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Elections législatives en Grèce 4 octobre 2009

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

7 septembre 2009
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Le 31 août dernier, le Premier ministre grec, Costas Caramanlis (Nouvelle démocratie, ND), faisait part au Président de la République, Costas Papoulias, de sa décision de dissoudre le Parlement et de convoquer des élections législatives anticipées de 2 ans (le scrutin était initialement prévu à l'automne 2011). Le Chef du gouvernement a annoncé le 3 septembre que ce scrutin aurait lieu le 4 octobre prochain.

"J'ai pris cette décision en toute responsabilité et me guidant sur les intérêts nationaux. Il faut éclaircir le paysage politique et mettre en place une série de mesures nécessaires pour sortir de la crise économique. Nous avons devant nous 2 années très difficiles" a souligné Costas Caramanlis dans un message télévisé. "Le poids de la crise économique et les perspectives pour les deux années à venir vont m'obliger à faire des réformes drastiques et, pour cela, j'ai besoin de la confiance du peuple. L'année 2010 sera une année difficile et déterminante et il faut que le peuple grec choisisse le gouvernement qui pourra sortir le pays de cette crise" a-t-il ajouté, indiquant qu'il briguait un nouveau mandat.

Le Premier ministre a indiqué que les élections anticipées lui avaient été imposées par le "chantage" exercé par le principal parti d'opposition, le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK). En effet, ce parti, qui réclame la tenue d'un scrutin législatif anticipé depuis des mois, avait fait savoir qu'il utiliserait la fin du mandat de l'actuel Président Papoulias, en mars 2010, pour obtenir l'organisation d'élections anticipées en s'opposant à l'élection d'un Président de compromis contrairement à ce qu'il avait fait lors du dernier scrutin présidentiel le 8 février 2005. Selon la Constitution grecque, le Président de la République doit recueillir les suffrages de 200 des 300 députés du Parlement, faute de quoi de nouvelles élections législatives doivent être convoquées. Ne possédant qu'une faible majorité au Parlement, la Nouvelle démocratie n'était pas assurée d'être en mesure de faire élire son candidat, ce qui a contraint le Premier ministre à prendre l'initiative. "Mon objectif était initialement de procéder à des réformes structurelles nécessaires (contrôle des dépenses publiques, lutte contre l'évasion fiscale, etc.) d'ici à 2011 mais celles-ci nécessitent un climat politique propice" a affirmé Costas Caramanlis, ajoutant "avec le chantage de l'opposition, le pays aurait été en campagne électorale durant six mois, ce qui aurait été catastrophique pour l'économie car la conjoncture impose stabilité et climat serein pour appliquer les politiques nécessaires". Ce diagnostic est partagé par le patronat grec qui a déclaré que le pays avait besoin d'un gouvernement "fort et déterminé" face à la menace de la récession.

Costas Caramanlis est un habitué des scrutins anticipés. Désigné à la tête du gouvernement en mars 2004, il a été reconduit le 16 septembre 2007 à la faveur d'élections anticipées qui avaient écourté son premier mandat d'un an. A l'exception d'une parenthèse entre 1989 et 1990, l'actuelle précipitation électorale est cependant inédite depuis le retour de la Grèce à la démocratie en 1974. La faible majorité, dont dispose le gouvernement et qui aurait pu l'empêcher de faire face aux défis à venir, n'est pas la seule cause ayant conduit le Premier ministre à prendre cette décision qui a surpris des Grecs. Costas Caramanlis a certainement vu dans les élections anticipées le moyen d'éviter qu'à l'occasion de la rentrée parlementaire, de nouvelles tensions internes affaiblissent encore sa majorité et, peut-être, souhaité prévenir la révélation de nouveaux scandales (3 ministres mis en cause dans différentes affaires ont été contraints à la démission ces derniers mois). Certains analystes politiques voient même dans la décision surprise du Chef du gouvernement une manœuvre lui permettant de laisser l'opposition de gauche gérer les étapes les plus difficiles de la crise économique pour mieux reprendre le pouvoir, une fois la croissance revenue.

Le "quitte ou double" de Costas Caramanlis

Le leader de la Nouvelle démocratie (ND), à la traîne dans les enquêtes d'opinion, a pris un risque important en écourtant de 2 ans son mandat. "Il a été très convaincant sur la nécessité d'un nouveau scrutin mais pas du tout convaincant sur les raisons pour lesquelles on devrait le réélire" souligne l'analyste politique Pavlos Tzimas. Pour tenter de remporter ces élections anticipées, le Premier ministre va jouer la carte des réformes économiques. Il a fait de la réduction des dépenses publiques, de la lutte contre l'évasion fiscale et la mise en place des réformes structurelles ses 3 priorités pour le scrutin du 4 octobre prochain.

