Analyse
Élections en Europe
Corinne Deloy
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Corinne Deloy
La campagne électorale a débuté le 7 mai dernier au Danemark lorsque le Premier ministre Lars Lokke Rasmussen (Parti libéral, V) a annoncé que les prochaines élections législatives auraient lieu le 5 juin, jour de la Constitution (Grundlovsdag) qui est férié au royaume scandinave. Lors de l'annonce de la date du scrutin, la dirigeante du principal parti d'opposition, le Parti social-démocrate (SD), Mette Frederiksen était hospitalisée ; elle a donc été dans l'incapacité de participer au premier débat électoral télévisé qui a rassemblé les dirigeants de chaque parti politique et qui a été organisé le soir même. Elle a été remplacée par Nicolai Wammen (SD) et est revenue à son poste trois jours plus tard, le 10 mai.
Les questions de santé, les retraites et le réchauffement de la planète constituent les principaux thèmes de la campagne électorale.
Le Danemark est dirigé par un gouvernement de droite depuis les précédentes élections législatives du 18 juin 2015. Lars Lokke Rasmussen a tout d'abord dirigé un gouvernement qui comprenait des personnes issues de son seul parti. Le 28 novembre 2016, il a formé une coalition avec l'Alliance libérale (LA) de Anders Samuelsen et le Parti populaire conservateur (KF) de Soren Pape Poulsen. Le gouvernement a bénéficié du soutien du Parti du peuple (DF) tout au long de la législature.
Les Libéraux ont dû faire de nombreux compromis au cours de ces quatre dernières années. L'Alliance libérale et le Parti populaire conservateur se sont battus pour obtenir des baisses d'impôt quand le Parti du peuple danois exigeait un durcissement de la politique migratoire.
"Il faudrait un miracle pour que la droite l'emporte" a déclaré Thomas Larsen, analyste politique. Selon Jorgen Goul Andersen, professeur de sociologie politique à l'université d'Aalborg, la coalition gouvernementale sortante paie le prix de la politique d'austérité budgétaire menée depuis 2010. "Alors que les besoins explosent, notamment en raison du vieillissement rapide de la population, les dépenses publiques qui ont augmenté de 1,8% par an et per capita entre 1992 et 2010 n'ont progressé que de 0,1% depuis cette même année, ce qui suscite une grande insatisfaction" a-t-il indiqué.
Selon l'enquête réalisée par l'institut d'opinion Voxmeter et publiée le 22 mai dernier, le Parti social-démocrate arriverait largement en tête des élections législatives du 5 juin prochain avec 26,1% des suffrages devant le Parti libéral qui recueillerait 18,6% des voix et le Parti du peuple danois, qui obtiendrait 10,6% des suffrages. L'Alliance rouge-verte (E) prendrait la quatrième place avec 9,5% des voix. Il serait suivi par le Parti social-libéral (RV) avec 7,8%, le Parti socialiste populaire (SF) 7,10%, et le Parti populaire conservateur, 3,5%. Le bloc rouge, qui regroupent les forces de gauche, recueillerait donc 54,5% des suffrages et le bloc bleu, qui rassemble les partis de droite, 44,7%.
Des Libéraux et des sociaux-démocrates de plus en plus proches
Le Parti libéral fait campagne sur une hausse de 0,6% des dépenses publiques, soit une augmentation de 69 milliards de couronnes d'ici 2025. Il souhaite allouer cet argent aux plus jeunes et aux plus âgés des Danois. Le programme du parti au pouvoir est donc inverse de celui qui était le sien pour les précédentes élections législatives du 18 juin 2015 où il défendait un gel des dépenses publiques. A noter, l'Alliance libérale et le Parti populaire conservateur ne sont pas favorables à une augmentation des dépenses publiques. Le gouvernement sortant s'était engagé à ne pas dépasser une hausse supérieure à 0,3%.
Les sociaux-démocrates proposent une augmentation de 0,7% des dépenses publiques et le Parti du peuple de 0,8%. Mette Frederiksen veut défendre le modèle social danois, une tâche difficile en ces temps de faible croissance et avec une population vieillissante.
On observe également une proximité entre droite et gauche sur la question de l'immigration. En 2015, les sociaux-démocrates ont vu nombre de leurs électeurs se détourner d'eux et donner leur voix au Parti du peuple. Le parti d'opposition a par conséquent choisi de modifier ses positions en matière de politique migratoire pour adopter une ligne plus ferme et plus contraignante. Mette Frederiksen défend une politique très restrictive en matière d'accueil des demandeurs d'asile.
