financement du scrutin.
Dans la perspective des élections législatives, les partis politiques ont débuté leur campagne depuis le début de l'année 2011.
8 partis politiques sont représentés dans l'actuel Folketing:
- Le Parti libéral (V), parti du Premier ministre sortant Lars Lokke Rasmussen. Fondé en 1870, il compte 46 députés ;
- Le Parti social-démocrate (SD), principal parti d'opposition dirigé depuis 2005 par Helle Thorning-Schmidt, possèdent 45 sièges ;
- Le Parti du peuple danois (DF), parti populiste d'extrême droite fondée en 1995 et dirigé par Pia Kjaersgaard. Soutien de la coalition gouvernementale au parlement, il compte 25 députés ;
- Le Parti socialiste populaire (SF), parti d'opposition créée en 1959 par un ancien président du Parti communiste danois exclu du parti pour avoir critiqué l'intervention de l'Union soviétique en Hongrie en 1956. Rassemblant socialistes et écologistes et dirigé par Villy Sovndal, il possède 23 sièges ;
- Le Parti conservateur (KF), fondé en 1915, membre de la coalition gouvernementale et dirigé par Lars Barfoed, possède 18 sièges ;
- Le Parti social-libéral (RV), parti d'opposition créé en 1905 et dirigé par Marghrethe Vestager, compte 9 députés ;
- Nouvelle alliance (Y) (devenue Alliance libérale), fondée en 2007 par des dissidents du Parti social-libéral et du Parti conservateur. Dirigée par Anders Samuelsen, elle possède 5 sièges ;
- la Liste de l'unité (E), fruit de l'alliance du Parti communiste (DKP), du Parti des travailleurs socialistes (SA) et de la Gauche socialiste (VS). Elle n'a pas de leader mais est dirigée par un comité exécutif de 25 personnes. Elle compte 4 députés.
La dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Megafon et publiée le 26 août dernier par le quotidien Politiken crédite l'opposition de gauche de 52,2% des suffrages et de 90 sièges au Folketing, soit la majorité au parlement. La coalition gouvernementale et son allié parlementaire du Parti du peuple danois recueilleraient ensemble 47,8% des voix, soit 85 sièges. Le sondage de l'institut Voxmeter pour l'agence Ritzau crédite l'opposition de gauche de 96 députés et la coalition de droite alliée aux populistes dirigés par Pia Kjaersgaard de 79 sièges. "Les enquêtes d'opinion donnent une nette avance à l'opposition. Il faudrait un événement de taille pour que Lars Lokke Rasmussen l'emporte" analyse Peter Goll du cabinet de consultants Geelmuyden.Kiese.
En cas de victoire de l'opposition de gauche, Helle Thorning-Schmidt pourrait devenir la première femme à diriger le gouvernement danois.
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