Union économique et monétaire
Dominique Perrut
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ENDominique Perrut
Traversé en 2011 et 2012, le point d'acmé des perturbations financières semble derrière nous. Lourde de menaces d'éclatement de la zone euro, cette crise a été jusqu'à présent contenue par les actions massives de la Banque centrale européenne sur les marchés et l'annonce, par les responsables politiques, d'une profonde réforme de l'Union économique et monétaire.
À l'approche des élections européennes de mai prochain, le paysage est sombre. La stagnation économique s'accompagne d'une montée du chômage (7,7% de la population active en 2008, 11,4% en 2012) qui révèle d'extrêmes disparités entre les économies nationales. Dans un tel climat, la tentation eurosceptique est forte.
La feuille de route pour l'euro, fixée par le Conseil européen de juin 2012, veut corriger durablement les défauts originels de la monnaie unique, mis à nu par la tourmente récente. Le programme comporte deux piliers, l'Union bancaire et la gouvernance économique et budgétaire. À la veille du Conseil européen des 19 et 20 décembre, il convient de faire le point sur cette réforme. Pour ce faire, quelques repères sur la situation présente dans la zone euro seront d'abord fournis, puis les principaux éléments, parfois complexes, du nouveau dispositif, seront présentés. Nous pourrons alors mesurer le chemin parcouru, identifier les faiblesses et les risques potentiels, et envisager les étapes restant à franchir.
1 - Crise de la zone euro : le diagnostic
Pour ce tour d'horizon sur la zone euro, nous rappellerons d'abord les défauts de l'organisation de la monnaie unique. Nous évoquerons ensuite la situation actuelle du secteur bancaire et ses conséquences sur le financement, avant de fournir quelques indicateurs macro-économiques très préoccupants.
1.1 - Les failles dans la construction de l'euro
La crise récente de l'euro a été déclenchée par la spirale négative, manifeste depuis le printemps de 2010, entre les problèmes bancaires et les dettes souveraines. Ces turbulences ont exposé au grand jour les deux faiblesses constitutives de l'euro, lancé en 1999[1]. La première est l'absence d'une véritable union budgétaire et économique, destinée à assurer la convergence des économies nationales de la zone euro. La discipline minimale instaurée en 1997 par le Pacte de stabilité et de croissance est restée peu contraignante et dès le début des années 2000, plusieurs États, dont la France et l'Allemagne, s'en sont affranchis. La deuxième lacune réside dans le fait que la supervision des banques et les dispositifs de secours sont demeurés au niveau national. Cette décentralisation du contrôle bancaire a empêché d'affronter efficacement les défaillances bancaires transfrontalières (pour Dexia, Fortis ou Anglo-Irish Bank, par exemple). La création de l'Autorité bancaire européenne (ABE) en 2010 devait répondre aux carences de la supervision éclatée. Mais, soumise à un cahier des charges disproportionné, dépourvue de réels pouvoirs de décision, elle ne pouvait, avec un fonctionnement collégial et des outils de gestion peu adaptés, faire face avec efficacité aux crises touchant des banques transfrontalières[2].
1.2 - Incertitudes bancaires et fragmentation du marché unique
- L'enchaînement négatif entre banques et dettes souveraines. Les déséquilibres des finances publiques et les sévères problèmes bancaires ont formé, notamment dans certains pays (Irlande et Sud de l'Europe) une boucle négative. En effet, au sein de la zone euro, les emprunteurs souverains et leurs banques domestiques sont indissolublement liés pour deux raisons. D'une part, en l'absence d'un système supranational de résolution des crises bancaires, les États ont conservé la responsabilité du sauvetage des banques nationales. D'autre part, une proportion importante des actifs financiers des banques correspond à des titres souverains. Dès lors toute incertitude quant à la solvabilité des États entraîne des conséquences immédiates pour les banques, en raison de la dépréciation de leur portefeuille de dettes souveraines. Ce cercle vicieux a été aggravé par le retrait des investisseurs étrangers, et aussi par l'incitation exercée par certains régulateurs vis-à-vis des banques pour qu'elles accroissent leur portefeuille de dettes souveraines domestiques[3].
- La méfiance à l'égard des bilans bancaires. Un rapport récent évalue à 1.190 milliards €, dont près de 1.000 milliards pour la zone euro, les créances douteuses détenues par les banques européennes en 2012, soit une multiplication par 2,3 depuis 2008[4]. Près de 60% des créances douteuses de la zone euro en 2012 sont concentrées sur 4 pays, l'Allemagne (179 milliards €, l'Espagne (167 milliards), l'Irlande et l'Italie. Ces montants impressionnants ne font pas encore la pleine lumière sur le secteur bancaire. En effet, les méthodes d'évaluation des actifs ne sont guère homogènes d'un pays à l'autre, et on pointe du doigt les relâchements réglementaires pratiqués par certains superviseurs nationaux, autorisant les banques à "cuisiner" leurs comptes pour éviter de constater des créances douteuses ou des pertes au moyen de constants reports d'échéances ou de complaisantes restructurations de créances[5]. Dans le cadre de l'Union bancaire, la première tâche de la BCE sera précisément de clarifier sur une base homogène l'état de santé du secteur bancaire. Des regards impatients se tournent vers l'Espagne, et aussi vers l'Allemagne.
