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Les forces de gauche l'emportent aux élections législatives au Danemark

Élections en Europe

Corinne Deloy

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11 juin 2019
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Les forces de gauche l'emportent aux élections législatives au Danemark

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Le Parti social-démocrate (SD) est arrivé en tête des élections législatives le 5 juin au Danemark. Conduit par Mette Frederiksen, il a recueilli 25,9% des suffrages et remporté 48 sièges au Folketing, chambre unique du Parlement, soit un de plus que lors des précédentes élections législatives 18 juin 2015.

Le Parti socialiste populaire (SF), conduit par Pia Olsen Dyhr, a obtenu 7,7% des voix et il double son nombre d'élus passant de 7 à 14. Il a indéniablement bénéficié du contexte, c'est-à-dire des élections européennes qui ont contribué à mettre le réchauffement de la planète au cœur du débat politique. Ce sujet a supplanté les autres au cours des derniers jours de la campagne électorale. "Il semble que les Danois ont voté en faveur de l'espoir, du climat, des enfants et de l'avenir" a déclaré la présidente du parti.

Le Parti social-libéral (RV), dirigé par Morten Ostergaard, a doublé le nombre de ses députés : il a recueilli 8,6% des suffrages et remporté 16 sièges (+ 8). Enfin, l'Alliance rouge-verte (E) a obtenu 6,9% des voix et 13 élus (- 1).

Ensemble, les 4 partis composant le Bloc rouge (forces de gauche)!ont recueilli 91 sièges, soit la majorité absolue au Folketing. Leur victoire tient essentiellement à la progression des partis alliés des sociaux-démocrates. "Mette Frederiksen n'est pas vraiment en position de force" a indiqué Jorgen Albaek Jensen, politologue de l'université d'Aarhus.

Le Parti libéral (V) du Premier ministre sortant Lars Lokke Rasmussen a réalisé une performance honorable après 4 années au pouvoir : il a recueilli 23,4% des suffrages et remporté 43 sièges (+ 9). " Nous avons réalisé une bonne performance mais il y aura une alternance " a déclaré le chef de gouvernement sortant. De même, le Parti populaire conservateur (KF), emmené par Soren Pape Poulsen, a obtenu 6,6% des voix et doublé le nombre de ses sièges, passant de 6 à 12.

En revanche, le Parti du peuple (DF), parti populiste dirigé par Kristian Thulesen Dahl, a essuyé un sérieux revers en recueillant 8,7% des suffrages, soit son résultat le plus faible depuis les élections législatives de 1998. Il a perdu plus de la moitié de ses élus : 16 sièges, -21. Il est vrai que son échec dans les urnes est à relativiser tant les populistes sont parvenus à peser sur la vie politique nationale. Le thème de l'immigration est depuis des années au cœur du débat politique et, au fil des années, tous les gouvernements ont mis en place des mesures d'accueil de plus en plus restrictives. Selon le ministère de l'Intérieur, 114 de ces mesures pour rendre plus difficile l'accès au royaume scandinave pour les migrants ont ainsi été prises au cours de la précédente législature. " La plupart des positions anti-immigration, anti-asile et anti-islam, qui caractérisaient essentiellement le Parti du peuple, se sont peu à peu normalisées jusqu'à devenir omniprésentes. Les partis " dominants " se sont emparés de son discours " a ainsi indiqué Susi Meret, professeur à l'université d'Aalborg.

Les demandes d'asile sont au plus bas depuis plus de dix ans (2008), le regroupement familial a considérablement baissé, la question de la pression migratoire a donc perdu de son importance au profit de celle du réchauffement de la planète. Les populistes ont sans doute payé leurs positions climato-sceptiques lors du scrutin du 5 juin.

L'Alliance libérale (LA) d'Anders Samuelsen a enregistré un net recul avec 2,3% et 4 élus (-9).

Ces 4 partis du Bloc bleu (forces de droite) ont remporté 75 sièges au Folketing.

Nouvelle droite, parti créé en 2016 par Pernille Vermund et encore plus à droite que le Parti du peuple (le parti veut légiférer plus durement sur les migrants mais aussi sur les Danois nés à l'étranger), fait son entrée au Parlement avec 2,4% et 4 élus.

