Elections législatives et sénatoriales en Espagne, 9 mars 2008

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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11 février 2008
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Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Elections législatives et sénatoriales en Espagne, 9 mars 2008

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Le 20 décembre dernier, après le vote du budget 2008 par le Parlement, le Premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero (Parti socialiste ouvrier, PSOE) annonçait que les prochaines élections législatives et sénatoriales seraient organisées en Espagne le 9 mars 2008. Le Chef du gouvernement a été désigné le 25 novembre dernier par les membres du PSOE comme candidat à sa propre succession. "Je prends l'engagement de vous conduire jusqu'à la victoire" a t-il déclaré. Les deux principaux partis - PSOE et Parti populaire (PP) - ont longtemps été dans un mouchoir de poche dans toutes les enquêtes d'opinion. Ces dernières semaines ont vu cependant les sociaux-démocrates, au pouvoir depuis 2004, se détacher de leurs concurrents. A un mois des élections, le PSOE mène désormais la course en tête.

Le 9 mars prochain, les électeurs andalous éliront également leur Parlement régional.

Le système politique espagnol

Le Parlement espagnol (Cortes generales) comprend deux Chambres : le Sénat et le Congrès des députés. Celui-ci compte de 300 à 400 députés, élus au moins tous les 4 ans au scrutin proportionnel plurinominal (système d'Hondt) au sein des provinces espagnoles (sauf à Ceuta et Melilla). Chacune des 50 provinces espagnoles choisit au moins 2 députés (1 seul pour Ceuta et Melilla), le reste étant réparti entre les provinces en fonction de leur population. Le nombre moyen de sièges par circonscription est de 6,7. Une liste doit obtenir au minimum 3% des suffrages pour être représentée au Congrès des députés.

Le Sénat, Chambre haute, compte 208 membres élus au suffrage universel (sénateurs provinciaux) et 49 représentants désignés par les 17 communautés autonomes (sénateurs communautaires). Chaque province élit, quel que soit son nombre d'habitants, 4 sénateurs provinciaux, à l'exception de Ceuta et Melilla qui en désignent 2 et des îles Baléares et des Canaries dont chacune des grandes îles (Grande Canarie, Majorque et Tenerife) en choisit 3 et chacune des plus petites (Ibiza-Formentera, Minorque, Fuerteventura, Gomero, Hierro, Lanzarote et Palma), 1. En outre, chaque communauté autonome élit un sénateur communautaire plus un sénateur supplémentaire pour chaque million d'habitants.

Les élections sénatoriales ont lieu le même jour que celles pour le Congrès des députés. Le scrutin est également plurinominal, à l'exception de certaines îles.

13 partis politiques sont représentés dans l'actuel Congrès des députés :

- Le Parti socialiste ouvrier (PSOE), formation du Premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero, fondée en 1879. Il compte 164 députés ;

- Le Parti populaire (PP), principal parti d'opposition dirigé par Mariano Rajoy, fondé en 1977. Il possède 148 sièges ;

- Convergencia i Union de Catalunya (CiU), alliance électorale catalane née en 1978, longtemps dirigée par Jordi Pujol et désormais emmenée par Artur Mas, compte 10 députés ;

- Esquerra republicana de Catalunya (ERC), formation catalane de gauche créée en 1931 dirigée par Josep Lluis Carod-Rovira et qui a dominé la scène politique catalane jusqu'au début de la guerre civile espagnole. Elle possède 8 sièges ;

- Le Parti nationaliste basque (PNV), formation nationaliste et démocrate chrétienne, fondée en 1984 et dirigée par Josu Jon Imaz. Il compte 7 députés ;

- La Coalition des Canaries (CC), formation régionaliste, alliée du Parti populaire au Parlement. Elle possède 3 sièges ;

- Le Bloc nationaliste galicien (BNG), parti nationaliste fondé en 1982 et dirigé par José Manuel Beiras. Il compte 2 députés ;

- Izquierda unida (IU), alliance électorale de gauche fondée en 1986. Elle possède 2 sièges ;

- Initiative des Verts de Catalogne-Gauche unie et alternative (ICV-EUA), alliance de partis régionaliste et écologiste catalans, compte 2 députés ;

- Gauche valencienne (EV)-Gauche unie du Pays valencien (EUPV), formation nationaliste, possède1 siège ;

- Chunta aragonesista (CHA), parti nationaliste régionaliste qui lutte pour une plus grande autonomie de l'Aragon, compte 1 député ;

- Solidarité basque (Eusko Alkartasuna, EA), formation nationaliste et social-démocrate issue d'une scission du Parti nationaliste basque et fondée en 1986, possède 1 siège ;

- Navarre oui (NB), formation prônant le rattachement de la Navarre au Pays basque, compte 1 député.

