Elections législatives en Norvège, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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7 septembre 2009
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Environ 3 millions de Norvégiens devront élire le 14 septembre prochain parmi 3 682 candidats issus de 24 partis les 169 membres du prochain Storting (Parlement). Au 29 août, 206 875 électeurs avaient déjà voté par anticipation. Le vote par anticipation a débuté le 1er juillet dernier. Le résultat de la formation d'extrême droite, le Parti du progrès (FrP), et son éventuelle entrée au gouvernement constituent les principaux enjeux du scrutin.

La coalition gouvernementale sortante, formée par le Parti travailliste (DNA) du Premier ministre Jens Stoltenberg, le Parti du centre (Sp) de Liv Signe Navarsete et le Parti socialiste de gauche (SV) de Kristin Halvorsen, a centré son programme sur la défense de l'emploi et d'un Etat providence fort et plus équitable. Le gouvernement a décidé de puiser 130 milliards de couronnes (14,7 milliards d'euros) en 2009 dans le Fonds global des pensions alimenté par les revenus du secteur pétrolier pour stimuler l'économie nationale.

Le PIB "continental" norvégien, c'est-à-dire hors hydrocarbures et transport maritime, devrait se contracter de 1,2% en 2009, soit moins qu'initialement prévu (1,4%). Au 2e trimestre, la Norvège est sortie de la récession notamment grâce à un vaste plan de relance du gouvernement, au niveau élevé des investissements pétroliers, à une forte baisse des taux d'intérêt et à l'amélioration de la conjoncture internationale. Selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Norvège est le pays qui a pris les mesures financières les plus importantes pour soutenir son budget au monde. La contribution de l'Etat au budget, possible grâce au Fonds global des pensions, est six fois plus élevée en Norvège qu'elle ne l'est dans la zone euro, proportionnellement à la taille de l'économie. Le chômage, faible (3% de la population active), a augmenté de 74% entre août 2008 et 2009.

Dans une interview donnée au journal Dagbladet du 30 août dernier, le Premier ministre Jens Stoltenberg a exprimé son souhait de rendre le marché du travail plus flexible, d'améliorer la qualité des écoles et des services de santé et de faire de la Norvège le pays le plus performant au monde en matière de captage et stockage de CO2 au cours de la prochaine législature.

Couvrant un éventail allant du centre-droit aux populistes, l'opposition part en ordre dispersé ; le Parti libéral (V) de Lars Sponheim, le Parti chrétien-populaire (KrF) de Dagfinn Hoybraten et le Parti conservateur (H) d'Erna Solberg refusent a priori de former un éventuel gouvernement avec le Parti du progrès (FrP) dirigé par Siv Jensen. Le président du Parti chrétien-populaire Dagfinn Hoybraten s'est cependant déclaré prêt à "parler" avec le Parti du progrès après les élections législatives dans le cas où la coalition gouvernementale sortante perdrait sa majorité. Lars Sponheim s'est dit décidé à voter une motion de censure contre le gouvernement dans le cas où celui-ci perdrait sa majorité mais seulement si les 3 formations de droite sont en mesure de remplacer la coalition sortante. Le leader libéral a affirmé qu'il ne soutiendra jamais un gouvernement dirigé par le Parti du progrès. Lorsque certains lui ont rappelé que son parti avait négocié avec le parti populiste à Oslo, Lars Sponheim a souligné que l'accord d'Oslo était local et qu'il n'accepterait pas de négociation à l'échelon national.

Le Parti du Progrès a annoncé le programme qu'il compte mettre en oeuvre durant les 100 premiers jours de la législature en cas de victoire le 14 septembre. Celui-ci comprend 101 points. Avec pour slogan "Sécurité et liberté de choisir", le parti propose de procéder à un programme de privatisations d'une valeur de 73,6 milliards de couronnes (8,6 milliards €). Il souhaite vendre partiellement ou en totalité les actions que possède l'Etat dans 13 groupes économiques. Le Parti du progrès réduirait de 54% à 34% les parts de l'Etat dans Telenor (télécommunications), de 100% à 67% dans Statkraft (électricité) et de 43,8% à 34% dans Norsk Hydro (aluminium). Les 14,3% de l'Etat dans SAS, la compagnie aérienne scandinave actuellement en grande difficulté, seraient cédés en totalité. En revanche, l'Etat conserverait la part de 67% qu'il détient dans le géant pétrolier StatoilHydro.

Cette proposition du FrP a entraîné une vive réaction de Roar Flathen, président de la Confédération des syndicats norvégiens (LO), qui a déjà déclaré qu'il jugeait la politique du FrP peu compatible avec les intérêts des syndicats, et qui s'est dit convaincu que les actions de Norsk Hydro seront reprises par des actionnaires chinois. Le Premier ministre Jens Stoltenberg a dit que cette mesure "réduira considérablement les revenus du pays" et souligné que la Norvège n'avait pas de problème de liquidités.

