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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Près de 3,5 millions d'Irlandais sont appelés aux urnes le 24 mai prochain pour renouveler les 165 membres du Dail Eireann, Chambre basse du Parlement (l'Oireachtas).
466 candidats sont en lice pour ce scrutin dont 106 pour le Fianna Fail (FF), formation du Taoiseach (Premier ministre) Bertie Ahern, 91 pour le Fine Gael (FG), principal formation d'opposition dirigée par Enda Kenny, 50 pour le Parti travailliste (Lab) de Pat Rabbitte, 43 pour le Parti démocrate progressiste (PD) dirigé par l'actuel ministre de la Justice, Michael McDowell, 30 pour le Parti vert (GP) de Trevor Sargent et 40 pour le Sinn Fein (SF), dirigé par Gerry Adams.
106 candidats se présentent sous diverses autres étiquettes, telles que celles du Parti des travailleurs (WP), du Parti chrétien solidaire (CSP) ou du Parti socialiste (SP) ou bien encore comme indépendants. Les circonscriptions de Laois-Offaly et Dublin centre-Sud sont celles ayant attiré le nombre le plus élevé de candidats.
19 députés sortants ne se représentent pas dont l'ancien joueur international de rugby, Jim Glennon (FF), élu de Dublin Nord en 2002, ou encore Seamus Pattison (Lab) de Carlow-Kilkenny, âgé de 71 ans et qui siège au Dail Eireann depuis 46 ans. Le Parti vert espère d'ailleurs remporter la circonscription de Carlow-Kilkenny, le succès de leur candidate Mary White représenterait leur première victoire dans une circonscription rurale.
Au total, la campagne électorale devrait coûter à l'Etat 5 millions d'euro. Le Fianna Fail a prévu de dépenser 3,8 millions d'euro, le Fine Gael, 3,4 millions, le Parti travailliste, 1,8 million, le Parti démocrate progressiste, 1,1 million et le Parti vert, 1,5 million. Le Sinn Fein n'a pas publié ses estimations de comptes de campagne, mais a fixé à 1,5 million d'euro a limite de ses dépenses. Le gouvernement a décidé d'augmenter de 20% les dépenses des candidats aux élections législatives. Celles-ci sont donc désormais limitées à 30 150 euro par candidat pour une circonscription de 3 sièges, 37 650 pour celles en comprenant 4 et 45 200 pour les circonscriptions de 5 sièges.
Le choix du jeudi comme jour de vote fait toujours polémique, les formations de l'opposition mettant en avant le fait que les 70 000 étudiants du pays, en période d'examens à ce moment de l'année, auraient des difficultés pour se rendre dans leur circonscription. « L'Irlande possède le plus grand nombre de jeunes dans l'Union européenne, 37% de notre population a moins de 25 ans, contre 25% dans le reste de l'UE» a ainsi déclaré Jonathan Hoare, directeur des élections au Fine Gael ajoutant « ce pays compte 650 000 jeunes âgés de 19 à 28 ans et nous devons nous assurer que chacun d'entre eux est encouragé à voter et qu'on lui offre l'opportunité de se rendre aux urnes ».
En recul constant dans les enquêtes d'opinion depuis plusieurs mois, le Fianna Fail mise sur la crainte des Irlandais de voir revenir la récession des années 80 en cas de victoire des forces de l'opposition aux élections législatives du 24 mai prochain. « A chaque fois qu'ils (les partis de l'opposition) ont été au pouvoir, le chômage et les prix de l'immobilier ont augmenté. Quand j'ai pris mes fonctions, le chômage touchait 11% de la population active et le pays était en récession. Je n'ai certes pas résolu tous les problèmes mais j'ai néanmoins relevé le pays » répète le Premier ministre Bertie Ahern qui peut effectivement s'enorgueillir d'un bon bilan économique : 6% de croissance du PIB en 2006, soit le taux le plus élevé depuis quatre ans, et un taux de chômage de 4,3%. L'économie irlandaise est la plus dynamique de la zone euro.
