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En Macédoine, le parti du Premier ministre sortant Nikola Gruevski remporte les élections législatives entachées par de graves incidents

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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2 juin 2008
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Comme attendu, l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE) du Premier ministre sortant, Nikola Gruevski, est arrivée en tête des élections législatives anticipées qui se sont déroulées le 1er juin en Macédoine. Le parti, au pouvoir depuis 2006, recueille 48,21% des suffrages et devance l'Union sociale-démocrate (SDSM), premier parti d'opposition dirigé par Radmila Sekerinska, qui obtient 23,19% des voix. Le VMRO-DPMNE devrait remporter 64 des 120 sièges de la Sobranie (Parlement), soit la majorité absolue. L'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI), dirigée par Alija Ahmeti, est le premier parti albanophone et recueille 11,23% des suffrages, devançant de peu le Parti démocratique albanais (PDA-PDSh), membre de la coalition gouvernementale sortante et dirigé par Menduh Thaci, qui obtient 10,33% des voix.

La participation s'est élevée à 58,47%, soit +2,49 points par rapport à celle enregistrée lors des élections législatives du 5 juillet 2006.

"C'est une victoire historique. La Macédoine a le pouvoir d'aller de l'avant. Le pays a l'énergie nécessaire pour le progrès, pour rejoindre l'OTAN et l'Union européenne" a déclaré le Premier ministre sortant à l'annonce des premiers résultats. "Je déplore les violences et les incidents qui ont éclaté dans le Nord-Ouest de la Macédoine dans les régions à majorité albanaise. Mais le scrutin a été équitable et calme dans une grande partie du reste du pays" a-t-il ajouté. "Je félicite l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale pour ses résultats mais le prix à payer pour la victoire est trop élevé" a souligné Radmila Sekerinska, leader de l'Union sociale-démocrate.

Le scrutin a été émaillé de violences qui ont fait un mort et neuf blessés près du siège de l'Union démocratique pour l'intégration à Aracinovo, village albanais situé à 10 km au Nord de Skopje. Selon l'un des porte parole de la police, Ivo Kotevski, Naser Aivazi aurait dégainé une arme dans un bureau de vote et serait mort après l'intervention des forces de police qui auraient été alertées par des responsables du bureau de vote de l'arrivée de plusieurs hommes armés de mitraillettes. Visés par des tirs, les policiers auraient riposté et tué Naser Aivazi, blessant plusieurs autres personnes. La version de la police est contestée par des membres de l'Union démocratique pour l'intégration qui affirment que l'incident a été déclenché par des policiers en civil qui ont intercepté un convoi transportant des urnes et du matériel électoral. "Ils ont tiré en l'air, c'était le chaos, nous sommes sortis des voitures et avons essayé de prendre la fuite" a ainsi affirmé Shefik Duraku.

Sept personnes ont également été blessées dans le quartier albanais de Cair à Skopje où une fusillade a eu lieu dans la cour d'une école qui faisait office de bureau de vote. Un responsable de l'Union démocratique pour l'intégration serait dans un état critique et les autres personnes ont été touchées. De nombreux cas de fraude et d'irrégularités (destruction d'urnes, vol de matériel électoral, expulsion d'observateurs chargés de surveiller le scrutin, bourrage d'urnes, etc.) ont été recensés à travers le pays. Zoran Tanevski, porte-parole de la Commission électorale, a affirmé que le scrutin avait du être interrompu dans 22 bureaux de vote.

La police a enfin annoncé le jour du scrutin l'arrestation d'Agim Krasniqi, l'un des commandants de l'Armée nationale albanaise, organisation qui avait pris la tête des affrontements sanglants entre les deux communautés, macédonienne et albanophone en 2001.

Le président macédonien, Branko Crvenkovski (SDSM), a condamné les violences et déclaré que celles-ci "n'avaient pas leur place dans une société démocratique". "Globalement, la situation dans le pays est stable" a déclaré le Premier ministre Nikola Gruevski, ajoutant que "les incidents sont limités en nombre et pour la plupart aux zones ethniques albanaises".

La Commission européenne s'est déclarée "très préoccupée par l'utilisation de la violence pendant les élections législatives en Macédoine". "Nous avons appelé le gouvernement et les autorités de Macédoine à faire tout leur possible pour prévenir de nouvelles violences" a déclaré Erwan Foueré, représentant spécial de l'Union européenne en Macédoine.

