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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Le 2 octobre, les Irlandais ont finalement dit "oui" à la ratification du traité de Lisbonne lors du 2e référendum organisé sur ce texte européen. 67,13% des votants ont approuvé la ratification du traité, 32,87% l'ont rejetée et 0,40% ont déposé un bulletin blanc ou nul dans les urnes. Ce résultat positif est le plus élevé jamais enregistré dans le pays depuis le référendum sur le traité de Maastricht du 18 juin 1992 où 69,1% des électeurs s'étaient prononcés pour la ratification du texte.
Dublin Sud est la circonscription où le "oui" a atteint le pourcentage le plus important (81,7%). Seules 2 des 43 circonscriptions ont voté majoritairement "non" : Donegal Nord-Est (51,46%) et Donegal Sud-Ouest (50,30%). Toutes deux sont situées dans le Connacht-Ulster, dans la partie Ouest de l'Irlande.
La participation a été plus importante de près de 5 points (4,9) que lors du 1er référendum du 12 juin 2008 et s'est élevée à 59%. Elle est également la plus importante jamais enregistrée lors d'un référendum sur une question européenne depuis l'adhésion de l'Irlande à l'Union européenne en 1972 (70,90% de votants). Cette participation élevée, et notamment la forte mobilisation des partisans du traité de Lisbonne, explique d'ailleurs en grande partie la victoire du "oui".
Hormis la participation, plusieurs choses expliquent le revirement des Irlandais. Et tout d'abord, les garanties obtenues par le gouvernement du Premier ministre Brian Cowen (Fianna Fail, FF) de ses partenaires de l'Union européenne. Celles-ci concernent la défense (maintien de la politique de neutralité militaire du pays), les affaires sociales (maintien des dispositions de la Constitution irlandaise sur le droit à la vie, l'éducation et la famille mais aussi protection du droit des travailleurs et des services publics, garantie de la responsabilité des Etats membres en matière de santé) et la fiscalité (aucune modification des compétences actuelles des Etats membres de l'Union européenne dans ce domaine). L'Irlande a également obtenu l'assurance de conserver son Commissaire.
"Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe de voter "non"" affirmait quelques jours avant le référendum du 2 octobre Michael Marsh, politologue au Trinity College de Dublin. En effet, l'Irlande traverse une grave crise économique : le taux de chômage a quasiment triplé en 2 ans (12,5% de la population active sont sans emploi), le déficit public, nul en 2007, atteint 11% du PIB et celui-ci est en récession de 8%. Les Irlandais ont pris conscience de la sécurité économique et de la protection que leur apportait le fait d'être membres de l'Union européenne (la Banque centrale européenne, BCE, a versé 120 milliards € de liquidité aux banques irlandaises). Il leur a suffi de comparer leur situation à celle des Islandais, habitants d'un pays non membre de l'Union et qui a frôlé la faillite économique. La crise économique internationale, et plus largement la dimension économique, absente de la campagne du 1er référendum, s'est largement imposée sur l'agenda. Les Irlandais ont compris que l'Irlande serait très affaiblie en dehors ou en marge de l'Union européenne et que leur pays, si dépendant du reste du monde, ne pouvait survivre seul dans un monde globalisé.
"Mon message est très simple : merci l'Irlande!" a déclaré José Manuel Barroso qui s'est dit "extrêmement heureux de ce résultat". "L'Irlande a donné à l'Europe une nouvelle chance. Cela montre la valeur de la solidarité européenne et que l'Europe apporte une réponse positive à la crise économique Je vais appliquer un programme très ambitieux pour l'Europe. Avec ce résultat, je sens qu'il est possible d'obtenir l'appui des citoyens" a ajouté le président de la Commission européenne.
Le Premier ministre irlandais Brian Cowen a indiqué que le 2 octobre était une "bonne journée pour l'Irlande et pour l'Europe" précisant "Le traité de Lisbonne débouchera sur une meilleure Europe, une Europe plus forte et plus équitable". "Les Irlandais ont dit un oui convaincant au traité de Lisbonne. Je pense que c'est bon pour l'Irlande car je crois passionnément que notre avenir se situe au sein de l'Union européenne et qu'il n'y avait pas de raison réelle de voter non" a souligné le ministre irlandais des Affaires étrangères Micheal Martin (FF). Enfin, le ministre des Affaires européennes, Dick Roche (FF), a affirmé : "La victoire est écrasante. Cela fait bien longtemps que nous n'avions pas vu un tel résultat".
Du côté du camp du "non", on a très tôt reconnu la défaite. "Je félicite le Taoiseach (Premier ministre en gaélique) pour l'efficacité de sa campagne. Il s'agit d'une victoire très convaincante pour le camp du oui. Nous n'avons pas réussi. Je suis évidemment déçu. Je pense que nous avons commis une erreur mais nous avons dit la vérité. Les Irlandais sont terrifiés, ils ont fait confiance à l'establishment. Ce vote n'est pas fondé sur l'espoir mais sur autre chose qui est davantage de l'ordre de la crainte. On a dit aux Irlandais que nous avions des garanties, je suis sceptique. Le gouvernement a promis qu'un oui conduirait au retour vers l'emploi et la bonne santé économique. Rendez-vous ici l'année prochaine..." a déclaré Declan Ganley, leader du mouvement Libertas et président de la société Rivada Networks.
Le leader du Parti socialiste (SP), le député européen Joe Higgins, a dénoncé "l'une des campagnes électorales les plus inéquitables et partiales de notre histoire", condamnant les prises de position et les interventions des chefs d'entreprise, notamment ceux de Ryanair et d'Intel, en faveur du traité de Lisbonne. "Nous sommes extrêmement déçus de voir que la voix du peuple n'a pas été entendue la première fois. Je veux exprimer ma sympathie et ma commisération à tous nos partisans qui n'ont pas ménagé leurs efforts par amour du pays" a indiqué Richard Greene, porte-parole du mouvement Coir (justice en gaélique), l'une des principales organisations à avoir mené la campagne du "non" au traité de Lisbonne.
Si le Premier ministre Brian Cowen peut se réjouir de la victoire du "oui" tout comme d'ailleurs l'ensemble de la classe politique irlandaise à l'exception de l'extrême gauche et du Sinn Fein (SF), aucune festivité n'avait été organisée pour le soir des résultats. "Le gouvernement ne participe à aucune soirée de fête. Nous sommes dans une situation économique difficile et c'est précisément la raison pour laquelle les gens ont voté oui" a déclaré le ministre des Finances, Brian Lenihan (FF).
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