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La coalition de droite Spolu (Ensemble) remporte les élections législatives tchèques

Élections en Europe

Corinne Deloy

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11 octobre 2021
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Réunis au sein d'une coalition pour parvenir à écarter du pouvoir le Premier ministre sortant, Andrej Babis, trois partis de centre-droit et de droite ont gagné leur pari. En effet, rassemblés au sein de la coalition Spolu (qui signifie Ensemble), le Parti démocrate-civique (ODS), l'Union chrétienne-démocrate-Parti du peuple (KDU-CSL) et Tradition, responsabilité, prospérité 09 (TOP 09) ont recueilli 27,79% des suffrages et ont remporté 71 sièges à la Chambre des députés, chambre basse du Parlement lors des élections législatives organisées les 8 et 9 octobre.

ANO, parti dirigé par Andrej Babis, a obtenu 27,13% des voix et 72 élus, -6 par rapport aux précédentes élections législatives des 20 et 21 octobre 2017, mais aussi un de plus que la coalition Spolu.

Pirati a Starostove (PaS), coalition qui réunit le Parti pirate (CSP) et Maires et indépendants (STAN), a recueilli 15,61% des suffrages et remporté 37 sièges. Le STAN confirme son ancrage local au vu des résultats des votes préférentiels et devance largement son partenaire de coalition en nombre d'élus[1] : Maires et indépendants obtient en effet 33 des 37 sièges remportés par la coalition. Par ailleurs, selon Petr Just, professeur de science politique de l'université métropolitaine de Prague, le résultat de la coalition, moindre que prévu, s'explique en partie par le fait que de nombreux Tchèques considèrent Petr Fiala comme un dirigeant plus crédible qu'Ivan Bartos, leader du Parti pirate.

Liberté et démocratie directe (SPD), parti populiste de droite conduit par Tomio Okamura, a pris la quatrième place avec 9,56% des voix et 20 élus (-2).

La gauche tchèque a subi un très sérieux revers et elle disparaît de la Chambre des députés. Le Parti communiste de Bohème et Moravie (KSCM), dernier parti communiste non réformé d'Europe centrale, emmené par Vojtech Filip, a recueilli 3,6% des suffrages, soit au-dessous du seuil de 5% des voix qu'un parti politique doit atteindre pour être représenté à la Chambre des députés.

"La base électorale des communistes est en train de disparaître ou de les quitter au profit d'autres partis. Ils ne sont manifestement pas en mesure de se renouveler pour assurer leur survie" a déclaré Otto Eibl, professeur de science politique de l'université Masaryk de Brno, "En soutenant le gouvernement, les communistes ont perdu leur statut de parti protestataire. Il existe maintenant des partis protestataires plus actifs. En outre, Andrej Babis a récupéré une partie des électeurs retraités qui votaient communistes ou plus largement à gauche" a confirmé Josef Mlejnek politologue de l'université Charles de Prague.

Le Parti social-démocrate (CSSD), présidé par le vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur sortant Jan Hamacek et membre de la coalition gouvernementale, a subi le même sort que les communistes en obtenant 4,65% des voix. Son dirigeant a déclaré qu'il démissionnerait de ses fonctions à l'issue du scrutin.

Serment (Prisaha, P), parti créé par l'ancien officier supérieur de l'unité de la police contre le crime organisé, Robert Slachta, termine également sous le seuil de 5% des suffrages exprimés mais il parvient néanmoins avec 4.68% à devancer les deux partis de gauche.

La participation s'est élevée à 65,43%, soit +4,59 points par rapport aux précédentes élections législatives des 20 et 21 octobre 2017.

Résultats des élections législatives des 8 et 9 octobre 2021 en République tchèque

Participation : 65,43%

Source : https://www.volby.cz/pls/ps2021/ps2?xjazyk=CZ

"Les deux coalitions ont la majorité. Ensemble, notre pays ne sera plus aussi endetté et il fera partie de l'Europe démocratique" s'est réjoui Petr Fiala à l'annonce des résultats ; ajoutant "Nous avons un mandat très fort et personne ne peut nous voler cette victoire".

Le dirigeant de l'l'ODS est bien parti pour devenir Premier ministre. La coalition Spolu a en effet déclaré qu'elle souhaitait s'unir avec la coalition Pirati a Starostove pour tenter de former un gouvernement.