Au 2e trimestre, la Grèce a évité de justesse la récession en enregistrant une hausse de son PIB de 0,2%. Le gouvernement prévoit une croissance de 1,1% sur l'ensemble de l'année tandis que la Commission européenne anticipe un recul de 0,9%. Mais la Grèce, qui possède un déficit public de plus de 5% (5,7% prévus en 2010) et une dette estimée à 96,3% de son PIB (environ 60 milliards €) pour 2009, est pressée par l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) de ne pas retarder l'adoption de réformes structurelles.

Le ministre de l'Economie, Yannis Papathanassiou, a tenté d'obtenir de Bruxelles un nouveau délai pour le retour du pays, maillon faible de la zone euro, à une certaine discipline budgétaire. Relativement protégée jusque-là, la Grèce a commencé à ressentir les effets de la crise économique internationale avec le recul du tourisme, l'une de ses principales ressources, et le tassement de la consommation et des transactions immobilières.

Par ailleurs, les troubles sociaux qui ont dégénéré en violences urbaines en décembre 2008 et occasionné la mort d'un adolescent âgé de 15 ans, Alexis Grigoropoulos, par les forces de police ont fortement affecté la confiance dans le gouvernement (l'un des plus impopulaires depuis la fin de la dictature en 1974). Des attentats secouent régulièrement Athènes et Thessalonique. Juste avant l'annonce des élections anticipées par le Premier ministre, 2 bombes ont encore explosé dans ces 2 villes. Récemment, les Grecs ont exprimé leur colère devant la mauvaise coordination des services de lutte contre les incendies qui, 2 ans après les terribles incendies de l'été 2007 (qui avaient entraîné la mort de 77 personnes), ont une nouvelle fois ravagé des forêts dans la banlieue d'Athènes.

Enfin, la ND a essuyé un revers lors des élections européennes du 7 juin dernier en arrivant en 2e position avec 32,29% des suffrages derrière le PASOK (35,65%). L'Alarme orthodoxe populaire (LAOS) a obtenu 7,15% des voix (+2,88 points par rapport au scrutin de juin 2004).

"Ces élections législatives sont très risquées politiquement pour Costas Caramanlis dont la popularité est au plus bas juste 2 ans après sa reconduction au pouvoir en septembre 2007" analyse l'économiste Georges Pagoulatos. De nombreux ministres et députés de ND n'ont d'ailleurs pas caché leur colère à l'annonce de la convocation d'élections législatives anticipées. Certains ont qualifié la décision du Chef du gouvernement de "suicide politique". L'ancien ministre de la Culture, Michalis Liapis (ND), a ainsi annoncé qu'il ne serait pas candidat au prochain scrutin, estimant que celui-ci constitue "une erreur historique pour notre parti". "Il est certain que le timing n'est pas favorable" indique le politologue de l'institut Opinion, Theodoros Livanios concluant "Costas Caramanlis n'avait pas le choix". "Après les divers scandales politico-financiers, les émeutes de décembre et l'effondrement des finances publiques, le bilan du gouvernement est accablant" souligne l'analyste politique Dyonisis Nassopoulos, ajoutant "maintenant, il ouvre la porte à l'alternance et à l'instabilité politique".

Le pari du Premier ministre devrait profiter aux socialistes

"Le gouvernement s'est effondré sous le poids de ses échecs, il s'est écroulé devant l'impasse" a déclaré le leader de l'opposition, l'ancien ministre des Affaires étrangères (1999-2004), George Papandréou, appelant le peuple grec à "un nouveau départ". À l'occasion de l'anniversaire de la fondation du PASOK, il a dressé le constat d'échec de l'équipe au pouvoir. "Si le pays est dans une telle situation économique, c'est à cause des mauvaises décisions prises ces 7 dernières années" souligne Maria Karahlioumi, l'une des porte-parole du PASOK, ajoutant "Augmentation du chômage, panne du système éducatif, montée de l'immigration clandestine, manque de contrôle sur l'évasion fiscale... George Papandréou est prêt à prendre le pouvoir, mais il a besoin d'une victoire claire. Pour cela, nous avons un véritable plan de sortie de crise pour le pays, fondé notamment sur le modèle de croissance verte". Visiblement, le PASOK n'a pas été sans noter la (timide) percée des écologistes aux élections européennes du 7 juin dernier. Les Verts ont recueilli 3,49% des suffrages, soit +2,89 points par rapport au scrutin de juin 2004.

Depuis plusieurs mois, le PASOK laisse entendre qu'il ne refuserait pas a priori de former une coalition gouvernementale avec la gauche radicale (SYRIZA), affirmant qu'il a même chargé une commission du parti réfléchir aux modalités d'un rapprochement avec le parti d'extrême gauche. Une telle alliance pourrait toutefois s'avérer dangereuse pour le PASOK. En effet, Alexis Tsipras, ancien leader de Synaspismos, dont est issue la Coalition de la gauche radicale, n'a jamais caché sa sympathie pour les émeutes d'Athènes fin 2008. En outre, le parti d'extrême gauche a encore été affecté auprès de certains de ses sympathisants lorsque l'eurosceptique Nikos Choundis a été choisi pour conduire la liste de la Coalition de la gauche radicale aux élections européennes de juin dernier. Ce radicalisme pourrait effrayer les électeurs centristes du PASOK.

