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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
Le Premier ministre (Taoiseach en gaélique), Bertie Ahern (Fianna Fail, FF), a demandé le 29 avril dernier à la Présidente de la République, Mary MacAleese, de dissoudre le Parlement et de convoquer des élections législatives pour le 24 mai prochain. « Une fois encore, le moment est venu pour le peuple de décider de l'avenir de l'Irlande. Dans les semaines à venir, je m'engage à donner aux Irlandais la campagne qu'ils méritent, une campagne de thèmes et de politiques et non d'insultes et d'attaques. Ces élections législatives concernent la préservation des progrès réalisés au cours des dix dernières années et de leur consolidation » a-t-il déclaré.
En Irlande, il revient au Premier ministre de décider durant son mandat de la date à laquelle il souhaite convoquer les électeurs devant les urnes. Une législature ne peut toutefois excéder une durée de 5 ans, le Taoiseach pouvant demander à tout moment au Président de la République de dissoudre les deux Chambres du Parlement. Les élections doivent obligatoirement se dérouler dans les 30 jours suivant la dissolution du Parlement.
La date des prochaines élections législatives a été au cœur de nombreuses discussions durant ces dernières semaines. Certains reprochaient à Bertie Ahern de ne pas avoir convoqué les électeurs plus tôt, d'autres considéraient que le Taoiseach avait intérêt à laisser les forces de l'opposition occuper le devant de la scène politique et afficher leurs désaccords. Par ailleurs, le choix du jeudi comme jour d'élection a suscité une polémique, de nombreuses personnes, dont notamment le leader du Parti vert (GP) Trevor Sargent, arguant du fait que cela empêchait les étudiants (qui sont 70 000 dans le pays), dont beaucoup vivent loin de leur circonscription, de remplir leur devoir citoyen.
Le système politique irlandais
L'Oireachtas (le Parlement) est bicaméral. Il comprend le Dail Eireann (la Chambre des représentants) qui compte 166 membres élus pour 5 ans maximum au sein de 43 circonscriptions. Les députés sont désignés au scrutin proportionnel selon le système du vote unique transférable. L'électeur désigne, parmi une liste de candidats, celui ou ceux pour lesquels il souhaite voter par ordre de préférence. Il inscrit le chiffre 1 devant le candidat qui a sa première préférence puis, s'il le souhaite, 2, 3, 4, etc. devant les noms des autres candidats de la liste. La première opération du dépouillement est le calcul du quotient électoral, c'est-à-dire du nombre de voix minimum que doit obtenir un candidat pour être élu. Ce quotient correspond à l'ensemble des voix exprimées divisé par le nombre de sièges à pourvoir (trois, quatre ou cinq selon les circonscriptions) augmenté d'une unité. Tout candidat recueillant ce nombre de voix est élu. Les voix excédentaires qu'il obtient sont alors réparties entre les candidats ayant été retenus en deuxième préférence.
Les Irlandais sont très attachés à ce système de vote complexe qu'ils partagent avec deux autres pays (Malte et l'Australie) au point de refuser par deux fois qu'il soit modifié. Le vote unique transférable ayant été inscrit dans la Constitution irlandaise en 1937, sa modification ou son abandon ne peuvent être envisagés que par référendum. D'une courte majorité en 1959 puis plus largement neuf ans plus tard, les Irlandais ont choisi de ne rien changer à leur façon d'élire leurs représentants. Ces deux référendums, organisés à l'initiative du Fianna Fail alors au pouvoir, proposaient aux Irlandais d'adopter le système majoritaire comme au Royaume-Uni. Permettant une représentation fidèle des formations politiques, le système de vote unique transférable est cependant parfois critiqué pour la forte concurrence qu'il engendrerait entre les candidats d'un même parti. Ainsi, les députés se plaignent parfois que ce mode de scrutin les oblige à consacrer beaucoup de temps aux demandes individuelles et particulières de leurs concitoyens et les empêche de se concentrer sur les questions politiques nationales.
Le gouvernement peut comprendre jusqu'à 15 membres. Deux d'entre eux peuvent être membres du Seanad Eireann (Chambre haute du Parlement), tous les autres doivent obligatoirement membres du Dail Eireann.
