La Plateforme civique du Premier ministre sortant Donald Tusk en route pour un 2e mandat ?

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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12 septembre 2011
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Plus de 30 millions de Polonais sont appelés aux urnes le 9 octobre prochain pour renouveler l'ensemble du parlement, soit les 460 membres de la Diète (Sejm) et les 100 membres du Sénat. Particularité de ces élections : elles se dérouleront alors que Varsovie exerce la présidence du conseil des ministres de l'Union européenne. Il a été décidé que quel que soit le résultat du scrutin, l'actuel gouvernement dirigé par le Premier ministre Donald Tusk (Plateforme civique, PO) présidera l'UE jusqu'au 31 décembre 2011. Le prochain gouvernement pourrait en effet n'être formé que tardivement, par exemple début ou mi-décembre, le parlement issu du scrutin ne se réunissant pas avant la mi-novembre.

La Plateforme civique, parti au pouvoir depuis les dernières élections du 21 octobre 2007, semble bien partie pour remporter le scrutin du 9 octobre. Une question demeure cependant : quelle sera son avance sur ses concurrents ? Par quel écart va-t-elle s'imposer ?

Droit et justice (PiS), principal parti d'opposition dirigé par Jaroslaw Kaczynski, avait émis le souhait de voir les élections se dérouler sur 2 jours de façon à augmenter la participation, traditionnellement faible en Pologne. Le tribunal constitutionnel s'y est opposé, rappelant que la Constitution du pays stipulait que le scrutin devait obligatoirement avoir lieu un jour chômé. La campagne électorale devrait être courte.

Le système politique polonais

Le Parlement polonais est bicaméral et comprend la Diète (Sejm), chambre basse de 460 députés, et le Sénat (Senate), chambre haute de 100 membres. Les 2 chambres se réunissent en Assemblée nationale (Zgromadzenie Narodowe) dans 3 occasions seulement : lors de la prestation de serment du président de la République, dans le cas de la mise en accusation de celui-ci devant le tribunal de l'Etat ou lorsque le chef de l'Etat se retrouve dans l'incapacité d'exercer ses pouvoirs en raison de son état de santé.

Les élections ont lieu en Pologne tous les 4 ans au scrutin proportionnel selon le système d'Hondt. A l'exception des listes représentant les minorités nationales, tout parti politique doit recueillir au moins 5% des suffrages exprimés pour être représenté à la Diète (8% pour une coalition). Pour le scrutin législatif, la Pologne est divisée en 41 circonscriptions qui élisent chacune entre 7 et 19 députés. Les sénateurs sont également élus tous les 4 ans au scrutin proportionnel, le même jour que les députés. La loi électorale oblige désormais chaque liste à présenter au moins 35% de candidates. Pour les élections sénatoriales, le pays est divisé en 40 circonscriptions, qui élisent entre 2 et 4 sénateurs à la majorité simple. Chaque candidat à un poste de sénateur doit recueillir le soutien d'au moins 3 000 électeurs de sa circonscription (5 000 pour les candidats à la Diète).

L'âge minimum pour accéder au poste de député est de 21 ans pour et pour devenir sénateur de 30 ans. Les partis et les groupes comprenant au moins 15 citoyens sont autorisés à présenter des listes aux élections législatives. Enfin, les candidats ne sont pas autorisés à concourir à la fois aux élections législatives et aux élections sénatoriales.

4 partis politiques sont actuellement représentés à la Diète:

– la Plateforme civique (PO), dont le Premier ministre Donald Tusk est le président depuis 2003. Créé en mars 2001, il parti possède 209 sièges ;

– Droit et justice (PiS), parti d'opposition dirigé par Jaroslaw Kaczynski. Fondé le 13 juin 2001, le parti, à la fois étatiste, libéral, conservateur, très attaché à l'identité catholique de la Pologne et eurosceptique, compte 166 députés ;

– Gauche et démocrates (LiD), créé le 3 septembre 2006 qui rassemblait d'anciens membres du Parti démocrate (PD), du Parti social-démocrate (SDPL), de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD) et de l'Union du travail (UP), compte 53 députés.

