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Direction-Démocratie sociale (Smer-SD) de Robert Fico, arrive en tête des élections législatives en Slovaquie

Élections en Europe

Corinne Deloy

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2 octobre 2023
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Direction-Démocratie sociale (Smer-SD) de Robert Fico, arrive en tête des élect...

PDF | 183 koEn français

Comme annoncé par les enquêtes d’opinion mais de façon plus large que prévu, Direction-Démocratie sociale (SMER-SD), parti social-démocrate dirigé par l’ancien Premier ministre (2006-2010 et 2012-2018) Robert Fico, est arrivé en tête des élections législatives du 30 septembre en Slovaquie avec 22,94% des suffrages et 42 des 150 sièges du Conseil national de la République (Narodna rada Slovenskej republiky), chambre unique du Parlement (soit + 4 par rapport aux  précédentes élections législatives du 29 février 2020). Slovaquie progressiste (PS), parti social-libéral et pro-européen dirigé par Michal Simecka, se place en 2e position avec 17,96% des voix et 32 sièges (il n’était pas représenté dans le parlement sortant). 5 autres partis ont obtenu des élus. Hlas, (Voix en slovaque), créé en 2020 par l’ancien Premier ministre (2018-2020) Peter Pellegrini après sa sécession de SMER-SD, a recueilli 14,7% et 27 sièges (il s’agit de la première participation de ce parti à des élections législatives) ; le Parti des gens ordinaires et des personnalités indépendantes (OL'aNO), conduit par l’ancien Premier ministre (2021-2022) Igor Matovic, a obtenu 8,89% et 16 sièges (-37) ; le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) de Jan Figel obtient 6,82% et 12 sièges, ce qui lui permet de revenir au Parlement; Liberté et solidarité (Sloboda a Solidarita, SaS), parti libéral conduit par Richard Sulik, 6,32% et 11 élus (- 2) et le Parti national (SNS), nationaliste et populiste dirigé par Andrej Danko, retrouve les bancs du Parlement avec 5,62% et 10 sièges.

Ces élections étaient anticipées d’un an. Le 23 janvier dernier, le gouvernement et Liberté et Solidarité s’étaient accordés sur une révision de la Constitution qui permettait au Parlement de convoquer des élections législatives anticipées. Le Premier ministre Eduard Heger (Démocrates, D), avait quitté ses fonctions le 7 mai après la démission de 2 ministres, Samuel Vican en charge de l’Agriculture et du Développement rural, et Ratislav Kacer, ministre des Affaires étrangères. Il avait été remplacé par le vice-président de la Banque nationale Ludovit Odor à la tête d’un gouvernement de technocrates, chargé par la présidente de la République, Zuzana Caputova, de conduire les affaires courantes jusqu’au scrutin du 30 septembre.

58 779 Slovaques résidant à l’étranger ont rempli leur devoir civique. 61,7% ont voté en faveur de Slovaquie progressiste. Liberté et solidarité a pris la 2e place avec 10,8%. Direction-Démocratie sociale la 3e avec 6,1%.

La participation a été supérieure à celle enregistrée lors du précédent scrutin du 29 février 2020 s’élevant à 68,42% (+ 2,62 points).

Résultats des élections législatives du 30 septembre 2023 en Slovaquie
Participation : 68,42%

Source : https://volby.statistics.sk/nrsr/nrsr2023/sk/vysledky_hlasovania_strany.html

La présidente de la République, Zuzana Caputova, a déclaré qu'elle confierait la formation du gouvernement au dirigeant du parti qui arriverait en tête du scrutin. Robert Fico devrait donc être appelé à former le prochain gouvernement. Les analystes politiques s’accordent sur la forte probabilité de voir émerger une coalition comprenant les partis SMER-SD, Hlas et SNS. Robert Fico a gouverné à deux reprises avec le parti nationaliste, de 2006 à 2010 et de 2016 à 2018. Il pourrait choisir de s’appuyer sur le Mouvement chrétien-démocrate.

« Le retour de SMER-SD au gouvernement est l’une des options les plus probables. Même le bon résultat de Slovaquie progressiste dans les sondages dessine en creux l’immense déception qu’a suscité le gouvernement sortant. Le seul parti recueillant encore le vote urbain et libéral est ce parti extraparlementaire. Les personnes qui ont participé à la coalition gouvernementale sont décrédibilisées » déclarait en amont du scrutin Jana Vargovcikova, maître de conférences en science politique à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), ajoutant « Retrouver le pouvoir pour Robert Fico un enjeu personnel, ces élections législatives ne concernent pas seulement la politique mais son avenir personnel ».  « Robert Fico est un technicien du pouvoir, de loin le meilleur en Slovaquie. Il n’a pour l’heure aucun concurrent » a souligné Michal Vasecka du think tank Bratislava Policy Institute de Bratislava.  « Un choix assez tranché s’impose aux électeurs. D’un côté, avec Michal Simecka, nous avons les tenants d’une orientation pro-occidentale qui se réclament d’un fonctionnement de l’Etat conforme aux standards de l’Union européenne sur le plan de l’Etat de droit et de la qualité de la démocratie. De l’autre côté, avec Robert Fico, nous observons une orientation beaucoup plus ambiguë, voire ouvertement pro-russe, anti-américaine, anti-occidentale, anti-OTAN et anti-Union européenne, avec une conception de la démocratie plus proche du discours idéologique qu’on peut entendre du côté des gouvernements au pouvoir en Hongrie ou en Pologne » avait analysé à la veille du scrutin Lukas Macek, directeur du campus de Sciences Po à Dijon. 

