La Plateforme civique (PO) au pouvoir maintient son avance dans les enquêtes d'opinion même si son écart avec Droit et justice (PiS) se réduit

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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3 octobre 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 9 octobre prochain, plus de 30 millions de Polonais vont renouveler les deux chambres du Parlement : la Diète (Sejm) et le Sénat (Senat). Les enquêtes d'opinion anticipent une victoire de la Plateforme civique (PO), parti du Premier ministre sortant Donald Tusk. L'écart avec son principal adversaire, Droit et justice (PiS), dirigé par Jaroslaw Kaczynski, s'est cependant réduit au fil des semaines. Le parti au pouvoir ne devrait pas pouvoir obtenir, à lui seul, la majorité absolue au Parlement et devrait donc être dans l'obligation de former une coalition gouvernementale. Il pourrait choisir de poursuivre sa collaboration avec le Parti populaire (PSL) ou, éventuellement, se tourner vers l'Alliance de la gauche démocratique (SLD), voire, même si cela paraît difficilement envisageable, s'allier avec Droit et justice (PiS).

La campagne électorale a dépassé les frontières de la Pologne. Ainsi, le 7 septembre, le ministre des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski (PO) s'est rendu à Londres et à Dublin où vivent de nombreux Polonais. De même, le Premier ministre Donald Tusk a visité Vilnius, capitale de la Lituanie, pays voisin qui abrite également une importante minorité polonaise. Droit et justice (PiS) n'est pas en reste qui mène également campagne au Royaume-Uni.

La Plateforme civique tente d'effrayer les électeurs en mettant en avant les dangers que représenterait pour la Pologne un retour au pouvoir du PiS. "Une opposition eurosceptique et refermée sur elle-même qui préfère le drame et la tragédie au succès pourrait briser net la politique actuelle d'investissements publics et saper les fondements européens de la Pologne en mettant à mal la position de Varsovie vis-à-vis de l'Union européenne" a déclaré le Premier ministre, ajoutant "Nos opposants, sans même le vouloir, peuvent ruiner tous nos efforts". Par ailleurs, Donald Tusk a plusieurs fois provoqué son rival Jaroslaw Kaczynski, l'accusant de lâcheté en raison du refus de celui-ci de participer aux débats pré-électoraux proposés par les chaînes de télévision.

La Plateforme civique, qui a choisi pour slogan la phrase "Nous ferons mieux" (comme en réponse à celui de Droit et justice "Les Polonais méritent mieux"), sait qu'elle a beaucoup promis il y a 4 ans et qu'elle a moins à offrir qu'en 2007. Elle s'appuie sur une classe moyenne qui apprécie que le pays ait su résister, mieux que tout autre en Europe, à la crise économique internationale. Depuis 1990, Varsovie a plus que triplé son PIB par habitant qui s'établit à 13 808 €. "La Plateforme civique, contrairement aux autres partis, a utilisé la crise économique pour renforcer son électorat. Elle a aussi été aidée par le PiS qui est un bon opposant, puisque beaucoup de gens soutiennent la PO par peur de voir le PiS accéder au gouvernement" a indiqué Edmund Wnuk-Lipinski, politologue au Collegium Civitas, université de Varsovie.

"Il y a eu quelques erreurs mais la majorité des Polonais sont satisfaits" a déclaré Pawel Swieboda, directeur du think tank Demos Europa, ajoutant "Les électeurs veulent que les choses continuent, ils veulent de la stabilité et l'amélioration de leur niveau de vie". Le désir de consensus et la volonté d'accueillir en son sein des partenaires aux opinions parfois très divergentes fragilisent cependant parfois la cohérence de la position de la PO. En outre, le parti doit impérativement parvenir à mobiliser les indécis ; la faiblesse de la participation lui serait en effet défavorable, l'électorat du PiS étant traditionnellement fortement mobilisé.

