Elections législatives en Géorgie, Le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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13 mai 2008
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Elections législatives en Géorgie, Le point à une semaine du scrutin

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Le 21 mai prochain, les Géorgiens renouvelleront leur Parlement lors d'un scrutin législatif anticipé de quelques mois (les élections auraient normalement dues se tenir à l'automne). Les amendements constitutionnels votés le 4 mars dernier par le Parlement ont apporté des modifications à la désignation des députés dont le nombre passe de 255 à 150. La moitié d'entre eux seront désormais élus au scrutin majoritaire au sein de 75 circonscriptions, tandis que l'autre moitié sera désignée au scrutin proportionnel de liste au sein d'une seule circonscription nationale. En outre, le pourcentage de suffrages exprimés pour être représenté au Parlement, auparavant de 7%, est désormais fixé à 5%.

Près de 3,5 millions d'électeurs sont appelés aux urnes. 3552 bureaux de vote seront ouverts.

9 partis politiques et 3 blocs électoraux sont en lice pour le scrutin du 21 mai :

- le Parti du mouvement national uni pour une Géorgie victorieuse, actuellement au pouvoir dont la liste sera conduite par l'ancien ministre des Affaires étrangères David Bakradze ;

- le Parti républicain, dirigé par David Usupashvili ;

- le Parti travailliste, de Shalva Natelashvili ;

- le Parti chrétien-démocrate, dirigé par l'ancien présentateur d'ImediTV Giorgi Targamadze ;

- l'Alliance chrétienne-démocrate, de Giorgi Kobakhidze ;

- Politique géorgienne, dirigée par Gocha Pipia ;

- Notre pays, de Tamaz Gugunishvili ;

- le Mouvement national des radicaux-démocrates, dirigé par Shalva Kuprashvili ;

- l'Union des sportifs, de Valery Giorgobiani ;

- le bloc Alliance de droite, formé par L'Industrie sauvera la Géorgie, le Parti national démocrate et Unité (Ertoba) ;

- le bloc formé par Notre Géorgie, le Parti des femmes et l'Union traditionaliste ;

- et le bloc formé par Nouveaux droits dirigé par David Gamkrelidze et le Conseil national de l'opposition unie qui regroupe 7 partis (le Parti conservateur de Zviad Dzidziguri, le Mouvement pour une Géorgie unie d'Irakli Okrouachvili – ancien ministre de la Défense qui vient d'obtenir l'asile politique en France -, La Voie de la Géorgie de l'ancienne ministre des Affaires étrangères Salomé Zourabishvili, Liberté dirigé par le fils de l'ancien Président de la République (1991-1992) Konstantin Gamsakhourdia, le Parti populaire de Koba Davitashvili, le Forum national de Kakhaber Shartava et Nous-mêmes dirigé par Paata Davitaya). Le bloc a choisi de concourir sous le slogan "Mouvement de libération de la Géorgie".

En perte de vitesse à une semaine du scrutin, le parti au pouvoir se veut à l'écoute de la population. Il a ainsi souhaité faire participer les Géorgiens à l'élaboration de son programme électoral "en prenant en considération les opinions des habitants de toutes les régions du pays". Selon les enquêtes d'opinion, le chômage et les problèmes sociaux sont les deux principales préoccupations des électeurs. "Toutes nos promesses ont été réalisées", a déclaré le Président Mikhail Saakachvili, "nous vivons dans une Géorgie sans corruption, une Géorgie débarrassée des clans, d'Edouard Chevardnadze et de ses groupes, une Géorgie sans féodalisme et sans Aslan Abashidze (leader de la République sécessionniste d'Adjarie de 1991 à 2004)". "Mais les vrais défis sont encore devant nous. Nous devons maintenant passer le plus important des tests. Tout ce qui est advenu précédemment n'a été qu'une préparation. Et nous allons le réussir pour le salut des générations futures" a ajouté le Chef de l'Etat, qui a indiqué que le pays était engagé "dans une bataille entre le bien et le mal".

Le bloc Alliance de droite a dénoncé les problèmes rencontrés par ses candidats durant la campagne électorale ; des plaintes qui ont été relayées par le bloc Nouveaux droits-Conseil de l'opposition unie qui affirme que ses candidats ont subi aussi des tentatives d'intimidation par les forces de l'ordre.

Le 29 avril dernier, les partis, Conseil national de l'opposition unie et Nouveaux droits, ont demandé la démission du président de la Commission électorale, Levan Tarkhnishvili. Ils accusent aussi les autorités de surestimer le nombre d'électeurs. Les forces de l'opposition ont déjà annoncé qu'elles manifesteraient devant la Commission électorale le 21 mai pour "défendre la transparence et empêcher la corruption". "La Géorgie va réussir son examen de passage en tenant des élections libres, démocratiques et transparentes le 21 mai prochain" a assuré le Président Saakachvili lors d'un meeting de campagne.

Les élections législatives seront suivies par 400 observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) conduits par Boris Frlec. Matyas Eorsi, membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, s'est félicité de l'abaissement de 7% à 5% du pourcentage minimum obligatoire pour être représenté au Parlement comme de la réduction du nombre de signatures requises (pour concourir aux élections législatives, tout parti non représenté au Parlement doit recueillir 30 000 signatures d'électeurs) et enfin de l'accroissement (de 5 à 13) du nombre des membres des commissions électorales régionales et d'une plus grande présence de l'opposition en leur sein (6 membres). Il a rappelé les propos tenus lors du sommet de l'OTAN les 3 et 4 avril 2008 à Bucarest : "la Géorgie ne sera autorisée à signer le plan d'action en vue de l'adhésion (MAP) uniquement si les élections législatives du 21 mai prochain sont plus démocratiques que les précédentes".