La loi sur l'égalité, votée en avril 2007, interdit désormais à toute liste de présenter plus de 60% de candidats d'un même sexe lors de toute élection. Cette loi oblige également les entreprises employant plus de 250 personnes à entamer des négociations afin de mettre en œuvre une véritable égalité entre les sexes en leur sein. Ainsi, obligation est faite aux conseils d'administration des sociétés d'accueillir au moins 40% de femmes d'ici 8 ans. Le Parti socialiste ouvrier présentera 49% de candidates aux élections législatives du 9 mars prochain. Il en avait présenté 42% lors du dernier scrutin du 14 mars 2004.

Quatre années de gouvernement Zapatero

Le Premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero est, au sein du PSOE, un représentant du courant Nueva via (Nouvelle voie). Souvent comparé à son ancien homologue britannique Tony Blair dont il possède la jeunesse et le pragmatisme, il affiche un bilan qui suscite l'envie dans de nombreux pays européens. Le PIB espagnol a cru de 3 à 4% par an depuis 2004.

Son gouvernement a considérablement réduit le chômage qui atteignait 11,4% en 2004 et qui s'élève à 8,6% en 2007. Le pays a créé 3 millions d'emplois durant ces 4 dernières années, soit plus que l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni réunis. La précarisation du travail, toujours élevée en Espagne par rapport aux autres Etats de l'Union européenne, a nettement diminué. Le budget enregistre un excédent de 50 milliards d'euro, soit 2,3% du PIB (1,8% en 2006), une première dans l'histoire du pays. L'Espagne devance l'Italie en termes de revenu par habitant. L'objectif affiché par José Luis Rodriguez Zapatero est de dépasser la France dans les 4 années à venir.

"Nous n'en sommes qu'à la première phase de notre projet et de notre travail" affirme le Premier ministre. Le programme du PSOE our les élections législatives et sénatoriales est centré autour de 3 axes principaux : le bien-être social et l'emploi, l'innovation et le développement durable, la liberté, la cohabitation et les droits des citoyens. José Luis Rodriguez Zapatero veut augmenter le salaire minimum de 600 à 800 euro en 4 ans et faire passer les plus petites retraites à 700 euro (contre 497 pour une personne seule) ou 850 euro (650 euro actuellement pour un couple). Il promet de supprimer l'impôt sur le patrimoine et les successions et de créer deux 2 millions de nouveaux emplois d'ici à 2012. Enfin, le Premier ministre s'est engagé, à l'occasion du scrutin, à verser 400 euro à 70% des contribuables, une mesure dénoncée comme clientéliste par les forces de l'opposition.

Enfin, le leader socialiste veut doubler le nombre de places de crèches (soit d'atteindre le chiffre de 300 000) et promet le versement d'une aide de 2 500 euro pour la naissance de tout nouvel enfant dans un pays où n'existe pratiquement aucune politique familiale proprement dite.

Avis de perturbations dans le ciel économique

Cependant, depuis quelques mois, les indicateurs socioéconomiques de l'Espagne sont passés à l'orange. Le ralentissement du secteur du secteur du bâtiment et des travaux public, qui emploie 13% de la population active et représente 7,5% du PIB, est un signe particulièrement inquiétant pour l'économie du pays. Les transactions immobilières ont baissé de 12% entre janvier et octobre 2007. La consommation des ménages, qui depuis des années tire la croissance, a fléchi; l'inflation est à la hausse (4,4%) tout comme le nombre de demandeurs d'emploi (132 378 chômeurs supplémentaires entre décembre 2007 et janvier 2008, soit l'une des plus fortes hausses depuis de nombreuses années). Enfin, les ventes de détail ont chuté en décembre dernier pour la première fois depuis 20 mois.