Au niveau économique, le parti du Premier ministre sortant Donald Tusk promet une baisse de un point la TVA en 2014, une hausse des salaires du secteur public et la baisse de la dette publique à 48% du PIB en 2015 et à 40% trois ans plus tard. La PO souhaite poursuivre son programme de privatisations, introduire la concurrence dans le système de santé et améliorer le système éducatif du pays. Elle propose l'adoption par la Pologne de la monnaie unique à l'issue de la crise actuelle de la zone euro. En revanche, le chef du gouvernement sortant ne prévoit pas de baisses d'impôt pour les deux prochaines années à venir. "Quiconque affirme qu'une baisse des impôts est possible dans un futur proche et que cela constitue un enjeu pour la Pologne est soit un menteur soit un ignorant. Pour rester à flot en ces temps de turbulences, la Pologne ne doit pas prendre de mesures radicales. Si nous voulons garantir le paiement régulier des retraites et des aides sociales, nous ne devons pas prendre le risque d'une baisse de notre budget. Aujourd'hui, nous avons besoin d'une grande discipline et d'un peu de patience" a déclaré le Premier ministre sortant, ajoutant "La Pologne ne peut pas commencer à vaciller comme le fait la Grèce".

"Je me présente pour gagner et je souhaite réaliser un 2e mandat. Je veux être réélu parce que je veux être le Premier ministre des temps difficiles" a déclaré Donald Tusk le 25 septembre, ajoutant. "La victoire en 2011 sera peut-être plus importante que celle de 2007 parce que la Pologne a une nouvelle chance de profiter des fonds européens pour achever sa modernisation et que la situation économique mondiale est plus complexe. Le défi est plus grand ; par conséquent, nous souhaitons gagner de façon encore plus large".

"Pour la première fois depuis la chute du communisme en 1989, un gouvernement possède une chance réelle d'être reconduit" a souligné Edmund Wnuk-Lipinski.

Droit et Justice (PiS) souhaite limiter les privatisations et placer les grandes entreprises – telles PKN Orlen, Grupa Lotos, PZU, KGHM Polska Miedz et PGNiG –, sous le contrôle de l'Etat. Le parti n'envisage l'adoption de l'euro qu'une fois que les marchés seront sortis de la crise financière, après un référendum, et quand la Pologne aura atteint le niveau socioéconomique des économies les plus développées, soit d'ici 15 à 20 ans. Le PiS souhaite imposer les banquiers et n'exclut pas d'augmenter les taxes des Polonais les plus fortunés. Enfin, Jaroslaw Kaczynski est favorable à une augmentation du salaire minimum à hauteur de la moitié du salaire moyen actuel, soit 3 612 zlotys mensuels (819 €).

Le PiS a des difficultés à justifier l'absence de son leader aux débats télévisés pré-électoraux. Celui-ci a déclaré qu'il ne souhaitait pas débattre avec l'ensemble des leaders politiques et reproché aux journalistes qui interrogent les candidats de ne pas être suffisamment compétents. Jaroslaw Kaczynski se souvient certainement de sa "défaite" lors du débat télévisé qui l'avait opposé à Donald Tusk durant la campagne électorale du 21 octobre 2007. Il a également des difficultés à trouver parmi ses membres des personnes capables de participer à un débat sur les sujets économiques. Zyta Gilowska, ancienne ministre des Finances du gouvernement dirigé par Jaroslaw Kaczynski en 2006-2007 et membre du Conseil politique monétaire depuis février 2010, ne peut s'impliquer dans la campagne électorale. Enfin, le PiS peine à désigner les personnalités qui pourraient occuper les différents ministères d'un gouvernement qu'il dirigerait en cas de victoire. Le parti a perdu plusieurs de ses plus éminents membres dans l'accident d'avion du 10 avril 2010 à Petchorsk dans la région de Smolensk (Russie) qui a coûté la vie au président de la République Lech Kaczynski (PiS), frère jumeau de Jaroslaw, et à 95 autres personnes qui formaient la délégation présidentielle se rendant à Katyn pour célébrer le 70e anniversaire de l'exécution de 22 000 officiers polonais par les services secrets soviétiques.

