Elections législatives en Albanie, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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19 juin 2009
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Les Albanais sont appelés aux urnes le 28 juin pour renouveler les 140 membres du Parlement. 4 000 candidats représentant 45 partis (dont 36 sont unis au sein de 4 coalitions) sont en lice pour ces élections législatives qui se dérouleront au scrutin proportionnel régional et selon une nouvelle loi qui accentue la bipolarité du système politique.

Les 4 coalitions sont les suivantes :

- l'Alliance pour le changement, rassemblant 17 partis, est conduite par le Parti démocratique (PDSH) du Premier ministre Sali Berisha ;

- le Pôle de la liberté de l'ancien Premier ministre (1992-1997) Aleksander Meksi regroupe le Parti démocrate-chrétien (PDK) de Nard Ndoka, le Parti conservateur, le Mouvement pour la reconstruction nationale (LZDK) de Dashanir Shehu, le Parti de l'alliance démocratique (PADS) de Neritan Ceka, le Parti de la voie vers la liberté et le Parti pour les réformes démocratiques ;

- l'Unité pour le changement est emmenée par le principal parti d'opposition – le Parti socialiste (PSSH) d'Edi Rama – et regroupe 4 autres partis : le Groupe 99 (G 99) dirigé par Erion Veliaj, le Parti social-démocrate (PSDS) de Skender Gjinushi et le Parti pour la social-démocratie (PDS) dirigé par Paskal Milo ;

- l'Alliance socialiste pour l'intégration est conduite par le Mouvement socialiste pour l'intégration de l'ancien Premier ministre (1999-2002) Ilir Meta et rassemble 5 partis : le PSV 91 de Petro Koci, le Parti vert, le Mouvement pour les droits de l'Homme et les libertés, le Parti de l'immigration et Nouvelle tolérance.

Le Président de la République, Bamir Topi, voit ces élections comme les dernières de la période de transition commencée en 1991. Il estime qu'elles constituent un test pour l'avenir européen de l'Albanie, et doivent donc d'être libres, transparentes et correspondre aux normes occidentales. Il a demandé aux membres du Collège électoral d'observer rigoureusement la Constitution et aux électeurs de participer au scrutin, la participation étant un critère important du niveau de démocratie. Il a enfin appelé tous les citoyens qui n'ont pas encore été chercher leur carte d'effectuer cette démarche au plus vite. Pour lutter contre la fraude électorale, la nouvelle loi électorale stipule que chaque électeur non muni d'un passeport se verra attribuer une carte d'électeur qu'il devra présenter au bureau de vote. 1,3 million de personnes ont déjà fait leur demande de carte et 1,2 million ont obtenu le document selon le ministère de l'Intérieur. 3,1 millions d'Albanais sont inscrits sur les listes électorales. "Ces élections législatives sont très importantes pour la démocratie en Albanie et pour l'intégration du pays dans l'Union européenne" a souligné Robert Bosch, représentant de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Le Premier ministre Sali Berisha incite régulièrement les Albanais à aller chercher leur carte. "Rien n'est plus important pour nous que d'organiser les meilleurs élections de toute l'histoire de l'Albanie" affirme-t-il. "Nous devons garantir que le processus électoral se déroule de manière libre et loyale afin d'avoir les outils en main pour pouvoir recommencer à plaider notre cause" a-t-il déclaré, faisant allusion à sa volonté de voir l'Albanie intégrer au plus vite l'Union européenne.

Dernier incident en date dans la campagne : Artan Zeka, militant du Parti démocratique a été tué par un membre du Parti socialiste, Skender Balla, le 12 juin dans le village de Qeurret à 30 km au Sud-Ouest de Tirana. Ce meurtre est le 2e de la campagne après que celui du député socialiste Fatmir Xhindi, début mai, à Roskovec (120 km au Sud de Tirana).

Le Premier ministre, Sali Berisha, fait campagne sur son bilan à la tête du gouvernement. Son mandat a été marqué par une amélioration des infrastructures et une importante réforme de la fiscalité. "En 4 ans, avec nos alliés du gouvernement, nous avons doublé les salaires et les pensions de retraite. Nous avons réalisé notre grand projet de liaison routière en construisant une autoroute entre Durres et Kukes (qui sera inaugurée à la fin du mois de juin) qui réduira de 4 heures le temps de voyage entre Durres et Morina, point de passage entre l'Albanie et le Kosovo. Nos réformes ont fait reculer le crime et la corruption, ouvert les portes de l'OTAN et de l'Union européenne à l'Albanie et dans les premiers jours de notre mandat, elles rendront possible la libre circulation des Albanais dans toute l'Europe" a-t-il déclaré ajoutant "mon gouvernement a consacré 4,2 milliards € de plus que le précédent à la lutte contre la corruption". Il met en avant l'augmentation des investissements étrangers en Albanie, affirmant que le monde traverse une crise économique, l'Albanie connaîtra cette année une croissance de son PIB de 8%, soit supérieure à celle de tous les autres pays européens.

