Analyse
Élections en Europe
Corinne Deloy
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Pour la 7e fois depuis avril 2021 et pour la 2e fois cette année, les Bulgares sont appelés aux urnes pour désigner les 240 membres de l’Assemblée nationale (Narodno sabranie), chambre unique du Parlement.
30 688 personnes se sont inscrites pour voter depuis l’étranger, en premier lieu la Turquie, l’Allemagne et le Royaume-Uni. 720 bureaux de vote seront ouverts hors de Bulgarie pour ce scrutin pour lequel 28 partis et coalitions sont en lice.
Ces élections législatives font suite à l’impossibilité de former un gouvernement stable constatée à l’issue du précédent scrutin le 9 juin dernier et qui a été remporté par Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), de l’ancien Premier ministre (2009-2013, 2014-2017, 2017-2021) Boïko Borissov, avec 23,99% des suffrages (et 68 sièges), devant le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), représentant la minorité turcophone, présidé (à l’époque) par Delyan Peevski et Djevdet Chakarov, qui a obtenu 16,56% des voix et 47 élus. Poursuivons le changement-Bulgarie démocratique (PP-DB), coalition libérale unissant le parti fondé par Kiril Petkov et Asen Vassilev à Bulgarie démocratique, qui rassemble Oui Bulgarie et les Démocrates pour une Bulgarie forte, a recueilli 13,92% des suffrages et a remporté 39 députés et Renaissance (Vazrazhdane, V), parti nationaliste conduit par Kostadin Kostanidov, a obtenu 13,38% des voix et 38 sièges.
Le président de la République Roumen Radev n’a pu que constater l’échec des 3 partis auxquels il a successivement demandé de constituer un gouvernement – le GERB, le DPS et Un tel peuple existe (Ima takuv narod, ITN), parti populiste créé par le chanteur et présentateur de télévision Slavi Trifonov - de remplir leur mission et le chef de l’Etat s’est par conséquent vu contraint à appeler à l’organisation de nouvelles élections. Deux scrutins législatifs organisés en 2021 et celui de 2022 avaient conduit au même résultat.
Seuls 2 des 6 dernières élections (celles du 14 novembre 2021 et celles du 2 avril 2023) ont permis de constituer un gouvernement mais ces 2 coalitions ont échoué après que les responsables réformateurs ont tenté de s'attaquer à la corruption et de mettre fin à la dépendance du pays à l'égard de la Russie en matière d'énergie et de sécurité.
Après les élections du 2 avril 2023, la volonté de mettre fin aux scrutins à répétition, les considérables difficultés économiques du pays ainsi que la concession faite par le dirigeant des Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie, Boïko Borissov, d’accepter le principe d'un mécanisme de contrôle du procureur général Ivan Guechev, accusé depuis plusieurs années d’empêcher la poursuite des enquêtes sur les oligarques soumis à des sanctions internationales, avaient permis la signature d’un accord entre le GERB et PP-DB. Cet accord prévoyait la formation d'un gouvernement de coalition composé d'experts pour une période d'au moins 18 mois, avec une rotation tous les 9 mois entre les membres des 2 partis au poste de Premier ministre et de celui de vice-Premier ministre.
Le 6 juin 2023, Nikolai Denkov (PP) avait été nommé chef d’un gouvernement d’union nationale. Le 5 mars 2024, il avait, comme prévu, démissionné pour permettre à Mariya Gabriel (GERB) de lui succéder. Le 20 mars, n, les 2 partis échouaient à s’accorder sur le contrôle de certains ministères et le gouvernement chutait.
Il est vrai que la coalition était quelque peu contre nature, Poursuivons le changement étant fondée sur son opposition au président bulgare Roumen Radev et à son orientation prorusse et dont l’objectif est de détrôner le GERB de Boïko Borissov.
Selon la dernière enquête d’opinion réalisée par l’institut Market Links, le GERB devrait arriver en tête du scrutin le 27 octobre avec 27,1% des suffrages. Il devancerait la coalition libérale PP-DB qui recueillerait 16,5% des voix et Renaissance (Vazrazhdane, V), qui obtiendrait 15,6%.