Sept formations politiques sont actuellement représentées au Dail Eireann :
- le Fianna Fail (FF) (Soldats de la destinée en gaélique) est la formation du Premier ministre Bertie Ahern. Le parti de centre-gauche, dominant la vie politique depuis 1932 et qui a gouverné 55 des 74 dernières années, compte 80 députés ;
- le Fine Gael (FG) (Clan des Gaels en gaélique) est le principal parti d'opposition situé au centre-droit de l'échiquier politique. Dirigé par Enda Kenny depuis le départ de Michael Noonan, il possède 31 députés;
- le Parti travailliste (Lab) est une formation de gauche que son leader, Pat Rabbitte, a recentré ces derniers mois non sans s'attirer l'opposition de nombre de ses membres. Le Parti travailliste a même signé avec le Fine Gael une plateforme commune en vue des élections législatives. La formation compte 21 députés ;
- Le Parti démocrate progressiste (PD) est un parti centriste créé en 1985 par des membres du Fianna Fail opposés au leadership de Charles Haughey. Partenaire du Fianna Fail au sein de l'actuelle coalition gouvernementale et dirigé par l'actuel ministre de la Justice, Michael McDowell, il possède 8 députés ;
- Le Parti vert (GP), formation écologiste dirigée par Trevor Sargent, compte 6 députés ;
- Le Sinn Fein (SF) (Nous-mêmes en gaélique) est une formation républicaine et nationaliste qui a la particularité d'exister (et de participer aux élections) dans deux Etats de l'Union européenne : l'Irlande et le Royaume-Uni. Dirigé par Gerry Adams, le Sinn Fein possède 5 députés.
- Le Parti socialiste (SP), parti trotskiste d'extrême gauche, compte 1 député.
Le Seanad Eireann (Chambre haute du Parlement) possède 60 membres.
43 sont élus au scrutin proportionnel selon le système du vote unique, par cinq grands corps, constitués de parlementaires (les sénateurs sortants et les députés nouvellement élus) et d'élus locaux (conseillers de comtés et conseillers des villes des comtés) représentant divers secteurs de la société (la Culture et l'Education, l'Agriculture, le Travail, l'Industrie et le Commerce et enfin l'Administration publique).
11 sont nommés par le Premier ministre et 6 par les diplômés (tout citoyen de plus de 18 ans inscrit sur les listes électorales et ayant obtenu un diplôme de troisième année) de l'université nationale d'Irlande ou de l'université de Dublin (Trinity College).
Le Seanad Eireann est élu traditionnellement au plus tard 90 jours après le Dail Eireann.
Le Chef de l'Etat, qui n'a qu'un pouvoir de représentation, est élu au suffrage universel pour un mandat de 7 ans qui ne peut être renouvelé qu'une fois. L'actuelle Présidente de la République, Mary McAleese, en fonction depuis le 30 octobre 1997 et seule candidate à la tête de l'Etat lors de la clôture des nominations pour la dernière élection présidentielle, a été réélue, sans avoir à passer par les urnes, le 1er octobre 2004.
La population irlandaise a connu une forte croissance ces dernières années et s'élève à 4,2 millions d'habitants. Cependant, cette augmentation n'a pas été uniforme sur l'ensemble du territoire, alors que la Constitution stipule qu'un élu doit représenter le même nombre d'électeurs dans chaque circonscription, la loi électorale et la jurisprudence acceptant une variation de 8% entre les circonscriptions. Actuellement, la différence est plus importante : ainsi, la circonscription de Dun Laoghaire compte un élu pour 22 787 électeurs et celle de Dublin-Ouest un élu pour 30 933, la moyenne étant de 25 512 électeurs. Les circonscriptions de Dublin, Meath et Kildare devraient voir leur nombre d'élus augmenter contrairement à celles de Cork, Donegal et Kerry qui devraient le voir diminuer.