- Des fissures dans le marché unique aux difficultés d'accès au crédit. Les crises bancaires et souveraines ont provoqué un recul de l'intégration financière dans la zone euro, depuis 2007. "Nous avons vu, déclare le président de l'ABE, de nombreux rapatriements d'actifs. L'activité bancaire transfrontière est à son niveau minimal, au moins depuis l'introduction de l'euro en 1999. La confiance entre les superviseurs a été entamée"[6]. Plusieurs indicateurs de l'activité bancaire transfrontière sont en baisse depuis 2008, à la suite d'un repli des banques à l'intérieur de leurs frontières nationales. On constate par ailleurs qu'au sein de la zone euro, les prêts bancaires tendent à stagner depuis 2008, tandis que les banques ont renforcé leurs fonds propres de 400 milliards €. Ceci traduit, de la part des banques le souci de réduire de la part relative des dettes, devenue excessive, dans leur bilan, au profit du capital. La baisse du "levier" de la dette (deleveraging) est en marche. La fragmentation du marché unique, les doutes sur la solidité des banques et l'attitude réticente de ces dernières aiguisent les craintes quant au financement de l'économie. Ces préoccupations concernent surtout les entreprises, dont les encours de prêts, calculés en septembre 2013, ont chuté en un an de 3,5%[7]. Parmi les entreprises, les PME sont plus sensibles encore aux conditions du crédit bancaire. En effet, leurs possibilités de recours à des financements alternatifs sont plus réduites et le coût de leur financement est souvent plus élevé en raison de l'absence de notation d'une partie des firmes par les agences. Or le tissu des moyennes entreprises est créateur d'emplois. Le rétablissement de la situation des banques, l'un des objectifs de l'Union bancaire, est donc décisif pour le financement de l'économie, la reprise de la croissance et la résorption du chômage, qui frappe de façon très différenciée les pays de la zone euro.
1.3 - Divergences des économies nationales au sein de la zone euro
Les écarts considérables dans les niveaux nationaux du chômage expriment l'alarmante disparité des situations entre les économies de la zone euro. Pour un taux moyen de 11,4% à la fin de 2012 dans celle-ci, le pourcentage des chômeurs atteint près du quart de la population active en Grèce (24,3%) et franchit ce niveau en Espagne (25,1%). Le taux atteint 15,9% au Portugal et 14, % en Irlande. Il s'établit un peu en dessous de la moyenne de la zone en Italie (10,7%) et en France (10,2%). À l'autre extrême, le taux de chômage est de 5,5% en Allemagne, de 5,3% aux Pays-Bas et de 4,4% en Autriche. La dégradation de l'emploi se poursuit au premier semestre 2013 en France, en Italie et au Portugal. L'aggravation est particulièrement frappante en Espagne et en Grèce[8].
Du côté du PIB qui s'inscrit en recul de 0,7% en 2012 pour la zone euro, on observe une légère croissance en Allemagne (0,7%) et en Autriche (0,9%), tandis que celle-ci est nulle en France et en Irlande. L'Italie (-2,5%), l'Espagne (-1,6%), le Portugal (-3,5%) et la Grèce (-6,4%) sont en récession plus ou moins marquée. Les comptes publics de 2012 sont en équilibre en Allemagne (0,1% du PIB), tandis que le déficit public est de -3% en Italie et de -4,8% en France. Pour l'Irlande, la Grèce, l'Espagne et le Portugal, les déficits d'échelonnent entre -6% et -10% du PIB. Pour un niveau de 60% requis dans le Pacte de stabilité et de croissance, la dette publique atteint, en 2012, 80% du PIB en Allemagne et 93% en France comme en Espagne. Pour l'Irlande, la Grèce, l'Italie et le Portugal, la dette publique varie de 126% à 169% du PIB.
L'enchaînement des crises bancaires et souveraines, conduisant à la fissuration du grand marché et les évolutions divergentes des économies nationales forment le difficile contexte dans lequel se met en œuvre le plan de réforme de l'euro.
2 - Un état des lieux de la réforme de l'Union économique et monétaire
Le Conseil européen de décembre 2013 reviendra sur l'ensemble des questions relatives à cette réforme, lancée en juin 2012. Celle-ci peut être résumée à partir de ses deux piliers principaux, l'Union bancaire et la gouvernance économique. L'union bancaire vise à instaurer une supervision centralisée et à doter l'Union européenne et la zone euro d'outils préventifs et curatifs afin de protéger le contribuable et l'économie en cas de faillite bancaire, dans la ligne fixée par le G20. Quant à la gouvernance économique, un cadre général se met en place dans l'Union, portant sur la discipline budgétaire et la coordination des politiques économiques. Dans ce système, les pays de la zone euro forment un sous-ensemble soumis à des dispositions plus contraignantes, assorties d'éventuelles sanctions. Examinons maintenant chacun de ces deux piliers avant d'en proposer une évaluation dans la partie suivante.
2. 1 - L'union bancaire
Au sein de la réforme globale de l'UEM, l'Union bancaire peut être présentée comme une construction comportant deux volets complémentaires, le Mécanisme de supervision unique (MSU) et le Mécanisme de résolution unique (MRU) des crises bancaires. La mise en place de la supervision centralisée est considérée comme le préalable à la recapitalisation directe des banques des pays de la zone euro par le Mécanisme européen de stabilité (MES), afin de casser l'enchaînement négatif constaté entre dettes souveraines et difficultés bancaires. Les pays de l'Union non membres de l'euro peuvent se joindre à l'Union bancaire.
2.1.1 Le Mécanisme de supervision unique
C'est le 15 octobre 2013 que le véritable démarrage de la supervision unique s'est effectué avec l'accord final du Conseil sur les deux règlements qui encadrent ce dispositif[9]. L'un concerne les missions nouvelles de la BCE dans ce contexte, tandis que l'autre adapte le fonctionnement de l'Autorité bancaire européenne (ABE) vis-à-vis de la nouvelle architecture.
