À propos de vos données personnelles

Le site de la Fondation Robert Schuman utilise des cookies, nécessaires pour le fonctionnement et la sécurité du site.

Le site de la Fondation collecte des données anonymes sur les utilisateurs à des fins d'analyse statistiques.

En savoir plus sur la gestion des cookies.

Analyse

Sauf surprise, Viktor Orban devrait remporter un troisième mandat consécutif à la tête de la Hongrie

Élections en Europe

Corinne Deloy

-

12 mars 2018
null

Versions disponibles :

FR

EN

Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Sauf surprise, Viktor Orban devrait remporter un troisième mandat consécutif à l...

PDF | 726 koEn français

Le 8 avril prochain, près de 8 millions de Hongrois sont appelés aux urnes pour renouveler les 199 membres de l'Orszaggyules, chambre unique du parlement. Cette date n'a pas été choisie par hasard puisque le 8 avril 1990 avait lieu le deuxième tour des premières élections libres organisées en Hongrie après la sortie du pays de la dictature communiste.

Ce scrutin législatif est à peu près sans suspense tant la mainmise du Premier ministre sortant Viktor Orban (Alliance des jeunes démocrates-Union civique, FIDESZ-MPP) sur le pays est importante et tant l'opposition est divisée et, donc, impuissante.

Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Nezopont et publiée début mars, la FIDESZ-MPP arriverait largement en tête des élections du 8 avril avec 52% des suffrages devançant le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik), parti nationaliste dirigé par Gabor Vona, qui recueillerait 17% des voix. A gauche, le Parti socialiste (MSZP) obtiendrait 10% des suffrages et la Coalition démocratique (DK), parti de l'ancien Premier ministre (2004-2009) Ferenc Gyurcsany, 6%. Faire de la politique autrement (LMP), parti écologiste dirigé par Akos Hadhazy et Bernadett Szel, recueillerait 9% des suffrages.

Non aux migrants et aux réfugiés ainsi que défense de l'identité hongroise sont les thèmes majeurs de la campagne de Viktor Orban

"Nous avons besoin de 4 années supplémentaires pour renforcer nos résultats et les rendre irréversibles" a indiqué le Premier ministre sortant Viktor Orban. Dès le 13 décembre 2015, jour de sa réélection à la direction de la FIDESZ, le dirigeant hongrois avait exprimé son désir de continuer à servir la Hongrie si ses compatriotes le réélisaient à son poste. "Pour moi, l'enjeu de ces élections est simple : voulons-nous devenir un pays d'immigration ?" a déclaré le chef du gouvernement magyar. Il se veut le défenseur de l'identité hongroise ("La Hongrie d'abord" est son slogan) et s'oppose à l'engagement pris par Bruxelles de relocaliser 160 000 réfugiés de Syrie, d'Irak et d'Erythrée au sein des 28 Etats membres, évoquant une "offensive de l'islam" et qualifiant les réfugiés "d'envahisseurs musulmans". Pour le Premier ministre sortant qui affirme que "le christianisme constitue le dernier espoir de l'humanité", "l'Union européenne cherche à saper les fondations chrétiennes de l'Europe et à transformer les sociétés de chaque Etat membre en sociétés multiculturelles".

Viktor Orban a appelé ses homologues européens à le rejoindre au sein d'une alliance globale contre l'immigration de masse, notamment celle venue des pays musulmans.

Budapest a voté en juillet 2016 une loi sur les demandes d'asile et l'immigration clandestine qui permet aux forces de l'ordre d'expulser immédiatement tout clandestin intercepté dans une bande de 8 km derrière la frontière hongroise, une mesure étendue ensuite à l'ensemble de la Hongrie. En 2015, on estime que 391 384 personnes étaient entrées dans le pays de façon clandestine ; un an plus tard, elles n'étaient plus que 18 236.

Autre obsession de Viktor Orban : George Soros. Le Premier ministre sortant accuse en effet le milliardaire américain d'origine hongroise, président de l'Open Society Foundation, de conspirer contre la Hongrie en travaillant à un plan destiné à islamiser l'Europe par une immigration forcée. George Soros reproche à Viktor Orban de l'utiliser comme bouc émissaire afin de détourner l'attention de chacun sur "l'Etat mafia" que le Premier ministre est en train d'instaurer dans son pays.