– le Parti populaire (PSL), parti centriste et agrarien, membre de la coalition gouvernementale. Plus ancien parti politique de Pologne (sa création date de 1895), il est celui qui compte le plus grand nombre de membres (environ 120 000). Présidée par l'ancien Premier ministre (1992 et 1993-1995) et ministre de l'Economie sortant, Waldemar Pawlak, il possède 31 sièges.

La minorité allemande compte également un député (Ryszard Galla, élu du district d'Opole).

Seuls 2 partis, la PO et le PiS, sont représentés au Sénat. Ils comptent respectivement 60 et 39 sénateurs. Un sénateur est inscrit comme indépendant.

7 partis politiques se présentent aux élections parlementaires du 9 octobre : la Plateforme civique, Droit et justice, l'Alliance de la gauche démocratique, le Parti populaire, La Pologne d'abord (Polska jest Najwazniejsza, PJN), parti fondé en novembre 2010 par d'anciens membres de l'aile libérale du PiS et dirigé par Pawel Kowal (le parti tire son nom du slogan qui était celui de Jaroslaw Kaczynski lors de la dernière élection présidentielle), le Mouvement Palikot (RPP), parti anticlérical fondé en juin 2011 par Janusz Palikot, ancien membre de la Plateforme citoyenne, et le Parti du travail (PPP), formation d'extrême gauche dirigée par Boguslaw Zietek.

Nouvelle droite (NP) de Janusz Korwin-Mikke et Droit de la République de Pologne (Prawica RP) de Marek Jurek ne sont pas parvenus à collecter un nombre suffisant de signatures. Selon les analystes politiques, l'absence de ces 2 partis devrait bénéficier au PiS.

La Plateforme civique après 4 ans de pouvoir

La Plateforme civique est le principal parti politique de Pologne. Majoritaire à tous les niveaux territoriaux, son candidat Bronislaw Komorowski a remporté l'an passé l'élection présidentielle : l'ancien maréchal (président) de la Diète a devancé Jaroslaw Kaczynski (PiS) le 4 juillet, recueillant 53,01% des suffrages pour 46,99% à son adversaire. Le scrutin présidentiel avait été anticipé après la mort accidentelle du précédent chef de l'Etat Lech Kaczynski (PiS) et de 95 autres personnes dans le crash de l'avion à bord duquel ils voyageaient à Petchorsk dans la région de Smolensk (Russie) le 10 avril 2010. La délégation présidentielle se rendait à Katyn pour célébrer le 70e anniversaire de l'exécution de 22 000 officiers polonais par les services secrets soviétiques.

Le 5 décembre 2010, la Plateforme civique (PO) est arrivée en tête des élections régionales, provinciales et municipales. Le parti a remporté 10 des 16 voïvodies (régions), conquérant 222 sièges, contre 141 au PiS, 93 au Parti populaire et 85 à l'Alliance de la gauche démocratique au sein des conseils régionaux. La PO a également remporté 1 315 sièges de conseils provinciaux et 600 sièges de conseillers municipaux. Le PiS a gagné respectivement 1 085 postes de conseillers provinciaux et 365 de conseillers communaux, le Parti populaire 999 et 8, l'Alliance de la gauche démocratique, 493 et 214. Aux élections municipales, la PO a recueilli 39,6% des suffrages devant le PiS, 25,1%, le Parti populaire 16,6% et l'Alliance de la gauche démocratique, 15,1%. La PO est sortie victorieuse dans 8 des 10 plus grandes villes du pays et dans 23 au total dans toute la Pologne, l'Alliance de la gauche démocratique dans 8 et le PiS dans 5. La PO a conservé Varsovie où la maire sortante Hanna Gronkiewicz-Wlatz s'est imposée dès le 1er tour avec 53,67% des suffrages. Le parti au pouvoir a également remporté les villes de Lodz, Gdansk et Lublin.

La Plateforme civique pourrait devenir le 9 octobre prochain le premier parti à remporter les élections parlementaires deux fois consécutives depuis l'effondrement du système communiste en 1989. Le Premier ministre sortant Donald Tusk est le 2e chef de gouvernement (avec l'actuel président du Parlement européen, Jerzy Buzek, Premier ministre entre 1997 et 2001) à être allé au bout de son mandat de 4 ans. Ces dernières années ont constitué une pause dans une décennie agitée par plusieurs scandales politiques et de nombreuses tensions entre les partis comme entre les hommes. Donald Tusk est parvenu à donner de la Pologne l'image d'une nation modérée et conciliatrice. Il a nettement amélioré les relations de son pays avec ses voisins allemand et russe. "Il y a eu quelques erreurs mais les Polonais sont majoritairement satisfaits. Les électeurs veulent plus ou moins que les choses continuent : ils demandent stabilité et amélioration de leurs conditions de vie" déclare Pavel Swieboda, directeur du think tank Demos Europa.