Les sociaux-démocrates appellent à plafonner l'immigration non occidentale et à obliger tout immigrant à travailler au moins 37 heures par semaine pour être autorisé à bénéficier des aides sociales. En février dernier, ils ont évoqué un changement de paradigme, arguant que le but de la politique d'asile devait être le rapatriement plutôt que l'intégration. "Pour moi, il est très clair que le prix d'une globalisation dérégulée, de l'immigration de masse et de la liberté de mouvement des forces de travail a été payé par les classes populaires" a déclaré Mette Frederiksen, ajoutant "Pendant des années, les enjeux de l'immigration de masse ont été sous-estimés".
"Le climat politique est au refus de toute immigration depuis des années. L'agenda du Parti du peuple s'est imposé à tous les partis traditionnels" a indiqué Anders Widfeldt, maître de conférences à l'université d'Aberdeen spécialiste de la scène politique nordique. Le Danemark possède la législation la plus contraignante sur l'immigration. A l'automne dernier cependant, 37% des membres du Parti social-démocrate ont jugé que la politique migratoire du pays était trop laxiste, et ce après trois ans d'application de la plus dure des politiques jamais menée dans le royaume scandinave.
Le Parti libéral met en avant les changements qu'il a apportés aux lois sur l'immigration, qu'il chiffre à 114, dont le vote d'un texte qui permet de confisquer l'argent et les biens de valeur des demandeurs d'asile pour financer leur séjour, une loi que le Parti social-démocrate a soutenue ou à laquelle il ne s'est pas opposé.
L'an passé, Mette Frederiksen a présenté un projet de réforme censé tarir l'arrivée des étrangers non occidentaux au Danemark qui prévoyait le renvoi de ces derniers dans des camps en Afrique sous la supervision du Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), une proposition qui avait été mise en avant par les populistes du Parti du peuple. Les alliés traditionnels des sociaux-démocrates (le Parti socialiste populaire, le Parti social-libéral et l'Alliance rouge-verte) se sont néanmoins déclarés réticents à soutenir la candidature de Mette Frederiksen au poste de Premier ministre si celle-ci ne coupait pas les ponts avec le Parti du peuple et n'assouplissait pas la politique migratoire actuelle.
"Pour la première fois, les sociaux-démocrates parviennent à reprendre l'avantage auprès des électeurs indécis" a affirmé Thomas Larsen. La gauche danoise devrait en effet s'imposer dans les urnes le 5 juin, mais la question est : que feront les sociaux-démocrates de leur victoire ?
La difficulté pour eux sera de former un gouvernement même si le système politique danois ne les oblige pas à obtenir une majorité absolue au Folketing, chambre unique du Parlement, mais à s'assurer qu'aucune majorité ne se forme contre le gouvernement que le parti constituerait. Le Parti social-démocrate a indiqué qu'il souhaitait gouverner seul. Une chose est sûre : une défaite du Parti libéral signerait la fin de la carrière du Premier ministre sortant Lars Lokke Rasmussen.
Des populistes dépassés sur leur droite
Le Parti du peuple a été le grand vainqueur des précédentes élections législatives du 18 juin 2015. Il s'était imposé comme le deuxième parti politique du pays. Le parti est parvenu par la suite a imposer son agenda aux Libéraux au pouvoir (comme il l'avait fait durant la campagne électorale). Les populistes avaient refusé d'entrer au gouvernement, préférant soutenir Lars Lokke Rasmussen sans s'impliquer directement. Ils sont désormais dépassés sur leur droite par deux partis.
Le premier, Stram Kurs (qui signifie Ligne dure), a été fondé par l'avocat Rasmus Paludan en juillet 2018. C'est un parti centré sur le seul enjeu de l'immigration, et notamment celle venue des pays musulmans.
Militant de la théorie du grand remplacement, Rasmus Paludan veut rien moins qu'interdire l'islam au Danemark et expulser tous les immigrés non occidentaux qui ont obtenu l'asile. A droite encore du Parti du peuple, Pernille Vermund a créé Nouvelle droite en 2016. Ce parti demande une politique d'immigration encore plus stricte que celle défendue par le parti de Kristian Thulesen Dahl. Libérale sur le plan économique, il est également favorable au retrait du Danemark de l'Union européenne et de plusieurs instances internationales.
