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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Lorsqu'il a annoncé le 29 janvier dernier que les prochaines élections législatives se dérouleraient le 12 mai prochain, le Président de la République, Robert Kotcharian, a sonné le départ d'une longue année de campagne électorale puisque le scrutin législatif sera suivi, en mars 2008, de l'élection présidentielle à laquelle l'actuel Chef de l'Etat ne se représentera pas. 1 497 personnes sont candidates aux élections législatives, soit un tiers de plus que lors du précédent scrutin du 25 mai 2003. 24 formations et une seule coalition électorale sont représentées ; 80% des 131 députés actuels sont candidats à leur réélection.
Le système politique arménien
L'Assemblée nationale (Azgayin Zhoghov) est la Chambre unique du Parlement. Elle compte 131 membres désormais élus pour 5 ans, au scrutin proportionnel pour 90 d'entre eux et au scrutin majoritaire à un tour pour les 41 autres. Chaque formation politique doit recueillir au minimum 5% des suffrages pour être représentée à l'Assemblée nationale (7% pour les coalitions). En outre, les listes doivent comprendre au minimum 15% de femmes parmi leurs candidats. Le système électoral a été récemment modifié (les parlementaires étaient auparavant élus pour 4 ans, au scrutin proportionnel pour 75 d'entre eux et au scrutin majoritaire à un tour pour les 51 restants) afin de lutter contre la fraude électorale et la corruption. Les récentes réformes ont également modifié la composition de la Commission électorale centrale et de celles des 56 districts, réduisant le nombre de ses membres nommés par le Président de la République.
Six formations politiques sont actuellement représentées à l'Assemblée nationale :
- Le Parti républicain d'Arménie (HHK), principale formation de la coalition gouvernementale et parti du Premier ministre Serzh Sarkisian. Plus ancienne formation du pays, elle possède 31 députés ;
- Le Bloc Justice (A), formation d'opposition, compte 14 sièges ;
- Le Règne de la loi (OE), membre de la coalition gouvernementale jusqu'en mai 2006 avant de rejoindre les rangs de l'opposition, possède 19 députés ;
- la Fédération révolutionnaire arménienne (HHD), formation membre de l'actuelle coalition gouvernementale, compte 11 députés ;
- le Parti de l'Unité nationale (AM), dirigé par Artaches Guegamian, candidat malheureux à la dernière élection présidentielle (16,9% des suffrages au premier tour du 19 février 2003), possède 9 sièges ;
- le Parti des travailleurs unis (MAK), membre de l'actuelle coalition gouvernementale, compte 6 députés.
Les dernières élections législatives du 25 mai 2003 avaient été entachées par de nombreuses fraudes électorales. Le Parti républicain d'Arménie (HHK), formation favorable au Président de la République Robert Kotcharian (réélu à la tête de l'Etat le 5 mars 2003 après une élection présidentielle contestée par l'opposition), s'était, sans surprise, imposé recueillant 23,5% des suffrages et remportant 31 sièges. Il avait devancé la principale formation d'opposition, le Bloc Justice, dirigé par le candidat malheureux à l'élection présidentielle, Stepan Demirtchian (Parti populaire), qui avait obtenu 13,6% des voix et 14 sièges. A l'issue de ces élections, le Président de la République Robert Kotcharian avait cependant perdu la majorité absolue qu'il détenait auparavant à l'Assemblée nationale, les formations d'opposition renforçant leurs positions. Les observateurs internationaux avaient dénoncé de façon unanime les violations du scrutin. « Les législatives arméniennes restent en deçà des normes internationales » avait déclaré Robert Barry, émissaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en Arménie, dénonçant « les cas de falsification des résultats, de bourrage des urnes, de vol de bulletins de vote et d'intimidation d'observateurs internationaux » signalées dans 30% des bureaux de vote.
Le 25 mars dernier, le Premier ministre Antranik Markarian est mort brutalement d'une crise cardiaque à l'âge de 56 ans. Il a été remplacé à son poste le 5 avril dernier par le ministre de la Défense Serzh Sarkisian qui a rejoint le Parti républicain d'Arménie il y a moins d'un an (juillet 2006) et qui est considéré par beaucoup comme le favori dans la succession de Robert Kotcharian à la Présidence de la République.
Le conflit du Nagorny Karabakh.