- Le champ de la supervision unique. Depuis l'entrée en vigueur du MSU le 4 novembre 2013, la BCE doit conduire des tâches préparatoires, en coordination avec l'ABE. Ces travaux concernent notamment le diagnostic des grandes banques, avant le déploiement de toutes les attributions prévues pour le MSU, un an plus tard, soit en novembre 2014. Vis-à-vis de la zone euro, la BCE sera responsable de la supervision de toutes les banques (environ 6.000), mais ne contrôlera directement qu'un ensemble de 130 banques environ[10]. Sont ainsi concernées les banques dont le total de bilan excède 30 milliards € ou 20% du PIB de leur pays d'origine, et celles qui reçoivent une aide européenne[11]. Cet ensemble représente environ 85% du total des actifs bancaires de la zone euro. Pour les autres banques, la supervision, au jour le jour, sera assurée par les autorités nationales respectives, dans le cadre des instructions émises par la BCE, avec l'obligation de rendre des comptes à celle-ci. À tout moment la BCE peut prendre le contrôle direct d'une de ces banques. Par ailleurs, la BCE gardera, pour l'ensemble des banques, le contrôle exclusif de certaines tâches, comprenant notamment les agréments et retraits d'agrément des banques, le contrôle des acquisitions et des cessions, ou encore les décisions de renforcement de certaines règles prudentielles[12].
- La gouvernance du MSU. Celle-ci est assurée par un Conseil de surveillance composé d'un Président, non membre du Conseil des gouverneurs de la BCE, d'un Vice-président émanant du Directoire de la BCE, de quatre membres de cette institution et d'un représentant de l'autorité nationale de supervision de chaque État membre participant au MSU[13]. Les décisions du Conseil de surveillance sont prises à la majorité simple, sauf celles relatives à l'application de textes européens en matière de surveillance, pour lesquels la majorité qualifiée est requise.
- Le partage des tâches réglementaires entre la BCE et l'ABE. Les rôles respectifs de l'ABE et de la BCE sur le terrain réglementaire dans le contexte du MSU méritent d'être examinés très attentivement. C'est là en effet que résident, à notre avis, les risques de tension entre les deux autorités.
Autorité indépendante, l'ABE a été créée en 2010 (en prenant la suite du Comité européen des contrôleurs bancaires, instauré en 2004), avec pour objectif d'assurer la mise en œuvre efficace et harmonisée de la réglementation et de la supervision de l'Union européenne[14]. La révision du règlement initial de l'ABE, dans l'optique de la mise en place du MSU, prévoit un changement dans les modes de vote. Une majorité qualifiée consistant en une double majorité simple, à la fois au sein des adhérents au MSU et au sein des autres pays est désormais requise[15]. L'ABE coordonne le travail des autorités nationales de supervision, évalue les risques au sein du secteur bancaire (au moyen des tests de résistance, ou Stress-tests) et exerce, si besoin est, un rôle de médiateur doté de quelques pouvoirs contraignants. Cependant, la tâche principale de cette Autorité est d'élaborer (Art. 8) le Corpus réglementaire unique (le Single Rulebook). La base de ce corpus est fournie par le "paquet" législatif CRD IV. En complément, l'ABE est en charge du Manuel de surveillance européen (Single Supervisory Handbook). L'harmonisation des règles bancaires vise à assurer des conditions de concurrence loyale dans l'Union et à réaliser le marché unique. Certaines lois européennes (directives ou règlements) prévoient, depuis le traité de Lisbonne de 2009, des délégations de pouvoirs à la Commission pour adopter des actes délégués, portant sur des points non essentiels. Dans le secteur bancaire, ces actes peuvent concerner les normes techniques de réglementation ou celles d'exécution. Celles-ci concernent, par exemple, la valorisation des créances douteuses ou de certaines classes d'actifs. Ce système de délégation est notamment prévu dans la transposition en Europe des nouvelles règles bancaires internationales visant à assurer la solidité des banques à l'aide de ratios sur les fonds propres, la liquidité et l'effet de levier (règles dites de Bâle III). Cette transposition dans l'Union a été effectuée par le "paquet" législatif dit CRD IV, adopté en juillet 2013, avec effet au début de 2014[16]. Celui-ci constitue le fondement du Corpus réglementaire unique européen. L'ABE a donc pour mission d'élaborer dans le détail cet ensemble de règles en intervenant dans les délégations prévues au sein du paquet CRD IV. Il s'agit là, pour l'ABE, d'établir des projets de normes techniques soumises pour approbation à la Commission, qui leur donne la forme d'un règlement ou d'une décision, à caractère obligatoire[17].
Pour mettre en œuvre ces normes techniques contenues dans un acte délégué adopté par la Commission, la BCE publiera, dans le cadre du MSU, des orientations et des recommandations. Si nécessaire, elle pourra aussi adopter des décisions ou des règlements, à caractère obligatoire, pour préciser les modalités de ses missions[18].
- L'opération vérité-assainissement de la BCE sur les banques. Préalablement à la prise en charge de leur supervision directe, la BCE conduira, selon trois phases, une opération de grande envergue pour clarifier la situation des banques concernées[19]. Cet exercice, qui doit être achevé en octobre 2014, poursuit trois objectifs : la transparence, l'assainissement et le renforcement de la confiance. Ce travail devrait permettre une avancée dans la mise en cohérence des pratiques nationales de supervision, dont il est admis qu'elles sont disparates. Les trois phases prévues sont les suivantes. Il s'agira, d'abord, de l'évaluation des groupes bancaires dans une optique prudentielle, c'est-à-dire du point de vue de leur vulnérabilité. Cet exercice portera sur l'ensemble des risques, de liquidité, d'effet de levier et de financement. Ensuite, un examen de la qualité des actifs sera mené, au début de 2014, sur la base des comptes 2013, pour vérifier, en utilisant certaines normes techniques de l'ABE, le bien-fondé de la valorisation des actifs et de leur éventuelle dépréciation. Enfin, des tests de résistance, visant à apprécier la capacité des banques à absorber les chocs en situation de crise, seront réalisés, avec la collaboration de l'ABE. En cas d'insuffisance de fonds propres dans les banques concernées, à l'issue de cet exercice, des mesures correctrices devront être prises. Celles-ci concerneront d'abord les banques, qui pourront mettre en œuvre toute la panoplie des moyens existants : recapitalisation, mises en réserve des bénéfices, émissions d'actions, cessions d'actifs, notamment. Si des compléments étaient encore nécessaires, des fonds publics seraient alors mobilisés dans le respect des règles européennes.
