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Les sociaux-démocrates au pouvoir sont favoris des élections parlementaires et du scrutin présidentiel en Roumanie

Élections en Europe

Corinne Deloy

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12 novembre 2024
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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6 mois après avoir voté pour les scrutins européen, provincial et municipal le 9 juin dernier, les Roumains sont appelés aux urnes pour renouveler leur président de la République le 24 novembre (et le 8 décembre en cas de 2e tour) et les membres du parlement (députés et sénateurs) le 1er décembre prochain, soit le jour de la fête nationale roumaine.
31 partis politiques sont en lice pour les élections parlementaires et 14 personnes pour le scrutin présidentiel.

Pour la première fois depuis 2004, les 2 scrutins tombent la même année. Le gouvernement sortant, une « grande coalition », qui rassemble le Parti national-libéral (PNL) de Nicolae Ciuca, ancien Premier ministre (2021-2023), et le Parti social-démocrate (PSD) du Premier ministre sortant Ion-Marcel Ciolacu, ne souhaitait en effet pas que les deux élections soient organisées le même jour.

Le PSD s’est imposé aux élections provinciales et municipales du 9 juin. Le même jour, l’alliance PSD-PNL a remporté les élections européennes avec 48,55% des suffrages (soit 19 des 33 élus au parlement de Strasbourg, 11 pour le PSD et 8 pour le PNL) devant le parti populiste de droite, Alliance pour l’union des Roumains (AUR), qui a recueilli 14,93% des voix et 6 sièges.

La campagne présidentielle

14 personnes sont en lice pour remplacer Klaus Iohannis, en poste depuis 2014, à la présidence de la République. Le chef de l’État sortant, qui termine son 2e mandat, ne peut pas se représenter. 10 candidats sont présentés par des partis politiques et 4 concourent en indépendants.

Les 14 candidats sont les: 
- Ion-Marcel Ciolacu (Parti social-démocrate, PSD), Premier ministre sortant désigné candidat le 24 août. Il a indiqué qu’il souhaitait en cas de victoire la nomination d’un Premier ministre d’un parti différent du sien car, a-t-il souligné, « le pouvoir doit être partagé » ;
- Nicolae-Ionel Ciuca (Parti national-libéral, PNL), ancien Premier ministre (2021-2023), militaire et ancien ministre de la Défense (2019-2021). Il veut placer les valeurs militaires comme « l’honnêteté, la confiance, le respect de la parole donnée et l’amour de la patrie » au cœur de la sphère politique ;
- George-Nicolae Simion, (Alliance pour l’union des Roumains, AUR) ;
- Elena-Valeria Lasconi (Sauvez la Roumanie, USR), qui a succédé à la tête du parti libéral à Catalin Drula qui a démissionné à l’issue des résultats décevants du parti aux élections provinciales et locales du 9 juin;
- Mircea-Dan Geoana (indépendant), ancien secrétaire général adjoint de l’OTAN, un poste qu’il a quitté pour être candidat à l’élection présidentielle. Il affirme « vouloir placer la Roumanie au-dessus des partis et les Roumains au-dessus de la politique » et il a fait de l’éducation et de la santé ses priorités. Cet ancien membre du PSD parvient à attirer des membres de la classe moyenne plutôt proches des partis de droite et des jeunes qui ne connaissent pas son passé ;
- Hunor Kelemen (Alliance démocratique des Hongrois de Roumanie, UDMR) ;
- Cristian Diaconescu (Parti mouvement populaire, PMP) ;
- Cristian-Vasile Terhes (Parti conservateur national, PNCR) ;
- Ludovic Orban, dirigeant de Force de la droite (FD), qu’il a fondé en 2021 après avoir quitté le PNL. L’homme se dit le seul capable de battre le PSD et il affirme que les électeurs libéraux ont été trahis par le PNL qui gouverne avec et qui est dominé par le PSD. « J’ai un message pour les libéraux Klaus Iohannis et Nicolae-Ionel Ciuca qui sont les otages du PSD qui veut vous garder dans cet état de servitude pour 4 nouvelles années.  Les dirigeants du PNL ont oublié le libéralisme (…) Il est temps d’agir. Laissez Klaus Iohannis et Nicolae-Ionel Ciuca lécher les bottes du PSD et rejoignez-moi dans le combat pour battre le PSD à ces élections et pour remettre la Roumanie sur le droit chemin »;
- Calin Georgescu (indépendant) ;
- Ana Birchall (indépendante) ;
- Alexandra-Beatrice Bertalan-Pacuraru (Alternative pour la dignité nationale, ADN) ;
- Sebastian-Constantin Popescu (Parti de la nouvelle Roumanie, PNR) ;
- Silviu Predoiu (Parti de la ligue de l’action nationale, PLAN).

