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La coalition pro-européenne emmenée par le Président de la République Boris Tadic arrive largement en tête des élections législatives en Serbie

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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13 mai 2008
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

La coalition "Pour une Serbie européenne-Parti démocrate-G17+-Boris Tadic" - rassemblant le Parti démocrate (DS) du Président Tadic, G17+ dirigé par le ministre des Finances et du Développement régional Mladjan Dinkic, le Parti démocratique du Sandzak dirigé par Rasim Ljajic, le Mouvement du renouveau (SPO) et la Ligue des sociaux-démocrates de Voïvodine (LSV) de Nenad Canak - est arrivée largement en tête des élections législatives qui se sont déroulées le 11 mai en Serbie. Elle recueille 38,70% de suffrages et remporte 103 sièges à l'Assemblée nationale, Chambre unique du Parlement. Le DS redevient donc le 1er parti politique du pays, un statut qu'il avait perdu en 2003.

Le Parti radical (SRS), ultranationaliste, dirigé par l'ancien vice-Premier ministre de Slobodan Milosevic Vojislav Seselj, actuellement emprisonné à La Haye, obtient 29,10% des voix et 77 sièges. Le Parti démocratique de Serbie (DSS) du Premier ministre sortant Vojislav Kostunica, allié à Nouvelle Serbie (NS) dirigée par le ministre des Infrastructures Velimir Ilic arrive en 3e position et recueille 11,3% des suffrages (30 sièges). Le Parti socialiste (SPS) de l'ancien Président Slobodan Milosevic dirigé par Ivica Dacic et allié au Parti des retraités unis de Serbie (PUPS) et à Serbie unie (JS), obtient son meilleur résultat depuis la chute du dictateur serbe en octobre 2000, 7,9% (20 sièges). La coalition, unissant le Parti libéral-démocrate (LDP), l'Alliance civique de Serbie et l'Union sociale-démocrate, emmenée par Cedomir Jovanovic parvient à dépasser le seuil des 5% de suffrages obligatoires pour être représentée au Parlement, 5,20% (13 sièges). Enfin, les partis représentant les minorités du pays remportent 7 sièges.

Le Parti démocrate est également arrivé largement en tête aux élections municipales dans les 3 plus grandes villes : Belgrade, Novi Sad et Nis.

La participation s'est élevée à 60,70%, d'un niveau quasiment identique à celui enregistré lors des dernières élections législatives du 21 janvier 2007 (-1,30 point) et au 1er tour de l'élection présidentielle le 20 janvier dernier (-0,30 point) mais inférieur à celui du 2e tour décisif qui a opposé Boris Tadic à Tomislav Nikolic le 3 février (- 6,90 points).

Les Serbes du Kosovo se sont moins mobilisés, puisque plus d'un sur deux ne se sont pas rendus aux urnes (46,10%). Cette participation, inférieure de 6 points à celui des élections législatives du 21 janvier 2007, est de -16 points à celle enregistrée lors du dernier scrutin présidentiel. Le Parti radical serbe (SRS) est arrivé en tête dans l'ancienne province serbe suivi du Parti démocratique de Serbie (DSS) et du Parti démocrate (DS). Le Premier ministre kosovar, Hashim Thaci, a salué la victoire du Parti démocrate à Belgrade. "Mon message au Président Boris Tadic, c'est de davantage penser à Bruxelles et à l'OTAN qu'au Kosovo. Il sait personnellement que le Kosovo est un pays démocratique, indépendant, souverain et que le Kosovo et moi-même sommes prêts à coopérer avec la Serbie pour un meilleur avenir pour nos pays et nos peuples" a t-il déclaré.

"C'est un grand jour pour la Serbie, les citoyens ont confirmé le cheminement européen du pays. Ils ont confirmé qu'ils souhaitaient que la Serbie fasse partie de l'Union européenne. La Serbie sera dans l'Union européenne. Nous l'avons promis et nous allons le réaliser" a déclaré le Président de la République Boris Tadic à l'issue de l'annonce des résultats. Tout au long de la campagne électorale, le Chef de l'Etat avait répété que ces élections législatives étaient en fait "un référendum pour décider si nous voulons aller vers l'Europe ou rester isolés, si nous voulons vivre comme les autres nations européennes ou être isolés dans les Balkans". Les électeurs, dont toutes les enquêtes d'opinion montrent qu'ils sont majoritairement favorables à un rapprochement de leur pays avec l'Union européenne, ont une nouvelle fois (la 3e en 16 mois : élections législatives du 21 janvier 2007 et scrutin présidentiel des 20 janvier et 3 février 2008) manifesté leur désir d'une Serbie européenne.