Actuellement, la Plateforme civique tente de montrer que le principal clivage de l'échiquier politique polonais passe entre elle et le PiS. La PO souffre néanmoins de ne pas avoir de réelle opposition et tente de diaboliser le parti de Jaroslaw Kaczynski, jouant sur la peur que peut susciter la probabilité de son retour au pouvoir. La PO aura cependant très probablement besoin d'un partenaire pour former la prochaine coalition gouvernementale à l'issue du scrutin du 9 octobre. Selon certains analystes politiques, le parti songerait à mettre fin à son alliance avec le Parti populaire. Il se montre d'ailleurs de plus en plus ouvert aux positions de la gauche, notamment de l'Alliance de la gauche démocratique que dirige Grzegorz Napieralski¬, avec laquelle il évite d'entrer en conflit.

Bartosz Arlukowicz, membre des jeunes de l'Alliance de la gauche démocratique et député, a rejoint le gouvernement où il a été nommé secrétaire d'Etat à l'Exclusion sociale. L'économiste Dariusz Rosati, ancien ministre des Affaires étrangères (1995-1997) des gouvernements de Jozef Oleksy (SLD) (1995-1996) et de Wlodzimierz Cimoszewicz (SLD) (1996-1997) et ancien député européen (2004-2009), s'est également rapproché de la PO. Le président du Sénat Bogdan Borusewicz a également formalisé ses relations avec le parti au pouvoir. Le directeur du think tank, Unia & Polska, Krzysztof Bobinski, est convaincu que la popularité de Bartosz Arlukowicz sera bénéfique à Donald Tusk. Une partie des membres de la PO, dont le maréchal de la Diète (président de la chambre basse), Grzegorz Schetyna, aimeraient voir celle-ci s'ouvrir davantage sur l'autre bord de l'échiquier politique, tel que L'important, c'est la Pologne (PJN).

Selon les observateurs politiques, 6 des 18 ministres du gouvernement sortant devraient conserver leur poste en cas de victoire de la PO. Il s'agit de Jacek Rostowski, chargé des Finances, Radoslaw Sikorski, ministre des Affaires étrangères, Michal Boni conseiller en chef économique, Krzysztof Kwiatkowski en charge de la Justice, Ewa Kudrycka, ministre des Sciences et Cezary Grabaczyk, ministre des Infrastructures.

La PO met régulièrement en avant le fait que la Pologne soit le seul pays de l'Union européenne à ne pas avoir connu de récession à la suite de la crise économique internationale qui a débuté à l'automne 2008. En 2009, Varsovie a vu son PIB croître de 1,7%. Selon les dernières statistiques, la croissance devrait atteindre 4% en 2012. Durant le mandat de Donald Tusk, les salaires ont augmenté et le chômage a chuté, ce qui a entraîné une hausse des recettes fiscales. La PO a également augmenté les impôts, modifié le système de retraite et nationalisé partiellement le secteur de l'assurance sociale.

La PO sait cependant qu'elle ne pourra se contenter de s'appuyer sur son bilan économique pour conserver le pouvoir. La modernisation des infrastructures a pris du retard et de nombreuses réformes (notamment celles concernant le système de santé, les finances publiques ou la simplification du système administratif pour les entreprises et les particuliers) piétinent. Les dépenses de l'Etat sont trop élevées, ce qui a entraîné une hausse du déficit public, qui a atteint 7,9% en 2010. Le Premier ministre Donald Tusk aime toutefois à rappeler que la Pologne bénéficie d'une situation économique enviable et que l'état de ses finances publiques est très correct comparé à celui des autres Etats européens.