Le PSOE a annoncé qu'il avait obtenu de l'actuel ministre de l'Economie, Pedro Solbes, l'engagement de rester à son poste en cas de victoire. Ce dernier, âgé de 65 ans, avait émis le souhait de se retirer de la vie politique après les élections législatives et sénatoriales du 9 mars prochain. Le parti espère que cette annonce rassurera les Espagnols, Pedro Solbes ayant été l'un des principaux artisans du miracle économique de ces dernières années.

De son côté, le Parti populaire propose, pour relancer la consommation et l'activité économique, de baisser le taux de l'impôt sur les bénéfices des entreprises de 5 points (25% pour les grandes et 20% pour les moyennes et les petites), de supprimer l'impôt sur le revenu pour 7 millions de foyers, de ramener sous les 40% (43% actuellement) le taux supérieur de cette même taxe et de baisser de 24% à 12% le taux le moins élevé. La formation libérale souhaite également diminuer de 16% l'impôt sur le revenu et exonérer de cette taxe tous ceux dont les revenus annuels sont inférieurs à 16 000 euro par an (aujourd'hui, seules les personnes gagnant moins de 9 000 euro annuels ne paient pas l'impôt sur le revenu), soit 7 millions de contribuables et enfin accorder une réduction d'impôt de 1 000 euro à toutes les femmes actives "pour compenser les inégalités dont elle sont victimes sur le marché du travail". Le Parti populaire reproche au gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero de ne pas avoir suffisamment veiller à diversifier l'économie espagnole durant les 4 dernières années.

Le part populaire surfe sur le ralentissement de l'économie. "Le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero est un danger pour l'économie et les familles espagnoles" répète Mariano Rajoy. Le PP a cependant dû repenser sa stratégie de campagne à quelques mois du scrutin. Il avait, au vu des résultats économiques obtenus par le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero ces 4 dernières années, prévu de centrer sa campagne électorale sur la défense de l'unité nationale (le Parti populaire est opposé à l'accroissement des autonomies régionales défendu par les sociaux-démocrates), des valeurs familiales (mises en danger par la loi sur le mariage homosexuel) et enfin sur le problème basque, cancer qui ronge la société espagnole depuis des décennies. Les enquêtes d'opinion les plus récentes l'ont toutefois fait changer d'avis. Celles-ci révèlent en effet que le chômage constitue la préoccupation principale des Espagnols (40%), le logement arrive en deuxième position (32,9% des personnes interrogées) ; enfin, les problèmes économiques (29,4% des répondants).

Le problème basque

L'organisation séparatiste et terroriste basque ETA est responsable de la mort de 819 personnes lors de ces 40 dernières années. Durant une grande partie de la dernière législature, le Parti populaire a accusé le Parti socialiste ouvrier de faire preuve de laxisme envers ETA et de négocier avec les terroristes. Cependant, les nombreux coups de filet réalisés par les forces de police ces derniers mois (arrestation du leader de Batasuna - Unité" en basque, Batasuna est le dernier nom d'une même coalition nationaliste d'idéologie marxiste léniniste née au sortir de la dictature franquiste en 1978 -, Arnaldo Otegui, en mars 2006 et de 22 autres membres de la direction du mouvement en octobre et décembre derniers, puis le 6 janvier 2008 de deux membres d'ETA impliqués dans l'attentat du 30 décembre 2006 qui a fait deux morts à l'aéroport de Madrid Barajas et, enfin, le 4 février dernier, de Pernando Barrena, porte-parole de Batasuna, et de Patxi Urrutia, membre du part), ainsi que la façon dont les autorités essaient de réunir des preuves nécessaires pour interdire les partis nationalistes qui ont servi de relais à Batasuna, vitrine d'ETA interdite depuis le 27 mars 2003, ont ôté au Parti populaire l'un de ses principaux chevaux de bataille contre ses adversaires socialistes.