- L'intervention du Mécanisme européen de stabilité (MES). Après l'entrée en phase opérationnelle du MSU en novembre 2014, des recapitalisations directes par le MES des banques des pays adhérant au MSU pourront intervenir[20]. Institution financière internationale à caractère permanent, le MES a été créé par les 17 membres de la zone euro pour préserver la stabilité financière de cet ensemble. Il est entré en activité le 8 octobre 2012 et prend le relais du Fonds européen de stabilité financière, instauré en mai 2010. La capacité totale de prêt du MES est de 500 milliards €. Ses interventions peuvent prendre plusieurs formes, prêts aux Etats en difficulté, interventions sur les marchés primaires et secondaires de la dette, notamment. Quant aux modalités de recapitalisation directe des banques couvertes par le MSU, celles-ci ont fait l'objet d'un accord de l'Eurogroupe le 20 juin 2013. Cette instance doit désormais préciser les lignes directrices de ces opérations[21].
2.1.2 La résolution européenne des défaillances bancaires.
L'instauration de mécanismes de résolution des banques en difficulté constitue, avec la réforme bancaire dite Bâle III et le projet de régulation du système bancaire parallèle, l'un des trois piliers de la réforme financière mondiale lancée par le G20 en 2008 et 2009, et pilotée par le Conseil de stabilité financière (CSF). Ce dernier a défini les lignes directrices à appliquer en matière de résolution[22]. Un mécanisme de résolution des banques en difficulté vise à mettre un terme au type de prise en charge des défaillances bancaires trop souvent constaté depuis une trentaine d'années et tout particulièrement au cours de la crise bancaire récente. Cette gestion s'est en effet traduite, en l'absence de mécanisme adaptés, par des coûts exorbitants pour la collectivité (40% du PIB de l'Union européenne pour les aides approuvées)[23], des procédures d'urgence déstabilisatrices et une situation d'aléa moral, c'est-à-dire d'incitation à de nouvelles attitudes irresponsables puisque les défaillances privées ont été quasi-systématiquement prises en charge par la sphère publique dans le passé. Selon les lignes définies par le CSF, le projet européen tire les leçons de cette gestion malsaine. Le mécanisme de résolution des banques doit être mis en place au moyen de deux lois européennes complémentaires. Il s'agit de la proposition de Directive pour le redressement et la résolution des crises bancaires qui vise à mettre en place des systèmes nationaux harmonisés dans l'Union européenne[24] ; et de la proposition de règlement sur le Mécanisme de résolution unique, MRU[25]. Dans la perspective de l'Union bancaire, le MRU s'applique au même périmètre que le MSU pour appliquer de façon centralisée les règles de la Directive sur la résolution.
La directive sur le redressement et la résolution bancaire prévoit que les autorités nationales compétentes soient dotées d'instruments de prévention et d'intervention précoce. En cas de faillite probable ou avérée, nécessitant une procédure de résolution, les fonctions critiques d'une banque pourront être préservées. Il reviendra alors aux actionnaires et créanciers d'assumer les coûts de la résolution, et non plus au contribuable. Le volet préventif de la directive prévoit que les banques élaborent des plans de redressement qu'elles adopteraient en cas de difficulté (les Autorités pouvant, le cas échéant, en exiger l'application) ; que les autorités compétentes définissent des plans de résolution, pour gérer des banques qui ne peuvent plus être sauvées ; que des accords de soutien financier intragroupe soient conclus pour enrayer le développement d'une crise éventuelle.
Quant à la résolution, les autorités nationales sont dotées d'une boîte à outils pour la gestion des défaillances bancaires. Celle-ci comprend notamment la cession des activités ; l'établissement-relais (séparation des actifs sains ou des fonctions essentielles de la banque en difficulté pour créer une banque-relais, cédée ensuite à une autre entité ; et le renflouement interne (recapitalisation de la banque).
Par ailleurs, pour les groupes transnationaux, le projet prévoit la coopération entre les autorités nationales au sein de Collèges d'autorités de résolution. Enfin, le financement de la résolution bancaire sera effectué par des Fonds de résolution nationaux financés par les banques, notamment au prorata de leurs dépôts couverts (environ 1% de leur montant). Le projet de directive envisage que ces fonds recourent aux financements déjà disponibles dans le cadre des 28 systèmes de garantie des dépôts, les deux systèmes pouvant fusionner à terme. La directive sur la résolution est donc étroitement liée à celle, en discussion, sur l'harmonisation des garanties de dépôts.
