Election présidentielle en France, le point à une semaine du scrutin

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Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

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22 avril 2007
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Election présidentielle en France, le point à une semaine du scrutin

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Le 22 avril prochain, 44,5 millions de Français sont appelés aux urnes pour désigner le successeur du Président de la République, Jacques Chirac (Union pour un mouvement populaire, UMP), à la tête de l'Etat. Si le candidat de l'UMP, Nicolas Sarkozy, ancien ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, figure en tête des intentions de vote dans les enquêtes d'opinion, cette élection présidentielle demeure très incertaine et, à ce jour, quatre candidats - Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal (Parti socialiste, PS), François Bayrou (Union pour la démocratie française, UDF) et Jean-Marie Le Pen (Front national, FN) - peuvent prétendre figurer dans le duo de tête lors du premier tour et donc participer au deuxième tour qui aura lieu le 6 mai prochain.

Un nombre record d'inscriptions sur les listes électorales ont été enregistrées pour ce scrutin présidentiel. Les plus fortes hausses ont été enregistrées dans les départements de la banlieue parisienne (+ 7,90% dans les Hauts-de-Seine, fief de Nicolas Sarkozy, + 8,51% dans la Seine-Saint-Denis, + 6,76% dans le Val d'Oise durant la seule année 2006) Dans ces départements, de nombreuses associations s'étaient mobilisées pour inciter la population, notamment les plus jeunes, à aller s'inscrire. Le nombre de Français de l'étranger inscrits sur les listes électorales s'est également singulièrement accru, passant de 385 537 en 2002 (et 452 383 en 2005) à 821 600 en 2007. Au total, il y a 3,4 millions d'inscrits supplémentaires depuis 2002 ce qui représente une hausse de 7,4%, soit le pourcentage le plus élevé depuis 1981.

Autre élément témoignant de l'intérêt des Français pour cette élection présidentielle : l'audience exceptionnelle enregistrée par les émissions politiques. Ainsi, Ségolène Royal a rassemblé 8,7 millions de téléspectateurs le 19 février dans l'émission J'ai une question à vous poser sur TF1 et encore 8,3 millions le 13 mars lors de son passage au Journal de 20 heures sur la même chaîne. Nicolas Sarkozy a réuni 8 millions de personnes le 5 février dans l'émission J'ai une question à vous poser et 8,2 millions quand il est venu sur le plateau du 20 heures de TF1 le 14 mars dernier.

Chacun le sait : les Français ne détestent rien plus que les scénarios écrits par avance qui laisseraient supposer que leur vote a finalement peu d'importance et que les choses se décideraient en dehors d'eux. Ils l'ont montré en 2002 lorsqu'ils ont placé Jean-Marie Le Pen en deuxième position, alors que tous les instituts d'opinion testaient depuis des mois des hypothèses de deuxième tour opposant Jacques Chirac à Lionel Jospin (PS). Cette année, l'ancien ministre de l'Education (1993-1997), François Bayrou, est parvenu contre toute attente à réaliser une véritable percée dans les enquêtes d'opinion passant de 9% des intentions de vote à la mi-janvier (sondage Sofres, 17-18 janvier 2007) à plus de 23% au début mars (sondage Sofres, 7-8 mars 2007). Dans un pays où six électeurs sur dix déclarent ne faire confiance ni à la gauche ni à la droite, le candidat de l'UDF dispose d'un espace conséquent pour s'imposer. Ces dernières semaines, la progression du candidat UDF semble marquer le pas, François Bayrou enregistrant un recul dans de nombreux sondages.

Nicolas Sarkozy, en revanche, connaît un mouvement inverse. Alors qu'il devançait depuis des mois tous ses concurrents du premier tour, le candidat de l'UMP avait vu le mois dernier se réduire l'écart le séparant de sa principale rivale, Ségolène Royal. Une enquête d'opinion réalisée par l'institut Louis Harris les 23 et 24 mars derniers donnait même les deux candidats à égalité (27% des suffrages). C'est ce moment que le candidat UMP, conscient de son recul dans les enquêtes d'opinion et convaincu que l'élection présidentielle se jouera moins au centre qu'elle ne dépendra largement de l'électorat populaire, a choisi de donner un coup de barre à droite à sa campagne. Nicolas Sarkozy a repris l'offensive en proposant notamment la création d'un ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. Le rapprochement des deux termes a suscité de nombreuses réactions de désapprobation au sein de la classe politique, y compris parmi ses propres soutiens. « C'est plus qu'une imprudence (...) Je n'ai pas du tout aimé cette formule très ambiguë. J'aurais préféré un ministère de l'Immigration et de l'Intégration » a ainsi déclaré Simone Veil, ancienne ministre de la Santé (1974-1979 et 1993-1995), ancienne présidente du Parlement européen (1979-1982) et ancien membre du Conseil constitutionnel (1998-2007). Nicolas Sarkozy a cependant maintenu ses déclarations, approuvées par une majorité de Français selon les enquêtes d'opinion.