Le ministre des Finances, Brian Cowen (FF), a mis en garde les Irlandais contre le retour au pouvoir du Fine Gael et de son allié, le Parti travailliste. Il a rappelé que son parti avait créé un demi million d'emplois durant les 10 dernières années et affirmé qu'il continuerait sur cette voie. Le Fianna Fail a, en effet, promis la création de 250 000 nouveaux emplois en cas de victoire et une hausse des investissements dans la recherche et le développement qui devraient bénéficier aux secteurs de la santé, de l'environnement et de la pêche. « Depuis que l'Irlande a réduit son impôt sur les sociétés à 12,5%, nous avons vu la création d'un demi million d'emplois dans le pays parmi lesquels un sur quatre a été créé par des investissements irlandais » a affirmé Brian Cowen. Le ministre des Entreprises et de l'Emploi, Micheal Martin (FF), a critiqué le leader du Fine Gael, Edna Kenny qui n'a pas mentionné l'emploi une seule fois dans son discours lors du congrès de son parti les 31 mars et 1er avril derniers lorsqu'il a proposé son « Contrat pour une meilleure Irlande ».
Bertie Ahern a également promis qu'il augmenterait les investissements dans les régions frontalières avec l'Irlande du Nord, promouvrait l'économie de l'Irlande toute entière et s'attaquerait au « fléau du sectarisme ».
Comme il l'avait promis le 11 mai dernier, le Premier ministre s'est, de nouveau, exprimé sur les 30 000 livres qu'il est accusé d'avoir reçues en liquide de Michael Wall, homme d'affaires basé au Royaume-Uni, alors qu'il était ministre des Finances et trésorier du Fianna Fail, et sur l'achat de sa résidence dublinoise à cette même personne. Invité à s'expliquer le 3 octobre 2006 devant le Dail Eireann sur plusieurs versements d'argent qui lui auraient été faits dans les années 90, Bertie Ahern avait omis de signaler les 8 000 livres (11 800 euro) offertes par Michael Wall lors d'un dîner d'affaires à Manchester en 1994 comme l'achat de sa maison. Le 11 mai, le Taoiseach a publiquement nié avoir reçu cette somme d'argent. Si, selon les enquêtes d'opinion, les électeurs se montrent plus intéressés par l'avenir du système de santé, l'éducation ou les problèmes de logement que par l'argent reçu par leur Premier ministre, il reste que, dans un sondage réalisé par l'institut TNS Mrbi et publié le 11 mai par le quotidien The Irish Times, près de la moitié des personnes interrogées considèrent que ces affaires constituent un enjeu important des élections législatives du 24 mai prochain.
Enda Kenny, leader de la principale force d'opposition, Fine Gael, se dit confiant dans la victoire de sa formation le 24 mai prochain. Celle-ci, alliée au Parti travailliste pour ce scrutin, remportera un nombre de suffrages suffisant pour gouverner l'Irlande durant les 5 prochaines années, même si l'appui du Parti vert pourrait s'avérer nécessaire pour ce faire. « La coalition gouvernementale Fianna Fail-Parti démocrate progressiste est fatiguée et vit sur les réalisations de son premier mandat » a déclaré Enda Kenny qui a ajouté « Je pense que l'homme qui occupe actuellement la fonction de Taoiseach a réalisé le plus gros de son travail durant son premier mandat. Aujourd'hui, la fin est proche ». Le Fine Gael, dont le programme est centré sur 14 engagements prioritaires comme la baisse des impôts pour les ménages ne disposant que d'un seul revenu, l'ouverture de 2 300 nouveaux lits d'hôpital, la création de 2 000 emplois de gardiens de prison ou encore une baisse des taxes immobilières, a admis qu'il pourrait revoir à la baisse certains de ses engagements dans le cas où la croissance économique ne serait pas aussi forte qu'elle l'est actuellement.