D'autres qui avaient un temps quitté le PiS, tels l'ancien ministre de la Culture (2005-2007) Kazimierz Michal Ujazdowski, et l'ancien président de la Diète (avril-novembre 2007), Ludwik Dorn, l'ont réintégré, mais Jaroslaw Kaczynski ne leur fait désormais plus confiance. Zbigniew Ziobro, souvent pressenti comme le successeur de Jaroslaw Kaczynski à la tête du parti, a été cité comme un possible ministre de la Justice (il a déjà exercé cette fonction entre 2005 et 2007) mais il semble davantage intéressé par un poste de député européen et semble s'être éloigné de la scène politique polonaise. Anna Fotyga et Witold Waszczykowski sont également des noms souvent mentionnés pour occuper le ministère des Affaires étrangères.

"Nous avons besoin d'un gouvernement fort" a affirmé Jaroslaw Kaczynski qui s'est déclaré prêt à prendre des décisions courageuses. Il a indiqué que la "tension créative" qui existerait entre lui et le président de la République Bronislaw Komorowski (PO) s'il devenait Premier ministre à l'issue des élections parlementaires du 9 octobre prochain serait plus constructive que l'"harmonie soporifique" qui règne entre Donald Tusk et le chef de l'Etat. En cas de victoire, Droit et justice (PiS) se trouverait cependant dans une situation difficile : en effet, le parti refuse a priori toute alliance avec la PO ; une coalition avec l'Alliance de la gauche démocratique (SLD) est quasi impossible et une union avec le Parti populaire (PSL) ne serait probablement pas suffisante pour obtenir la majorité absolue au Parlement.

Ancienne représentante de la classe populaire, la gauche a pris une orientation davantage social-libérale en se rapprochant des chefs d'entreprise avec lesquels elle entretient désormais de bonnes relations. Cette évolution n'a pas été sans conséquence, de nombreux électeurs de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD) ont quitté le parti par exemple pour la PO (le vote utile peut également expliquer ce changement de proximité partisane). En interne, le leader du SLD, Grzegorz Napieralski, a modifié les structures du parti, promu des jeunes et concentré les pouvoirs quand l'ancienne Alliance de la gauche démocratique comptait de nombreux courants. La réputation de la gauche en Pologne reste toutefois très médiocre en raison de ses liens avec l'ancien Parti ouvrier unifié polonais (PZPR) qui a dirigé le pays durant 41 ans (1948-1989). Le SLD conserve cependant un électorat fidèle et stable.

Le parti est favorable à une baisse de la TVA sur les médicaments, les biens alimentaires et les activités culturelles et sportives. Il demande l'établissement d'un salaire minimal pour les agriculteurs et une hausse des dépenses de santé et d'éducation ainsi que des investissements dans les infrastructures

Son leader Grzegorz Napieralski s'est fixé pour objectif de recueillir 18% des suffrages le 9 octobre prochain. Un résultat inférieur à 15% des voix serait considéré comme un échec pour le parti.

Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Homo Homini et publiée le 25 septembre, la Plateforme civique (PO) conserve la tête avec 33% des suffrages, suivie par Droit et justice (PiS) 28% ; l'Alliance de la gauche démocratique (SLD) 12% ; le Parti populaire (PSL) 9%, et le Mouvement Palikot (RPP), parti anticlérical fondé en juin 2011 par l'ancien membre de la PO, Janusz Palikot, 3,5%.

Le 1er octobre, un sondage réalisé par l'institut Homo Homini pour la radio publique polonaise indique que la Plateforme civique (PO) obtiendrait 30,1% et Droit et Justice (PIS),29,1%. En troisième place, le PSL aurait 10,4%, le SLD 9,9%, et le nouveau parti de gauche Ruch Palikota, 9%.

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