Elections législatives en Norvège, 14 septembre 2009

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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25 août 2009
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

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3 millions de Norvégiens sont appelés aux urnes le 14 septembre pour renouveler les 169 membres de leur Parlement national. 3 682 candidats issus de 24 partis sont en lice pour ce scrutin. Le vote par anticipation a débuté le 1er juillet dernier. Au 15 août, 52 984 personnes avaient déjà rempli leur devoir civique (473 000 personnes au total avaient voté par anticipation pour les précédentes élections législatives du 12 septembre 2005).

Le résultat du Parti du progrès (FrP), et son éventuelle entrée au gouvernement constituent les principaux enjeux du scrutin. Les élections du 12 septembre 2005 avaient été remportées par les forces de gauche conduites par le Parti travailliste (DNA) et qui, pour la première fois de l'histoire du royaume, s'étaient présentées unies devant les électeurs. Le Parti du progrès (extrême droite) était devenu à cette occasion la 2e formation politique (et la première de l'opposition), devançant largement les partis de droite. La coalition formée à l'issue du scrutin par le leader travailliste Jens Stoltenberg est le premier gouvernement majoritaire depuis 20 ans. Aucun parti politique n'est parvenu à obtenir la majorité absolue au Parlement depuis plus de 40 ans (1961).

Lors des élections communales qui se sont déroulées le 17 octobre 2007, le Parti travailliste est arrivé en tête avec 30,8% des suffrages augmentant de 3,8 points son résultat obtenu lors du précédent scrutin de 2001 et raffermissant ses bases électorales. Les partis de droite ont également amélioré leur résultat (ensemble, elles ont recueilli 31,1% des voix, soit + 2,7 points), le Parti chrétien-populaire arrivant en tête à Bergen et Stavanger. Le Parti de la gauche socialiste a été le grand perdant de ces élections municipales ; il a obtenu 6,5% des suffrages, un recul de 6,5 points. Le Parti du progrès a recueilli 18,5% des voix (+ 0,6 point).

Le système politique norvégien

Le Storting est la Chambre unique du Parlement norvégien. Il compte 169 membres, élus pour 4 ans au scrutin proportionnel selon la méthode modifiée de Sainte-Lagüe. Pour le vote, le royaume est divisé en 19 comtés qui forment 19 circonscriptions, élisant entre 5 (Finnmark et Sogn og Fjordane) et 17 représentants (Oslo) selon leur taille et leur nombre d'habitants (le recensement a lieu tous les 8 ans). Les parlementaires sont élus au niveau des circonscriptions, 19 (un par circonscription) sont désignés au niveau national et issus des partis politiques sous-représentés dans les circonscriptions. Ces sièges sont appelés compensatoires. Un parti politique doit recueillir au moins 4% des suffrages exprimés au niveau national pour pouvoir participer à la répartition des sièges compensatoires.

Les électeurs norvégiens disposent du droit de modifier l'ordre des candidats sur les listes électorales. Néanmoins, un candidat devant obtenir les voix de plus de la moitié des électeurs pour que son résultat influe sur la répartition des sièges, l'ordre des candidats décidé par le parti demeure le plus souvent déterminant. Seuls les partis politiques enregistrés avant le 31 mars dernier peuvent participer aux élections législatives du 14 septembre.

Après le vote, le Storting se divise en deux Chambres, l'Odelsting (qui regroupe les ¾ des membres du Storting) et le Lagting (le quart restant) qui, selon l'ordre du jour, se réunissent séparément ou conjointement.

Le Storting possède une particularité qui le rend unique en Europe : il ne peut être dissous. La désunion de la coalition gouvernementale a entraîné à trois reprises dans l'histoire norvégienne (en 1986, 1989 et 2000) la démission de l'équipe en place. Celle-ci a alors été remplacée par des gouvernements minoritaires sans que des élections législatives soient organisées.