Le conflit du Nagorny Karabakh (Karabagh signifie « jardin noir ») empoisonne les relations azéri-arméniennes depuis des dizaines d'années. Territoire montagneux et fertile de 4 400 km2 et peuplé de 150 000 habitants (dont les trois quarts d'Arméniens), la région - qui a fait partie de l'Arménie jusqu'en 1923, date à laquelle Staline décida son rattachement à la République socialiste d'Azerbaïdjan et lui donna le statut de région autonome - est actuellement une enclave arménienne en territoire azerbaïdjanais. Le Nagorny Karabakh a proclamé son indépendance le 10 décembre 1991, déclaration qui, conjointe à l'éclatement de l'URSS, a provoqué une guerre entre les Azerbaïdjanais et les Arméniens de la région soutenus par Erevan faisant plus de 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés.
En 1993, les Arméniens se sont emparés d'une « zone de sécurité » de 8 000 km2 situées entre leur pays et l'Azerbaïdjan. Un cessez-le-feu a été signé le 12 mai 1994 et a gelé la situation, les Arméniens occupant environ 15% du territoire azerbaïdjanais (le Nagorny Karabakh et quelques districts environnants).
Depuis lors, les négociations menées par le Groupe de Minsk chargé par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de fournir un cadre aux négociations, co-présidé par la France, la Russie et les Etats-Unis, n'ont toujours pas permis de parvenir à un accord de paix. Les présidents arménien, Robert Kotcharian, et azerbaïdjanais, Heydar puis Ilham Aliev, se sont rencontrés à plusieurs reprises (la dernière fois à Minsk le 28 novembre 2006) pour tenter de mettre fin au conflit entre les deux pays. Le 14 mars dernier à Genève, les ministres des Affaires étrangères azerbaïdjanais (Elmar Mamediarov) et arménien (Vardan Oskanian) se sont entretenus de l'organisation d'une prochaine rencontre entre leurs Chefs d'Etats.
De son côté, le président du Nagorny Karabakh, Arkady Ghoukassian, a réaffirmé que les autorités azerbaïdjanaises seraient tôt ou tard obligées d'engager des négociations sur le Nagorny Karabakh, « si, bien sûr, celles-ci veulent réellement résoudre le problème » a-t-il précisé. L'an passé, 581 incidents ont été enregistrés à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, soit deux fois plus qu'en 2005 (273).
La situation politique et économique de l'Arménie
Des réformes importantes ont été adoptées par l'Assemblée nationale depuis 2003, notamment l'abolition de la peine de mort et la loi sur les médias. Le référendum du 27 novembre 2005, ratifié à 93,2% par les électeurs (participation de 65,4%), a permis d'amender la Constitution de façon à la mettre en conformité avec les normes européennes après l'adhésion du pays au Conseil de l'Europe en 2001.
La situation économique de l'Arménie est au beau fixe, un fait d'autant plus notable que le pays ne possède pas, comme certains de ses voisins, de ressources pétrolières ou énergétiques. L'Arménie connaît depuis plusieurs années une forte croissance de son PIB (13,5% en 2005) et a retrouvé son niveau économique de 1989. L'inflation est désormais maîtrisée, la dette de l'Etat est contenue et la pauvreté recule restant cependant importante et touchant encore plus d'un tiers de la population. Des réformes structurelles ont été entreprises, le programme de privatisations est achevé et les investissements étrangers ont connu une hausse comprise entre 20% et 25% l'an passé. L'économiste de la Banque Mondiale Saumya Mitra, qui note que l'Arménie connaît la plus forte croissance des Etats de la Communauté des Etats indépendants (CEI), a toutefois averti que le pays devait rapidement entreprendre de nouvelles réformes s'il veut soutenir sa croissance. Par ailleurs, il a dénoncé le coût élevé et le mauvais fonctionnement des télécommunications, ainsi que le sous-développement des services financiers et des assurances qui, selon lui, mettent en péril le développement du pays.
L'Arménie souffre de son enclavement, de sa faiblesse en ressources naturelles, de l'obsolescence de son industrie et d'une forte corruption (le pays occupe la 93e place dans le classement 2006 de Transparency International). L'Union européenne a récemment rappelé que le problème de la corruption était « l'un des obstacles principaux au développement économique et social de l'Arménie ». Enfin, selon une enquête réalisée en 2006 par le Centre du développement régional et Tranparency International Arménie, la corruption est citée comme un problème majeur du pays par neuf Arméniens sur dix, la même proportion considérant que l'amélioration de la situation passe par l'organisation d'élections libres et transparentes.
