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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Corinne Deloy

Fondation Robert Schuman
A une semaine des élections législatives du 22 novembre prochain, la bataille est très serrée. Alors qu'au printemps dernier, la perspective d'un quatrième gouvernement dirigé par Jan Peter Balkenende (Appel chrétien-démocrate - CDA) semblait improbable, la tendance s'est retournée. La formation du Premier ministre fait la course en tête dans les enquêtes d'opinion. Cependant rien n'est joué puisque, pour continuer à diriger le royaume, l'Appel chrétien-démocrate devra encore, s'il arrive en tête du scrutin, trouver des partenaires pour former une coalition gouvernementale. Sa survie dépend donc aussi des résultats des autres formations. Après un début de campagne assez terne dans un pays pourtant traversé ces dernières années par de fortes tensions, les débats se sont peu à peu enflammés. Les thèmes de l'immigration et de l'Islam, qui ont dominé la vie politique depuis 2002, ont été malgré tout évités par l'ensemble des hommes politiques, à l'exception de ceux des formations d'extrême droite.
L'actuel Premier ministre continue de mener campagne en s'appuyant sur son bilan économique. Jan Peter Balkenende a tenu à revendiquer la paternité des réformes menées par son gouvernement que le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), membre de l'actuelle coalition gouvernementale, avait trop tendance à vouloir s'approprier. « Les réformes ont été développées au sein de l'institut scientifique de mon parti et le premier à avoir proposé de rembourser la dette d'Etat en une génération, c'était moi en tant que député à la deuxième Chambre » a-t-il affirmé le 8 novembre. De même, Jan Peter Balkenende, très sollicité, refuse toujours de se prononcer sur la coalition qu'il privilégierait s'il était nommé au poste de Premier ministre.
De son côté, le leader de la principale formation d'opposition (Parti du travail - PvdA), Wouter Bos tente de persuader les électeurs que son arrivée à la Tourelle, siège du Chef du Gouvernement, représenterait un véritable changement. Il a ainsi affirmé que s'il devient Chef du gouvernement, il sera plus présent que son prédécesseur. « On me verra davantage aux moments et aux endroits significatifs du type de société que nous souhaitons. Par exemple, quand un enfant innocent est détenu dans une cellule de prison ou quand des banques alimentaires se forment ou lorsqu'on assassine un Theo van Gogh ». Dans un entretien au quotidien Telegraaf publié le 11 novembre, il a déclaré « Je suis convaincu que ce qui a été décrit comme un feu de tourbière à l'époque de Pim Fortuyn est toujours présent. Jan Peter Balkenende aurait pu être la réponse à Pim Fortuyn mais il ne l'a pas été ». Wouter Bos a, enfin, indiqué qu'il annulerait l'ensemble des augmentations de loyer prévues par l'actuel gouvernement.
Alors qu'il avait jusque là refusé de s'exprimer sur ce sujet - « Je ne me laisserai pas enfermer dans un bloc de gauche » soulignait-il encore le 3 octobre -, le leader travailliste a déclaré le 7 novembre qu'il se tournerait vers la gauche dans le cas où il aurait à former le gouvernement. L'écart entre le Parti populaire pour la liberté et la démocratie et le Parti du travail est, selon Wouter Bos, trop important pour envisager une coalition avec la formation libérale. Les analystes politiques considèrent que les silences du leader de l'opposition sur ses projets de coalition (ou les propos par lesquels il affirmait « considérer toutes les options comme possibles ») ainsi que sa campagne électorale modérée ont contribué à entretenir la confusion sur la position de son parti face à des formations libérales qui ont clairement fait de la poursuite de leur politique actuelle l'enjeu des élections. Wouter Bos a également été maladroit en excluant des listes électorales de son parti les candidats issus de l'immigration turque qui ne reconnaissaient pas le génocide arménien de 1915. En effet, cette exclusion pourrait avoir des conséquences négatives auprès des électeurs issus de l'immigration qui, dans leur grande majorité, sont favorables au Parti du travail.
Au sein du Parti populaire pour la liberté et la démocratie, Mark Rutte essaie de se démarquer des leaders des deux principales formations politiques qu'il accuse de manquer d'ambition pour poursuivre les grandes réformes sociales nécessaires. La formation libérale connaît toujours de vives tensions internes entre ses deux courants, l'un libéral et l'autre plus populiste. Le premier est représenté par Mark Rutte ; le second par la ministre de l'Intégration, Rita Verdonk. Celle-ci a échoué, fin mai, à prendre la tête du Parti. Battue par Mark Rutte qui a recueilli 51% des suffrages des militants, contre 46%, la ministre occupe la deuxième position de la liste. Elle a déclaré dans un entretien au quotidien AD Haagsche Courant du 13 novembre qu'elle aimerait participer au prochain gouvernement au poste de ministre de la Sécurité ou de la Santé publique.
