Le Parti social-démocrate (LSP), conduit par Vilija Blinkeviciute, est arrivé en tête du 1er tour des élections législatives le 13 octobre en Lituanie avec 19,74% des suffrages et 18 sièges au Seimas, chambre unique du parlement (résultats des votes au seul scrutin proportionnel). Il a devancé l'Union de la patrie-Chrétiens-démocrates (TS-LKD), parti de la Première ministre sortante Ingrida Simonyte, dirigé par Gabrielius Landsbergis, qui a obtenu 18,32% et 17 élus. L’Aurore de Nemunas (Nemuno ausra), parti populiste de Remigijus Zemaitaitis, a recueilli 15,29% et remporté 14 sièges. Jusqu’alors relativement épargnée par le phénomène, la Lituanie est donc touchée par le populisme.  L’Union des démocrates pour la Lituanie (DSVL), créée par l’ancien Premier ministre (2016-2020) Saulius Skernelis, a pris la 4e place avec 9,42% et 8 élus. Le Mouvement libéral (LRLS), conduit par Viktorija Cmilyte-Nielsen, a obtenu 7,85% et 7 sièges suivi du Parti paysan et vert (LVZS), emmené par Ramunas Karbaukis, 7,16% et 6 députés.
Le résultat de ce dernier parti, moins élevé que celui que lui prédisaient les enquêtes d’opinion, constitue une surprise tout comme l’éviction du Parlement du Parti de la liberté (LP), parti social-libéral dirigé par Austrine Armonaite, qui avec 4,59% des suffrages a échoué à franchir le seuil de 5% des voix nécessaire pour être représenté au Seimas. 

Le 1er tour de l'élection attribue environ la moitié des 141 sièges du parlement puisque 70 députés sont élus au scrutin proportionnel de liste. Les 71 restant sont désignés au système majoritaire à deux tours. 8 candidats ont été élus dès le 1er tour au système majoritaire : 2 sociaux-démocrates et 2 membres de l’Action électorale polonaise-Alliance des familles chrétiennes (LLRA-KSS), 1 membre de l’Union de la patrie-Chrétiens-démocrates, 1 membre de L’Aurore de Nemunas (NA), 1 membre du Mouvement libéral et 1 indépendant.

La participation a été légèrement supérieure à celle enregistrée lors du 1er tour des précédentes élections législatives des 11 et 25 octobre 2020. Plus de la moitié des électeurs se sont rendus aux urnes. La participation s’est élevée à 52,06% (+ 4,51 points). La multiplicité des scrutins (les Lituaniens ont été appelés aux urnes à trois reprises en 2024 : scrutin présidentiel en mai, élections européennes en juin et législatives en octobre) n’a pas entraîné de forte désaffection.

Résultats du 1er tour des élections législatives du 13 octobre 2024 en Lituanie
Participation : 52,06%

Source : https://www.vrk.lt/2024-seimo/rezultatai

« L’époque des conservateurs est derrière nous (…) Je crois qu’une grande partie de la population, en particulier celle qui vit en dehors des villes, veut des changements. Ils souhaitent que l’Etat travaille à améliorer les services publics. Ils veulent que les hommes politiques les entendent, les écoutent avant de prendre des décisions » a déclaré la dirigeante social-démocrate Vilija Blinkeviciute à l’annonce des résultats.  Elle a annoncé qu’elle formerait une coalition gouvernementale avec l’Union des démocrates pour la Lituanie de Saulis Skernelis. En revanche, elle a, pour l’heure, refusé de s’exprimer sur une coopération avec L’Aurore de Nemunas de Remigijus Zemaitaitis mais elle a évoqué une éventuelle participation au gouvernement du Mouvement libéral de Viktorija Cmilyte-Nielsen.