Actuellement, 7 partis politiques sont représentés au Storting :

- Le Parti travailliste (DNA), dirigé par le Premier ministre sortant Jens Stoltenberg, est le premier parti du royaume par le nombre de ses membres, et compte 61 députés ;

- Le Parti du progrès (FrP), fondé le 8 avril 1973 et dirigé par Siv Jensen depuis 2006, est une formation populiste d'extrême droite. Depuis les élections législatives du 12 septembre 2005, il est le deuxième parti du royaume et possède 38 sièges;

- Le Parti conservateur (H) est un parti d'opposition présidé par l'ancienne ministre des Affaires communales, Erna Solberg et compte 23 députés ;

- Le Parti socialiste de gauche (SV) fondé en 1973 et membre du gouvernement sortant, est dirigé par la ministre des Finances sortante, Kristin Halvorsen, et compte 15 députés ;

- Le Parti du centre (Sp) appartient au gouvernement sortant. Ancien parti agrairien fondé en 1920 et présidé par Liv Signe Navarsete, il possède 11 sièges ;

- Le Parti chrétien-populaire (KrF) est un parti d'opposition dirigé par Dagfinn Hoybraten et possède 11 sièges ;

- Le Parti libéral (V), fondé en 1884, est le plus ancien parti de Norvège. Présidé par l'ancien ministre de l'Agriculture, Lars Sponheim, il compte 10 députés.

Les enjeux des élections législatives

8e exportateur mondial de pétrole et 3e de gaz naturel, la Norvège est l'un des pays les plus riches du monde. En 1990, le Storting a créé le Fonds pétrolier du gouvernement (devenu Fonds global des pensions en 1996). Alimenté par les revenus du secteur pétrolier investis selon de strictes règles éthiques (les entreprises soupçonnées de violer les principes humanitaires ou les droits de l'Homme, de pratiquer la corruption ou de dégrader l'environnement en sont exclues), ce fonds, estimé à 300 milliards €, constitue une épargne destinée à financer les futures dépenses sociales du pays (notamment les dépenses de santé et de retraites qui, en raison du vieillissement de la population, devraient augmenter fortement ces prochaines années).

Les Norvégiens, frappés comme l'ensemble des Etats européens par la crise économique internationale, ont parfois le sentiment de ne pas profiter des richesses de leur pays et manifestent de temps à autre leur mécontentement. Ils s'exaspèrent par exemple de la mauvaise qualité de leurs services publics, notamment des écoles et des services de santé, s'opposent aux compressions de personnel dans ces mêmes secteurs, se plaignent du temps d'attente pour l'accès aux soins, du manque de policiers ou encore de places dans les maisons de retraite et ne comprennent pas pourquoi ils doivent subir les hausses du prix de l'essence ou celle des taxes sur les produits pétroliers.

L'économie devrait se contracter de 1% en 2009 pour la première fois depuis presque 30 ans avant de renouer avec la croissance l'année suivante (+ 0,50% de croissance du PIB prévue). Le chômage, actuellement de 3%, devrait atteindre 3,75% à la fin de l'année – environ 5 000 personnes perdent leur emploi chaque mois –, et 4,75% en 2010. Au 1er semestre 2009, le nombre de faillites d'entreprises a augmenté de 72%. Les chiffres provisoires publiés le 20 août dernier par le Bureau central de statistique (SSB) sont cependant meilleurs que prévus puisque le PIB a cru de 0,3% lors du 2e trimestre 2009 et que le pays est donc officiellement sorti de la récession.

La loi n'autorise pas le gouvernement à ponctionner plus de 4% des revenus pétroliers placés dans des fonds de pension pour équilibrer ses comptes.

Le Parti travailliste a annoncé le 4 août dernier la liste de ses 7 objectifs pour la prochaine législature : donner la priorité au travail, au commerce et à l'industrie ; renforcer le savoir ; valoriser le pays ; améliorer les services de santé ; intensifier la lutte pour la sécurité et contre la criminalité ; mettre l'accent sur la culture et lutter contre le réchauffement climatique et pour la solidarité internationale.

