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Corinne Deloy
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Le Premier ministre sortant Viktor Orban s'est largement imposé aux élections législatives en Hongrie le 8 avril et conserve donc le pouvoir pour 4 années supplémentaires. Son parti, l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPP) allié au Parti populaire chrétien-démocrate (KDNP) de Zsolt Semjen, a recueilli 48,53% des suffrages [1] et devrait obtenir 133 des 199 sièges de l'Orszaggyules, chambre unique du parlement, soit la majorité des 2/3. Il a de nouveau bénéficié du découpage électoral et du système de vote taillés sur mesure. Selon les analystes politiques, avec ce système électoral, la FIDESZ-MPP aurait remporté chacun des scrutins législatifs qui ont eu lieu au cours des 25 dernières années.
Le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik), parti nationaliste, a remporté 19,63% des voix et 26 sièges. Son dirigeant Gabor Vona, qui avait lié son destin politique aux résultats des élections législatives et qui est très contesté au sein de son parti, a échoué à se faire réélire et a annoncé sa décision de quitter la tête du parti.
A gauche, le Parti socialiste (MSZP), présidé par Gyula Molnar et allié avec Dialogue pour la Hongrie (PM), parti social-démocrate et écologiste de Timea Szabo et Gergely Karacsony, a recueilli 12,44% des suffrages et remporté 20 élus. Faire de la politique autrement (LMP), parti écologiste conduit par Akos Hadhazy et Bernadett Szel, a obtenu 6,98% des voix et 9 sièges et enfin, la Coalition démocratique (DK), parti social-libéral de l'ancien Premier ministre (2004-2009) Ferenc Gyurcsany, a recueilli 5,62% des suffrages et remporté 8 sièges.
La participation a été nettement plus élevée que lors des précédentes élections législatives du 6 avril 2014, ce qui, jusqu'à l'annonce des premiers résultats, a entretenu l'espoir des partis de l'opposition. Près de sept Hongrois sur dix se sont rendus aux urnes (69,41%), une participation en hausse de 7,68 points et la deuxième plus élevée de la Hongrie démocratique depuis les élections législatives des 8 et 29 mai 1994.
Les partis de l'opposition ont obtenu leurs résultats les plus élevés à Budapest quand les zones les plus rurales de la Hongrie sont restées très fidèles au parti du Premier ministre sortant, un phénomène de répartition des votes que l'on observe partout à travers l'Europe. Par ailleurs, selon les enquêtes sortie des urnes, les plus jeunes électeurs ont davantage voté en faveur des partis de l'opposition que pour la FIDESZ-MPP.
"Nous avons gagné. la Hongrie a remporté une victoire décisive. Cette victoire historique nous offre la possibilité de continuer à nous défendre et de défendre la Hongrie" a affirmé Viktor Orban à l'annonce des résultats. "L'avenir du pays est en jeu. Nous ne nous contentons pas d'élire les partis, le gouvernement et le Premier ministre mais nous choisissons aussi l'avenir du pays" a-t-il déclaré après avoir rempli son devoir citoyen à Budapest.
Le Premier ministre sortant, grand admirateur du président russe Vladimir Poutine et chantre d'une "démocratie illibérale", avait centré sa campagne électorale sur l'immigration. "Pour moi, l'enjeu des élections législatives est simple : voulons-nous devenir un pays d'immigration ?" avait martelé Viktor Orban qui avait pris pour slogan "La Hongrie d'abord".
L'homme se veut le défenseur de l'identité hongroise, qualifie les réfugiés "d'envahisseurs musulmans" et en appelle à l'intérêt national pour justifier sa politique de limitation de certaines libertés, sa reprise en main de l'économie, des médias, etc. Il a également souvent recours à la théorie du complot. Ainsi, il accuse George Soros, milliardaire américain d'origine hongroise, président de l'Open Society Foundation, de conspirer contre la Hongrie en finançant des réseaux d'influence au sein de l'Union européenne et de l'Organisation des Nations unies pour agir contre Budapest et en travaillant à un plan destiné à islamiser l'Europe par une immigration forcée. "Les Hongrois ont toujours tendance à penser que derrière les événements historiques, de sombres hères tirent les ficelles" a déclaré le politologue Kristof Szombati.