Le procureur général de l'Etat, le juge espagnol Baltazar Garzón, vient de suspendre pour 3 ans, prorogeables durant 2 autres années, l'activité de 2 partis politiques basques, le Parti communiste des terres basques (PCTV-EHAK), formation d'extrême gauche qui a toujours refusé de condamner les actes de violence revendiqués par l'ETA et qui possède 9 sièges au Parlement régional de la région, et l'Action nationaliste basque (ANV), co-fondatrice de Batasuna en 1978, qui a obtenu 437 élus municipaux et dirige 42 mairies au Pays basque et en Navarre lors des dernières élections municipales du 27 mai 2007. 3 délits leur sont reprochés : collaboration avec un groupe terroriste, association illicite et détournement de subventions. Ces formations ne pourront donc pas présenter de candidats aux élections législatives et sénatoriales du 9 mars prochain.

José Luis Rodriguez Zapatero avait toujours affirmé avoir rompu toute négociation avec ETA après l'attentat revendiqué par ETA du 30 décembre 2006. Le Premier ministre a toutefois admis que des entretiens avaient eu lieu après cette date entre les autorités espagnoles et le mouvement basque, tout au moins jusqu'à la mise en place de la politique dite "de main dure" après le 5 juin 2007, date de la rupture officielle par ETA de la trêve que l'organisation avait déclarée le 22 mars 2006. Dans la nuit du 7 au 8 février dernier, ETA a commis son premier attentat de l'année 2008 en faisant exploser une bombe de 15 kilos devant le tribunal de Bergara, près de Saint-Sébastien. "Une société qui veut être libre et juste ne peut reconnaître une organisation terroriste comme représentant politique d'une quelconque couche de la population et ne peut l'avoir comme interlocuteur politique" a déclaré José Luis Rodriguez Zapatero.

L'Espagne à la croisée des chemins

33 ans après la mort du dictateur Francisco Franco, l'Espagne, qui s'est incroyablement transformée ces dernières décennies, semble être à la croisée des chemins.

Le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero a, depuis 2004, beaucoup contribué à la modernisation du pays. Profondément catholique, l'Espagne autorise le mariage aux couples du même sexe à qui elle permet également l'adoption d'enfants au même titre que les couples hétérosexuels. La procédure de divorce a été simplifiée, une loi sur la dépendance a également été votée qui consacre un financement public aux personnes âgées ou handicapées. La loi sur l'égalité, votée en avril 2007, instaure une meilleure égalité entre les sexes. Des cours spéciales de justice, uniques en Europe, ont été créées afin de poursuivre les individus coupables de violence domestique. Le gouvernement social-démocrate a encore voté une loi sur la mémoire historique corrigeant les injustices les plus criantes passées sous silence lors de la signature du Pacte de la Moncloa (signé en octobre 1977 par l'ensemble des formations politiques représentées au Parlement afin d'élaborer une nouvelle Constitution, de rétablir la démocratie après la chute du Caudillo Francisco Franco et d'assainir la situation économique et sociale du pays). Les cours de religion obligatoire ont été supprimés du cursus scolaire et un programme d'éducation à la citoyenneté inscrit au programme des petits Espagnols.

Une grande partie de ces réformes ont été peu appréciées par les autorités religieuses du pays et sont dénoncées par le Parti populaire qui se pose en défenseur des valeurs familiales. Le 31 janvier dernier, la hiérarchie de l'Eglise catholique a publiquement reproché au PSOE les mesures prises durant ces 4 dernières années. Les évêques n'ont pas ouvertement appelé à voter en faveur du Parti populaire, mais ils ont désigné les partis auxquels un catholique ne doit pas accorder ses suffrages. Mais la véritable nouveauté est ailleurs, dans l'argument même utilisé par l'Eglise : la tentative de négociation avec l'ETA. "Les évêques ont le droit d'appeler à voter pour le Parti populaire mais cette fois, ils sont allés trop loin. Ils ont succombé à la tentation d'utiliser le terrorisme dans la campagne électorale et cela, ils n'ont pas le droit de le faire. Et si nous ne l'acceptons pas de Mariano Rajoy, nous ne l'acceptons pas non plus des évêques" a grondé José Luis Rodriguez Zapatero après la déclaration de la hiérarchie catholique. Du côté du Parti populaire, on fait attention aussi à ne pas trop effrayer les électeurs centristes, plutôt favorables aux lois adoptées par le gouvernement social-démocrate. Ainsi, si Mariano Rajoy est opposé au fait que l'on nomme mariage l'union de deux personnes du même sexe, il a cependant annoncé qu'il ne reviendrait pas sur le principe de cette union qui accorde aux couples homosexuels et hétérosexuels des droits identiques.