Dans son discours à la nation du 18 février dernier, le dirigeant hongrois a accusé George Soros de financer des réseaux d'influence au sein de l'Union européenne et de l'Organisation des Nations unies pour agir contre la Hongrie. Cinq jours auparavant a été présenté au parlement hongrois un texte de loi intitulé Stop Soros, qui veut obliger toute ONG travaillant dans le secteur de l'humanitaire et toute ONG financée à partir de l'étranger à justifier périodiquement de ses activités afin de vérifier que les fonds reçus ne servent pas au financement de l'immigration. En cas d'infraction, les ONG pourraient être amenées à payer des amendes à hauteur de 25% de l'argent qu'elles ont perçu à l'étranger.

Viktor Orban aime à répéter qu'à l'issue du scrutin du 8 avril le gouvernement hongrois sera formé soit par lui-même soit par George Soros, signifiant par là qu'en cas de victoire de l'opposition, le gouvernement sera si faible que George Soros sera de fait l'homme qui dirigera le pays.

LA FIDESZ ne présente pas de programme pour les élections et s'appuie sur son bilan des 8 dernières années (deux mandats consécutifs) à la tête de l'Etat, sur la bonne croissance du PIB (qui s'est établie à 4% l'an passé), sur les augmentations du salaire minimum (6% en 2016, 15% en 2017, 8% prévus cette année) et sur la faiblesse du taux de chômage, qui s'élève à 3,8%, soit le plus faible depuis la chute du communisme en 1989.

A gauche, une opposition rendue impuissante par ses divisions

Le 25 février dernier, Peter Marki-Zay, candidat indépendant soutenu par tous les partis de l'opposition, a remporté l'élection municipale partielle de la ville de Hodmezövasarhely (47 000 habitants), située près de la frontière serbe et fief de Janos Lazar (FIDESZ), ministre de la Chancellerie et fidèle de Viktor Orban, avec 57,49% des suffrages. La participation, qui s'est élevée à 62,45%, a été deux fois plus importante que celle enregistrée aux élections municipales de 2014.

Ce succès a fait renaître l'espoir dans toute l'opposition, de gauche comme de droite. "Cette victoire est un tournant qui montre que la FIDESZ peut être battue partout dans le pays" a déclaré Gabor Vona, dirigeant du Jobbik. "Cette victoire arrive à temps pour que l'opposition choisisse de coopérer tout comme elle vient également à temps pour permettre à la FIDESZ d'ajuster sa campagne" a souligné le directeur du think tank Political Capital, Peter Kreko. "54% des électeurs veulent un changement de gouvernement.

La FIDESZ est en tête mais la haine contre ce parti est très forte et nos études prouvent que ceux qui s'opposent au Jobbik et à la FIDESZ souhaitent une opposition unie. Ils voteraient pour toute personnalité qui serait en mesure de battre Viktor Orban" a indiqué Andras Pulai, analyste de l'institut d'opinion Publicis. "L'opposition ne joue plus à l'ancien jeu dans lequel elle n'a aucune chance de gagner mais un nouveau jeu a commencé où la situation n'est plus sans espoir, pourvu que l'on fasse preuve d'une tactique intelligente" a souligné Gabor Torok, professeur de science politique à l'université Corvinus de Budapest.

Convaincus que l'opposition n'a aucune chance de remporter le scrutin du 8 avril, les Hongrois ne sont pas très mobilisés pour lui donner leur voix. Davantage conscients qu'auparavant de la nécessité de s'unir pour s'imposer dans les urnes, les partis de gauche restent néanmoins divisés, incapables de faire liste commune comme de s'entendre sur le nom d'un candidat au poste de Premier ministre.

Le Parti socialiste (MSZP) dirigé par Gyula Molnar s'est cependant allié avec Dialogue pour la Hongrie (PM), parti social-démocrate et écologiste de Timea Szabo et Gergely Karacsony. Ce dernier est le candidat de ces deux partis au poste de Premier ministre.

Les socialistes se disent prêts à élargir leur coopération mais ne voient pas de coopération possible avec le Jobbik, parti auquel ils ont demandé de retirer leurs candidats dans les circonscriptions où un candidat indépendant possèderait davantage de chance de l'emporter.