Comme traditionnellement au Danemark, la participation a été élevée, 84,50%, soit +1,4 point par rapport aux précédentes élections législatives de 2015.

Résultats des élections législatives du 5 juin 2019 au Danemark

Participation  : 84,5%

" Le Danemark s'est choisi une nouvelle majorité et une nouvelle direction. Nous allons à nouveau accorder la priorité à l'aide sociale. Bien-être, climat, éducation, enfants, avenir. Pensez à ce que nous pouvons faire ensemble. Nous allons maintenant changer le Danemark " a déclaré Mette Frederiksen, ajoutant qu'elle souhaitait former un gouvernement minoritaire, une pratique assez fréquente dans le royaume où le système politique n'oblige pas un parti à obtenir une majorité absolue au Folketing mais à s'assurer qu'aucune majorité ne se forme contre le gouvernement formé par un parti. Elle envisage de s'appuyer sur la gauche pour faire voter des lois dans certains domaines, par exemple l'éducation ou la santé, ou de rechercher le soutien de la droite dans d'autres, telle la politique migratoire.

Mette Frederiksen défend en effet des positions très à gauche sur les questions sociales mais se positionne très à droite sur d'autres enjeux comme l'immigration. Elle a ainsi promis de permettre le départ à la retraite anticipée aux personnes qui ont réalisé des carrières longues et pénibles et de stopper les coupes budgétaires dans les secteurs de la santé et de l'éducation. " Il est évident que nous devons recommencer à dépenser plus " a-t-elle affirmé.

Dans le même temps, elle a soutenu la politique migratoire restrictive (réduction des allocations familiales pour les réfugiés, allongement du temps de traitement des dossiers de demande d'asile, limitation du regroupement familial, durcissement des conditions d'emprisonnement dans les centres de rétention pour les déboutés du droit d'asile, renforcement du contrôle des frontières, renvoi des migrants clandestins) mise en place par le gouvernement de Lars Lokke Rasmussen. " Certains électeurs sociaux-démocrates avaient délaissé le parti car ils n'approuvaient pas notre politique migratoire ; maintenant, ils reviennent" a indiqué Mette Frederiksen.

" Mette Frederiksen sait que pour avoir du succès au Danemark, elle doit présenter une politique de l'asile et de l'immigration strictes " a souligné Ulf Hedetoft de l'université de Copenhague. " Les sociaux-démocrates ont ouvertement changé de paradigme. Avant 2015, le parti soutenait des politiques d'intégration. Désormais, ils sont en faveur de permis de séjour temporaires, permettant de renvoyer les réfugiés dans leur pays d'origine dès que les conditions de sécurité seront réunies " a affirmé Susi Meret.

Agée de 41 ans, Mette Frederiksen est originaire d'Aalborg (nord du pays) et elle est diplômée en sciences administratives et sociales de l'université de cette ville.

Elle adhère aux jeunesses socialistes à l'âge de 15 ans et elle est élue députée à 24 ans lors des élections législatives du 20 novembre 2001. Quatre ans plus tard, elle est vice-présidente du groupe parlementaire social-démocrate au parlement et en 2011, elle est nommée ministre de l'Emploi dans le gouvernement de Helle Thorning-Schmidt (SD). En 2014, Mette Frederiksen prend le portefeuille de la Justice. Après la défaite de son parti aux élections législatives du 18 juin 2015, elle remplace Helle Thorning-Schmidt à la tête du Parti social-démocrate et devient leader de l'opposition.

Elle est parvenue à unir l'ensemble des courants du parti qu'elle a déplacé à gauche sur les enjeux socioéconomiques et à droite sur l'immigration. Un positionnement qui a été pertinent puisque les forces de gauche devraient retrouver le pouvoir.

Mette Frederiksen devrait donc succéder à Lars Lokke Rasmussen. Elle deviendrait la plus jeune Première ministre du pays et la deuxième femme à diriger un gouvernement danois après Helle Thorning-Schmidt.

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