La candidate du Parti socialiste, Ségolène Royal, a choisi de ne pas laisser son principal adversaire seul sur ce terrain et après avoir qualifié « d'ignoble » le rapprochement induit par les propos de l'ancien ministre de l'Intérieur entre immigration et menace sur l'identité française, elle a tenu à affirmer l'attachement de la gauche à la nation à travers les symboles républicains que sont la Marseillaise, hymne national français, et le drapeau tricolore. A contrario, cette « droitisation » de la campagne a rendu la position de François Bayrou particulièrement inconfortable, le candidat de l'UDF devenant moins audible dans un débat qui n'oppose plus la droite à la gauche, mais s'est polarisé sur des thèmes traditionnellement marqués à l'extrême droite.

Ségolène Royal, qui n'a pas été épargnée par les attaques, y compris de la part de ses propres collaborateurs (Eric Besson, ancien secrétaire national du Parti socialiste, a démissionné de sa formation et vient de publier un livre contre la candidate de la gauche) a également quelque peu modifié sa tactique pour ces dernières semaines de campagne. Après avoir déclaré qu'elle reprenait sa liberté, notamment par rapport à ceux que l'on appelle les « éléphants » du Parti socialiste (hommes d'appareil de la formation de gauche, dirigeants d'importantes fédérations départementales ou membres du bureau national), Ségolène Royal tente de renouer avec ce qui a fait son succès, notamment durant la campagne pour les élections primaires au sein de sa propre formation, c'est-à-dire sa liberté de ton, ses propositions décalées et pas forcément conformes à l'idéologie de sa formation politique. Si son discours de Villepinte du 11 février dernier contenait cent propositions, la principale candidate de l'opposition a récemment recentré son Pacte présidentiel autour de sept grands axes et réaffirmé sa ligne du « donnant-donnant » qui stipule que chaque droit entraîne obligatoirement un devoir. Ségolène Royal tente également de recentrer la campagne sur les sujets socioéconomiques, thèmes traditionnels de la gauche. Rappelons que l'emploi, le pouvoir d'achat et l'avenir de la protection sociale constituent les trois préoccupations les plus importantes des Français. L'insécurité, thème majeur de la campagne de la dernière élection présidentielle des 21 avril et 5 mai 2002, arrive en quatrième position.

Les incidents qui ont vu certains voyageurs affronter violemment les forces de l'ordre durant plusieurs heures le 27 mars dernier à la gare du Nord, l'une des grandes gares de Paris et la plus importante d'Europe, après que des contrôleurs du métro parisien ont verbalisé un voyageur sans titre de transport, ont suscité de nombreux commentaires de la part des candidats. Si l'opposition a saisi l'occasion pour mettre en doute les résultats obtenus par Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur jusqu'au 26 mars dernier en matière de lutte contre la délinquance, le candidat de l'UMP, se plaçant résolument du côté de l'ordre et de la sécurité, a dénoncé le laxisme de la gauche, toujours prompte, selon lui, à trouver des excuses aux délinquants. Selon de nombreux analystes politiques, des incidents de ce type « profitent » souvent à l'extrême droite.

Les raisons ayant conduit 4,8 millions de Français à voter en faveur de Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002 loin d'avoir disparu pourraient même s'être multipliées. A une semaine du premier tour, on observe d'ailleurs un phénomène similaire à celui que l'on avait pu constater en 2002, à savoir une remontée du leader du Front national dans les enquêtes d'opinion. En effet, il y a cinq ans, c'est dans les dernières semaines que les intentions de vote en faveur de Jean-Marie Le Pen avaient commencé à grimper avant que ce dernier ne devance finalement dans les urnes Lionel Jospin (PS) au soir du premier tour, recueillant 16,86% des suffrages, contre 16,18% pour le candidat socialiste.