S'ils accèdent au pouvoir, le Parti socialiste et Dialogue pour la Hongrie souhaitent réaffecter les fonds européens, qui sont, selon eux, détournés ou dépensés pour des projets sans intérêt. Les 2 partis promettent de baisser les prix de l'essence, de l'électricité et du chauffage ainsi que d'augmenter de 50% les salaires des personnes travaillant dans le secteur de la santé (un secteur en déshérence, de nombreux médecins et infirmières ont quitté le pays à la recherche de meilleurs salaires). Les 2 partis de gauche veulent doubler les pensions de retraite les plus faibles et s'assurer qu'aucun retraité ne perçoit moins de 100 000 forints (320 €) par mois. Enfin, ils augmenteront les investissements dans les secteurs de la santé et de l'éducation, supprimeront la flat tax, impôt à taux unique pour la TVA, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, fixé à 16% dans le pays, et organiseront un référendum sur l'abolition de la Constitution[1].

La Coalition démocratique (DK) de l'ancien Premier ministre (2004-2009) Ferenc Gyurcsany promet d'augmenter les salaires des enseignants de 15% (et celui des jeunes enseignants de 30%). Faire de la politique autrement (LMP), parti écologiste dirigé par Akos Hadhazy et Bernadett Szel, est également favorable à une hausse des salaires des enseignants et plus largement des fonctionnaires. Le LMP se veut aussi strict sur l'accueil des migrants. "Nous ne soutenons pas les quotas de migrants établis par l'Union européenne, nous ne démantèlerons pas le mur (construit à la frontière avec la Serbie et à celle avec la Croatie à partir de juillet 2015 afin d'empêcher les migrants venus d'entrer dans le pays) et je restaurerai les contrôles aux frontières" a déclaré Bernadett Szel, par ailleurs candidate au poste de Premier ministre.

A droite, le Mouvement pour une meilleure Hongrie peine à trouver sa place

Au cours des 4 dernières années, Gabor Vona a modifié l'orientation politique du Mouvement pour une meilleure Hongrie. "J'ai décidé de couper avec le milieu raciste et antisémite" a-t-il expliqué. Le dirigeant a dissous la garde magyare, milice paramilitaire du parti, et renoncé à plaider la sortie de la Hongrie de l'Union européenne. Avec le slogan "Avec un cœur hongrois, du sens commun et les mains propres", le Jobbik fait campagne sur les questions sociales (santé, éducation), et notamment sur la défense des salaires et des pensions de retraite, ainsi que sur la lutte contre la corruption. Le parti accuse Viktor Orban de dérive autoritaire. La transformation imposée par Gabor Vona ne semble toutefois pas être très bien acceptée par les sympathisants du mouvement qui n'apprécient pas forcément l'évolution de leur parti et peine à attirer de nouveaux électeurs, pas forcément convaincus par ce changement. Le Jobbik a également été poussé à se positionner différemment par la radicalisation de la FIDESZ, qui s'est nettement déportée sur sa droite au cours des dernières années et qui a durci son discours sur les questions de l'immigration et de l'Union européenne.

"Le Jobbik n'a pas su répondre à la demande de radicalisme qui s'est exprimée dans la société à la suite de la crise migratoire historique de 2015. Il a ensuite brouillé son image en tentant de gommer son côté xénophobe pour diversifier son électorat" a affirmé l'analyste Andras Pulai.

Le système politique hongrois

L'Orszaggyules, chambre unique du parlement, compte 199 députés élus pour 4 ans : 106 d'entre eux sont élus au scrutin uninominal au sein de circonscriptions et 93 au scrutin proportionnel de liste au sein du pays. Les électeurs disposent donc de 2 bulletins de vote, l'un pour choisir un parti politique, l'autre pour se prononcer en faveur d'un candidat.

Les électeurs inscrits comme appartenant à une minorité nationale[2] votent pour les listes de leur minorité et non pour des partis nationaux. Seul un quart des suffrages requis par les partis nationaux est nécessaire pour qu'une liste représentant une minorité puisse obtenir un mandat. Les minorités nationales n'ayant pas obtenu de sièges peuvent déléguer des porte-parole au parlement.

Seuls les partis concourant dans au moins 27 circonscriptions réparties entre au moins 9 comtés et Budapest peuvent présenter des candidats au scrutin proportionnel de liste. Les partis qui présentent des candidats dans les 106 circonscriptions reçoivent 2 millions €; celles qui en présentent dans un nombre compris entre 80 et 105, 1,5 million €; celles qui ont des candidats dans plus 54 circonscriptions mais dans moins de 79, 1 million € et enfin celles qui présentent des candidats dans un nombre de circonscriptions compris entre 27 et 53, 500 000 €. Chaque candidat reçoit en plus 3 200 € pour sa campagne électorale.