L’électorat se divise en 3 groupes. Le premier et le plus discipliné regroupe les sympathisants du PSD, le deuxième rassemble les nationalistes qui devraient voter en faveur de George Simion et enfin, le troisième groupe est celui des opposants au PSD dont les suffrages se répartissent entre Elena-Valeria Lasconi, Nicolae-Ionel Ciuca et Mircea-Dan Geoana.

Selon la dernière enquête d’opinion réalisée par l’institut CURS, Ion-Marcel Ciolacu devrait arriver en tête du 1er tour de l’élection présidentielle avec 28% des suffrages. George Simion et Nicolae-Ionel Ciuca seraient au coude-à-coude : chacun d’entre eux recueilleraient 17% des voix. Elena-Valeria Lasconi prendrait la 4e place avec 12% des suffrages devant Mircea-Dan Geoana (9%). Hunor Kelenen et Cristian Diaconescu recueilleraient chacun 5% et Cristian-Vasile Terhes obtiendrait 4%. Les sondages restent néanmoins sujet à caution en Roumanie.

La campagne de l’élection présidentielle a débuté le 25 octobre et terminera le 23 novembre.

La campagne des élections parlementaires

La « grande coalition » au pouvoir rassemble 2 forces opposées : le PNL, libéral, positionné à droite sur l’échiquier politique, et le PSD, placé à gauche. Néanmoins, la majorité des observateurs politiques considèrent que cette alliance gouvernementale devrait perdurer au-delà des élections du 1er décembre prochain.  

Le 7 octobre dernier, le PNL a rompu son alliance avec le PSD, mais il a choisi de rester au pouvoir jusqu’au scrutin parlementaire. Nicolae-Ionel Ciuca a expliqué cette rupture par la décision du Conseil constitutionnel de rejeter la candidature de Diana Iovanovici-Sosoaca, membre du parti d’extrême droite SOS Roumanie, issue d’une scission d’avec l’Alliance pour l’union des Roumains (AUR), à l’élection présidentielle, un jugement « qui interroge sur l’état de la démocratie en Roumanie » a-il-déclaré. 
Diana Iovanovici-Sosoaca, députée européenne, a été exclue de la course présidentielle en raison de son non-respect des valeurs démocratiques par le Conseil constitutionnel, notamment pour avoir tenu des propos de teneur antisémite et pour avoir propagé des discours de propagande en faveur du Kremlin.

« Pour la première fois dans l’histoire de la Roumanie, une majorité de 5 juges, dont 4 ont été nommés par le PSD, ont décidé des personnes qui étaient autorisées à être candidates à l’élection présidentielle » s’est indigné Nicolae-Ionel Ciuca. Le dirigeant libéral estime que cette décision renforce l’autre candidat d’extrême droite, George Simion, qui en « récupérant » les suffrages des électeurs qui auraient initialement souhaité voter pour Diana Iovanovici-Sosoaca, pourrait se hisser au 2e tour du scrutin présidentiel.

Le PNL répète qu’il ne formera pas de nouvelle coalition avec le PSD même siles analystes politiques mais aussi les sondages considèrent qu’il sera difficile de former un gouvernement qui ne comprendrait pas les 2 partis.

Selon la dernière enquête d’opinion réalisée par l’institut NSCOP, le PSD, populaire dans les parties méridionale et orientale du pays et au sein des communes rurales, caracole en tête dans les intentions de vote avec 30,2% des suffrages. Il devancerait ainsi les populistes de droite de l’Alliance pour l’union des Roumains (AUR), 21,4% ; le PNL, qui obtient habituellement ses résultats les plus élevés dans la partie occidentale du pays et dans les classes moyennes résidant dans les villes, recueillerait 13,2%; Sauvez la Roumanie est crédité de 12,7% et SOS Roumanie de 8,1%. Rappelons que les sondages sont très peu fiables en Roumanie.