Le système politique danois
Le Folketing comprend 179 membres élus pour quatre ans par les seuls Danois résidant dans le royaume au scrutin proportionnel selon la méthode de Sainte-Lagüe. Les électeurs peuvent voter en faveur d'une liste présentée par un parti ou d'un candidat indépendant. Les partis représentés au Parlement sont autorisés à présenter des listes de candidats, les partis non représentés doivent obligatoirement recueillir un nombre de signatures correspondant à 1/175e des suffrages déclarés valides lors du précédent scrutin législatif, soit 20 109 électeurs cette année. Enfin, les candidats indépendants doivent être recommandés par au moins 150 électeurs de la circonscription dans laquelle ils souhaitent se présenter.
Les provinces du Groenland et des îles Féroé disposent chacune de deux députés. Les 175 autres sièges sont répartis entre trois régions - Copenhague, le Jutland et les îles - subdivisées en trois circonscriptions urbaines et sept circonscriptions rurales. Le nombre de sièges alloués à chacune d'entre elles, proportionnel au nombre de ses habitants, est revu tous les cinq ans. Le calcul effectué (addition de la population, du nombre d'électeurs aux dernières élections législatives et de la surface de la circonscription en km2 multipliée par 20, le résultat étant ensuite divisé par 175) favorise les régions les plus faiblement peuplées.
La répartition des sièges du Parlement se fait en deux temps, tout d'abord par parti puis par candidat. 135 des 175 sièges du Folketing sont des sièges de circonscription, les 40 restants sont appelés sièges compensatoires. Ils sont distribués selon le nombre de voix obtenues par les partis au niveau national. Ce mode de répartition aide à assurer une plus juste représentation nationale des "petits" partis. Pour accéder à la répartition des sièges compensatoires, un parti doit avoir obtenu un minimum de sièges dans une circonscription donnée ou un nombre de suffrages supérieur ou égal au nombre de voix nécessaires à l'obtention d'un siège dans au moins 2 des 3 régions du royaume ou encore au moins 2% des suffrages exprimés au niveau national.
9 partis politiques sont représentés dans l'actuel Folketing :
– Le Parti libéral (V), parti libéral et agrarien du Premier ministre sortant Lars Lokke Rasmussen, fondé en 1870, possède 34 sièges ;
– Le Parti du peuple (DF), parti populiste d'extrême droite fondée en 1995 et dirigé par Kristian Thulesen Dahl, compte 37 députés ;
– L'Alliance libérale (LA), fondée en 2007 par des dissidents du Parti social-libéral et du Parti populaire conservateur et membre du gouvernement sortant. Emmenée par Anders Samuelsen, elle possède 13 sièges.
– Le Parti populaire conservateur (KF), fondé en 1915, membre de la coalition gouvernementale sortante et conduit par Soren Pape Poulsen, compte 6 députés.
Ces 4 partis forment le Bloc bleu qui rassemble les forces de droite.
– Le Parti social-démocrate (SD), fondé en 1871 et dirigé depuis avril 2005 par Mette Frederiksen, possède 47 sièges ;
– Le Parti socialiste populaire (SF), parti d'opposition créé en 1959 par un ancien président du Parti communiste exclu pour avoir critiqué l'intervention de l'Union soviétique en Hongrie en 1956. Rassemblant socialistes et écologistes et conduit par Pia Olsen Dyhr, il compte 7 députés;
– Le Parti social-libéral (RV), parti de centre gauche créé en 1905 après une scission du Parti libéral. Emmené par Morten Ostergaard, il possède 8 sièges ;
– La Liste de l'unité-Alliance rouge-verte (E), fondée en 1989 et fruit de l'alliance du Parti communiste (DKP), du Parti des travailleurs socialistes (SA) et de la Gauche socialiste (VS). Dirigée par un comité exécutif de 25 personnes, sa porte-parole, également dirigeante du groupe parlementaire du parti, s'appelle Pernille Skipper. Le parti compte 14 députés.
Ces 4 partis composent le Bloc rouge rassemblant les forces de gauche.
- L'alternative compte 9 députés.

Source : https://www.ft.dk/aktuelt/nyheder/2015/06/valgidag.aspx
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