Elections législatives en Macédoine, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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23 mai 2008
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

1,77 millions d'électeurs sont appelés aux urnes le 1er juin prochain pour renouveler les 120 membres de la Sobranie, Chambre unique du Parlement, pour des élections législatives anticipées consécutives à la dissolution du Parlement votée le 12 avril dernier. La crise politique, qui couvait depuis plusieurs semaines, avait atteint son paroxysme les 3 et 4 avril derniers lors du rejet de la candidature de la Macédoine par l'OTAN.

19 partis politiques, ou coalitions de partis, sont en lice pour ces élections pour lesquelles l'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE) de l'actuel Premier ministre Nikola Gruevski est donnée gagnante par toutes les enquêtes d'opinion. Le parti a lancé sa campagne à Ohrid, ville dans laquelle ont été signés le 13 août 2001 les accords mettant fin aux affrontements sanglants entre les deux communautés, macédonienne et albanophone, sous le slogan "La Macédoine sait, la renaissance continue".

Le parti est à la tête d'une coalition appelée "Pour une meilleure Macédoine" qui regroupe 20 partis et présentera 120 candidats. L'Organisation révolutionnaire-Parti démocratique pour l'unité nationale (VMRO-DPMNE) et le Parti démocratique des Serbes (DPS), dirigé par Ivan Stoilkovic, ont signé un accord de coopération qui prévoit l'amendement de la loi électorale en faveur des minorités ethniques qui se verraient garantir un certain nombre de sièges au Parlement et la création d'une agence pour les droits des minorités.

Le DPS a annoncé qu'il s'était éloigné de l'Union sociale-démocrate (SDSM), principal parti d'opposition, à cause de l'opposition du SDSM à toute modification de la loi électorale dans ce sens. Le VMRO-DPMNE a également signé des accords avec le Parti socialiste (SPM) de Ljubisav Ivanov-Dzingo, l'Alliance démocratique de Pavel Trajanov, le Renouveau démocratique (DOM) de Liljana Popovska et, enfin, le Parti des Vlachs.

Le programme du parti au pouvoir, "2008-2012, Cent pas pour la renaissance", promet une amélioration de la qualité de la vie des Macédoniens et une baisse des cotisations sociales. "Le VMRO-DPMNE n'acceptera aucune modification du nom du pays ni aucun compromis imposé par la Grèce" affirme le parti. Athènes refuse à sa voisine le droit d'utiliser le nom de Macédoine qui est celui d'une province située au Nord de la Grèce, prétendant que l'utilisation de ce nom pourrait conduire Skopje à revendiquer certains territoires de la province grecque. Le Premier ministre, Nikola Gruevski, a déclaré qu'il souhaitait organiser un référendum sur le nom du pays. "L'enjeu est trop important pour être laissé aux hommes politiques" a-t-il souligné le 4 mai dernier. Le parti a cependant promis de ne pas utiliser cette question durant la campagne électorale.

Le secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, a invité la Macédoine à résoudre son différend avec la Grèce avant le 9 juillet prochain, date à laquelle l'Albanie et la Croatie doivent signer leur plan d'action en vue de l'adhésion à l'Alliance atlantique. (MAP), afin que Skopje puisse également ratifier ce plan. La dispute entre la Grèce et la Macédoine dure depuis 17 ans.

Principal parti de l'opposition, l'Union sociale-démocrate (SDSM), dirigée par Radmila Sekerinska, conduit la coalition "Soleil, coalition pour l'Europe". Elle a lancé sa campagne électorale dans la ville de Stip. Le parti est allié au Nouveau Parti social-démocrate (NSP), membre de l'actuelle coalition gouvernementale et dirigé par Tito Petkovski, ainsi qu'au Parti libéral-démocrate (LDP) de Risto Penov, à Nouvelle alternative, de Gjorgji Orovcanec, et au Parti libéral (LPM), dirigé par Stojan Andov. L'Union sociale-démocrate, dont le programme compte "35 projets et 213 priorités pour une Macédoine européenne", promet une intégration de la Macédoine dans l'OTAN dans les six prochains mois. "Si j'ai été capable, en 2005, de revenir de Bruxelles en ramenant le statut de candidat officiel et la garantie que nous conserverons notre nom, je peux le faire de nouveau avant la fin de l'année" affirme Radmila Sekerinska. L'ensemble des partis politiques macédoniens sont favorables à la poursuite de l'intégration euro-atlantique du pays.