Robert Fico a promis durant la campagne électorale que sa première action sera de couper l’aide militaire à l’Ukraine. Il faut savoir que Bratislava est l’un des plus importants soutiens à Kiev : accueil des réfugiés, mise à disposition d’une flotte d’avions de combat dont 13 MiG-29 et d’un système de défense antiaérienne. « Aidons si possible, mais les intérêts de la Slovaquie passent en premier » a répété le dirigeant de SMER-SD qui n’a pas hésité à déclarer que « la guerre en Ukraine a commencé en 2014 lorsque des fascistes ukrainiens ont tué des victimes civiles de nationalité russe » ou qui a affirmé que l’OTAN avait davantage attaqué Moscou que ce dernier n’avait agressé Kiev. Robert Fico a su attirer les électeurs avec ses propos anti-européens, en condamnant la décision d’apposer des sanctions à la Russie. Le mécontentement dont SMER-SD a fait l’objet il y a 3 ans a été oublié et Robert Fico a su attiser la colère contre le gouvernement sortant. 

« Il est difficile de prédire comment Robert Fico va se comporter. Doit-on se fonder sur son positionnement politique actuel ou plutôt sur la continuité de sa carrière politique et sur ce qu’il a fait par le passé ? (…) On observe désormais chez lui une forme de radicalisation. Comparé au Robert Fico d’hier, celui d’aujourd’hui est clairement ailleurs, politiquement, idéologiquement et humainement » a déclaré Lukas Macek. « S'il l'emporte, on se dirigerait vers un gouvernement qui aurait une vision très différente de l'Etat de droit et de la démocratie, une combinaison de ce que l'on a en Pologne et en Hongrie » a indiqué Michal Vasecka. « Il y a le discours électoral et puis il y a ce que la responsabilité gouvernementale imposera de faire. Evidemment, ils sont moins "ukrainophiles" et moins engagés que le gouvernement sortant mais en même temps, il n’y a pas eu de remise en cause de la question de l'accueil et de l'aide humanitaire. Ce dont il a été question, c'est de la fourniture d'armement » modère toutefois, Etienne Boisserie professeur d'histoire de l'Europe centrale à l’Inalco « La tâche de l'Occident est de veiller à ne pas perdre la Slovaquie et à s'engager à dialoguer de manière constructive avec Robert Fico, mais Moscou se réjouit de ce qui est perçu comme des fissures dans la partie orientale de l'Europe et du fait que la Hongrie n'est plus seule » a affirmé Milan Nic du Conseil allemand des relations extérieures.

Agé de 59 ans et originaire de Topolcany (ville située à l’ouest du pays), Robert Fico est diplômé de droit de l'université Comenius et de l'Institut d'Etat et de droit de l'Académie des sciences de Bratislava. Il a débuté sa carrière professionnelle au sein de l'Institut du droit du ministère de la Justice avant d'être nommé, en 1994, représentant de la Slovaquie à la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, un poste qu'il occupera durant 6 ans. Membre du Parti communiste à partir de 1987, puis du Parti de la gauche démocratique (SDL), il a été élu député en 1992. Il quitte son parti après les élections législatives de septembre 1998, vexé de ne pas avoir obtenu de poste ministériel à l’issue du scrutin. En décembre 1999, il fonde Direction (SMER). Robert Fico est nommé Premier ministre après la victoire de son parti aux élections législatives du 17 juin 2006. Il arrive de nouveau en tête du scrutin législatif du 12 juin 2010 mais il est dans l’incapacité de proposer une ligne d'action cohérente et de rassembler autour de son parti et il échoue à former un gouvernement.  Il retrouve le poste de Premier ministre le 10 mars 2012 après des élections législatives anticipées. En mars 2014, il échoue à l'élection présidentielle, largement battu au 2e tour de scrutin par Andrej Kiska (59,38% des suffrages). Il remporte toutefois les élections législatives du 5 mars 2016 et forme une nouvelle coalition gouvernementale. 
L'assassinat le 21 février 2018 du journaliste Jan Kuciak (et de sa fiancée Martina Kusnirova, tous deux âgés de 27 ans), qui enquêtait pour aktuality.sk, site internet du premier quotidien du pays Novy cas, sur les soupçons de fraude aux subventions européennes organisées par la mafia italienne en Slovaquie avec l'aide de proches du gouvernement, fait descendre plusieurs dizaines de milliers de Slovaques dans les rues, la plus grande mobilisation depuis la révolution de velours de 1989, et in fine conduit à la démission de Robert Fico, de 2 ministres et du chef de la police. SMER-SD est ensuite sanctionné dans les urnes lors du scrutin du 29 février 2020. 
Sept ans et demi après avoir été contraint à la démission, Robert Fico a donc signé le 30 septembre sa 5e victoire à des élections législatives Durant sa campagne, il a promis « la stabilité, l'ordre et le bien-être » à ses compatriotes. Va-t-il y parvenir et avec quelle coalition ? 

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