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Elections législatives en Grèce Le point à une semaine du scrutin

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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27 septembre 2009
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Le 3 septembre, le Premier ministre grec, Costas Caramanlis (Nouvelle démocratie, ND) annonçait à la surprise générale la tenue d'élections législatives anticipées pour le 4 octobre (le scrutin parlementaire était initialement prévu pour l'automne 2011).

Le Chef du gouvernement sollicite un nouveau mandat à la tête du gouvernement et à anticiper la date des élections législatives pour 2 raisons majeures : la crise économique l'oblige à mettre en place une série de mesures structurelles difficiles et forcément impopulaires, et le chantage exercé par le principal parti d'opposition, le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK), qui a fait savoir qu'il s'opposerait à l'élection d'un Président de la République de compromis en mars 2010, date à laquelle le mandat de l'actuel Chef de l'Etat, Carolos Papoulias, arrivera à terme. En effet, ND ne possède qu'une faible majorité au Parlement et ne peut être assurée de faire élire son candidat. Selon la Constitution grecque, le Président de la République doit absolument recueillir les suffrages de 200 des 300 députés de la Vouli (Parlement). S'il n'y parvient pas, un nouveau scrutin législatif doit être organisé. Si Costas Caramanlis est un habitué des élections anticipées (désigné à la tête du gouvernement en mars 2004, il a été reconduit le 16 septembre 2007 à la faveur d'un scrutin anticipé qui avait écourté son premier mandat d'un an), une telle précipitation électorale est cependant inédite depuis le retour de la Grèce à la démocratie en 1974.

23 partis politiques sont candidats aux élections législatives du 4 octobre. Les règles de la campagne électorale dans les médias ont été modifiées à cette occasion. Auparavant, les 2 "grands" partis – ND et PASOK – bénéficiaient de 80% de temps d'antenne, les "petits" se partageant les 20% restants. Désormais, les 2 grands partis disposeront de 75% du temps d'antenne et les "petits" des 25% restants. Par ailleurs, ND et PASOK ont fait un effort important pour renouveler leur offre électorale même si ND semble avoir eu quelques difficultés à constituer ses listes de candidats.

Un impérieux besoin de réformes

La Grèce est dans une situation économique difficile. Alors que le taux de croissance de son PIB était, il y a encore quelques années, l'un des plus élevés de l'Union européenne, celui-ci devrait être négatif en 2009 (- 2,5%) et s'établir tout juste au-dessus de zéro l'année suivante (0,2%). Tardivement touché par la crise économique internationale, le pays voit ses principaux secteurs économiques – la marine marchande et le tourisme – essuyer de lourdes pertes. Par ailleurs, la Grèce s'endette chaque jour de 237 millions €. Son déficit budgétaire, qui s'établissait à 5% du PIB l'an passé, devrait se monter à 6,2% en 2009 et à 7,3% en 2010 et la dette nationale risque de dépasser les 100% du PIB cette année. La balance des paiements est la plus déficitaire de la zone euro en proportion du PIB, l'inflation reste élevée, le chômage s'établit à 15,5% de la population active (un quart des jeunes diplômés d'université sont sans emploi) et plus de 20% des Grecs vivent sous le seuil de pauvreté avec une moyenne de 414 € par mois selon les chiffres publiés par l'Institut du travail.

Le pays a été placé sous surveillance par l'Union européenne pour déficit budgétaire excessif le 27 avril dernier. La Commission européenne a demandé à la Grèce de ramener son déficit au-dessous des 3% du PIB à échéance de 2010. Le 24 octobre prochain, Athènes devra présenter les mesures qu'il compte mettre en place pour réduire le déficit budgétaire. L'actuel ministre de l'Economie et des Finances a demandé à l'Union européenne une prolongation de 2 ans du délai accordé pour ce faire.

La campagne électorale des deux "grands" partis

Le Premier ministre sortant Costas Caramanlis, qui a lancé sa campagne électorale le 8 septembre dans la ville d'Alexandroupoli, a précisé son programme : gel des salaires du secteur public et des pensions de retraites, réduction de la dette nationale et accélération des privatisations pour limiter les dépenses publiques. Son objectif : faire baisser de 30% les dépenses de l'Etat sur les 2 prochaines années. Les membres du gouvernement, les députés et les maires verront ainsi leurs indemnités réduites. Son programme prévoit également la création d'un ministère de l'Environnement et la privatisation du producteur de nickel, Larco, de la compagnie nationale du gaz, DEPA, et du n°2 de l'eau, EYATH. Enfin, la formation s'engage à prendre des mesures pour soutenir le secteur du tourisme et à lutter efficacement contre l'évasion fiscale. "Il est certain que cette politique produira ses fruits mais elle demande 2 ans d'efforts. Si les décisions difficiles et nécessaires ne sont pas prises et appliquées maintenant, la facture viendra plus tard et elle sera plus lourde" a déclaré le Premier ministre ajoutant : "je vous ai présenté ma politique. J'ai pu faire certaines fautes ou avoir certaines faiblesses, mais je suis déterminé à faire ce que j'ai dit et je le ferai".