Les enjeux des élections
Les élections législatives du 12 mai prochain, qui seront suivies d'une élection présidentielle en mars 2008, constituent un test important pour l'Arménie. « J'ai l'impression que les autorités arméniennes sont conscientes de la portée singulière des élections » a déclaré début mars Peter Semneby, représentant spécial de l'Union européenne pour le Caucase du Sud lors d'une visite en Arménie. Le Conseil de l'Europe a rappelé aux autorités arméniennes l'importance de ce scrutin ; son Assemblée parlementaire « a le regret de constater que, depuis l'adhésion au Conseil de l'Europe en 2001, aucune des élections qui s'y sont tenues n'a été jugée entièrement libre et loyale (...) Il est essentiel que le prochain scrutin soit enfin conforme aux normes européennes d'élections libres et transparentes, prouvant les progrès de l'Arménie sur la route de la démocratie et de l'intégration européenne ». Bojana Urumova, représentante spéciale du Secrétariat général du Conseil de l'Europe, a même évoqué l'éventualité d'une suspension des mandats de la délégation arménienne en cas de fraude électorale le 12 mai prochain. Enfin, par la voix de leur chargé d'affaires dans le pays, Anthony Godfree, les Etats-Unis ont également rappelé que « des élections libres et justes » étaient essentielles pour la poursuite du programme Millenium Challenge du nom de la société américaine d'aide au développement œuvrant en Arménie.
Les premiers observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) sont arrivés à Erevan le 14 mars dernier. Ils ont pour tâche de surveiller étroitement la campagne électorale : les activités des médias, de l'administration électorale et, plus largement, celles de l'ensemble des autorités. 300 autres observateurs devraient rejoindre la capitale arménienne avant les élections. La capitale arménienne a accueilli le 5 avril dernier les premiers observateurs venus de la Communauté des Etats indépendants (CEI). Au total, 150 personnes emmenées par Vladimir Rushailo sont attendues pour observer le déroulement de ces élections législatives.
Les pratiques de certaines formations politiques ont d'ores et déjà été mises en cause plusieurs mois avant les élections. Ainsi, en octobre dernier, Arménie prospère (BHK) a lancé un programme pour le développement des villages, arguant de la sécheresse de l'été précédent. La formation, fondée au début 2006 par l'homme d'affaires Gagik Tsarukian a distribué blé et pommes de terre aux villageois et lancé un programme de soins gratuits dans plusieurs régions du pays. Tigrane Karapetian, leader du Parti du peuple, a organisé de nombreux voyages notamment à l'intention des retraités et des plus nécessiteux. Il a invité de nombreux enfants de villageois à se produire à la télévision. « Les autorités arméniennes feront de leur mieux pour organiser des élections honnêtes et justes » a déclarait le 7 février dernier l'ancien Premier ministre Antranik Markarian.
La campagne électorale
L'Assemblée nationale issue du scrutin législatif du 25 mai 2003 ne représente plus la réalité politique, de nombreux changements étant intervenus sur la scène politique (émergence de nouvelles formations, nouvelles alliances, défections, etc.). Ainsi, Gagik Tsarukian, homme d'affaires millionnaire (président de la société Multy Group), chef du comité olympique arménien et proche du Président de la République Robert Kotcharian, a fondé au début de l'année 2006 Arménie prospère (BHK) ; le Bloc Justice comme Le Règne de la loi, qui a quitté la majorité présidentielle, ont connu de nombreuses défections.
Le scrutin du 12 mai prochain est particulier dans le sens où, pour l'heure, la compétition oppose moins le gouvernement en place aux partis de l'opposition que les forces gouvernementales entre elles. En effet, les deux formations favorables au Président de la République Robert Kotcharian, soit le Parti républicain d'Arménie et la formation du très populaire Gagik Tsarukian, Arménie prospère, devraient se disputer la place de premier parti du pays. Le Parti républicain d'Arménie, actuellement au pouvoir, est une formation de notables qui compte dans ses rangs de nombreux ministres, mais également plusieurs officiels régionaux ou locaux. Le parti défend une politique libérale en matière économique, mais il est favorable à un Etat fort, aux respects des traditions religieuses, familiales, etc. Arménie prospère (BHK) se bat pour plus de justice sociale et veut transformer radicalement la société arménienne. Ses candidats sont majoritairement des universitaires et des enseignants. Si la formation, qui revendique 370 000 membres (soit pas moins de 10% de la population arménienne), possède d'importants moyens financiers, elle manque cependant de structures régionales.