Enfin, l'Albanie a exprimé son inquiétude après les incidents qui ont marqué ces élections. "Le scrutin du 1er juin est une occasion pour les Albanais de Macédoine de prouver qu'ils sont décidés à contribuer à l'avenir de la démocratie et de la stabilité en Macédoine" avait souligné le Président de la République albanaise, Bamir Topi.

Les élections législatives étaient surveillées par 464 observateurs internationaux et 5 811 observateurs locaux. Par ailleurs, 13 000 policiers avaient été mobilisés, la ministre de l'Intérieur, Gordana Jankulovska (VMRO-DPMNE), ayant affirmé qu'elle appliquerait une politique "tolérance zéro" le jour du vote.

La Macédoine aura donc échoué à passer avec succès le test que lui avait imposé l'Union européenne qui avait fait de la bonne tenue et de la transparence du scrutin législatif du 1er juin une des conditions pour ouvrir les négociations d'adhésion avec Skopje. Le 13 mai dernier, les ambassadeurs de plusieurs Etats membres de l'Union européenne avaient rencontré le Président de la République, Branko Crvenkovski, pour lui rappeler que le caractère démocratique du scrutin figurait parmi les exigences de Bruxelles.

"Je dois constater avec regret et inquiétude qu'après les élections législatives du 5 juillet 2006, globalement considérées comme très bonnes, nous avons cette année un mauvais scrutin avec un grand nombre d'incidents. Les incidents, principalement situés dans la région Nord-Ouest du pays majoritairement peuplés d'albanophones, ont éclipsé les espoirs d'avoir les meilleures élections jamais organisées et de pouvoir prouver à l'Europe que la Macédoine à la capacité de mener des élections libres et équitables" a indiqué le président de la Commission électorale, Jovan Josifovzski.

Le Premier ministre sortant a tenu à exprimer ses condoléances aux familles des victimes et indiqué qu'un nouveau scrutin serait organisé dans les deux semaines à venir. Le Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), Javier Solana, a demandé l'organisation d'un nouveau vote dans les 22 bureaux où ont eu lieu les incidents. "Dans deux semaines, la Macédoine montrera qu'elle est capable d'organiser des élections justes, libres et démocratiques dans l'ensemble des bureaux de vote et qu'elle mérite de poursuivre sur la voie de l'intégration euro-atlantique" a déclaré Nikola Gruevski, ajoutant "ce scrutin doit se tenir dans tous les bureaux où des irrégularités ont été constatées parce que chaque député du Parlement doit être élu de façon honnête".

Le principal parti albanophone d'opposition, l'Union démocratique pour l'intégration, a annoncé qu'en raison des violences, elle ne reconnaîtrait pas les résultats de ces élections dans 7 municipalités, et notamment à Tetovo. "Ces élections sont les pires que nous ayons connues depuis que la Macédoine a accédé à l'indépendance. L'Ouest est en partie responsable parce qu'il n'a pas été suffisamment ferme et n'a pas voulu voir en face la réalité des violences lors des précédents scrutins" analyse la politologue de l'université de Skopje, Biljana Vankovska. Elle n'hésite pas à souligner que les tensions entre les communautés albanophone et macédonienne pourraient croître à la suite des violences du 1er juin.

Agé de 37 ans et leader du VMRO-DPMNE depuis 2005, Nikola Gruevski se succédera donc à lui-même au poste de Premier ministre. Ancien boxeur amateur et acteur de théâtre, il a été ministre des Finances dans le gouvernement dirigé par Ljubco Georgievski (1998-2002), puis conseiller économique du gouvernement serbe pour les privatisations après la défaite de son parti aux élections législatives du 15 septembre 2002 (lors de son passage au ministère des Finances, Nikola Gruevski avait été l'artisan des privatisations en Macédoine). Il accède au poste de Premier ministre après la victoire de son parti au scrutin législatif du 5 juillet 2006.

Le Premier ministre a désormais la lourde tâche de parvenir à convaincre Bruxelles, mais également les responsables de l'OTAN, d'ouvrir avec son pays des négociations d'adhésion.

Résultats des élections législatives du 1er juin 2008 en Macédoine

Participation : 58,47%

Source : Agence France-Presse

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