La campagne des élections parlementaires a commencé le 1er novembre et s’achèvera le 30 novembre.

Le système politique roumain

Le parlement

Le parlement roumain est bicaméral : il comprend la Chambre des députés (Camera deputatilor) et le Sénat (Senatul). Les deux assemblées sont renouvelées tous les 4 ans.
La chambre basse élue en 2020 compte 330 membres élus au scrutin proportionnel de liste au sein de 43 circonscriptions : 41 représentent les comtés du pays et désignent 279 députés, la circonscription de Bucarest constitue une seule circonscription qui désigne 29 députés. Enfin, la dernière représente les Roumains de l'étranger et a élu 4 députés au scrutin majoritaire.
Certains sièges sont réservés aux minorités nationales (18 dans le parlement sortant). Une minorité nationale a droit à 1 siège de député si l'organisation de citoyens la représentant possède 1 élu au Conseil national des minorités et si elle a recueilli au moins 5% du nombre moyen de suffrages exprimés.
Pour entrer à la Chambre des députés, tout parti politique doit recueillir au moins 5% du total des suffrages exprimés au niveau national ou 20% du total des suffrages exprimés dans au moins 4 circonscriptions (8% pour une alliance de 2 partis, 9% pour une alliance de 3 partis et 10% pour une alliance de 4 partis ou plus). Une personne qui recueille le soutien d'au moins 0,50% des électeurs d'une circonscription est autorisée à s'y présenter de façon individuelle. Tout électeur doit être âgé d'au moins 23 ans pour participer aux élections parlementaires.

Le Sénat compte 136 membres dont 2 représentent les Roumains de l'étranger.

5 partis politiques ont obtenu des élus lors des élections parlementaires du 6 décembre 2020 :
- le Parti social-démocrate (PSD), présidé par le Premier ministre sortant Ion-Marcel Ciolacu, compte 110 députés et 47 sénateurs ;
- le Parti national-libéral (PNL), dirigé par Nicolae-Ionel Ciuca, possède 93 sièges à la Chambre des députés et 41 au Sénat ;
- Sauvez la Roumanie (USR), parti libéral emmené par, Elena-Valeria Lasconi compte 55 députés et 25 sénateurs ;
- l’Alliance pour l’union des Roumains (AUR), parti populiste de droite fondé en 2019 et présidé par George Simion, possède 33 députés et 14 sénateurs ;
- l'Union démocratique des Hongrois de Roumanie (UDMR), conduite par Hunor Kelemen, compte 21 députés et 9 sénateurs.

18 députés représentent les diverses minorités nationales à la Chambre des députés.

La fonction présidentielle

En Roumanie, le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans. Tout candidat à la magistrature suprême doit être âgé de 35 ans minimum et il doit déposer une liste d'au moins 200 000 signatures d'électeurs en faveur de sa candidature avant le scrutin. Il doit également jurer sur l'honneur ne pas avoir collaboré avec les services de la Securitate, nom de la police secrète roumaine sous le régime communiste.
Le chef de l'État roumain dispose de pouvoirs limités. Il nomme le Premier ministre « après consultation du parti disposant de la majorité absolue au Parlement ou, si cette majorité n'existe pas, des partis représentés au parlement » (article 103-1 de la Constitution) mais il ne peut révoquer ce dernier.

Le chef de l'État sortant, Klaus Iohannis (PNL lors de sa première victoire, mais indépendant depuis son entrée en fonction), a été élu à ce poste en 2014. Il a été réélu le 24 novembre 2019 avec 66,09% des suffrages, devançant l'ancienne Première ministre (2018-2019) Viorica Dancila (PSD), qui avait recueilli 33,91% des voix. La participation s'était élevée à 55,07%.

Rappel des résultats de l’élection présidentielle des 10 et 24 novembre 2019 en Roumanie
Participation : 51,18 % (1er tour) et 55,07 % (2e tour)

Source : http://prezidentiale2019.bec.ro/rezultate 

Rappel des résultats des élections parlementaires du 6 décembre 2020 en Roumanie
Chambre des députés
Participation : 31,94 %

Source : https://parlamentare2020.bec.ro/wp-content/uploads/2020/12/com_1423.pdf

Sénat
Participation : 31,94 %

Source : https://parlamentare2020.bec.ro/wp-content/uploads/2020/12/com_1423.pdf

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