Le projet de Mécanisme de résolution unique (MRU) repose sur les principes suivants, en phase avec les règles de la directive sur la résolution. À partir d'un signalement de la part de la BCE, superviseur unique, quant à une banque se trouvant en difficulté, le Conseil de résolution unique (CRU) prépare un plan de résolution définissant les instruments retenus. La Commission décide alors de la résolution de la banque. Le CRU charge ensuite les autorités nationales d'exécuter, sous son contrôle, le schéma détaillé de résolution qu'il leur remet. Le Fonds de résolution bancaire unique, mis en place sous le contrôle du CRU, assure le financement de l'opération, mais en aucun cas le renflouement de la banque. Ce Fonds est approvisionné par des contributions bancaires (se substituant à celles destinées aux fonds nationaux). Le CRU coopère étroitement avec le Mécanisme européen de stabilité. La Commission a déposé en 2010 une proposition législative visant à simplifier et harmoniser les systèmes nationaux de garantie des dépôts[26]. Cette mesure prévoit notamment une accélération des procédures de remboursement des déposants, un financement ex ante des fonds de garantie et un début de solidarité entre les systèmes nationaux, via des accords de facilités d'emprunts entre eux. Le projet de rapprochement ou de fusion entre les systèmes de garantie et de résolution, envisagé dans la directive sur la résolution, est vivement discuté. L'idée d'une centralisation des systèmes de garantie des dépôts, initialement envisagée dans l'Union bancaire, est désormais repoussée.
- Les discussions en cours et les échéances. La directive sur la résolution bancaire fait l'objet d'une négociation tripartite (Parlement, Conseil, Commission). Des amendements divergents ont été proposés par le Parlement et le Conseil sur plusieurs points concernant notamment les modalités d'intervention des actionnaires et des créanciers lors de la prise en charge des pertes bancaires (bail in) ; le niveau de la contribution des banques aux fonds de résolution (de 0,8 à 1,5% des dépôts couverts). Quant au Mécanisme de résolution unique, les discussions portent encore sur de nombreux points (champ d'application ; gouvernance du MRU ; structure du Fonds de résolution, entre autres). Toutefois les échéances fixées par le Conseil européen de juin devraient être tenues, avec une adoption des directives sur la résolution et l'harmonisation des dépôts pour la fin de 2013 et un accord politique sur le MRU à la même date, en vue d'une adoption avant le printemps 2014[27].
2.2 - Vers un gouvernement économique ?
La gouvernance économique en Europe est désormais constituée par un ensemble de règles économiques et budgétaires contenues dans deux "paquets" législatifs (Six-pack et Two-pack) ainsi que dans le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Ces dispositions s'inscrivent dans le Semestre européen qui constitue un calendrier annuel fixant les tâches respectives des institutions responsables : Commission et instances réunissant les États concernés (Conseil européen, Conseil Ecofin, Eurogroupe). À l'intérieur de ce cadre, les 17 États de la zone euro forment un sous-ensemble soumis à des règles plus strictes et assorties, le cas échéant, de sanctions quasi-automatiques. Observons maintenant les trois principaux éléments de cette construction, qui revêt une complexité certaine.
Le "Six-pack" constitue un cadre de discipline budgétaire et économique comportant six mesures législatives (cinq règlements et une directive)[28]. Il est entré en vigueur en décembre 2011. Il est applicable aux 28 Etats membres avec des règles plus strictes pour ceux de la zone euro. Ce dispositif durcit le Pacte de stabilité et de croissance mis en place avec la monnaie unique et maintes fois transgressé depuis. Les budgets doivent converger vers un équilibre à moyen terme. Par rapport au PIB, le déficit public ne doit pas dépasser 3% et la dette publique 60% (ou, à tout le moins, celle-ci doit régresser vers ce plafond). La Procédure pour déficit excessif, sous contrôle de la Commission, vise à corriger les dépassements. Des sanctions sont prévues pour les membres de la zone euro, pouvant aller de 0,2% à 0,5% du PIB, avec une procédure d'adoption (majorité qualifiée inversée) qui les rend fortement probables. La surveillance macro-économique s'inscrit aussi dans l'agenda du Semestre européen. L'Examen annuel de croissance par la Commission, en fin d'année, marque le démarrage de ce calendrier annuel et fixe les priorités de l'Union européenne. Les États élaborent leurs programmes (budget et réformes économiques) pouvant faire l'objet de recommandations de la part de la Commission, avant d'être adoptées par le Conseil Ecofin. Par ailleurs, la nouvelle Procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques comporte plusieurs étapes démarrant par l'examen systématique de la situation des États par la Commission, faisant l'objet d'un Rapport sur le mécanisme d'alerte. En cas de déséquilibre, la Commission procède à des analyses approfondies pour les pays concernés et peut déclencher une Procédure de déséquilibre excessif, la conduisant à formuler des recommandations.
Le "Two-pack" est un cadre de coordination et de surveillance pour les pays de la zone euro. Ce dispositif est entré en vigueur en mai 2013[29]. Les États soumettent leur projet de budget à la Commission qui rend un avis. En cas de déficit excessif, un État membre doit soumettre un programme de réformes structurelles (pouvant porter sur les retraites, la santé publique ou la fiscalité, par exemple), afin de réduire ses déficits. Les États faisant l'objet d'un programme d'assistance sont placés sous surveillance renforcée de la part de la Commission.
Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) est entré en vigueur en janvier 2013 et concerne 25 pays[30]. Ce Traité, toutefois, n'est contraignant que pour les pays de la zone euro (Art. 2). Ce pacte comprend la "règle d'or" (fiscal compact), inscrite dans les législations nationales, qui stipule que les objectifs à moyen terme concernant de déficits structurels seront limités à 0,5% du PIB (ou 1% sous conditions). Des mécanismes de correction automatiques sont prévus en cas de divergence d'avec les objectifs à moyen terme. Par ailleurs, le Traité reprend des dispositions du Six-pack et prévoit un renforcement de la gouvernance de la zone euro, avec la tenue, deux fois par an, de sommets informels réunissant les chefs d'État et de gouvernement des pays participants (Art. 12).
3 - Quelle volonté de réforme face aux risques de fracture ?