Le DPS-Nouveau départ, l’un des 2 partis représentant les turcophones, présidé par Delyan Peevski obtiendrait 9,9% et l’Alliance pour les droits et les libertés, autre parti issu du DPS, emmenée par Dzhevdet Chakarov 7,5%. Le Parti socialiste (BSP), conduit par Atanas Zafirov, prendrait la 6e place avec 6,2%.
2 autres partis approchent du taux de 4% des suffrages exprimés indispensable à un parti pour être représenté au Parlement. Il s’agit d’Un tel peuple existe (3,9%) et de Grandeur (Velichie), parti prorusse fondé par Ivelin Mihailov et présidée par Albena Pekova (3,8%).
53,6% des Bulgares ne pensent pas que ce 7e scrutin permettra de constituer un gouvernement stable d’après un sondage réalisé par l’institut Alpha Research. Par ailleurs, six Bulgares sur dix (61,6%) qualifient la situation actuelle de « très inquiétante ». Le pessimisme progresse dans le pays au fil des mois et des scrutins.
La participation devrait être faible en raison du nombre d’élections que les Bulgares ont connu depuis avril 2021. Lors de ce scrutin, la participation s’était élevée à 40,1%, elle avait chuté à 33,0% le 9 juin dernier où les élections législatives étaient couplées au scrutin européen.
« La bataille électorale continue de faire rage. Elle ne produit pas seulement une irritation dans la population mais elle entraîne un certain nombre de processus destructeurs, le blocage de plusieurs institutions et l’aliénation des citoyens. La solution à la crise est entre les mains des partis politiques et ceux-ci doivent accepter que la base de la création d’une coalition gouvernementale ne doit pas se penser après les élections mais bien avant » a déclaré Roumen Radev.
« Depuis 2001, la tendance est à l'élection de gouvernements de coalition et le parlement est de plus en plus fragmenté, ce qui signifie que les coalitions devraient être de plus en plus larges ou alors que les plus grands partis devraient accepter de gouverner ensemble, comme cela a été le cas dans la précédente Assemblée nationale. Cette tendance à la fragmentation s'accompagne d'une autre caractéristique, à savoir que lors de chaque scrutin législatif, un parti politique fraîchement créé fait son entrée au parlement » a souligné Ivan Nachev, chercheur en science politique de la Nouvelle université.
Pendant ce temps, la Bulgarie connaît une corruption endémique qui menace l’Etat de droit et son économie stagne (le budget ne sera pas voté avant le 27 octobre). « Nous vivons la plus grave crise depuis 1989 » a affirmé Dimitar Ganev, chercheur en science politique à l’université de Sofia.
La Bulgarie devrait être récipiendaire de 5,69 milliards € dans le cadre du plan de relance de l’Union européenne. La Commission européenne n’a toutefois effectué à ce jour qu’un seul versement alors que le pays aurait dû en recevoir 4. Il risque ainsi de perdre une partie des sommes qui lui était destiné. De même, Sofia ne rejoindra pas la zone euro le 1er janvier 2025.
Après les élections législatives du 9 juin dernier, le DPS a connu de nombreuses tensions. Un processus d’exclusion des proches du précédent dirigeant, Ahmed Dogan, a été lancé par des proches de l’un des deux leaders du parti, Delyan Peevski. Ahmed Dogan était opposé à la formation d’un gouvernement conduit par le GERB au contraire de Delyan Peevski qui le soutenait. Au parlement, 30 députés du DPS ont voté en faveur du gouvernement, 15 ont voté contre.
Le 27 août, Delyan Peevski a été démis de ses fonctions de président du parti et 7 députés parmi ses proches en ont été expulsés. Cela a conduit à une scission du DPS : les partisans de Delyan Peevski se sont rassemblés au sein du DPS-Nouveau départ qui s’est uni avec le Parti de la voix bulgare et le Parti des nouveaux dirigeants. Les proches de Ahmed Dogan ont d’abord pris le nom de Démocratie, droits et libertés, puis se sont alliés aux Patriotes unis (SBOR) et à l’Union agraire nationale.
Les deux groupes avaient le même acronyme (DPS) que celui du précédent parti, ce que la Commission électorale n’a pas accepté. La formation de Delyan Peevski a pu conserver son nom tandis que le second parti a finalement choisi de s’appeler l’Alliance pour les droits et les libertés.