Il mène campagne pour un renouvellement de la coalition gouvernementale sortante, dite coalition rouge-verte, composée, outre du PS, du Parti de la gauche socialiste et du Parti du centre. S'appuyant sur la crainte que suscite auprès de certains électeurs l'éventuelle entrée du Parti du progrès au gouvernement, le Chef du gouvernement a mis en garde les Norvégiens qui ne voteraient pas pour les partis gouvernementaux de la possibilité de voir arriver au pouvoir une coalition rassemblant le Parti conservateur et le Parti du progrès, l'option la plus vraisemblable en cas de victoire de la droite. "Un tel gouvernement appliquera une politique expérimentale, ce qui mènera à une insécurité économique" a affirmé Jens Stoltenberg. Dans une tribune publié mi-août dans le journal Dagsavisen, le ministre des Affaires étrangères, Jonas Gahr Store, candidat aux élections législatives pour le Parti travailliste, a mis en garde contre la politique du Parti du progrès qui serait à même de détruire "le modèle de société norvégien". A trois semaines du scrutin, le Premier ministre a choisi de mobiliser les électeurs travaillistes. "Notre opposant principal est le canapé, c'est-à-dire ceux qui ne se rendent pas aux urnes" a-t-il indiqué.

"Il est clair qu'il n'y aura pas de nouveau gouvernement sans la participation du Parti du progrès" a affirmé sa leader, Siv Jensen, qui a précisé que son parti ne soutiendrait pas un gouvernement rassemblant les partis d'opposition de droite auquel il n'aurait pas été invité à participer, contrairement à ce qu'il avait fait en 2001 lorsqu'il avait soutenu la coalition de droite dirigée par le Premier ministre chrétien-populaire, Kjell Magne Bondevik. Selon Siv Jensen, une alliance Parti conservateur-Parti du progrès constitue l'alternative la plus plausible à la coalition gouvernementale actuelle. "La bataille électorale se déroule entre le Parti du progrès et les Travaillistes" répète-t-elle. La formation populiste est devenue en juin 2008 le premier parti du pays dans les enquêtes d'opinion. Il y a un peu plus d'un an, avec 31% des intentions de vote, le Parti du progrès dépassait le Parti travailliste crédité de 26,6% dans le sondage réalisé par l'institut Norstat. En novembre, le PS du Premier ministre Jens Stoltenberg était cependant repassé en tête des intentions de vote.

Le Parti du progrès mène campagne sur 2 thèmes : la gestion de la rente énergétique et l'immigration. Favorable à des réductions d'impôts (il promet 5 milliards € d'allègements fiscaux au cours de la prochaine législature 2009-2013), il est le seul parti à vouloir utiliser les revenus pétroliers et gaziers pour améliorer l'Etat providence et les infrastructures du pays quand les autres partis jouent la carte de la discipline budgétaire et n'envisagent pas de dépenser l'argent de la rente pétrolière, considérant qu'un accroissement des dépenses conduirait inévitablement à la surchauffe de l'économie et à une hausse de l'inflation.

En matière d'immigration, le Parti du progrès propose un nouveau code fondé sur les lois en vigueur au Danemark. Celui-ci prévoit une réduction de l'immigration (pas plus de 100 réfugiés politiques par an ne pourraient être acceptés dans le royaume) et un tri des immigrés en fonction de leur origine et du degré d'intégration des ressortissants de même nationalité déjà présents en Norvège. Les analphabètes, les islamistes et les personnes sans ressource se verraient refuser l'entrée dans le pays. Siv Jensen, qui depuis son arrivée à la tête du parti du progrès en 2006, a contribué à en réduire le discours anti-immigrés, indique d'ailleurs que son parti n'acceptera d'entrer au gouvernement qu'à la condition de se voir confier le poste de ministre de l'Immigration et de l'Intégration. Le Parti du progrès, qui se déclare favorable à la liberté religieuse, souhaite renforcer le contrôle des mosquées et des écoles coraniques et lutter contre l'"islamisation cachée" du pays. Comme les autres Etats européens, la Norvège accueille un nombre d'immigrés qui augmente chaque année. Beaucoup d'entre eux viennent d'Irak et du Pakistan mais la moitié des personnes étrangères vivant dans le royaume sont Suédois.

