Résultats

Victoire du parti du Premier Ministre Jan Peter Balkenende et percée de l'extrême gauche aux élections législatives néerlandaises

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

23 novembre 2006
null

Versions disponibles :

FR

EN

Deloy Corinne

Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

Robert Schuman Fondation

Fondation Robert Schuman

Comme toutes les enquêtes d'opinion l'avaient annoncé, l'Appel chrétien-démocrate (CDA) du Premier ministre sortant, Jan Peter Balkenende, est arrivé en tête des élections législatives du 22 novembre. Le parti remporte 41 des 150 sièges de la Chambre basse du Parlement, soit 3 de moins que lors du scrutin du 22 janvier 2003. Le Parti du travail (PvdA), dirigé par Wouter Bos, principale formation d'opposition, obtient 32 députés (-10 sièges). Le Parti socialiste (SP) réalise la percée annoncée par les sondages en remportant 26 sièges (+17 sièges). Le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD) de Mark Rutte, formation membre de la coalition gouvernementale sortante, arrive en 4e position avec 22 sièges (-6). La Gauche verte (GL) obtient 7 députés (-1), l'Union chrétienne (CU) 6 (+3), et le Parti politique réformé 2. Enfin, le Parti de la liberté (PvdV) de Geert Wilders, formation d'extrême droite, obtient 8 sièges. Le Parti de la défense des animaux fait son entrée au Parlement avec 2 sièges. La coalition des forces de gauche (Parti du travail/Parti socialiste/Gauche verte) remporte au total 65 sièges, soit 11 de moins que la majorité absolue. De leur côté, les formations du gouvernement sortant (Appel chrétien-démocrate/Parti populaire pour la liberté et la démocratie) obtiennent 63 députés. Aucune coalition ne dispose donc de la majorité absolue et n'est en mesure de former seule un gouvernement. « Les résultats électoraux sont compliqués » a déclaré le Premier ministre sortant Jan Peter Balkenende à l'issue de l'annonce des résultats.

La participation s'est élevée à 80,1%, un taux identique à celui enregistré lors des dernières élections législatives du 22 janvier 2003.

« Nous sommes encore une fois le premier parti. Quatre années d'effort sont récompensées, et cela me rend fier » a déclaré Jan Peter Balkenende à l'annonce des résultats. « Je suis très fier des résultats et j'espère vraiment que les gens nous en saurons gré et que nous pourrons poursuivre ce type de politique qui réussit » affirmait-il dans la journée au moment de déposer son bulletin dans l'urne. Ironie du sort, dans le même temps, le leader de l'opposition, Wouter Bos, se voyait empêcher de remplir son devoir électoral pour avoir oublié certains des documents nécessaires au vote et devait repartir chez lui chercher les pièces manquantes.

Le Premier ministre sortant est sorti vainqueur du duel qui l'opposait au leader travailliste dans ce scrutin qualifié par André Krouwel, politologue à l'université libre d'Amsterdam, « d'élection présidentielle entre le leader de l'Appel chrétien-démocrate et celui du Parti du travail ». Jan Peter Balkenende recueille les fruits des réformes, impopulaires dans un premier temps, menées par son gouvernement ces quatre dernières années. « Nous récoltons le sucré après avoir enduré l'acide. Désormais, les Pays-Bas travaillent» avait-il déclaré lors de la présentation du budget 2007 en septembre. Après des années d'austérité, le Premier ministre peut en effet afficher un bilan économique satisfaisant : le pays a un taux de chômage de 4% (cf. Eurostat), sa croissance devrait dépasser les 3% en 2006 et son déficit public représente 0,1% du PIB. Durant ces quatre dernières années, le gouvernement a privatisé le système de santé, des transports et de l'énergie, réduit la durée d'indemnisation du chômage de plus d'un tiers, supprimé les aides à la retraite anticipée, durci les conditions d'octroi des minima sociaux et contribué à remettre les Néerlandais au travail en divisant par deux le nombre de personnes en congé maladie.

Jan Peter Balkenende a, selon tous les observateurs de la vie politique, réalisé une bonne campagne électorale, se montrant extrêmement à l'aise, clair et sincère et n'hésitant pas à dire que de nouveaux sacrifices seraient nécessaires pour préserver la bonne santé de l'économie. Son discours sur les valeurs a également eu un écho auprès de Néerlandais qui s'interrogent sur l'avenir de leur mode de vie fait de tolérance et d'ouverture sur le monde et qu'ils estiment menacé par la mondialisation. « La discipline et le respect sont les recettes pour construire des ponts entre les différents groupes et organisations aux Pays-Bas afin de faire avancer la société. La décence et la tenue ne sont plus des mots honnis aux Pays-Bas» a t-il répété.

Agé de 50 ans, le Premier ministre sortant, surnommé Harry Potter pour son allure juvénile, est originaire de Zélande (Sud du pays). Arrivé au pouvoir à l'issue des élections du 15 mai 2002, il a dû alors gouverner (jusqu'au scrutin anticipé du 22 janvier 2003) avec les populistes de la Liste Pim Fortuyn. Quatre ans plus tard, il est en mesure de former son 4e gouvernement « Il est parfait car il est dans la moyenne. Nous adorons les hommes politiques normaux. Jan Peter Balkenende fait des erreurs et les gens apprécient cela. Je pourrais faire la même chose pense l'électeur. Nous sommes des gens très égalitaires » déclare Jean Tillie, professeur de sciences politiques à l'université d'Amsterdam. « Il est ennuyeux, pense l'électeur, mais comme il faut et digne de confiance » renchérit Martijn Lampert de l'institut d'opinion Motivaction. « C'est le type de protestant honnête, fiable, dont les Néerlandais disent de lui : on lui achèterait une voiture d'occasion » affirme enfin l'écrivain belge, fin connaisseur de la vie politique néerlandaise, Geert Van Istendael. « Le 11 septembre a eu lieu, Pim Fortuyn a émergé. La situation toute entière est devenue instable. Jan Peter Balkenende a très bien manœuvré à ce moment là. Il est resté calme et cela lui a profité. Les électeurs, durant cette période turbulente, étaient à la recherche de quelqu'un qui inspire confiance » déclarait la vice-président du groupe parlementaire de l'Appel chrétien-démocrate, Gerda Verburg.