Évaluons maintenant l'avancée et la portée des réformes en cours en examinant, d'abord, l'Union bancaire et les questions soulevées par les mesures adoptées, puis la gouvernance économique, qui s'installe et doit faire face aux difficultés aiguës que traverse la zone euro.
3.1 - L'Union bancaire et l'ABE : les risques de fracture réglementaire
La mise en place du nouveau système de supervision nous paraît recéler des risques de fracture dans la réglementation et la supervision, pouvant conduire à une poursuite du fractionnement du marché unique[31].
3.1.1 - Les risques de fracture réglementaire.
- Les faiblesses de l'Autorité bancaire européenne. Malgré sa transformation en Autorité, en 2010, l'ABE n'a pas réussi à dépasser les faiblesses du Comité européen des contrôleurs bancaires, dont elle a pris le relais. Le mode de fonctionnement collégial entre pairs, et donc consensuel, ne dote pas l'institution d'un pouvoir de décision efficace. La conduite de ses tâches a en effet révélé des faiblesses, qu'il s'agisse de la gestion des crises transfrontalières ou de la conduite de tests de résistance bancaire, en 2010 et en 2011. Ces deux opérations ont en effet miné la crédibilité de l'ABE puisque des banques considérées comme saines au sortir de ces examens ont dû être secourues peu après.
- L'ABE et la BCE vis-à-vis du MSU. Les nouvelles règles de vote au sein de l'ABE conduisent à s'interroger sur sa capacité de décision future dans son rôle réglementaire. Les pays restant en dehors du MSU ne seront-ils pas tentés de se comporter en minorité de blocage ? 6 voix sur 28 suffiraient, soit guère plus d'un cinquième, si 10 pays restent en dehors du MSU, pour contrer l'adoption d'un texte. Or, les motivations des États non membres de l'euro pour entraver les prises de décision au sein de cette instance ne manqueront pas. Elles pourraient provenir du désir de conserver aux mains superviseurs nationaux des marges de manœuvre parmi les nombreuses options du paquet CRD IV (coussins contra-cycliques, suppléments de capital visant à contrer les bulles spéculatives, et mode de valorisation de certains actifs, par exemple) ; ou d'une recherche de concurrence réglementaire au sein de l'Union européenne ou vis-à-vis des États-Unis ; ou encore des griefs de certains pays hôtes, quant à l'épineuse et récurrente question de la supervision des groupes transnationaux, où le superviseur du pays d'origine du groupe (home supervisor) possède le primat sur ceux des pays accueillant les filiales (host supervisors).
Au sein du MSU, l'incitation sera forte pour unifier et centraliser la réglementation et la supervision. Les responsables de la BCE auront certainement à cœur d'éviter tout risque de conflit d'objectifs entre la politique monétaire et les exigences prudentielles, nées d'un éventuel besoin de restaurer la stabilité financière. Or, le rôle de la supervision est de constituer un rempart permettant de contenir les risques bancaires et d'éviter ainsi à la banque centrale de mobiliser ses outils prudentiels, c'est-à-dire d'intervenir comme prêteur en dernier ressort. Ces interventions sont toujours délicates car porteuses d'effets pervers. La BCE pourrait ainsi vouloir tirer tout le parti de ses nouveaux pouvoirs réglementaires. Un scénario pessimiste montrerait ainsi un transfert rampant des pouvoirs réglementaires de l'ABE vers la BCE, provenant d'un côté des inerties décisionnelles de l'ABE et de l'autre de la BCE, jouant à fond ses attributions nouvelles.
Pour endiguer les risques de fracture de la supervision au sein de l'UE, le corollaire de l'instauration du MSU devrait être le renforcement très significatif du pouvoir décisionnel de l'ABE. Une structure de gouvernance comprenant un directoire restreint avec un conseil de surveillance (regroupant le collège actuel) paraitrait plus appropriée pour que l'ABE remplisse son important cahier des charges. Par ailleurs, les nouvelles règles de vote, arrachées dans la négociation par les pays hors de l'euro, devraient être revues afin de ne pas bloquer le rôle d'élaboration réglementaire de l'ABE.
- Le MSU : une faible incitation pour les pays hors de l'euro. En dépit de l'ouverture faite aux pays non membres de la zone euro (sous forme d'une coopération rapprochée, Art. 7), la gouvernance du MSU n'est guère attrayante pour ces derniers, sauf s'ils envisagent une adhésion à brève échéance à la monnaie unique. En effet, les décisions du Conseil de surveillance, où ils siègeraient, seront soumises à l'approbation du Conseil des gouverneurs (Art 26-8), où ils ne seraient pas représentés. Gageons que les candidats à l'euro seront les seuls, ou presque, à rejoindre le MSU.
3.1.2 - L'Union bancaire est prometteuse, mais montre des limites.
L'Union bancaire, fondée sur la démarche législative communautaire, ayant force de loi, montre des avancées prometteuses. La principale limite du processus réside dans la reprise du schéma de la gouvernance collégiale (au Conseil de surveillance de la BCE ; dans les collèges de résolution pour les groupes transfrontaliers, dans le cadre de la Directive correspondante ; au Conseil de résolution unique, dans le cadre du MRU). Le Conseil de surveillance de la BCE ne pourrait-il pas être renforcé par la constitution d'un directoire en son sein ? Pour les collèges, il conviendrait de renforcer l'autorité des responsables (autour du responsable de l'autorité du pays d'origine pour les groupes transnationaux, par exemple). Par ailleurs, au sein du MRU, le processus décisionnel fait encore l'objet de vives discussions[32].