Comme souvent en Macédoine, la campagne électorale a été émaillée de violents incidents, principalement entre partis albanophones. Ont été recensés saccages, mitraillages et incendies de permanences électorales, tirs sur des militants ou des responsables politiques, attentats à la bombe. Le 11 mai dernier, un militant du Parti démocratique albanais (PDA-PDSh), Bashkim Rustemi, a été tué. Le lendemain, le leader de l'Union démocratique pour l'intégration (DUI-BDI), Alija Ahmeti, faisait l'objet d'une tentative d'assassinat à Rahovec, à l'Ouest de Tetovo. Le leader de la campagne électorale du parti, Izet Mexhiti, a immédiatement accusé le Parti démocratique albanais d'être à l'initiative de cet attentat. Le lendemain, 10 000 personnes ont manifesté dans les rues de la ville contre cette agression.

Erwan Fouéré, représentant spécial de l'Union européenne en Macédoine, a rappelé que ces élections législatives étaient particulières : elles sont, en effet, les premières depuis que le pays a obtenu le statut de candidat officiel à l'Union européenne. "Les autorités doivent absolument enquêter, identifier les fauteurs de troubles et prendre des mesures rapides" a-t-il indiqué. Le 13 mai dernier, les ambassadeurs de plusieurs Etat membres de l'Union européenne ont rencontré le Président de la République, Branko Crvenkovski (SDSM), pour lui rappeler que le caractère démocratique du scrutin figurait parmi les exigences de Bruxelles. Le Chef de l'Etat a tenu à préciser qu'à cause du caractère anticipé du scrutin, les partis politiques n'avaient pu adopter cette année, comme elles l'avaient fait lors des précédentes campagnes électorales, une résolution sur la représentation des partis politiques. Branko Crvenkovski s'est également adressé à la population en soulignant que la violence menaçait de ruiner les espoirs du pays de rejoindre l'OTAN et l'Union européenne. L'ambassadeur de Slovénie (pays exerçant actuellement la Présidence du Conseil de l'Union) en Macédoine a adressé un appel au calme. "La violence n'a pas sa place dans une campagne électorale" a déclaré Krisztina Nagy, porte-parole du Commissaire européen chargé de l'Elargissement, Olli Rehn. Le 21 mai, l'ambassadeur des Etats-Unis à Skopje, Gillian Milovanovic, a réitéré ses appels au calme et à la tenue d'élections législatives justes et démocratiques.

Selon la dernière enquête d'opinion, la coalition "Pour une meilleure Macédoine" devrait arriver en tête des élections législatives du 1er juin prochain avec 38% des suffrages. La coalition de l'opposition "Soleil, coalition pour l'Europe" ne recueillerait que 18% des voix. L'Union démocratique pour l'intégration arriverait en 3e position. Si les Macédoniens connaissent des difficultés, ils semblent donc ne pas faire confiance à l'opposition pour les résoudre et améliorer leur quotidien.

Un sondage réalisé par l'organisation non gouvernementale l'Institut de la démocratie accorde 29,2% des suffrages au VMRO-DPMNE, 10,8% à l'Union démocratique pour l'intégration, 9,8% à l'Union sociale-démocrate et 5,7% au Parti démocratique albanais. 21% des électeurs se déclarent encore indécis et 19,4% affirment qu'ils ne se rendront pas aux urnes.

Alija Ahmeti a déclaré qu'il considérait que le parti albanophone qui recueillera le plus grand nombre de suffrages devrait être appelé à rejoindre le gouvernement. "Pourquoi concourrions-nous à ces élections législatives si les résultats ne sont pas respectés ? Quel intérêt aurions-nous alors à être le premier parti si nous avions juste à attendre d'être choisi quel que soit notre résultat au scrutin". Enfin, le Premier ministre, Nikola Gruevski, reste, de loin, le leader politique auquel le plus grand nombre de Macédoniens disent accorder leur confiance.

Les élections législatives seront surveillées par 270 membres de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), conduits par Robert Barry, et 3 500 observateurs de l'association macédonienne de citoyens MOST.

La campagne électorale s'achèvera officiellement le 30 mai à minuit.

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