Wouter Bos, qui a exprimé sa « déception », est le grand perdant de ces élections. « Le Parti du travail a fait une mauvaise campagne, multipliant les gaffes notamment sur les retraites » analyse le politologue Maurice de Hond. Le PvdA, principale formation d'opposition, a indéniablement perdu de ses électeurs au profit d'une gauche plus radicale symbolisée par le Parti socialiste. Cette formation, qui plaide pour un Etat fort, l'augmentation des impôts pour les plus hauts revenus, le plafonnement des rémunérations des PDG de grandes entreprises et la hausse des allocations versées aux plus démunis, a su fédérer sur son nom les votes protestataires. Son résultat est comparable à celui obtenu par la formation populiste, le Parti de la gauche (L), aux élections législatives allemandes du 18 septembre 2005. « Les Pays-Bas ont montré qu'ils voulaient un gouvernement plus social et plus humain » a déclaré le leader du Parti socialiste, Jan Marijnissen, à l'annonce des résultats.

Formation d'opposition créée en 1971, antilibérale et antieuropéenne, défenseur du « non » à la Constitution européenne au référendum du 1er juin 2005, le Parti socialiste a fait campagne contre les réformes économiques et sociales du gouvernement mais également contre le Parti du travail qu'il accuse de complaisance à l'égard du libéralisme et juge trop proche de l'Appel chrétien-démocrate. Plusieurs analystes politiques considèrent que le Parti socialiste a été le principal bénéficiaire de l'effondrement de la Liste Pim Fortuyn durant ces dernières années. Le leader populiste affirmait que le Parti socialiste avait « une bonne analyse des problèmes des Pays-Bas mais pas des solutions ». « Je qualifierais cette formation de populiste de gauche. Sans être raciste, bien au contraire, elle a néanmoins pris des positions fermes et musclées sur l'immigration : elle propose notamment d'obliger les immigrés à apprendre le néerlandais et se prononce pour une intégration poussée » souligne Geert Van Istendael. « Nous assistons à un glissement vers les extrêmes » a analysé l'ancien ministre de l'Appel chrétien-démocrate, Piet Hein Donner. « Celui qui arrivera à former une coalition, quel qu'il soit, aura de toute manière du mal à mettre au point un programme de gouvernement » a-t-il ajouté.

Conformément à la Constitution, le Premier ministre sortant Jan Peter Balkenende avait remis dans la journée du vote la démission de son gouvernement à la reine Beatrix. Celle-ci devrait rapidement désigner la personne (formateur) qui sera chargée de mener les négociations afin de former la future coalition gouvernementale Le formateur est traditionnellement le leader de la formation arrivée en tête aux élections législatives mais il peut également être un représentant de la société civile. Les négociations peuvent être très longues et durer des semaines, voire des mois. La coalition gouvernementale n'a pas besoin, pour pouvoir gouverner, de détenir la majorité des voix au Sénat. A l'issue de ces élections législatives, les Pays-Bas semblent s'orienter vers la formation d'une grande coalition rassemblant l'Appel Chrétien-démocrate et les travaillistes du PvdA, mode de gouvernement le plus fréquent aux Pays-Bas depuis la guerre. Cette coalition, qui ne dispose pas de la majorité (73 sièges), devrait donc s'ouvrir au moins à une autre formation.

Résultats des élections législatives du 22 novembre 2006 aux Pays-Bas

Participation : 80,1%

Source : agence france presse

Pour aller plus loin

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-30-07.6453.jpg

Corinne Deloy

14 avril 2025

Un pays en crise La Roumanie a plongé dans la tourmente après l’annulation par la Cour constitutionnelle, à l’unanimité de ses membres, du deuxième tour...

Élections en Europe

 
2013-05-28-15-22-23.2594.jpg

Corinne Deloy

24 février 2025

L'Union chrétienne-démocrate (CDU), principal parti d’opposition, dirigé par Friedrich Merz, a remporté les élections fédérales anticipées...

Élections en Europe

 
2013-05-28-16-24-37.4393.jpg

Corinne Deloy

17 février 2025

Konstantinos Tasoulas (Nouvelle Démocratie, ND) a remporté le 12 février l’élection présidentielle grecque lors du 4e tour de scrutin avec 160 suffrages. Il a ...

Élections en Europe

 
2013-05-28-15-22-23.2594.jpg

Corinne Deloy

27 janvier 2025

Le 6 novembre 2024, le chancelier sortant Olaf Scholz (Parti social-démocrate, SPD) a congédié son ministre des Finances Christian Lindner (Parti libéral-démocrate, ...

La Lettre
Schuman

L'actualité européenne de la semaine

Unique en son genre, avec ses 200 000 abonnées et ses éditions en 6 langues (français, anglais, allemand, espagnol, polonais et ukrainien), elle apporte jusqu'à vous, depuis 15 ans, un condensé de l'actualité européenne, plus nécessaire aujourd'hui que jamais

Versions :