Quelle intégration entre les dispositifs de solidarité financière ? Ceux-ci comprendront trois mécanismes, le MES, le Fonds de résolution unique et les fonds nationaux de garantie des dépôts. La fusion ou la coordination des Fonds de résolution et des Fonds de garantie nationaux est toujours en discussion, à la fin de 2013. Le MES devrait intervenir comme soutien en dernier recours du Fonds de résolution unique et des Fonds nationaux de garantie des dépôts. Le MES peut bénéficier du soutien de la BCE, intervenant sur le marché secondaire de sa dette[33]. L'articulation de ces dispositifs gagnerait à être clarifiée. En effet, la crédibilité de l'Union bancaire dépend en définitive de celle de son "filet de sécurité" (le backstop). Le projet de réforme sur les structures bancaires (introduisant une séparation de certaines activités, notamment le trading pour compte propre) est encore attendu et devrait être publié pour la fin de l'année, après le rapport Liikanen de 2012[34].
3.2 - Une gouvernance économique faible face à la divergence des économies
Un cadre rénové de gouvernance économique pour l'Union européenne, et surtout pour la zone euro, se met en place. Il s'agit de l'évaluer en gardant à l'esprit les trois tâches pressantes de la coordination économique et budgétaire : assainir les finances publiques ; assurer les conditions de la reprise économique ; mettre en œuvre une dynamique de convergence d'économies nationales présentant aujourd'hui des disparités menaçantes.
3.2.1 – Un dispositif dont la complexité entrave l'efficacité
Du côté des atouts, le nouveau dispositif présente des éléments de souplesse face aux fluctuations conjoncturelles (l'objectif de déficit est défini à moyen terme et élimine les effets cycliques) ainsi que des mécanismes correctifs (des réformes structurelles sont prévues pour un pays donné dans le cadre de la Procédure de déficit excessif). Cependant, du côté des insuffisances, la complexité du système limite son efficacité. Comment, par exemple, s'articulent les dispositions du TSCG avec le Six-pack ? Les différents éléments de la réforme s'appliquent à des périmètres différents (27 pays pour le Six-pack, 25 pour le TSCG, les 17 de la zone euro pour le Two-pack). De plus, les règles de vote diffèrent selon les trains de mesures[35]. Sans doute faut-il voir dans une construction aussi disparate les limites de la méthode intergouvernementale qui prévaut dans ce domaine. Les actions visant à renforcer la gouvernance économique pourraient être les suivantes : la simplification et la consolidation du système, par intégration des textes dans un corpus unique, paraît indispensable pour assurer son efficacité et sa lisibilité par le citoyen ; l'accélération des procédures car la lenteur actuelle du processus nuit à son efficacité et crée des risques de décalage conjoncturel ; et le renforcement de la gouvernance de la zone euro car pour relever les défis auxquelles elles sont confrontées, les instances responsables (Sommets de la zone euro ; Eurogroupe), encore informelles, devraient être dotées d'un cahier des charges et de pouvoirs clairs.
3.2.2 - Quels outils de rééquilibrage entre les économies de la zone euro ?
Un nouvel outil de rééquilibrage économique a été mis en place : les réformes structurelles du Two-pack. Cinq pays en Procédure de déficit excessif ont souscrit à un programme de partenariat économique en 2013 avec la Commission. Deux autres instruments pourraient trouver leur place dans la gouvernance économique.
Il s'agirait d'un processus concerté de rééquilibrage entre pays du centre et de la périphérie. Une telle convergence pourrait être recherchée par la réduction des écarts de coûts et de prix, afin de relancer demande intérieure dans pays du centre et de stimuler les exportations dans les pays périphériques. Des évolutions différenciées dans les rythmes de hausse des prix et des coûts de production pourraient être recherchées à cette fin[36].
La constitution d'un budget pour la zone euro, pourrait constituer un deuxième outil de rééquilibrage. Cette proposition, évoquée à la fin de 2012, tant par la Commission que par le rapport Van Rompuy, n'a pas été reprise depuis par le Conseil européen[37]. Un tel budget permettrait de répondre en partie aux insuffisances de la coordination actuelle. Certains voient dans cet outil un moyen de compenser en Europe l'absence des facteurs de rééquilibrage (par la mobilité du travail et la flexibilité des salaires et des prix) prévus par la théorie de référence sur l'union monétaire[38]. Pour exercer une fonction stabilisatrice, un tel budget devrait atteindre un certain poids dans le PIB de la zone (de 5 à %, par exemple) et faire jouer des "stabilisateurs automatiques" en intégrant les éléments les plus sensibles à la conjoncture, tels que l'impôt sur les sociétés, du côté des recettes et les allocations chômage, du côté des dépenses. Pouvant bénéficier du soutien de la BCE, le budget pourrait à son tour constituer le filet de sécurité des mécanismes de solidarité financière.
Conclusion
Des menaces de fracture existent sur le marché unique comme entre les pays de la zone euro. La première étape de la réforme de l'UEM marque des avancées importantes, mais de nouveaux progrès sont indispensables pour contrer les risques d'éclatement.
Du côté de l'Union bancaire, le nouveau cadre devrait répondre à son objectif d'assainissement bancaire et de restauration de la confiance. Cependant, à défaut d'un affermissement de l'Autorité bancaire européenne, nous craignons une fracture progressive de la supervision, entre la zone euro et les autres pays de l'Union, ouvrant la voie à la concurrence réglementaire et à la fragmentation du marché unique. Par ailleurs, la structure décisionnelle des nouvelles instances, de nature collégiale, devrait être renforcée.