Le Parti socialiste de gauche redoute, visiblement à juste titre, de voir le scrutin législatif se transformer en un scrutin opposant le Parti du progrès au Parti travailliste. Il fait campagne sur les questions environnementales, l'égalité des salaires et les questions de politique étrangère. Il s'est fixé pour objectif de recueillir 10% des suffrages.

La diversité des partis d'opposition de droite constitue un atout pour le Parti du progrès. Le Parti libéral, le Parti chrétien-populaire et le Parti conservateur souhaitent former une coalition gouvernementale sans la formation d'extrême droite. Au vu des dernières enquêtes d'opinion, la chose semble difficile, voire impossible. Le leader du Parti libéral, Lars Sponheim, et celui du Parti chrétien-populaire, Dagfinn Hoybraten, ont affirmé que leurs partis ne formeraient pas de coalition gouvernementale avec le Parti du progrès. La présidente du Parti conservateur, Erna Solberg, est plus nuancée et tente d'être un "pont" entre ces deux partis et le Parti du progrès. Convaincue de la victoire possible de la droite modérée mais frustrée par le manque de coopération entre les trois partis qui la constituent, Erna Solberg affirme : "Nous avons besoin d'un Parti conservateur fort pour y arriver". "Une voix pour Siv Jensen est une voix pour Jens Stoltenberg" indique-t-elle soulignant que le Parti du progrès ne cherche en fait qu'à empêcher la formation d'un gouvernement de droite et prépare la place pour quatre années supplémentaires de gouvernement travailliste. Erna Solberg a déclaré au journal Aftenposten début juillet qu'elle préférait Siv Jensen à Jens Stoltenberg comme Chef du futur gouvernement. Les impôts, l'éducation et les transports constituent les principaux thèmes de la campagne du parti.

Lars Sponheim a reproché aux Conservateurs de "céder aux forces populistes du Parti du progrès" en envisageant une augmentation des dépenses budgétaires. Le leader libéral reproche au Premier ministre Jens Stoltenberg d'effrayer les électeurs en affirmant que seul un gouvernement rassemblant le Parti conservateur et le parti populiste pourrait remplacer la coalition en place. Le leader libéral se montre optimiste et confiant dans le fait que les 3 partis de droite obtiendront ensemble un plus grand nombre de sièges de députés que le Parti du progrès.

Selon les dernières enquêtes d'opinion, le Parti travailliste arriverait en tête des élections législatives le 14 septembre avec environ 30% des suffrages, suivi du Parti du progrès 27%, du Parti conservateur (14%), du Parti socialiste de gauche (8%), du Parti libéral (6%), du Parti chrétien-populaire (5,5%) et du Parti du centre (5%). Les résultats des "petits" partis devraient donc être déterminants pour la formation de la prochaine coalition gouvernementale.

La professeur de science politique de l'université d'Oslo, Hanne Marthe Narud, affirme que la Norvège se rapproche d'un système bipartisan (Parti travailliste/Parti du progrès). Le pourcentage de suffrages, inférieur à celui de 2005, dont de nombreuses enquêtes d'opinion créditent le Parti conservateur, le fait que le Parti chrétien-populaire pourrait perdre de nombreux électeurs et enfin que le Parti libéral et le Parti du centre pourraient descendre au-dessous des 4% des suffrages exprimés créditent cette hypothèse qui, si elle est confirmée par les élections législatives pourrait entraîner une polarisation de la Norvège.

Source : Site internet de l'Office de statistique norvégien (http://www.ssb.no/stortingsvalg_en)

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