L'actuel Premier ministre Serzh Sarkisian est la tête de liste du Parti républicain d'Arménie. De nombreux membres du gouvernement y figurent également : les ministres de la Justice, David Haroutiounian (qui a rejoint la formation à la mi-février), de l'Environnement, Vardan Ayvazian, des Finances et de l'Economie, Vartan Khatchatrian, du Commerce et du Développement économique, Karen Tchmaritian. Gaguik Tsaroukian, tête de liste d'Arménie prospère, a présenté sa candidature dans son fief de Kotayk. L'Union des Arméniens géorgiens, par la voix de son président, Tatchat Vardapetian, et le Conseil des organisations grecques d'Arménie, communauté d'environ 7 000 personnes dans le pays, ont récemment apporté leur soutien à la principale formation de l'actuel Parlement.
L'opposition rassemble une multitude de partis, plus ou moins importants et disposant d'une assise électorale très variable. Mais elle reste profondément divisée et de ce fait ne parvient pas à inquiéter le pouvoir en place. Les principales formations d'opposition sont les suivantes : le Parti de l'unité nationale (AM), dirigé par Artaches Guegamian, le Mouvement national arménien, formation de l'ancien Président de la République (1991-1998), Levon Ter-Petrossian, le Parti populaire d'Arménie de Stepan Demirchian (fils de Karen Demirchian, leader arménien durant la période soviétique), le Règne de la loi (OE) de Artur Baghdasarian, le Parti démocrate d'Arménie d'Aram Sarksian, le Parti de l'Héritage de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Raffi Hovannissian, l'Impeachment alliance formée par Patrie démocratique de Petros Makeyan et le Parti conservateur de Mikayel Hayrapetian.
Le 2 mars dernier, soit la veille de la date limite du dépôt des candidatures, le Bloc Justice (A) annonçait « la fin de ses activités » après que le Parti de l'unité nationale a décidé de se présenter seul devant les électeurs. « La formation d'alliances ne doit pas être une fin en soi. Des alliances lâches n'apportent rien à la société » déclarait son leader Stepan Demirchian à la fin février. A l'occasion de la conférence de presse qu'il a donnée le 9 mars dernier, Raffi Hovhannissian, leader du Parti de l'héritage, a déclaré qu'il assumait partiellement la responsabilité de l'échec de l'opposition de former une alliance électorale. Les désaccords semblent avoir été plus tactiques qu'idéologiques. Conséquence de cette dispersion électorale de l'opposition, Vazgen Manukian, leader de l'Union nationale démocratique (AzhM), a décidé de ne pas participer aux élections législatives. « Etre élu député dans ce Parlement n'est pas un honneur et ne fait pas sens » a-t-il déclaré en précisant qu'il ne se retirait pas pour autant de la scène politique et qu'il envisageait de poser sa candidature pour l'élection présidentielle prévue en mars 2008. De même, le Parti libéral-démocrate arménien (LPPA) ne présentera pas de candidat au scrutin du 12 mai prochain « pour ne pas disperser les forces » selon son leader Hovhannes Hovhannessian.
14 formations d'opposition se présenteront donc en ordre dispersé. Stepan Demirchian occupe la première place sur la liste du Parti populaire ; il est suivi d'Albert Bazeian, leader de la formation Renaissance nationale. Artaches Guegamian est tête de liste du Parti de l'unité nationale, suivi du secrétaire da la formation, Alexan Karapetian. Nicol Pashinian, rédacteur en chef du quotidien Haykakan Zhamanak, est tête de liste de l'Impeachment alliance. Les principales formations d'opposition ont choisi de ne pas présenter de candidats pour les sièges désignés au scrutin majoritaire (41 sur 131 députés).
Selon certains analystes de la vie politique, les forces de l'opposition vont utiliser les prochaines élections législatives pour mesurer les soutiens dont elles disposent en vue du scrutin présidentiel de mars 2008, élection considérée par tous comme majeure.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Sociometer, Arménie prospère (BHK) devrait remporter les élections législatives du 12 mai prochain. La formation recueillerait 25% des suffrages. Le Parti républicain d'Arménie obtiendrait entre 17% et 18% des voix. Six autres partis - Le Règne de la loi, le Parti de l'héritage, le Parti populaire d'Arménie, le Parti du peuple, le Parti de l'unité nationale et la Fédération arménienne révolutionnaire Dashnak (ARFD) - seraient susceptibles d'entrer au Parlement. A ce jour, moins d'un tiers des électeurs (30%) déclarent avoir décidé à qui ils accorderaient leur voix le 12 mai prochain.
La campagne électorale officielle a débuté le 8 avril dernier et s'achèvera le 10 mai.
Rappel des résultats des élections législatives du 25 mai 2003
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