Quant à la gouvernance économique, dont les nouvelles structures viennent d'être installées, leur complexité et leur lenteur ne peuvent qu'entraver leur efficacité, voire leur adéquation vis-à-vis de la conjoncture. Un effort de simplification paraît nécessaire. Les instances de gouvernance de la zone euro devraient être consolidées pour affronter trois chantiers : la mise en place d'outils de convergence des économies de la zone ; l'impulsion d'une politique de développement suivant l'axe ouvert par les Actes pour le marché unique (1 et 2) de la Commission[39] ; un calendrier préparant la mise en place d'un budget commun pour la zone euro. Ce dernier instrument formerait une clé de voûte de l'UEM, conférant sa pleine crédibilité à la construction. Cette étape requerrait au préalable une réforme institutionnelle. Mais, dans la feuille de route pour l'euro, hormis la mise en jeu des parlements, la réforme des institutions fait figure d'oubli majeur.
[1] Voir L'Union bancaire dans la feuille de route pour l'euro, Questions d'Europe, n° 261, 10 décembre 2012, Fondation Robert Schuman.
[2] Commission européenne : Proposition sur le Mécanisme de résolution unique ; et Financial Times, Regulator warns on nationalism over banks, 18 novembre 2013,
[3] Voir http://ec.europa.eu/internal_market/economic_analysis/docs/efsir/130425_efsir-2012_en.pdf
[4] PricewaterhouseCoopers, A growing non core asset market, July 2012;: Financial Times, 29 octobre 2013.
[5] The Economist, Cleaning the Augean stables, 26 octobre 2013 ; Gentlemen, start your audits, 5 octobre 2013.
[6] Financial Times, op. cit..
[7] http://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/accesstofinancesmallmediumsizedenterprises201311en.pdf?acff8de81a1d9e6fd0d9d3b38809a7a0 .
[8] Les données statistiques de cette partie sont tirées de la BCE http://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/stapobo/spb201311en.pdf
[9] Règlement UE 1024/2013 du Conseil du 15/10/13 confiant à la BCE des missions spécifiques ; Règlement UE 1022/2013 du 22/10/2013 modifiant le règlement 1093/2010 instituant l'Autorité bancaire européenne.
[10] Les critères retenus pour le contrôle direct par la BCE des banques du MSU incluront, en novembre 2014, des éléments qualitatifs (Règlement 1024/2013, Art. 6-4).
[11] Ces aides peuvent être octroyées par le Mécanisme européen de stabilité
[12] Règlement UE 1024/2013, Art. 4-1.
[13] Règlement UE 1024/2013, Art. 26.
[14] L'ABE a été créée en 2010 (Règlement UE 1093/2010).
[15] Art. 44 du Règlement de 2013 modifiant le règlement de 2010 instituant l'ABE.
[16] Le "paquet" CRD IV, qui transpose les normes dites Bâle III, adopté le 17 juillet 2013, comprend la directive 36/2013 du 26 juin 2013 et le règlement 575/2013 du 26 juin 2013.
[17] Règlement UE 1093/2010 instituant l'ABE : articles 10 à 15 ainsi que l'art 16.
[18] Règlement UE 1024/2013, art. 4.
[19] BCE : Note d'information sur l'évaluation complète.
[20] MES : Traité établissant le MES, 2 février 2012.
[21] Conclusions du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013.
[22] Financial Stability Board, 2011, Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial Institutions, Octobre.
[23] Les aides publiques aux banques approuvées par la Commission ont représenté 5.100 milliards €, soit 40 % du PIB européen entre octobre 2008 et octobre 2012. Les utilisations entre octobre 2008 et décembre 2011 ont représenté 1,6 milliard € (soit 13% du PIB). Cf. European Financial Stability and integration, Report 2012, April 2013, European Commission, p. 19-21
[24] Proposition de Directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d'établissements de crédit et d'entreprises d'investissement COM(2012) 280 final du 6.6.2012.
[25] Proposition de règlement sur un mécanisme de résolution unique, COM(2013) 520 final du 10.7.2013.
[26] Commission européenne, 2010, Proposition législative sur les systèmes de garantie des dépôts, COM(2010) 368.
[27] Conclusions du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013.
[28] Le Six pack sur la discipline budgétaire et les déséquilibres macro-économiques est constitué de 5 règlements n° 1173 à 1177/2011 et d'une directive 1173/2011.
[29] Le Two-pack est constitué de deux règlements (385/2011 et 386/2011).
[30] Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, signé par 25 États le 2 mars 2012, entré en vigueur en janvier 2013
[31] Larosière J. de, 2012, "La supervision est encore plus importante que la régulation", Confrontation Europe, la Revue, octobre-décembre.
[32] Gandrud C. & Hallergerg M., 2013, "Who decides? Resolving failed banks in a European framework", Bruegel, novembre.
[33] Traité établissant le MES, 2 février 2012, Art. 44.
[34] High-level Group on reforming the structure of the EU banking sector, 2012, Final Report, Chaired by E. Liikanen, 2 octobre .
[35] Pisani-Ferry J., Sapir A., Wolff G. B., 2012, "The messy rebuilding of Europe", Bruegel.
[36] BCE, Rapport annuel, 2012.
[37] Commission européenne, 2012, Communication : projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie, lancer un débat européen, COM(2012) 777 final ; Van Rompuy H. Président du Conseil européen, 2012, Vers une véritable Union économique et monétaire, 6 décembre.
[38] Caudal N. & Al., 2013, "Un budget pour le Zone euro", Trésor-éco n° 120, octobre, Ministère de l'économie et des finances. Pisani-Ferry J., 2012 "Un budget pour la zone euro ?", Bruegel, décembre ; Mundell R., 1961, "A theory of Optimum Currency Areas", American Economic Review, 51 (4).
[39] Commission européenne, Actes pour le marché unique 1 (avril 1011) et 2 (octobre 2012).
Directeur de la publication : Pascale Joannin
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