Selon le politologue Philip van Praag de l'université d'Amsterdam, « le Parti populaire pour la liberté et la démocratie gagnerait à se rendre plus dépendant de l'Appel chrétien-démocrate et maintenir la possibilité d'une coalition avec le Parti du travail ». Seul ce choix pourrait offrir des perspectives à une formation qui n'a pas su profiter de la disparition de la Liste Pim Fortuyn et de la débandade du Parti des Démocrates 66.
Le Parti des démocrates 66 (D 66), à l'origine de la chute de la coalition gouvernementale en juillet dernier, ne parvient toujours pas à décoller dans les enquêtes d'opinion. « Si les électeurs abandonnent en masse le parti comme le montrent les enquêtes d'opinion, c'est en grande partie de la faute du Parti lui-même » a déclaré Hans van Mierlo, cofondateur de la formation. « Nous nous sommes fourvoyés dans la coalition avec l'Appel chrétien-démocrate et le Parti populaire pour la liberté et la démocratie, nous avons un peu trop renoncé à notre identité. Le plus grand problème du parti est qu'il a été associé trop longtemps à la ministre de l'Intégration, Rita Verdonk » a t-il poursuivi.
L'Union chrétienne se dit exaspérée par les attaques « dures, déplaisantes et injustes » qu'elle subit de la part de l'Appel chrétien-démocrate. Joop Wijn, ministre des Finances, a en effet désigné le leader du parti, André Rouvoet sous le nom de « Rouvoet le rouge » et la députée Mirjam Sterk a qualifié la formation confessionnelle de « Gauche verte chrétienne ». Enfin, le président du groupe parlementaire du CDA a déclaré : « Un vote pour l'Union chrétienne est un vote pour le Parti du travail ». Des propos qui rappellent ceux de Mark Rutte il y a quelques semaines par lesquels le leader du Parti populaire pour la liberté et la démocratie excluait de gouverner avec l'Union chrétienne « nettement de gauche ».
A une semaine des élections législatives le 22 novembre, l'Appel chrétien-démocrate arrive toujours en tête dans les dernières enquêtes d'opinion. La principale formation de la coalition gouvernementale est ainsi créditée de 46 sièges dans le sondage réalisé par l'institut NSS Nova et publié le 13 novembre. Le CDA devance le PvdA qui obtiendrait 33 sièges. Le Parti socialiste (SP), en forte hausse, est crédité de 26 sièges et obtiendrait la troisième position, le VVD suivrait avec 24 députés.
« Il y a une différence fondamentale avec la campagne électorale d'il y a quatre ans, la confiance dans mon parti a énormément augmenté. Cela prouve que les électeurs ne s'intéressent pas au duel entre Wouter Bos et Jan Peter Balkenende. Ce n'est pas le Premier ministre qui compte mais la politique » a déclaré le leader du Parti socialiste Jan Marijnissen, considéré dans les sondages comme la plus convaincante, la plus sympathique et la plus intègre des têtes de liste. La popularité du leader du SP est particulièrement préjudiciable à Wouter Bos. Certains observateurs de la vie politique vont jusqu'à considérer que la victoire du PvdA réside désormais dans les mains des électeurs du Parti socialiste. Dans le journal Volkskrant, Peter Kanne de l'institut TNS Nipo affirme que la montée du Parti socialiste se fait au détriment des travaillistes. Il considère que Wouter Bos peut difficilement prendre des électeurs à l'Appel chrétien-démocrate ou au Parti populaire pour la liberté et la démocratie mais qu'en revanche, il pourrait conquérir certains des sympathisants du Parti socialiste : « 38% des personnes qui ont l'intention de voter pour le Parti socialiste déclarent que le Parti du travail est leur deuxième choix. Leur disposition à voter pour le Parti du travail dépendra donc du comportement de Wouter Bos pendant la campagne électorale ».
Selon les enquêtes d'opinion, les Néerlandais ne souhaitent pas voir se former une coalition entre l'Appel chrétien-démocrate et le Parti du travail après le 22 novembre. Seuls 2% sont favorables à un gouvernement rassemblant les deux principaux partis du royaume.
Enfin, notons que depuis 1973 aux Pays-Bas, tout Premier ministre candidat à un nouveau mandat a été réélu.
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