Le BSP a exclu sa dirigeante en poste depuis 8 ans, Korneliya Ninova. Elle a été remplacée par Atanas Zafirov. Le BSP s’est allié à 15 autres partis de gauche au sein d’une coalition appelée Gauche unie. Depuis toujours opposé à toute livraison d'armes à l'Ukraine, le BSP maintient sa position. « L’Ukraine est une ligne rouge pour le Parti. Le parti est pour la paix et nous devons rester en dehors de cette guerre » a déclaré l’un des responsables, Borislav Gustanov.
PP-DB a renouvelé son accord de coalition au début du mois de septembre. L’alliance libérale regroupe le parti dirigé par Kiril Petkov à Bulgarie démocratique, qui rassemble Oui Bulgarie de Hristo Ivano et les Démocrates pour une Bulgarie forte conduits par Atanas Atanasov.
Le système politique bulgare
Le Parlement bulgare est monocaméral. L'Assemblée nationale (Narodno sabranie), compte 240 députés, élus tous les 4 ans au sein de 31 circonscriptions électorales plurinominales qui correspondent aux oblasti (départements) du pays. Le mode de scrutin est mixte : 31 députés sont désignés au scrutin majoritaire (selon le système du First past the post) et 209 au scrutin proportionnel (sur des listes fermées). La méthode de Hare-Niemeyer est utilisée pour la distribution des sièges. L'obtention d'un minimum de 4% des suffrages exprimés est indispensable à un parti politique pour être représenté au parlement.
Les personnes souhaitant concourir ont pour obligation d’être âgées d'au moins 21 ans. Les partis doivent, pour présenter des candidats, recueillir les signatures d'au moins 15 000 électeurs et ils sont dans l'obligation de déposer aux autorités électorales la somme de 10 000 lev (5 113 €) qui leur seront remboursés s’ils recueillent un minimum de 1% des suffrages exprimés. Les candidats indépendants doivent être soutenus par un minimum de 10 000 électeurs issus de la circonscription électorale dans laquelle ils se présentent.
Depuis 2016, les Bulgares ont également la possibilité, au scrutin législatif comme à l'élection présidentielle, de glisser dans l'urne un bulletin mentionnant expressément « Je ne soutiens aucun des candidats ».
6 partis politiques et 1 coalition sont représentés dans l'actuel parlement :
- Les Citoyens pour le développement européen de la Bulgarie (GERB), créé en 2006 par l'ancien Premier ministre (2009-2013, 2014-2017, 2017-2021) Boïko Borissov, compte 68 élus ;
- Le Mouvement pour les droits et les libertés (DPS), représentant la minorité turcophone, fondé en 1989 et présidé (à l’époque) par Delyan Peevski et Djevdet Chakarov, possède 47 sièges ;
- Poursuivons le changement-Bulgarie démocratique (PP-DB), coalition libérale unissant le parti dirigé par Kiril Petkov à Bulgarie démocratique, qui rassemble Oui Bulgarie, les Démocrates pour une Bulgarie forte et qui est dirigée par Hristo Ivano. Elle compte 39 députés ;
- Renaissance (Vazrazhdane, V), parti nationaliste, fondé en 2014 et conduit par Kostadin Kostanidov, possède 38 sièges ;
- Le Parti socialiste (BSP), conduit par Atanas Zafirov, possède 19 sièges ;
- Un tel peuple existe (Ima takuv narod, ITN), parti populiste créé par le chanteur et présentateur de télévision Slavi Trifonov, compte 16 députés ;
- Grandeur (Velichie), parti prorusse fondé par Ivelin Mihailov et présidé par Albena Pekova, possède 13 sièges.
Les Bulgares élisent également leur président de la République au suffrage universel direct. Le 21 novembre 2021, Roumen Radev, soutenu par le BSP, Poursuivons le changement, Un tel peuple existe et Lève-toi Bulgarie ! Nous arrivons ! (Izpravi se BG! Nie idvame!), a été élu pour un 2nd mandat au 2e tour avec 66,72% des suffrages. Il a devancé Anastas Guerdjikov, appuyé par le GERB et l'Union des forces démocratiques (ODS), qui a recueilli 31,80% des voix. La participation s'est élevée à 33,55%.
Rappel des résultats des élections législatives du 9 juin 2024 en Bulgarie
Participation : 33,40%
Source : https://results.cik.bg/europe2024/rezultati/index.html
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