Si le PASOK paraît avoir un peu refait son retard par rapport à ND depuis son éviction du pouvoir en 2004, il est encore loin de soulever l'enthousiasme et n'est pas épargné par les scandales politico-financiers. Même s'il remporte les élections législatives, le PASOK pourrait avoir des difficultés à recueillir un nombre suffisant de suffrages pour lui permettre de former seul un gouvernement. Son leader, George Papandréou, a affirmé que si le scrutin ne lui accordait pas la majorité absolue, il réclamerait la tenue de nouvelles élections. "Le PASOK a l'avantage, la question est de savoir s'il pourra ou non former seul un gouvernement" analyse le politologue de l'institut Opinion, Theodoros Livanios. "Trois scénarios sont possibles : l'organisation de nouvelles élections, une coalition gouvernementale formée par le PASOK et un petit parti d'extrême gauche, ou enfin une grande coalition rassemblant les deux principales formations du pays, ND et PASOK" ajoute-t-il encore avant de conclure "considérant l'histoire politique de la Grèce, la tenue d'un nouveau scrutin législatif paraît l'option la plus probable".

Le système politique grec

Le Parlement grec (Vouli) est monocaméral. Son unique Chambre compte 300 membres, élus au scrutin proportionnel pour 4 ans au sein de 56 circonscriptions. 51 désignent 288 députés, les 12 parlementaires restants, appelés députés nationaux car ils représentent l'ensemble de la Grèce – une position honorifique –, sont élus à partir des résultats de chacun des partis politiques à l'échelon national. Ce système électoral, appelé proportionnelle renforcée, garantit un niveau de représentativité de 70% aux partis politiques en droit d'être représentés au Parlement (c'est-à-dire ayant recueilli un minimum de 3% des suffrages exprimés). Tout parti politique recueillant au moins 41% des suffrages est ainsi assuré d'obtenir la majorité absolue à la Vouli.

5 partis politiques siègent au Parlement:

- La Nouvelle démocratie (ND), parti de centre-droit fondé en octobre 1974 par l'ancien Président de la République (1980-1995) et Premier ministre (1955-1963 et 1974-1980), Constantin Caramanlis, oncle du Premier ministre sortant, Costas Caramanlis, compte 152 sièges ;

- Le Parti socialiste panhellénique (PASOK), principal parti d'opposition fondé en septembre 1974 par Andréas Papandréou. Nationaliste et populiste sous la présidence de son fondateur, elle est devenue, avec l'ancien Premier ministre (1996-2004) Costas Simitis, une formation sociale-démocrate européenne. Dirigé depuis 2004 par l'ancien ministre des Affaires étrangères (1999-2004) George Papandréou, fils du fondateur, le parti possède 102 députés ;

- Le Parti communiste (KKE), parti fondé en 1918, issu du Mouvement socialiste et ouvrier, communiste et anti-européen, dirigé par Aleka Papariga, compte 22 sièges ;

- La Coalition de la gauche radicale (SYRIZA), parti d'extrême gauche, né en 2004 à partir de l'ancienne formation Synaspismos, et rassemblant plusieurs organisations de gauche, dont l'ancienne aile gauche du PASOK, certains militants communistes et des écologistes, est dirigée par Alecos Alavanos et possède 14 députés ;

- L'Alarme orthodoxe populaire (LAOS), parti d'extrême droite fondé en 2000 par le journaliste Georgios Karatzaferis, ancien membre de la ND, compte 10 sièges.

Selon une enquête d'opinion publiée le 3 septembre dernier, le PASOK obtiendrait le soutien de 31,5% des Grecs pour 25,1% pour la ND. 21,6% des personnes interrogées se déclarent indécises. "Les socialistes pourraient ne pas recueillir suffisamment de voix pour former seuls un gouvernement mais ils seront les grands vainqueurs de ces élections législatives" affirme le journaliste politique George Kyrtsos. Si beaucoup prévoit un écroulement de la ND, une victoire à l'arraché du parti au pouvoir ne peut cependant être totalement exclue.

Dans un tel climat de polarisation politique, l'abstention et la montée des extrêmes constituent des risques importants. La plupart des analystes politiques tablent sur une victoire de l'opposition mais doutent que cette dernière obtienne la majorité absolue. Le pays risquerait alors de traverser une période d'instabilité politique. La formation d'un gouvernement minoritaire ou d'une grande coalition à l'allemande serait une première dans l'histoire politique grecque.

Source : Ministère grec de l'Intérieur, de l'Administration publique et de la Décentralisation

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