Les deux principales formations politiques s'accordent au moins sur un point : leur refus de gouverner avec le Sinn Fein. Le Fianna Fail et le Fine Gael ont affirmé leur refus d'ouvrir la coalition gouvernementale à la formation nationaliste. Le ministre des Communications Noel Dempsey (FF) a déclaré que sa formation préférerait rejoindre les rangs de l'opposition plutôt que de gouverner avec le Sinn Fein. Le Parti démocrate progressiste partage cette opinion. « Un vote en faveur du Sinn Fein est un vote contre la prospérité » a indiqué son leader Michael McDowell qui a ajouté à l'intention des électeurs « Vous devez vous demander ce que Gerry Adams vous offre : rien, sinon la perte de votre emploi ». De même, le porte-parole pour les affaires environnementales du Parti travailliste, Eamon Gilmore, a récemment déclaré : « Dans aucune circonstance, le Parti travailliste n'entrera dans un gouvernement avec le Sinn Fein. Nous discernons mal les politiques économiques que ce parti préconise et en écoutant Gerry Adams ces derniers jours, je ne suis même pas certain qu'il le sache lui-même ».
La formation nationaliste a enregistré une hausse dans les enquêtes d'opinion, notamment à la suite de son succès en Irlande du Nord. Le 8 mai dernier, la formation nationaliste catholique partisane d'une Irlande unie est, en effet, entrée au gouvernement de Belfast où elle siège avec le Parti démocratique d'Ulster (DUP), fidèle à la couronne britannique. « Nous sommes au gouvernement dans le Nord, nous voulons désormais gouverner aussi au Sud » a déclaré son leader, Gerry Adams, le 3 mai dernier. Rappelant que le Sinn Fein est « le parti de toute l'Irlande », il a affirmé que dans le cas où il parviendrait au gouvernement, son parti travaillerait à l'unification de l'île.
Le 17 mai dernier, Bertie Ahern et Enda Kenny se sont retrouvés pour un débat télévisé animé par Miriam O'Callaghan sur RTE. Les deux hommes se sont affrontés durement sur le système de santé, les questions d'insécurité et sur l'état de l'économie irlandaise. Le Taoiseach a répété qu'il avait transformé l'économie irlandaise ces 10 dernières années en mettant 600 000 personnes au travail. « Nous avons construit une nation plus prospère, plus en paix et plus confiante que jamais. Je sais que vos vies et l'avenir du pays sont plus importants que ma carrière politique » a t-il déclaré. Enda Kenny a rejeté les propos selon lesquels il serait inexpérimenté pour exercer les fonctions de Chef du gouvernement. Le leader de l'opposition a refusé de se laisser entraîner sur le terrain de l'affaire des 8 000 livres qu'aurait reçues le Premier ministre. « Ce n'est pas à moi de juger quiconque. Je ne mets pas en doute l'intégrité de Bertie Ahern » a t-il indiqué. A l'issue de cette rencontre, les deux camps ont affirmé en être sorti vainqueur.
Le 16 mai, un autre débat, animé par Mark Little, avait réuni sur RTE Michael McDowell, Trevor Sargent, Pat Rabbitte et Gerry Adams. Le leader du Parti démocrate-progressiste a mis plusieurs fois celui du Sinn Fein en difficulté, par exemple, en ironisant sur la soi-disant modestie de son train de vie. Gerry Adams a montré sa méconnaissance des dossiers économiques, accusant notamment le leader du Parti travailliste de vouloir privatiser le système de santé. Pat Rabbitte a su mettre en avant sa volonté de protéger les citoyens les plus pauvres qui sont les plus durement affectés par les problème d'insécurité. En revanche, le leader du Parti vert n'a pas su trouver le moyen de mettre en avant les thèmes environnementaux.