L'actuel Président de la République, Jacques Chirac, a publiquement annoncé son soutien à Nicolas Sarkozy le 20 mars en lisant une déclaration sur une chaîne de télévision. « S'agissant de mes choix personnels, les choses sont simples. J'ai voulu la création de l'UMP pour permettre à la France de conduire une politique rigoureuse de modernisation dans la durée. Dans sa diversité, cette formation politique a choisi de soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle, et ceci en raison de ses qualités. C'est donc tout naturellement que je lui apporterai mon vote et mon soutien » a affirmé le Chef de l'Etat. Un soutien jugé minimal par l'ensemble de la classe politique, mais qui pourrait satisfaire le leader de l'UMP qui tient moins à apparaître comme le candidat de la continuité que comme celui de la rupture. Nicolas Sarkozy a quitté ses fonctions de ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire le 26 mars dernier. Il a été remplacé par l'ancien ministre de l'Outre-mer, François Baroin (UMP). Xavier Bertrand, l'un des porte-parole du candidat UMP, a également démissionné de ses fonctions de ministre de la Santé et des Solidarités où il a été remplacé par Philippe Bas (UMP), ancien ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille,.

La campagne officielle a débuté le 9 avril et s'achèvera le 21 (ou le 20 pour les électeurs votant sur le continent américain ou en Polynésie française). Il y a cinq ans, les deux semaines précédant le premier tour avaient permis aux Français de découvrir ceux que l'on nomme les « petits » candidats, et notamment Olivier Besancenot (Ligue communiste révolutionnaire, LCR), qui durant la campagne officielle, était passé de 0,5% des intentions de vote à 5%. Le 21 avril 2002, il recueillait 4,25 % des voix. Cette année encore, le nombre de candidats d'extrême gauche est élevé (quatre au total - Arlette Laguiller, Lutte ouvrière (LO), José Bové soutenu par des mouvements alternatifs, Olivier Besancenot et Gérard Schivardi, soutenu par le Parti des travailleurs (PT), soit un tiers de l'ensemble), le discours de la gauche antilibérale sera donc très présent sur les ondes durant la campagne officielle et pourrait in fine séduire un nombre d'électeurs plus important que celui enregistré, à ce jour, par les sondages.

A une semaine du premier tour du 22 avril, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy restent en tête des enquêtes d'opinion. Selon un sondage réalisé par l'institut CSA les 10 et 11 avril dernier pour le quotidien Le Parisien et la chaîne de télévision I.télé, le candidat UMP est crédité de 27% des suffrages, contre 25% pour la candidate socialiste. François Bayrou recueillerait 19% des voix et Jean-Marie Le Pen, 15%. Les quatre candidats d'extrême gauche obtiendraient ensemble 8%, Marie-George Buffet (Parti communiste français, PCF), 2%, Dominique Voynet (Verts), 1,5%, Philippe de Villiers (Mouvement pour la France, MPF), 1% et Frédéric Nihous (Chasse, pêche, nature et traditions, CPNT), 1,5%. L'enquête d'opinion réalisée par BVA le 10 avril pour la presse régionale accorde 29,5% des suffrages à Nicolas Sarkozy, 24% à Ségolène Royal, 18% à François Bayrou et 12% au leader du Front national. Philippe de Villiers recueille 2,5% des voix, la candidate communiste, 2,5%, les candidats d'extrême gauche, 9,5% et la candidate écologiste, 1%.

Fait notable de ces enquêtes d'opinion : le faible niveau de la gauche qui ne rassemble que 35% des intentions de vote. Environ quatre électeurs sur dix déclarent toutefois ne pas encore avoir fait leur choix.

Favori des sondages, le candidat de l'UMP continue à susciter des craintes, y compris au sein de son propre camp, quant à sa capacité de rassembler les Français. Les mots de « racaille », dont il s'agissait de se débarrasser au « kärcher », qu'il a utilisés pour qualifier certains habitants des banlieues lui collent à la peau. Ségolène Royal, de son côté, doit se battre pour s'imposer et convaincre ceux qui ne cessent de mettre en doute ses capacités à gouverner la France. Enfin, si François Bayrou séduit, son absence de programme et surtout le flou qu'il entretient sur les forces et les personnalités sur lesquelles il s'appuiera pour gouverner en cas de victoire pourraient in fine constituer un véritable handicap pour lui.

Si six Français sur dix anticipent une victoire de Nicolas Sarkozy le 6 mai au soir, ils ne sont pourtant que moins d'un tiers à la souhaiter. En effet, aucun des trois candidats crédités du plus grand nombre d'intentions de vote ne suscitent de véritable enthousiasme. Interrogés du 22 au 24 mars par l'institut BVA sur le candidat qu'ils aimeraient voir remporter l'élection présidentielle, les Français ne sont que 36% à déclarer désirer la victoire de Ségolène Royal (48% ne la souhaitant pas), 28% à vouloir que François Bayrou s'installe à l'Elysée (53% ne le souhaitant pas) et enfin 30% à désirer que Nicolas Sarkozy succède à Jacques Chirac (53% ne le voulant pas).

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