Pour être représenté au parlement, un parti doit obtenir au minimum 5% des suffrages exprimés ; une alliance de 2 partis, 10% des voix et l'alliance de 3 partis ou plus, 15%. Les sièges relevant des listes nationales sont répartis proportionnellement aux suffrages exprimés ; les suffrages qui n'ont pas permis à un parti de remporter des sièges ainsi que les voix du parti qui a obtenu le siège qui outrepassent le seuil électoral sont ensuite redistribués selon la méthode d'Hondt.

Tout parti souhaitant présenter une liste aux élections législatives au scrutin uninominal doit recueillir au moins 500 signatures d'électeurs. Au sein des circonscriptions uninominales, les candidats peuvent être présentés soit par des partis politiques, soit par des citoyens.

Enfin, les partis peuvent diffuser des spots publicitaires sur les chaînes de télévision si celles-ci acceptent de leur accorder du temps d'antenne gratuit. Dans ce cas, elles doivent alors accorder le même temps à toutes les listes électorales en présence.

8 partis politiques sont actuellement représentés au parlement hongrois:

– l'Alliance des jeunes démocrates-Union civique (FIDESZ-MPP), créée le 30 mars 1988 et dirigée par le Premier ministre sortant Viktor Orban, compte 117 députés ;

– le Parti populaire chrétien-démocrate (KDNP), fondé en 1944 et dirigé par Zsolt Semjen, possède 16 sièges ;

– le Parti socialiste (MSZP), fondé en 1989 et présidé par Gyula Molnar, compte 29 députés ;

– Ensemble. Parti pour une nouvelle ère (Együtt), parti social-libéral créé en 2012 et emmené par Peter Juhasz, possède 3 sièges ;

– la Coalition démocratique (DK), parti social-libéral de l'ancien Premier ministre (2004-2009) Ferenc Gyurcsany, compte 4 députés ;

– Dialogue pour la Hongrie (PM), parti social-démocrate et écologiste créé en février 2013 et dirigé par Gergely Karacsony et Timea Szabo, possède un siège ;

– le Parti libéral hongrois (L), parti conduit par Gabor Fodor, compte un député ;

– le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik), parti nationaliste créé en octobre 2003 et dirigé par Gabor Vona, possède 23 sièges ;

– Faire de la politique autrement (LMP), parti écologiste fondé en 2009 et dirigé par Akos Hadhazy et Bernadett Szel, compte 5 députés.

[1]La Constitution hongroise est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Le texte, dans lequel le mot République a été supprimé, a introduit une référence à Dieu, a fait du forint la monnaie nationale et a institué la règle d'or (inscription d'une limite - de 50% - au déficit public du pays). L'Union européenne et le Conseil de l'Europe se sont élevés contre plusieurs des articles de cette Loi fondamentale qui a été modifiée à plusieurs reprises depuis son adoption. [2]La Hongrie reconnaît 13 minorités nationales : les Allemands, les Arméniens, les Bulgares, les Croates, les Grecs, les Polonais, les Roms, les Roumains, les Ruthéniens, les Serbes, les Slovaques, les Slovènes et les Ukrainiens.

Sauf surprise, Viktor Orban devrait remporter un troisième mandat consécutif à l...

PDF | 726 koEn français

Pour aller plus loin

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-13-31.3211.jpg

Corinne Deloy

2 janvier 2025

Zoran Milanovic, chef de l’État sortant, a échoué de peu à remporter l’élection présidentielle dès le 1er tour de scrutin le 29 déce...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-13-31.3211.jpg

Corinne Deloy

16 décembre 2024

Les Croates sont invités à élire leur président de la République. Le 1er tour de l’élection présidentielle se tient le 29 décembre et le 2...

Élections en Europe

 
2023-08-18-17-16-22.1689.jpg

6 décembre 2024

La Cour constitutionnelle de Roumanie a invalidé le 6 décembre les résultats du premier tour de l’élection présidentielle et supprimé la tenue du second...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-30-07.6453.jpg

Corinne Deloy

2 décembre 2024

Le Parti social-démocrate (PSD), du Premier ministre sortant Ion-Marcel Ciolacu, est arrivé en tête des élections parlementaires le 1er décembre en Roumanie, jour de ...

La Lettre
Schuman

L'actualité européenne de la semaine

Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais

Versions :