Selon la dernière enquête d'opinion réalisée par l'institut Milliard Brown/IMS et publiée par le Irish Independent le 15 mai dernier, l'avenir du système de santé reste l'enjeu numéro un des élections législatives du 24 mai prochain pour la majorité des électeurs (43% des personnes interrogées, contre 36% en avril). 40% des interviewés font confiance à un gouvernement Fine Gael-Parti travailliste pour améliorer les services de santé, contre 37% qui lui préfèrent une coalition Fianna Fail-Parti démocrate-progressiste. Les infirmières sont actuellement, et depuis plusieurs mois, au cœur de l'actualité sociale. Le 1er mars dernier, 40 000 d'entre elles étaient dans la rue pour demander une hausse de 10% de leurs salaires, la semaine de 35 heures et de meilleures conditions de travail. Les infirmières ont encore cessé le travail durant trois heures le 16 mai dernier. Selon la ministre de la Santé, Mary Harney (PD), les 35 heures de travail hebdomadaire sont une demande irrecevable, le gouvernement ne disposant pas des moyens financiers nécessaires à l'embauche de nouvelles infirmières. Elle a proposé de leur accorder de plus grandes responsabilités dans l'exercice de leur profession. Une solution semble cependant se dessiner dans ce conflit où les syndicats pourraient accepter la semaine de 37,5 heures d'ici à juin 2008.
Avec 18% de citations, soit loin derrière l'avenir du système de santé, la sécurité est le deuxième sujet mentionné dans l'enquête publiée par le Irish Independent,.
La dernière enquête d'opinion, réalisée par l'institut Milliard Brown/IMS et publiée le 15 mai dernier, crédite le Fianna Fail du Premier ministre Bertie Ahern de 35% des intentions de vote. Le Fine Gael recueillerait 26% des suffrages et son allié, le Parti travailliste, 13%. Le Sinn Fein arriverait en 4e position avec 10% des voix, suivi du Parti vert (5%) et du Parti démocrate-progressiste avec 3%. Enfin, les candidats indépendants recueilleraient 8% des suffrages. La coalition gouvernementale actuelle (Fianna Fail-Parti démocrate-progressiste) serait donc battue d'un point par celle du Fine Gael et du Parti travailliste, 39% contre 38%. Cependant si le Parti vert rejoignait les forces de l'opposition, les trois formations Fine Gael, Parti travailliste et Parti vert, obtiendraient 44% des voix.
Durant ces derniers jours de campagne, on constate une montée du Parti travailliste. Son leader, Pat Rabbitte, prévoit l'élection de 12 à 13 députés supplémentaires par rapport à 2002. Il a également, le 17 mai dernier, déclaré clairement que sa formation n'entrerait pas dans un gouvernement dirigé par le Fianna Fail. Le Parti vert, qui comptait doubler son nombre de sièges au Dail Eireann, devrait avoir du mal à remplir son objectif. La formation écologiste compte 6 députés. Les Verts refusent toujours d'envisager toute coalition gouvernementale avant le résultat des élections législatives du 24 mai prochain. L'attention portée aux problèmes climatiques, la lutte contre la corruption et un investissement massif dans l'éducation sont les trois priorités que Trevor Sargent veut voir reconnues pour que sa formation accepte d'entrer dans un gouvernement. Enfin, avec 3% d'intentions de vote, le Parti démocrate-progressiste n'a plus un seul siège d'assuré (la formation compte 8 députés).
Le Fianna Fail est parvenu à donner un coup d'arrêt à son recul dans les sondages et le Premier ministre Bertie Ahern continue de recueillir un taux élevé d'opinions positives sur son action gouvernementale. Cependant, les intentions de vote de son partenaire démocrate-progressiste restent très faibles et les deux formations de l'actuelle coalition gouvernementale totalisent, à la veille du scrutin, un pourcentage des suffrages plus bas qu'il y a cinq ans. Les électeurs expriment un désir de changement qui devrait in fine être favorable au Fine Gael. Cependant, à une semaine des élections législatives, rien n'est fait et les Irlandais pourraient finalement refuser de faire le saut par crainte de l'avenir ou à cause du peu de différences existant entre les différentes formations politiques.
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