Le Parti populaire accuse les socialistes de saper les fondements du Pacte de la Moncloa en encourageant les autonomies régionales et radicalisant les nationalismes locaux. Au printemps 2006, la communauté de Valence a obtenu la réforme de son statut d'autonomie, suivie le 18 juin 2006 par la Catalogne et le 18 février 2007 par l'Andalousie. La Galice, l'Aragon, Murcie, les Canaries, les Baléares, la Castille-la Manche, les Asturies et le Pays basque ont également entamé des réformes qui leur devraient leur donner une capacité élargie d'autogestion.

Juan José Ibarretxe, lehendakari (président) du gouvernement régional basque, a déclaré le 28 septembre dernier qu'il organiserait un référendum sur le droit des Basques à disposer d'eux mêmes le 25 octobre 2008 et le leader de Esquerra republicana de Catalunya, Joseph Lluis Carod-Rovira, demande l'organisation d'un référendum d'autodétermination en Catalogne en 2014, date du 300e anniversaire de la chute de Barcelone devant les Bourbons.

Pour mieux comprendre la politique menée par le PSOE à l'égard des régions, il faut remonter aux dernières élections législatives et sénatoriales et rappeler que personne en Espagne ne s'attendait à la défaite du Parti populaire le 14 mars 2004. "Personne n'avait prévu que la droite perdrait les élections et José Luis Rodriguez Zapatero avait besoin de l'appui de certains partis nationalistes pour former une majorité" souligne Enrique Gil Calvo, professeur de sociologie à l'université Complutense de Madrid. "L'Espagne a beaucoup changé durant ces dernières trente années, les régions riches comme la Catalogne ont de moins en moins bien accepté de verser au pot commun plus qu'elles ne recevaient en retour" indique le professeur de science politique de l'université Saint-Jacques-de-Compostelle située en Galice, Ramon Maiz Suarez. Certains souhaitent que l'Espagne se transforme en un Etat fédéral, d'autres le redoutent.

Ces derniers mois, la personne du Roi a été mise à mal. Fin juillet, un dessin humoristique paru dans l'hebdomadaire satirique El Jueves montrait le Prince Felipe, successeur du trône, en pleins ébats avec son épouse Letizia et déclarant "Tu te rends compte, si tu tombes enceinte, ce sera ce que j'ai fait de plus ressemblant à un travail durant toute ma vie". Le 13 septembre, des indépendantistes catalans brûlaient des portraits de Juan Carlos lors d'une visite du monarque dans la région. Enfin, venu du bord opposé de l'échiquier politique, Federico Jimenez Losantos, journaliste conservateur de la radio officielle de l'épiscopat, Cope (deuxième audience du pays), ne cesse d'appeler le Roi, à qui il reproche certaines de ses fréquentations, à abdiquer en faveur de son fils.

Juan Carlos a réagi à ses attaques. Le 10 octobre, il a ainsi, en tant que chef des armées, présidé le Conseil de défense nationale, organisme militaire qui ne s'était pas réuni depuis 2002, en présence du Prince Felipe et du Premier ministre José Luis Rodriguez Zapatero. La semaine précédente, il avait rappelé à Oviedo (Asturies) que "la monarchie a permis à l'Espagne de connaître sa plus longue période stabilité et de prospérité en démocratie". Des propos appuyés pour un homme à la discrétion légendaire. Le Chef du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero en a profité pour se placer en défenseur de l'unité espagnole et de la monarchie.

Longtemps vu comme une figure tutélaire et garante de la démocratie, Juan Carlos est accusé d'anachronisme par certains de ses concitoyens. "L'Espagne avait rompu avec la monarchie et ce sont les armes et la volonté du dictateur Francisco Franco qui l'ont remis à la tête des institutions" déclare ainsi Miguel Jorda Tarrago, président de l'association Unité civique pour la République. Plusieurs sénateurs de la gauche indépendantiste catalane ont déposé le 27 septembre dernier un amendement visant à ôter au Roi ses fonctions de chef des armées afin de les confier au Premier ministre.