Les deux alliances de partis, qui ont déclaré durant la campagne électorale qu'elles ne gouverneraient pas avec Andrej Babis (même si Spolu n'a pas complètement rejeté l'idée de négocier avec un parti ANO sans Babis), se sont engagées à négocier sans la participation d'autres partis. Elles ont tenu une conférence de presse commune à l'issue de l'annonce des résultats au cours de laquelle elles ont demandé au président de la République, Milos Zeman, (Parti des droits des citoyens, SPOZ) de charger Petr Fiala de former le nouveau gouvernement.

"Il semble que les deux coalitions démocratiques parviendront à obtenir une majorité parlementaire, ce qui signifie très probablement qu'Andrej Babis devra partir" a déclaré Otto Eibl.

Andrej Babis s'est appuyé sur ses résultats socioéconomiques tout au long de la campagne électorale. L'économie tchèque est plutôt prospère et le Premier ministre sortant, allié aux sociaux-démocrates, a augmenté les pensions de retraite et les salaires et baissé les impôts.

"Après avoir siphonné l'électorat du centre droit en 2013, Andrej Babis a labouré sur les terres sociales-démocrates en 2017. Aujourd'hui, c'est pour courtiser l'électorat anti-migrants et eurosceptique qu'il a fait campagne" a indiqué Lukas Macek, directeur du campus de Sciences Po à Dijon. Andrej Babis, conscient de la faiblesse de ses alliés de gauche, avait en effet tenté d'attirer les électeurs plus à droite en accusant ses adversaires de vouloir recevoir tous les migrants qui se présenteraient aux portes du pays et en recevant à Prague le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban (Alliance des jeunes démocrates-Union civique, FIDESZ-MPP) à la fin du mois de septembre dernier.

"La question est de savoir si la politique populiste l'emportera sur les politiciens traditionnels et plus responsables ... ANO poursuit le type de populisme que nous trouvons dans les manuels scolaires - un leader fort qui cherche à diviser la société et à créer une identité tribale" s'interroge Tomas Lebeda, professeur de science politique de l'université Palacky à Olomouc.

Il y a quelques jours, l'enquête internationale Pandora Papers a révélé que le Premier ministre tchèque avait utilisé 15 millions € provenant de ses sociétés offshore pour financer l'achat d'une propriété en France en 2009. Andrej Babis a nié toutes les allégations portées contre lui. Selon Otto Eibl, les révélations des Pandora Papers n'ont pas particulièrement pesé dans le vote des Tchèques : "Il y a eu tellement d'affaires de corruption que beaucoup d'électeurs y sont devenus insensibles" a-t-il affirmé.

"L'agence immobilière m'a conseillé d'acheter ce bien par l'entremise d'un avocat, il n'y a rien d'illégal" a déclaré Andrej Babis qui a indiqué que cet achat était antérieur à son entrée en politique "Un politicien ne peut se permettre une telle chose mais j'ai effectué cette transaction il y a douze ans" a-t-il souligné.

Selon le Premier ministre sortant, ANO a obtenu "un excellent résultat" face à l'importante fronde orchestrée par les partis d'opposition. Milos Zeman a répété durant la campagne électorale qu'il considérait les coalitions de partis comme "une arnaque aux électeurs".

"Notre parti est le plus fort. Je vais proposer à Ensemble de former un gouvernement avec moi" a déclaré Andrej Babis qui ne peut plus s'appuyer sur ses anciens alliés de gauche (son partenaire dans le gouvernement sortant, le Parti social-démocrate, et son soutien à la Chambre des députés, le Parti communiste de Bohème et Moravie). En outre, le résultat de Liberté et démocratie directe, au-dessous de 10% des suffrages, rend toute alliance inenvisageable.

"Nous verrons ce que le président de la République dira... Je suis un manager, ma place est au gouvernement" a déclaré Andrej Babis.

Milos Zeman, qui a toujours dit qu'il chargerait le dirigeant du parti victorieux des élections de former le prochain gouvernement, a néanmoins choisi de recevoir le Premier ministre sortant Andrej Babis au château de Lany, résidence estivale des présidents de la République tchèque. "Milos Zeman fera de son mieux pour maintenir ANO au pouvoir" a estimé Josef Mlejnek, de l'université Charles de Prague.

[1] Les électeurs tchèques peuvent exprimer leur préférence pour quatre des candidats inscrits sur la liste. Les candidats recueillant plus de 5% des suffrages préférentiels à l'échelon régional sont alors placés en haut de la liste de leur parti. Lorsque plusieurs candidats recueillent plus de 5% des votes préférentiels, ils sont classés par ordre décroissant, en fonction du nombre total de votes préférentiels qu'ils ont recueillis.

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