Dix ans de gouvernement de Bertie Ahern
Bertie Ahern est un modèle de longévité à la tête de l'Irlande. Alors qu'aucun gouvernement sortant n'avait réussi, entre 1973 et 1997, à se maintenir au pouvoir, le leader du Fianna Fail, devenu Premier ministre après les élections législatives du 6 juin 1997 (son gouvernement était alors le premier depuis la Deuxième Guerre mondiale à terminer son mandat de cinq ans) et réélu à ce poste après le scrutin du 17 mai 2002, est, après dix années à la tête de l'Etat, de nouveau candidat à sa propre succession. A ce jour, le record de longévité est détenu par Eamon de Valera, considéré comme le père de l'Irlande libre, qui a gouverné de 1932 à 1948. Bertie Ahern a toujours affirmé qu'il souhaitait rester politiquement actif jusqu'à l'âge de 60 ans (il les aura le 11 septembre 2012).
Lors des élections législatives du 17 mai 2002, les forces de l'opposition n'étaient pas parvenues à se présenter comme une véritable alternative. L'unique enjeu du scrutin était de savoir si le Fianna Fail aurait les moyens de gouverner seul, sinon avec quels partenaires ? Cinq ans plus tard, les choses ont changé et l'opposition a gagné en crédibilité. Le 24 mai prochain, deux projets de société se feront face et le discours de Bertie Ahern, selon lequel un changement de gouvernement mettrait en danger la réussite économique de l'Irlande, risque de ne pas suffire à lui assurer un nouveau succès électoral. Depuis plusieurs mois, la hausse continue du Fianna Fail dans les enquêtes d'opinion à laquelle répondait le recul du Fine Gael semble marquer le pas et si Bertie Ahern continue à mener la course en tête devant Enda Kenny, sa légendaire invincibilité paraît quelque peu écornée. En dépit de sa forte popularité, le Premier ministre semble plus vulnérable qu'il ne l'a jamais été. Ainsi, selon une enquête d'opinion réalisée les 23 et 24 avril derniers par l'institut TNS/MRBI et publiée le 27 avril par le quotidien The Irish Times, le Fianna Fail est en recul de trois points par rapport au mois de février (34%), tandis que le Fine Gael a enregistré une hausse de cinq points (31%).
Le Premier ministre peut afficher un bilan économique particulièrement positif. Avec 6% de croissance du PIB en 2006, soit le taux le plus élevé depuis quatre ans, l'économie irlandaise est désormais la plus dynamique de la zone euro. La croissance est tirée par la consommation des ménages (+6,2%), les investissements (+3,9%) et le secteur de la construction immobilière. Elle est également soutenue par le recours à l'immigration. Les étrangers représentent 10% de la population active. En 2004, l'Irlande a, comme le Royaume-Uni, immédiatement ouvert son marché du travail aux ressortissants des huit Etats membres entrés dans l'Union européenne le 1er mai, accueillant depuis plus de 300 000 travailleurs. L'Irlande possède dorénavant le 2e PNB par habitant en Europe (+40% par rapport à la moyenne de l'Union) après le Luxembourg. Le pays compte aussi la plus importante proportion d'entrepreneurs de l'UE. Enfin, le taux de chômage, qui touchait 18% de la population active il y a vingt ans, s'élève à 4,3% de la population active, soit le taux le plus faible de l'UE.
Quelques points noirs persistent néanmoins : l'inflation, en hausse, qui s'établit à 4,5% (la baisse du pouvoir d'achat constitue d'ailleurs, selon les enquêtes d'opinion, la première préoccupation des Irlandais à la veille de ces élections législatives), la vétusté des infrastructures, notamment de transports, qui auraient grandement besoin d'être rénovées ou développées, et le niveau très élevé des prix de l'immobilier. Les forces de l'opposition reprochent principalement au Premier ministre de ne pas avoir utilisé la prospérité de l'Irlande pour améliorer les services publics.