Une opposition fragilisée

A un mois des élections législatives et sénatoriales, le Parti populaire est fragilisé par des divisions internes. En effet, Mariano Rajoy a rejeté la candidature du maire de Madrid, Alberto Ruiz-Gallardon, réélu le 27 mai dernier au poste de premier magistrat de la ville avec 55,54% des suffrages (le meilleur résultat obtenu par un candidat dans la capitale depuis le retour de l'Espagne à la démocratie). Il sera remplacé en tête de la liste du Parti populaire par Ana Botella, épouse de l'ancien Premier ministre (1996-2004) José Maria Aznar. En 2e position sur la liste figure Manuel Pizarro, ancien dirigeant d'Endesa principal producteur et distributeur d'électricité en Espagne et en Amérique latine et actuel membre du conseil d'administration de Telefonica, la plus grande entreprise de télécommunications d'Espagne. Manuel Pizarro est considéré comme un éventuel ministre de l'Economie du Parti populaire.

Selon les analystes politiques, Alberto Ruiz-Gallardon aurait été victime de la présidente de la région madrilène, Esperanza Aguirre (PP), qui aurait exprimé sa volonté de figurer sur les listes électorales si le maire de la capitale était candidat. L'éviction d'Alberto Ruiz-Gallardon est vue par tous les analystes de la vie politique espagnole comme une victoire du clan du courant le plus conservateur du Parti populaire sur les centristes du parti. Cette éviction satisfait également ceux qui voyaient dans le jeune maire de Madrid un éventuel successeur à Mariano Rajoy, notamment en cas de défaite de la droite aux élections du 9 mars prochain. Alberto Ruiz-Gallardon a annoncé sa décision de quitter la scène politique après les élections. "En politique, parfois l'on gagne, parfois l'on perd. Cette fois, j'ai perdu" a t-il sobrement commenté.

Si depuis 1983, le parti sortant vainqueur des précédentes élections municipales a toujours remporté le scrutin parlementaire qui s'ensuivait, bien malin qui pouvait désigner le parti gagnant lors des dernières élections municipales du 27 mai dernier. Le Parti socialiste et le Parti populaire ont fait jeu égal. Le Parti populaire a obtenu 35,6% des voix et le plus grand pourcentage de mairies : 35,66%, contre 28,82% pour le Parti socialiste ouvrier tandis que ce dernier a recueilli 34,9% des suffrages mais un plus grand nombre de conseillers municipaux (24 029, contre 23 349 à son rival). Le Parti populaire est arrivé en tête dans la majorité des 52 capitales provinciales, le Parti socialiste a remporté 24 capitales provinciales, soit 9 de plus que lors des précédentes élections municipales du 25 mai 2003. Ce résultat très serré a conduit les 2 partis à se déclarer vainqueurs du scrutin.

Selon une enquête d'opinion réalisée par l'institut Publiscopio et publié le 4 février dernier par le journal Publico, le Parti socialiste devancerait le Parti populaire de 6,4 points dans les intentions de vote. Un sondage de l'institut Metroscopia publié par le quotidien El Pais donne 3,4 points d'avance au parti au pouvoir. Enfin, l'enquête de l'institut DYM publiée par le journal ABC crédite le parti de José Luis Rodriguez Zapatero de 3,8 points d'avance sur celui de Mariano Rajoy. Seuls un tiers des partisans du Parti populaire pensent que celui-ci remportera les élections législatives et sénatoriales du 9 mars prochain selon une enquête récemment publiée par le journal Publico. Aucune des deux principaux partis n'obtiendrait la majorité absolue le 9 mars prochain.

Rappel des résultats des élections législatives et sénatoriales du 14 mars 2004 en Espagne

Participation : 77,21%

Congrès des députés

Source : Ministère de l'Intérieur espagnol

Sénat

Source : Ministère de l'Intérieur espagnol

Elections législatives et sénatoriales en Espagne, 9 mars 2008

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