Saulis Skernelis a précisé que son parti et le Parti social-démocrate se soutiendront mutuellement et ne s'affronteront pas lors du 2nd tour du scrutin le 27 octobre prochain. « Nous demanderons à nos électeurs qui ont voté pour notre candidat au 1er tour, de voter, si ce dernier n'est pas qualifié pour le 2e tour, pour le candidat social-démocrate le 27 octobre. Les sociaux-démocrates feront de même pour nos candidats ».
Pour Ieva Petronyte Urbonaviciene, chercheur en science politique de l'Institut des relations internationales et des sciences politiques (VU TSPMI) de l'université de Vilnius, les sociaux-démocrates et l'Union démocratique auront besoin de partenaires politiques pour former une majorité. Le Parti paysan et vert pourrait rejoindre les 2 partis au gouvernement.

Les sociaux-démocrates se sont engagés à freiner l'impact de la hausse des prix sur la vie des Lituaniens, à taxer les produits de luxe et à augmenter les dépenses en faveur des services sociaux notamment dans les secteurs de la santé, de l'éducation et du logement (jusqu’à 36% du PIB), à augmenter l’impôt sur le revenu des plus riches et à réduire les impôts des familles avec enfants, à augmenter les pensions de retraite et à offrir un allègement de la TVA sur les denrées alimentaires.
L’alternance à la tête de l’Etat ne devrait pas entraîner de changement en matière de politique étrangère, les principaux partis politiques étant d’accord sur le soutien à l'Ukraine et le nécessaire renforcement de la défense face aux menaces de la Russie voisine. « Il n'existe pas de véritable politique alternative à celle que la Lituanie a choisi il y a vingt ans (soit l'adhésion du pays à l'Union européenne et à l'OTAN) » a indiqué Linas Kontrimas, directeur du centre de recherche sur la communication politique à la faculté de communication de l'université de Vilnius.

Agée de 64 ans et originaire de Linkuva, ville située au nord du pays, Vilija Blinkeviciute est diplômé en droit de l’université de Vilnius. Elle a élue députée du Seimas à deux reprises (2004 et 2008) et elle œuvré comme ministre de la Sécurité sociale et du Travail entre 2000 et 2008. En 2009, elle est élue au Parlement européen où elle a été réélue depuis lors à chaque scrutin depuis cette date. En 2021, elle a pris les rênes du Parti social-démocrate.

« La principale réussite de L’Aurore de Nemunas a été de consolider l'électorat contestataire » a souligné Ignas Kalpokas, responsable du master en journalisme sur les médias du futur de l’université Vytautas Magnus. Remigijus Zemaitaitis est en effet parvenu à rassembler les suffrages des électeurs mécontents, déçus par la politique en se présentant comme un homme du peuple en lutte contre les élites du pays. L'Aurore de Nemunas se veut un parti de gauche, libéral et chrétien. Remigijus Zemaitaitis l’a fondé en novembre 2023 à la suite de son éviction, au mois de mai précédent, de Liberté et justice, parti libéral dirigé par Arturas Zuokas, en partie pour avoir tenu des propos antisémites. Au début de l’année, la Cour constitutionnelle a d’ailleurs reconnu que le député avait violé à plusieurs reprises son serment de parlementaire et la Constitution par ses propos à teneur antisémite, notamment en niant la réalité de la Shoah. Remigijus Zemaitaitis a évité la destitution en démissionnant du Seimas en avril dernier.

Selon Ainius Lasas, chercheur en science politique de l’université technologique de Kaunas (VTU), à l’issue du 2e tour le 27 octobre, le Parti social-démocrate pourrait remporter 43 sièges, l’Union de la patrie-Chrétiens-démocrates,36 et L’Aurore de Nemunas 22.
La victoire annoncée des sociaux-démocrates est une bonne nouvelle pour le président de la République Gitanas Nauseda dont les relations avec l’Union de la patrie-Chrétiens-démocrates ont été difficiles au cours de la dernière législature et qui n’a jamais caché sa proximité avec l’opposition de gauche.