Beaucoup d'analystes politiques se demandent pourquoi le Chef du gouvernement n'a pas agi plus tôt, libéralisé l'économie, fait preuve de davantage de rigueur en matière budgétaire ou encore réformé le système universitaire alors qu'il disposait de toute la latitude pour le faire. Costas Caramanlis se voit reproché de ne pas, comme il l'avait promis, s'être attaqué aux fléaux qui rongent le pays du pays et que sont le clientélisme, le népotisme et la corruption. Selon certains journalistes, la lutte pour la succession du Premier ministre sortant à la tête du parti ND en cas de défaite aux prochaines élections législatives aurait débuté. L'actuelle ministre des Affaires étrangères, Dora Bakoyannis, les ministres de la Culture, Antonis Samaras, et de la Santé et de la Solidarité sociale, Dimitris Avramopoulos, figureraient parmi les prétendants. Costas Caramanlis a déclaré qu'il n'avait aucunement l'intention de quitter son poste de président de ND même en cas de défaite le 4 octobre.

Le ministre des Travaux publics et de l'Environnement, George Souflias, conduira la liste des députés d'Etat de ND. Parmi les 300 membres de la Vouli élus au scrutin proportionnel, 288 sont désignés au sein de circonscriptions, les 12 parlementaires restants, appelés députés d'Etat car ils représentent l'ensemble de la Grèce – une position essentiellement honorifique, sont élus à partir des résultats de chacune des partis politiques à l'échelon national.

Du côté de l'opposition, le PASOK, qui a lancé sa campagne électorale le 9 septembre dernier dans la ville d'Egaleo, promet monts et merveilles aux Grecs. Le parti de George Papandréou est partisan d'une large redistribution, veut stimuler l'économie en portant les investissements publics à 5% du PIB, en accordant des augmentations salariales supérieures au taux d'inflation aux salariés du secteur public, en réduisant les impôts des personnes percevant un revenu annuel inférieur à 30 000 € et en majorant les allocations chômage et les retraites. Le PASOK s'engage à rétablir l'impôt sur les grandes fortunes et les droits de succession et à préserver le pouvoir d'achat des ménages en bloquant, pendant un an, les prix des services des entreprises contrôlées par l'Etat mais aussi celui des entreprises en suspendant le remboursement de leurs dettes bancaires durant la même période de 12 mois. Le parti, qui a déclaré qu'il demanderait à l'Union européenne une prolongation de 3 ans du délai accordé pour réduire le déficit budgétaire, souhaite renégocier les privatisations déjà effectuées et abandonner les projets en cours. Enfin, le PASOK veut revoir les dépenses militaires, réduire le nombre de ministères (en créant un ministère de l'Environnement et en séparant l'Economie des Finances), créer un Conseil des partis politiques chargé de lutter contre la corruption sous la présidence du Chef de l'Etat Costas Papoulias, réformer les autorités locales en fusionnant les municipalités, accorder la nationalité grecque à tout enfant né dans le pays et accorder le droit de vote aux immigrés pouvant justifier de 5 années de résidence dans la péninsule hellénique.

En matière de politique étrangère, George Papandréou a déclaré le 13 septembre qu'il n'excluait pas d'apposer son veto à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne si ce pays ne respectait pas les règles de bon voisinage et ne contribuait pas à la solution du problème de Chypre. "Nous souhaitons une Turquie avec une perspective européenne à condition que ce pays remplisse ses obligations vis-à-vis de l'Union et respecte le droit international" a t-il indiqué lors d'une conférence de presse retransmise par la chaîne de télévision Net. George Papandréou a accusé Costas Caramanlis de "fuir ses responsabilités face aux pressions de la Turquie en mer Egée et à Chypre". Si la Grèce et la Turquie se sont rapprochées depuis 1999, notamment sous l'influence de George Papandréou alors ministre des Affaires étrangères du gouvernement de Costas Simitis (PASOK), les deux pays s'opposent sur des questions de souveraineté de la mer Egée et sur l'avenir de l'île de Chypre.