"L'électorat serbe s'est clairement tourné vers l'Europe. Le Parti démocrate a gagné ces élections législatives de façon convaincante" a affirmé Zoran Lucic, responsable du Centre pour les élections libres et la démocratie (CeSID) qui s'est déclaré "surpris" par ces résultats. Le score des partis pro-européens dépasse largement celui dont les créditaient les sondages. Les instituts d'opinion donnaient le Parti démocrate (DS) et le Parti radical serbe (SRS) au coude à coude. "Trois facteurs semblent avoir fait la différence. Les électeurs n'aiment pas les perdants, ils ont choisi le vote utile et tablent sur une augmentation de leur niveau de vie" analyse le sociologue Vladimir Goati. La signature, le 29 avril dernier, de l'Accord de stabilisation et d'association (ASA) entre l'Union européenne et la Serbie aura finalement porté ses fruits, tout comme quelques jours plus tard la décision de 17 Etats membres d'accorder des visas gratuits, notamment les jeunes de moins de 25 ans. "L'Accord de stabilisation et d'association a une valeur symbolique très importante. C'est un message qui dit : l'Europe veut de nous. C'est la première relation contractuelle entre la Serbie et l'Union européenne" souligne le directeur du Fonds balkanique pour la démocratie, Ivan Vejvoda. L'annonce de la signature d'un contrat de 700 millions € entre l'industriel italien Fiat et les usines Zastava de Kragujevac, célébrée par le Président de la République et de nombreux ministres, a également permis aux Serbes d'associer Europe et investissements.

Le porte-parole du Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana, a salué "la nette victoire des partis pro-européens". "Nous sommes impatients de travailler en étroite collaboration avec un nouveau gouvernement" a-t-il ajouté. "Ces élections législatives montrent que la Serbie va très vite évoluer vers une adhésion à l'Union européenne et que le terrible épisode des guerres de Yougoslavie des années 1990 est oublié, que les habitants du Sud-Est de l'Europe sont désormais capables de vivre ensemble sans préjugés" a souligné le ministre slovène des Affaires étrangères, Dimitrij Rupel, dont le pays assume la Présidence du Conseil de l'Union européenne.

La large victoire du Parti démocrate laisse cependant ouvert la composition du prochain gouvernement. Avec qui gouvernera t-il ? "Cela ne fait que commencer. Les démocrates doivent maintenant former le plus vite possible un gouvernement et alors nous serons les vainqueurs" a affirmé le Président Tadic ajoutant. "Je suis prêt à discuter d'éventuelles coalitions avec tous ceux qui respecteront les principes suivants : l'adhésion à l'Union européenne, la sauvegarde de l'intégrité et de la souveraineté de la Serbie, l'amélioration du niveau de vie des citoyens, la lutte contre le crime organisé et la corruption et la poursuite de la coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye" et "le gouvernement que nous formerons ne reconnaîtra pas le Kosovo". Lors du dernier meeting à Belgrade, Boris Tadic a déclaré : "Vous pouvez être sûrs que Vojislav Kostunica ne sera jamais plus Premier ministre de ce pays". Le ministre de la Défense, Dragan Sutanovac (DS), a précisé que la coalition "Pour une Serbie européenne-Parti démocrate-G17+-Boris Tadic" était ouverte à toutes les alliances, à l'exception des ultranationalistes de Tomislav Nikolic.

Le Chef de l'Etat peut compter sur les 7 élus représentant les minorités et sur ceux du parti libéral-démocrate. Le Parti socialiste paraît être aussi en mesure de décider de ce que sera le prochain gouvernement. S'il a longtemps été proche des nationalistes, il s'est cependant rapproché du Parti démocrate et a plusieurs fois exprimé sa volonté de se transformer en un parti de gauche respectable.

"Ces élections législatives ont montré que pour une majorité de Serbes, l'objectif principal est une Serbie souveraine dans ses frontières reconnues au plan international et que l'adhésion à l'Union européenne n'arrive qu'en 2e position. Il existe des possibilités très claires d'une coalition n'incluant pas le Parti démocrate. Cela, je veux le dire aux citoyens de Serbie qui fêtent - et ils ont raison de le faire - la victoire de la liste qui a obtenu le plus grand nombre de voix. Mais Boris Tadic n'a pas le droit de transformer cette fête en une victoire de ceux qui formeront le prochain gouvernement" a indiqué Tomislav Nikolic qui a demandé au Président de la République de "calmer ses émotions" et s'est dit prêt à former une coalition gouvernementale ou à provoquer de nouvelles élections. Accusant le Chef de l'Etat de "grave violation de la Constitution" pour avoir exclu une coalition de partis nationalistes, Tomislav Nikolic a annoncé qu'il allait entamer des discussions avec le Parti démocratique de Serbie (DSS) et le Parti socialiste. Très sollicité, ce dernier est resté prudent. "Nous soutenons l'intégration de la Serbie à l'Union européenne mais avec de nouvelles discussions sur le Kosovo" soulignait son leader Ivica Dacic laissant ainsi entendre qu'une alliance avec les partis pro-européens n'était pas impossible. "Attendons jusqu'à demain pour voir ce que nous ferons" a déclaré le n° 2 du parti, Zarko Obradovic.

Selon la Constitution serbe, le gouvernement doit absolument être formé durant les 90 jours qui suivent la première séance du nouveau Parlement. Celle-ci aura lieu dans un mois, soit mi juin. Les partis politiques auront donc tout l'été pour négocier et devront former le nouveau gouvernement avant mi-septembre sous peine d'avoir à convoquer de nouvelles élections législatives. "Les résultats sont un fort encouragement pour les forces pro-européennes, a souligné le politologue Milan Nikolic, elles doivent agir pour utiliser au mieux ce potentiel". "Nous devons attendre ce que les hommes politiques feront de l'expression de la volonté du peuple. Mais je pense que l'avenir européen de la Serbie est garanti" a indiqué Zoran Lucic du CeSID.

Résultats des élections législatives du 11 mai 2008 en Serbie

Participation : 60,70%

Source : Site internet du Centre pour les élections libres et la démocratie (http://www.cesid.org)

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