Sali Berisha tente également de s'approprier une part de la transformation de Tirana en une ville propre et moderne. "Nous avons reconstruit le pays et développé de nouvelles infrastructures" a-t-il déclaré, en indiquant qu'après le 28 juin, son gouvernement s'attaquerait aux constructions illégales et à la corruption qui sévissent encore à Tirana. "Nous allons résoudre les problèmes de circulation dans la capitale et nous sommes déterminés à encourager le développement des affaires. Nous avons des projets de construire des parcs industriels autour de la capitale" a-t-il indiqué.

Enfin, le 8 mai dernier, le Premier ministre s'est engagé à ce que son prochain gouvernement ne regroupe que 11 ou 12 ministères. "Nous sommes un petit pays et le gouvernement doit correspondre à notre taille. Le gouvernement socialiste comptait 18 ministères, nous sommes déjà descendus à 14" a-t-il souligné.

Sali Berisha promet la création de nouveaux emplois publics, une nouvelle augmentation des salaires et des pensions de retraite et d'importants investissements dans les secteurs de l'éducation, de la santé et des infrastructures. Il souhaite multiplier par six le montant des fonds alloués à l'agriculture.

"C'est la première fois qu'un gouvernement double les salaires durant un mandat de 4 ans. Aucun gouvernement n'avait auparavant multiplié le budget de l'Etat et les revenus des citoyens par deux et réduit les impôts de 1,3 million de leks (9 940 €), soit le double de ce que le précédent gouvernement a récolté durant 8 ans" a affirmé Jozefina Topalli, vice-présidente du Parti démocratique (PDSH) et présidente du Parlement, candidate dans la région de Shkodra.

Fatir Mediu, président du Parti républicain (PRS), partenaire du PDSH au sein de la coalition gouvernementale, a ouvert sa campagne en affirmant qu'un second mandat de cette majorité politique permettrait à l'Albanie de réaliser son rêve et de devenir membre de l'Union européenne. "Nous avions promis en 2005 qu'avec Sali Berisha, nous changerions l'Albanie. Demain, nous travaillerons très dur pour rejoindre l'Union européenne. Nous vivons un moment particulier : l'Albanie appartient désormais aux pays civilisés" a-t-il indiqué.

Le parti socialiste (PSSH), principal parti d'opposition, semble un peu à la peine dans les dernières enquêtes d'opinion, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le PSSH est très accaparé par ses divisions internes comme par les tensions existant au sein de la gauche en général. Son leader, Edi Rama, doit se garder sur sa gauche du Mouvement socialiste pour l'intégration d'Ilir Meta, mais aussi compter avec l'opposition à son égard de l'ancien Premier ministre (1990-1991, 1997-1998 et 2002-2005) et ancien dirigeant du PSSH, Fatos Nano. Qui affirme que "Edi Rama est un voleur qui a volé le parti et privatisé la capitale Tirana". Lors des élections locales du 18 février 2007, il avait appelé les électeurs à voter en faveur du candidat du Parti démocratique, Sokol Olldashi, à la mairie de Tirana plutôt que pour Edi Rama. Lors du scrutin local, si le Parti socialiste a obtenu 24,82% des suffrages, la coalition formée par le Parti démocratique (PDSH) et le Parti républicain (PRS) a remporté le scrutin avec 27,24% des voix (21,81% au PDSH et 5,43% au PRS). Le Mouvement socialiste pour l'intégration avait recueilli 9,33% des suffrages.

Le PSSH est également affecté par la campagne du PDSH qui accuse certains de ses membres, et notamment son leader, d'être impliqués dans une affaire de trafic de permis de construire à Tirana. Enfin, Edi Rama a refusé de conduire la liste du PSSH le 28 juin prochain, cédant sa place à Vasilika Hysi. Cette décision, surprenante de la part d'un homme qui aspire à devenir le prochain Premier ministre, a troublé les Albanais.

Selon une enquête d'opinion menée par l'institut international Ifimes, plus de la moitié des Albanais déclarent que la composition des listes n'influencera pas leur vote et qu'ils se prononceront avant tout en faveur d'un parti politique ; 43% expriment l'opinion inverse et affirment qu'ils se décideront au vu des listes de candidats. Les derniers sondages accordent toujours entre 2 et 4 points d'avance au PDSH qui devancerait le PSSH.

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