Du côté des "petits" partis

Le Parti communiste (KKE) présentera 424 candidats dont 35% se présentent pour la première fois et dont 36% sont des femmes. Sa présidente, Aleka Papariga, fait campagne sur l'absence de différences existant entre ND et PASOK. "Les 2 grands partis doivent perdre les élections et pour ce faire, il faut voter pour le Parti communiste" répète-t-elle. Elle en a appelé aux 47,39% d'abstentionnistes du scrutin européen du 7 juin dernier, leur demandant de "participer à la bataille électorale qui s'annonce et de rendre visible leur opposition à la politique menée". "L'heure est à un nouveau départ, l'heure est au changement" a-t-elle déclaré.

Du côté de l'extrême gauche, le discours est identique. Le leader de Synaspismos (principal parti de la Coalition de la gauche radicale, SYRIZA), Alexis Tsipras, par ailleurs en baisse de popularité depuis qu'il a exprimé sa sympathie pour les émeutiers d'Athènes fin 2008, a indiqué "qu'un vote pour la gauche (c'est-à-dire pour la Coalition de la gauche radicale) représente une assurance de sécurité sociale". La liste des députés d'Etat de la Coalition de la gauche radicale sera conduite par le journaliste de To Vima, Vassilis Moulopoulos.

George Karatzaferis, leader du parti d'extrême droite, l'Alarme orthodoxe populaire (LAOS), a reproché au Premier ministre "d'avoir choisi la fuite à un moment difficile". Lors de son intervention à la 74e édition de la foire internationale de Thessalonique qui traditionnellement marque la rentrée politique en Grèce (915 entreprises de 35 pays étaient présentes à cet événement qui s'est déroulé du 5 au 13 septembre), il s'est dit convaincu que le PASOK remporterait le scrutin du 4 octobre sans toutefois parvenir à disposer d'un nombre suffisant de suffrages pour former seul un gouvernement. George Karatzaferis pense que les socialistes choisiront alors de s'allier avec ND, une possibilité que le Premier ministre sortant Costas Carmanlis a totalement exclue le 10 septembre. Le Chef du gouvernement a d'ailleurs également affirmé que ND ne s'allierait jamais avec le parti d'extrême droite.

Ioannis Korantis, ex-ambassadeur et ancien chef des services secrets grecs, conduira la liste des députés d'Etat du LAOS.

"Les Grecs sont lassés par ces deux dynasties politiques qui occupent le pouvoir depuis cinquante ans" a affirmé la porte-parole des Verts, Ioanna Kontouli. "Les vrais problèmes, comme la corruption et le népotisme, ne seront pas réglés par les grands partis. Les Grecs en ont assez et ils auront du mal à aller voter cette fois-ci" a-t-elle ajouté. La liste des députés d'Etat du parti écologiste sera conduite par le médecin Maria Piniou-Kalli.

Une tradition de violence politique

Le 23 septembre, une bombe a explosé provoquant de légers dégâts devant l'appartement de la responsable des questions économiques du PASOK, Louka Katsélis, dans le centre d'Athènes. La Grèce possède une longue histoire de violence politique. Le 10 septembre dernier, le journal To Pontiki publiait un texte de 11 pages émanant de Lutte révolutionnaire (EA), groupe d'extrême gauche figurant sur les listes américaine et européenne recensant les organisations terroristes. L'article accuse les hommes politiques d'être responsables de la crise économique internationale et indique que "les gros actionnaires, les golden boys et les capitalistes paieront pour leur action criminelle". L'organisation, qui a intensifié son action depuis la mort en décembre 2008 d'un adolescent âgé de 15 ans, Alexis Grigoropoulos, tué par les forces de police, a revendiqué l'attaque à la voiture piégée qui, le 2 septembre dernier, a endommagé le siège de la bourse d'Athènes et blessé une passante et l'attentat à la bombe qui le 12 mai avait soufflé le rez-de-chaussée d'une succursale de la banque Eurobank à Argyroupolis, dans la banlieue de la capitale. Lutte révolutionnaire, qui prévient qu'elle multipliera ses attaques dans les mois prochains, appelle à l'abstention le 4 octobre prochain.

A une semaine du scrutin, le PASOK reste en tête des enquêtes d'opinion, devançant Nouvelle démocratie d'environ 6 points. Le KKE arriverait en 3e position, suivi par le LAOS et SYRIZA. En tête dans les sondages, le PASOK ne semble toutefois pas en mesure d'obtenir la majorité absolue et devrait donc avoir à composer avec un ou plusieurs autres partis pour gouverner.

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