Bertie Ahern peut également s'enorgueillir de son rôle dans l'évolution positive du processus de paix en Irlande du Nord : il a activement participé à l'élaboration de l'accord de paix, dit du Vendredi saint, signé le 10 avril 1998 entre les partis nationaliste catholique et unioniste protestant d'Irlande du Nord et ratifié par référendum le 23 mai 1998 par 71% des habitants du nord de l'île et 85% des Irlandais. Cet accord avait provisoirement mis un terme à trois décennies de violence entre les deux communautés, protestante et catholique, d'Irlande du Nord et permis, en 1999, la formation d'un gouvernement rassemblant les unionistes protestants, fidèles à la couronne britannique, et les nationalistes catholiques, partisans d'une Irlande unie. Cet accord avait été mis à mal par les élections régionales du 26 novembre 2003 en Irlande du Nord, mais un nouveau gouvernement, issu des élections du 7 mars dernier, entrera en fonction à Belfast le 8 mai prochain. Pour célébrer l'accord intervenu entre les deux communautés du Nord, Bertie Ahern est invité par son homologue britannique, Tony Blair, le 15 mai prochain à Londres. Pour la première fois dans l'histoire, un Premier ministre irlandais fera un discours dans les deux Chambres du Parlement britannique, la Chambre des Communes et la Chambre des Lords. De nombreux responsables politiques ont demandé à Tony Blair de repousser son invitation en raison de la campagne électorale.
Enfin, Bertie Ahern, surnommé « Teflon Taoiseach » en raison de sa capacité de résistance, pourrait bien se ressentir des accusations dont il a fait l'objet lorsque David McKenna, journaliste au Irish Times, a publié, le 21 septembre 2006, un article dans lequel il révélait que le Premier ministre avait reçu entre 50 000 et 100 000 euro lorsqu'il était ministre des Finances et trésorier du Fianna Fail. Ces faits ont été mis à jour, alors que le tribunal Mahon enquêtait sur les relations entre Bertie Ahern et Owen O'Callaghan, responsable de la construction d'un centre commercial Liffe Valley (également appelé Quarryvale) à l'ouest de Dublin. Après avoir déclaré qu'il n'avait pas sollicité cet argent qui lui avait été « offert » par des amis, le Premier ministre a finalement admis avoir reçu 39 000 livres irlandaises (50 000 euro) en deux paiements en 1993 et 1994 et 8 000 livres (11 800 euro) lors d'un dîner d'affaires à Manchester en 1994. Si les sommes ne représentent pas en soi des montants très élevés, il reste que Bertie Ahern a construit toute sa carrière politique sur sa probité, en prenant notamment ses distances avec les précédents scandales de corruption qui avaient affecté ses prédécesseurs dont l'ancien Premier ministre (1979-1981, 1982 et 1987-1992) et leader du Fianna Fail, Charles Haughey. Le 3 octobre 2006, Bertie Ahern a fait une allocution devant le Dail Eireann au cours de laquelle il a reconnu les faits et s'en est excusé. « La confusion qu'ont causée au public de récentes révélations a été très douloureuse pour moi et pour mes proches. A ces derniers comme au peuple irlandais et à cette maison dans laquelle je me trouve, j'adresse mes excuses » a-t-il déclaré. Le 5 octobre, on apprenait que le Premier ministre avait acheté sa maison de Dublin à Michael Wall, homme d'affaires présent au dîner au cours duquel Bertie Ahern s'était vu « offert » 11 800 euro. Une enquête d'opinion, publiée en avril dernier, révélait que près d'une moitié d'Irlandais estimait que le Premier ministre n'avait pas encore fait toute la lumière sur les faits qui lui sont reprochés.
Les enjeux des élections législatives et la campagne électorale
La poursuite des réductions d'impôts et le développement des services publics constituent les deux thèmes mis en avant par l'ensemble des formations politiques sans exception.
Les 24 et 25 mars derniers, le Fianna Fail a tenu son congrès à Dublin. 5 000 délégués étaient réunis pour écouter le discours programmatique de leur leader qui s'est engagé à réduire encore les impôts de 4,2 milliards d'euro et à investir dans les services publics. Le Fianna Fail souhaite réduire de deux points (de 20% à 18%) le taux standard d'imposition et d'un point (de 41% à 40%) le taux marginal. Parmi les mesures concrètes annoncées par Bertie Ahern figurent la création de 4000 postes d'instituteurs (évaluée à 220 millions d'euro), de 2000 postes de gardiens de prison (240 millions d'euro) et de 2000 consultants hospitaliers (320 millions d'euro). De même, il s'est engagé à investir 300 millions d'euros dans les hôpitaux publics. Enfin, 1,6 milliard d'euro sera affecté à la hausse des retraites afin que celles-ci atteignent au minimum 300 euro par semaine.