Pour les élections du 9 octobre prochain, la PO a mis en avant les thèmes suivants : un Etat flexible (fournisseur de services), une société solidaire, une recherche scientifique compétitive et le développement de l'intelligence. Le gouvernement souhaite faire adopter une réforme destinée à assainir les finances publiques et à améliorer la gestion du pays. Celle-ci introduirait de nouveaux leviers de sécurité interdisant de programmer des dépenses budgétaires importantes lorsque la dette publique dépasse 52% du PIB national (elle s'élève actuellement à 47,4%).

Le gouvernement polonais a besoin de 60 milliards de zlotys (près de 15 milliards €) et doit donc effectuer des coupes dans ses dépenses sociales, les plus radicales depuis le retour de la Pologne à la démocratie en 1989. Le budget 2012 ne sera voté par le parlement qu'après le scrutin.

Une opposition de gauche mais surtout de droite

Droit et justice (PiS) qui s'est réjoui de voir l'écart qui le sépare de la PO se réduire lors des dernières élections locales des 21 novembre et 5 décembre 2010, essaie de rassembler les Polonais sur des thèmes sensibles. Jaroslaw Kaczynski avait déjà rompu avec le ton modéré et conciliant qu'il avait adopté lors de sa campagne pour l'élection présidentielle des 20 juin et 4 juillet 2010 pour renouer avec son agressivité antérieure, accusant le gouvernement de Donald Tusk, chargé de la sécurité du chef de l'Etat, d'être responsable du tragique accident de son frère jumeau Lech. Le leader du PiS a même affirmé que le chef de l'État et celui du gouvernement devaient quitter la scène politique polonaise.

Selon les conclusions d'un rapport gouvernemental publié fin juillet, les causes de l'accident mortel de l'avion du président polonais en 2010 sont l'inexpérience du pilote de l'avion et un relâchement au niveau de la sécurité. Le Premier ministre Donald Tusk a réagi très vite à ce rapport en limogeant 3 généraux et 10 officiers de l'armée de l'air. Le ministre de la Défense Bogdan Klich (PO) a démissionné de ses fonctions et a été remplacé par Tomasz Siemoniak (PO).

Jaroslaw Kaczynski se déclare prêt à moderniser l'Etat tout en respectant la culture, les traditions et les valeurs polonaises. Il accuse Donald Tusk de vouloir transformer la Pologne en un "condominium russo-allemand". Il s'est déclaré favorable à plus de fermeté dans les relations de Varsovie avec Moscou, Berlin mais aussi Paris. Ces propos ne rencontrent toutefois pas beaucoup un grand écho au sein de la population. Jaroslaw Kaczynski a envisagé d'augmenter les impôts des banques et des hypermarchés mais aussi des Polonais les plus fortunés pour améliorer la situation des finances publiques. Tomasz Poreba sera le directeur de campagne du PiS

Les résultats obtenus par le Parti paysan lors des dernières élections locales des 21 novembre et 5 décembre 2010 ont surpris les analystes politiques et même laissé son leader Waldemar Pawlak "sans voix" selon ses propres termes. "Cela prouve que nous sommes un partenaire important du gouvernement, bien plus important que ce que chacun pensait avant ces élections locales" avait-il alors précisé. Selon le sociologue Fils Jaroslaw, le résultat du Parti paysan le 9 octobre prochain, dépendra beaucoup de l'engagement de ses élus locaux.

Le 26 août dernier, le Premier ministre sortant Donald Tusk et Waldemar Pawlak ont été les deux seuls politiques à participer au 1er débat télévisé de la campagne électorale. L'absence du leader du PiS et de Grzegorz Napieralski, celui de l'Alliance de la gauche démocratique laisse à penser que l'opposition, de gauche comme de droite, ne croit pas à sa victoire.

A l'approche des élections, on observe une polarisation de la scène politique. Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut GFK Polonia et publiée par le quotidien Rzeczpospolita, la PO recueillerait 47% des suffrages, le PiS 29%, l'Alliance de la gauche démocratique, 13% et le Parti populaire, 4%. Selon le dernier sondage de l'institut Homo homini publié dans le journal Super Express, la PO du Premier ministre sortant Donald Tusk recueillerait un tiers des suffrages (32%), le PiS, un quart des voix (24%), l'Alliance de la gauche démocratique, 12% et le Parti populaire, 7%.

La participation sera un élément clé des élections du 9 octobre.

Source : Site internet de la Commission électorale nationale

(http://www.wybory2007.pkw.gov.pl )

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