Le Parti du progrès souhaite réformer le secteur de la santé et réduire le nombre de personnes qui attendent des traitements dans les hôpitaux en développant l'offre des services privés de santé. A la fois populiste et libérale, le FrP réclame encore d'importantes baisses d'impôts (et la suppression de l'impôt sur les successions), une privatisation partielle des secteurs de l'éducation, l'utilisation accrue des recettes pétrolières publiques et une politique d'immigration restrictive. Siv Jensen, présidente du Parti du Progrès, a cependant déclaré que son parti ne soutiendrait pas la suppression de l'impôt sur la fortune et sur les successions émanant d'un gouvernement de droite formé par le Parti conservateur, le Parti libéral et le Parti chrétien-populaire si le FrP n'est pas membre du gouvernement. "Nous ne voulons pas conclure un compromis budgétaire avec un gouvernement de droite dont nous ne ferions pas partie" a-t-elle déclaré.

De leur côté, les forces de droite prônent des baisses d'impôts qui seraient en partie financées par des ponctions accrues dans la manne pétrolière du pays. Erna Solberg, présidente du Parti conservateur, a indiqué que son parti a élaboré un plan d'action visant à diminuer le nombre de personnes qui reçoivent des aides sociales en Norvège et à les encourager à travailler. Elle a indiqué que son parti souhaitait donner la priorité au secteur de la santé et affirme qu'elle ordonnera aux hôpitaux d'avoir recours à des services privés afin de réduire le nombre de personnes en attente de traitement.

Le programme du Parti chrétien-populaire met l'accent sur la lutte contre la pauvreté et la politique en faveur des familles et des personnes âgées.

Selon une enquête d'opinion effectuée par l'institut Synovate et publiée le 29 août dernier dans le quotidien Dagbladet, l'éducation, l'environnement et la prise en charge des personnes âgées constituent les 3 thèmes les plus importants pour les électeurs. Enfin, appelée à évaluer les différents partis politiques, la Confédération patronale norvégienne (NHO) a accordé sa meilleure note au Parti conservateur, suivi du Parti libéral puis du Parti du progrès. La NHO exhorte les 4 partis de droite à trouver une solution pour former un gouvernement s'ils obtiennent la majorité le 14 septembre prochain.

A une semaine du scrutin, les forces d'opposition de droite disposent d'une légère avance sur la coalition de gauche sortante si l'on prend en compte l'ensemble des 16 enquêtes d'opinion réalisées. Selon un calcul de l'agence NTB sur la base de ces sondages, les 4 partis de droite pourraient remporter 88 des 169 sièges du Parlement, la coalition gouvernementale sortante 79 sièges, les 2 sièges restants reviendraient à la formation d'extrême gauche Rouge (R), née en mars 2007 de la fusion de l'Alliance électorale rouge (RV) et du Parti communiste des travailleurs (AK) et dirigée par Thorstein Dahle. Ce parti pourrait donc se retrouver dans la position décisive de faiseur de roi à l'issue des élections législatives. Un quart des personnes interrogées disent ne pas encore avoir décidé pour quel parti elles voteraient.

Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut TNS Gallup et publiée fin août, les ¾ des Norvégiens (76,4%) pensent que le Premier ministre Jens Stoltenberg conservera son poste à l'issue du scrutin. Seuls 18,1% des personnes interrogées voient en Siv Jensen la prochaine Chef du gouvernement et 4,6% pensent que la fonction reviendra à Erna Solberg. Interrogés sur la législature qui s'achève, les Norvégiens se montrent divisés : 47% considèrent que le Premier ministre sortant a fait du bon travail et 42% jugent "moyenne" la qualité de son action politique selon une enquête réalisée par l'institut Synovate. "Ceux qui non seulement croient mais aussi désirent que je demeure Premier ministre doivent aller voter pour que leur voeu soit réalisé" a rappelé Jens Stoltenberg.

"Les enquêtes d'opinion du mois d'août donnent à la coalition sortante rouge-verte des raisons d'être assez optimiste" a déclaré la politologue Hanne Marthe Narud. Comme les Norvégiens, la plupart des analystes politiques pensent que le Premier ministre Jens Stoltenberg a de grandes chances de conserver son poste, soit à la tête de sa coalition, soit, en raison des divisions de la droite, à la tête d'un gouvernement minoritaire exclusivement travailliste (rappelons que la coalition formée en 2005 par le leader travailliste a été le premier gouvernement majoritaire depuis 20 ans, aucun parti politique n'étant parvenu à obtenir la majorité absolue au Parlement norvégien depuis 1961). "Ceux qui prétendent pouvoir prévoir ce qui va se passer après les élections législatives ne savent pas de quoi ils parlent. D'une part parce que beaucoup d'électeurs ne se décident que dans la dernière semaine, d'autre part parce que les sondages sont très serrés" indique Harald Stanghelle, chef du service politique du quotidien Aftenposten. Le journaliste considère cependant "très probable" que le Chef du gouvernement conserve son poste.

A quelques jours du scrutin, 3 coalitions gouvernementales apparaissent possibles : un gouvernement majoritaire composé du Parti travailliste, du Parti du centre et du Parti socialiste de gauche (soit la reconduction de la coalition sortante), un gouvernement minoritaire formé par le Parti travailliste seul ou encore un gouvernement minoritaire de droite alliant le Parti conservateur au Parti libéral et au Parti chrétien-populaire.

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