Le Fianna Fail a répété qu'il ne souhaitait pas s'engager dans une compétition de promesses électorales avec les forces de l'opposition, préférant s'appuyer sur son bilan et convaincre les Irlandais qu'il saura continuer à assurer la prospérité du pays dans les 5 ans à venir. Mettant en garde contre le sacrifice de la réussite économique sur l'autel de l'opportunisme politique à travers des promesses électorales qui consistent à promettre d'augmenter les dépenses publiques, de baisser les impôts et, en même temps, de dégager des bénéfices budgétaires, Bertie Ahern se pose en Père de la nation et s'oppose à ce qu'il nomme « la politique d'enchères ». « Nous voulons que l'économie irlandaise que nous avons bâtie fonctionne pour et avec les Irlandais pour de nombreuses années et la soutenir pour que le chômage reste bas. Nous faisons attention à ce que nous proposons et nous en évaluons le coût très précisément. Personne ne peut rien faire dans le domaine de la santé ou de l'éducation ou encore ne peut baisser les impôts s'il ne parvient pas à garder une économie forte » a-t-il déclaré. Cette position n'est pas toujours aisée à tenir au moment où les formations de l'opposition rivalisent de promesses électorales.
Le Fianna Fail présentera son programme électoral le 3 mai prochain.
Les 31 mars et 1er avril, le Fine Gael a tenu à son tour son congrès qualifié d'américain et même de « clintonien », Enda Kenny ayant choisi de mettre sa famille en avant et de faire monter son épouse, Fionnuala - une ancienne attaché de presse du Fianna Fail et chef du service d'information du gouvernement - sur la scène à la fin de son discours. Le leader du Fine Gael a également parlé de ses trois enfants, faisant apparaître Bertie Ahern comme un grand-père, tandis qu'il se donnait l'image d'un père de famille actif. Enda Kenny a évoqué toutes les générations de sa famille, évoquant son père, également député, et son grand-père James McGinley, ancien gardien de phare.
Le leader de l'opposition a dénoncé l'action du gouvernement. « Ils ont promis de mettre fin aux listes d'attente dans les hôpitaux dès 2004. Ils ont échoué. Ils ont promis d'investir dans les services publics. Ils ont échoué. Ils ont promis que les criminels emprisonnés seraient mieux gardés mais 3000 prisonniers ont obtenu une remise de peine l'année passée. Ils avaient pris l'engagement de faire baisser le nombre d'élèves par classe. Ils ont échoué » a t-il affirmé. « Nous sommes un grand pays. Mais nous pouvons faire beaucoup mieux. Nous pouvons être beaucoup mieux. Et nous attendons depuis si longtemps que nous ne pouvons plus attendre. Nous avons attendu des lits d'hôpital, des trolleys, des opérations chirurgicales, des places d'école, des gardiens de prison, une maison, nous avons attendu au milieu des embouteillages » a-t-il ajouté.
« Redéployer la politique fiscale en faveur des familles sera notre priorité » a affirmé Enda Kenny pour qui « la famille reste l'institution la plus importante du pays ». Protection de l'économie, rénovation des services publics, et notamment des secteurs de la santé et de l'éducation, telles sont les principales mesures mises en avant par la formation d'opposition. Enda Kenny a promis de créer 2000 postes de gardiens de prison, de mettre 2300 nouveaux lits d'hôpital à disposition, d'améliorer les transports en commun, de lutter contre l'insécurité et de baisser les impôts. Enfin, le leader du Fine Gael a annoncé son intention de créer un ministère de l'Immigration. « L'éducation de nos enfants pâtit du fait que nous n'avons pas su prendre en compte l'augmentation de l'immigration. Nous devons trouver une façon de renforcer les droits et les devoirs de chacun, de protéger l'Irlande et d'améliorer et non de mettre en danger notre niveau de vie. Nous créerons un ministère de l'Immigration pour développer un système qui sera bénéfique aux Irlandais comme aux immigrés » a-t-il indiqué.