"Dans un pays aux contre-pouvoirs affaiblis depuis 8 ans, la majorité des électeurs n'a pas accès à toutes les informations nécessaires pour voter. Toutefois, Viktor Orban a réussi à mobiliser son électorat dans des proportions surprenantes. On pensait que l'opposition ferait un meilleur score" a indiqué Bulcsu Hunyadi., analyste du think tank Political Capital,
"En Europe, être réélu pour la 3e fois est quand même rare. Nous sommes dans un climat où on sort les sortants, où tous les partis au pouvoir ont des difficultés. Même affaibli, Viktor Orban n'a contre lui qu'une opposition morcelée et une société civile qui a des difficultés à prouver une alternative forte et crédible" a souligné Jean-Michel De Waele, politologue de l'université libre de Belgique qui a conclu "le problème en Hongrie, c'est l'absence d'une opposition forte, crédible et démocratique qui puisse offrir une perspective".
"C'est un raz-de-marée pour la FIDESZ-MPP qui donne à Viktor Orban une grande légitimité en raison du taux de participation élevé, y compris au plan international" a déclaré Daniel Hegedüs, politologue, qui a également prédit pour les mois à venir "un renforcement des attaques contre la frange critique de la société civile". "Une victoire de Viktor Orban verrait sa rhétorique devenir de plus en plus agressive" a enfin affirmé Edit Zgut, analyste du think tank Political Capital. En effet, Viktor Orban a d'ores et déjà annoncé la fermeture prochaine des "organisations engagées en politique", soit, entre autres, celles qui s'occupent de droits de l'Homme.
Du côté de l'opposition, si le Mouvement pour une meilleure Hongrie reste le deuxième parti de Hongrie, il peine à progresser par rapport au scrutin du 6 avril 2014. Ses électeurs ne semblent pas avoir été convaincus par l'évolution récente du parti. La radicalisation de la FIDESZ-MPP, qui a durci son discours sur les questions de l'immigration et de l'Union européenne au cours des dernières années, a en effet poussé le parti de Gabor Vona à se recentrer. "Le Jobbik n'a pas su répondre à la demande de radicalisme qui s'est exprimée dans la société à la suite de la crise migratoire de 2015. Il a ensuite brouillé son image en tentant de gommer son côté xénophobe pour diversifier son électorat" a affirmé Andras Pulai de l'institut d'opinion Publicis.
L'opposition, qui a fait campagne en dénonçant le clientélisme, le détournement des fonds européens par le gouvernement en place, la nécessité d'investir dans l'éducation et la santé et d'augmenter salaires et retraites, a cependant pâti de ses divisions et de sa fragmentation.
Originaire de Szekesfehervar (nord-est du lac Balaton) et âgé de 55 ans, Viktor Orban est diplômé de droit de l'université Lorand Eötvös de Budapest (en 1989, il a fait un séjour d'études de quelques mois au Pembroke College à l'université d'Oxford grâce à une bourse délivrée par George Soros). Il figure parmi les membres fondateurs de l'Alliance des jeunes démocrates en 1988. Deux ans plus tard, il est élu député (il sera réélu à chaque scrutin législatif) et en 1993, il prend la présidence du parti. En 1998, il devient, à 35 ans, le plus jeune Premier ministre d'Europe avant de devoir s'incliner, 4 ans plus tard, devant l'opposition de gauche qui remporte les élections législatives des 7 et 20 avril 2002, une défaite que Viktor Orban n'acceptera jamais vraiment. Il prendra sa revanche 8 ans plus tard en 2010, année où il redevient chef du gouvernement.
"Viktor Orban a remporté les élections législatives avec un agenda anti-immigration et, en Europe, les partis populistes ne vont pas manquer de s'inspirer et cette formule gagnante" a déclaré Tamas Boros du think tank Policy Solutions, ajoutant "La forte légitimité que lui offre ce nouveau mandat lui donne également des munitions dans son combat contre l'Union européenne". La victoire de Viktor Orban ne constitue pas une bonne nouvelle pour Bruxelles. Le Premier ministre hongrois aime à vilipender l'Union européenne et n'hésite pas à s'opposer à ses décisions (comme l'engagement pris par Bruxelles de relocaliser 160 000 réfugiés de Syrie, d'Irak et d'Erythrée au sein des 28 Etats membres). Il s'est toutefois toujours bien gardé de franchir la ligne rouge qui le priverait des fonds européens dont son pays a besoin.
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