L'OSCE a réalisé une enquête auprès de 5 chaînes de télévision (Rustavi 2, Mze TV, Kavkazia TV, Adjara TV et le réseau public géorgien) et de 4 journaux (Rezonansi, 24 Saati, Alia et Kviris Palitra). Il en ressort que le réseau public géorgien a accordé un temps d'antenne quasiment similaire au parti au pouvoir (20% du total) et à l'opposition (15%). La couverture des événements reste cependant beaucoup plus souvent positive lorsqu'il est question du Parti du mouvement national uni pour une Géorgie victorieuse que lorsque les reportages concernent les partis d'opposition (le ton dans ce cas est souvent neutre).

La Commission européenne a débloqué 2 millions d'euro pour aider à l'organisation de ces élections. Cette somme doit servir à améliorer l'éducation et l'information des électeurs ainsi que les mécanismes de contrôle du scrutin. Par ailleurs, une troïka européenne composée d'un représentant de l'actuelle Présidence slovène, d'un représentant de la future Présidence française et d'un membre de la Commission européenne, s'est rendue en Géorgie le 8 mai dernier en compagnie du représentant spécial de l'Union européenne dans le Caucase du Sud, Peter Semneby.

Les tensions restent très fortes entre la Géorgie et la Russie concernant la situation en Abkhazie. Le 25 avril dernier, Moscou assurait que Tbilissi envisageait d'utiliser la force dans la République autonome qui a proclamé son indépendance de façon unilatérale en août 1992 et décidait cinq jours plus tard d'augmenter son contingent en Ossétie du Sud et en Abkhazie d'un millier d'hommes (celui-ci atteint 2 542 militaires au total, le nombre de soldats présents ne peut, selon la décision de la Communauté des Etats indépendants - CEI - du 22 août 1994, excéder 3 000 hommes en Abkhazie). Moscou affirme que la Géorgie a massé des troupes dans la région des gorges de Kodori "rendant nécessaire l'augmentation du contingent russe".

"Je vous promets qu'il n'y aura pas de confrontation armée" a affirmé le Président Saakachvili à la télévision le 30 avril dernier, démentant tout déplacement de troupes. Les Nations unies, l'OTAN et l'Union européenne ont tenu à affirmer leur attachement à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la Géorgie, rappelant que dans le passé, les différends ont toujours conduit à des actes de violence. Le 4 mai dernier, les autorités abkhazes ont annoncé avoir abattu deux drones géorgiens au-dessus des districts de Gali et d'Otchamtchiry, une annonce démentie aussitôt par Tbilissi. Huit jours plus tard, les Abkhazes réitéraient leur annonce affirmant cette fois avoir abattu deux drones géorgiens, le premier vers 14h15 au-dessus du village de Sheshelet et l'autre une heure plus tard au-dessus du village d'Achguara. La Géorgie a, de nouveau, réfuté ces déclarations.

En mars dernier, le Président Saakachvili, avait proposé à l'Abkhazie une "autonomie illimitée au sein d'un Etat géorgien uni, un fédéralisme complet, des garanties de sécurité et un développement dans les conditions de paix". "Je propose aux Abkhazes le droit de veto sur tout amendement de la Constitution et sur toute loi géorgienne, en vue de prévenir l'adoption de décisions qui pourraient porter atteinte à leur droit de développer leur langue, leur littérature, leur culture et à leur identité" avait déclaré le Chef de l'Etat. Dans un entretien qu'il avait accordé au Monde le 25 avril dernier, George Baramidze, vice Premier ministre et ministre chargé de l'Intégration européenne et euro-atlantique, s'était dit prêt à étudier la création d'une zone économique franche dans les districts de Gali et d'Otchamtchira. "Nous sommes prêts à introduire des mécanismes de discrimination positive pour protéger les droits de la population abkhaze en cas de retour des réfugiés ainsi qu'à créer une zone libre dans deux districts et à donner des garanties pour la préservation de l'identité abkhaze et le développement de la culture. Mais il faut pour cela une force internationale réellement neutre, policière et pas militaire, pour maintenir la paix. Il faut aussi changer le format de négociations. La Russie ne doit pas intervenir comme un prétendu intermédiaire neutre mais comme un protagoniste" indiquait-il.

La dernière enquête d'opinion réalisée par Greenberg Quinlan Rosner (GQR) et publiée début mai crédite le Parti du mouvement national uni pour une Géorgie victorieuse de 44% des suffrages devant le bloc Nouveaux droits-Conseil national de l'opposition unie qui recueillerait 12% des voix, le Parti chrétien-démocrate 11%, le Parti travailliste 7% et le Parti républicain 4%, soit, pour ce dernier, un résultat inférieur au seuil minimum de suffrages nécessaires pour être représenté au Parlement. Mikhail Saakachvili conservera-t-il sa majorité parlementaire en dépit de la fronde menée contre lui ? Réponse le 21 mai prochain.

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