« Il est temps qu'un gouvernement tienne sa parole et offre les services publics dont les gens ont besoin et qu'ils méritent. C'est pourquoi je propose un « Contrat pour une meilleure Irlande. Les Irlandais savent que ce gouvernement ne fera pas en quinze ans ce qu'il a échoué à faire en dix ans. Ils savent qu'il ne mettra pas en place un service de santé en état de marche, qu'il n'améliorera pas la sécurité, ils savent qu'il ne dépensera pas notre argent de façon raisonnable. Leur temps est fini. Par conséquent, les gens peuvent prendre en main leur destin et voter pour le changement, voter pour le Fine Gael et le Parti travailliste »a déclaré Enda Kenny après l'annonce de la date des élections législatives.
Il a appelé Bertie Ahern à un débat « où il veut quand il veut, en anglais ou en irlandais ».
Le Parti travailliste de Pat Rabbitte, le Parti démocrate progressiste de Michael McDowell et le Parti vert de Trevor Sargent ont tenu chacun leur congrès respectif les 24 et 25 février derniers.
Alliés du Fine Gael, les Travaillistes, dont le slogan de campagne est « Pour un changement », se sont engagés à réduire le taux standard d'imposition de deux points durant les deux prochaines années, une mesure qu'ils évaluent à un milliard d'euro. Ils ont également centré leur programme sur la rénovation de l'ensemble des services publics (notamment les transports et la santé) et de l'accession à l'immobilier, souhaitant encourager au maximum les Irlandais, et notamment les plus jeunes, à devenir propriétaires.
Partenaire du Fianna Fail au gouvernement, le Parti démocrate progressiste propose de baisser les taux d'imposition les plus élevés durant les cinq prochaines années, une mesure évaluée à 5,5 milliards d'euro. « La réforme fiscale signifie le partage de la prospérité avec ceux qui en sont à l'origine » a déclaré Michael McDowell. Les démocrates progressistes ont centré leur programme sur l'amélioration des services de santé, la lutte contre le crime et l'insécurité, la hausse des retraites et la protection de l'environnement. La formation s'appuie sur le bilan de l'actuelle ministre de la Santé, Mary Harney (PD), et met en avant son désir de terminer le travail commencé pour rénover les services médicaux du pays.
A l'inverse de ces formations, le Parti vert n'a fait aucune promesse de réductions d'impôt et envisage même d'augmenter la fiscalité sur le capital. « Les 400 plus grosses fortunes de ce pays qui gagnent plus de 2 millions d'euro par an paient moins de 25% d'impôt » a affirmé Trevor Sargent accusant le Fianna Fail au pouvoir d'avoir «créé un système d'impôt qui favorise les plus riches ». « La vérité, c'est que le Fianna Fail conduira le pays à la ruine s'il reste au pouvoir » a-t-il conclu. Le Parti vert s'engage à rénover les services publics, développer les énergies alternatives et mieux protéger l'environnement. S'ils se disent indépendants, les écologistes se sont cependant engagés à mettre fin au gouvernement du Fianna Fail et du Parti progressiste démocrate.
Enfin, le Sinn Fein met également en avant la défense des services publics et veut se battre pour la gratuité des services de santé (le secteur de la santé est, en Irlande, partagé entre l'Etat et des sociétés privées). La formation nationaliste d'extrême gauche tente de mordre sur l'électorat du Parti travailliste, c'est-à-dire les catégories socioprofessionnelles les plus exposées. « Les syndicats commencent à comprendre que le Sinn Fein est leur parti et qu'il peut être leur représentant sur la scène politique » a déclaré le député, Sean Crowe, qui a ajouté « Aujourd'hui, Bertie Ahern, Enda Kenny ou qui que ce soit, s'ils veulent gagner les prochaines élections, doivent se réveiller et comprendre que nous en serons un élément central avec lequel ils devront compter ». La formation espère bénéficier de l'évolution positive de la situation politique en Irlande du Nord et, notamment, de l'entrée du parti au gouvernement. « Dans le Nord, nos cinq ministres travaillent d'ores et déjà avec le Parti démocratique d'Ulster (DUP) - formation protestante dirigée par Ian Paisley - et d'autres formations pour le retour du gouvernement le 8 mai prochain. Nous sommes également prêts à gouverner dans le Sud » a souligné le député Pat Doherty.
Il est difficile de savoir avec quelles formations le Fianna Fail, ou le Fine Gael, s'associeront pour former le prochain gouvernement, mais personne n'imagine que l'un ou l'autre des deux « grands » partis puisse obtenir la majorité absolue au Dail Eireann.
Bertie Ahern, qui a maintes fois déclaré souhaiter poursuivre sa collaboration avec le Parti démocrate progressiste, se dit ouvert à toute proposition d'alliance à l'exception notable du Sinn Fein.
Enda Kenny, qui a également exclu toute coalition avec le Sinn Fein, a déclaré préférer le Parti vert au Parti démocrate progressiste si le Fine Gael et le Parti travailliste ont besoin d'un troisième partenaire. Le Fine Gael a scellé, en mai 2005, une alliance avec le Parti travailliste avec lequel il a signé une plateforme commune en vue des élections législatives. Cet accord entre les deux formations a soulevé l'opposition de certains membres du Parti travailliste.
Après avoir affirmé ne pas vouloir gouverner avec le Parti vert, le Fine Gael ou le Parti travailliste - « Le Parti démocrate progressiste ne rejoindra pas une coalition Fine Gael-Parti travailliste ou Fine Gael-Parti travailliste-Parti vert puisque chacun a séparément indiqué qu'ils souhaitaient en finir avec les démocrates progressistes. Ce serait tricher avec nos électeurs et signer pour la fin de notre parti que de collaborer avec eux » avait souligné Michael McDowell -, le leader du Parti démocrate progressiste a pris ses distances, le 25 mars dernier, avec le Fianna Fail et envisagé sa participation à un gouvernement dirigé par le Fine Gael.
Le Parti vert se dit prêt à gouverner, mais se refuse à envisager son éventuelle participation à toute coalition avant les élections législatives. Trevor Sargent a déclaré qu'il démissionnerait de la tête du parti si les écologistes entraient dans un gouvernement dirigé par le Fianna Fail. Il a aussi affirmé que son parti n'était pas hostile au Sinn Fein. « Le Sinn Fein a changé et a abandonné la violence pour la loi et l'ordre. Les raisons de l'évincer du pouvoir ont donc disparu » a-t-il affirmé.
Le grand nombre de coalitions possibles montre combien l'issue de ces élections législatives est incertaine et combien elles devraient être disputées. Si de nombreux points de convergence existent entre les différentes formations et si la politique de l'Irlande ne devrait pas être profondément modifiée quel que soit le parti qui dirigera le pays dans les années à venir, il reste que l'entrée au gouvernement du Parti travailliste et/ou du Parti vert marquerait un léger virage sur la gauche de l'Irlande.
A moins d'un mois du scrutin, tous les sondages révèlent que les deux principales formations politiques se tiennent dans un mouchoir de poche. La dernière enquête d'opinion, réalisée les 23 et 24 avril derniers par l'institut TNS/MRBI et publiée le 27 avril par le quotidien The Irish Times, révèle que 36% des Irlandais souhaitent un gouvernement dirigé par le Fine Gael et le Parti travailliste, tandis que 35% préfèreraient une coalition Fianna Fail et Parti démocrate progressiste. Le Fianna Fail est toujours en tête des intentions de vote (34%), suivi du Fine Gael (31%). Cependant, le Parti travailliste et le Sinn Fein recueillerait chacun 10% des suffrages, alors que le Parti démocrate progressiste est en perte de vitesse, obtenant seulement 3% des intentions de vote.
Rappel des résultats des élections législatives du 17 mai 2002
Participation : 63%

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