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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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ENCorinne Deloy
Fondation Robert Schuman
Le 5 octobre auront lieu les premières élections présidentielles et législatives organisées en Bosnie-Herzégovine par les autorités locales, les trois précédentes s'étant déroulées sous l'égide de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). 2,35 millions d'électeurs seront appelés aux urnes pour élire la présidence collégiale, le Parlement de la République de Bosnie-Herzégovine et les Parlements propres à chacune des deux entités (la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la République serbe). Ce même jour, les électeurs de la République serbe éliront également leur Président.
Le système politique bosniaque
La République de Bosnie-Herzégovine est composée de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la République serbe. Chacune de ces entités possède ses propres institutions politiques.
Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, elle-même composée d'une partie croate et d'une partie bosniaque, le Président (croate) et le vice Président (bosniaque) comme le Premier ministre (bosniaque) et le vice-Premier ministre (croate) sont élus par le Parlement. Celui-ci comprend deux chambres : la Chambre des Représentants, composée de cent quarante membres élus au suffrage universel, et la Chambre des Peuples comprenant soixante élus auxquels s'ajoutent soixante membres (trente Bosniaques et trente Croates) nommés par les assemblées cantonales.
Les principaux partis politiques de la Fédération de Bosnie-Herzégovine sont :
le Parti d'action démocratique (SDA), majoritaire à la Chambre des Représentants et dont le président est Alija Izetbegovic,
le Parti social-démocrate (SDP),
la Communauté démocratique croate de Bosnie-Herzégovine (HDZ-BiH)
le Parti pour la Bosnie-Herzégovine (SzBiH).
La République serbe de Bosnie est dirigée par un Président, actuellement Mirko Sarovic, élu au suffrage universel. Son Parlement est monocaméral, l'Assemblée nationale comprenant cent quarante membres élus au scrutin proportionnel. Les principales formations politiques sont :
le Parti démocratique serbe (SDS), majoritaire au Parlement,
le Parti du progrès démocratique (PDP)
le Parti des sociaux-démocrates indépendants (SNSD).
Par ailleurs, la République de Bosnie-Herzégovine possède une présidence collégiale élue pour quatre ans et composée de trois membres, un Croate, un Serbe et un Bosniaque, élus au suffrage universel par leur communauté. La direction de la présidence alterne tous les huit mois entre les différentes communautés. Le président du Conseil des ministres est nommé par la présidence. Il nomme les ministres et les vice-ministres, ceux-ci ne devant pas appartenir au même groupe ethnique que les ministres dont ils dépendent. Le Parlement est bicaméral et comprend la Chambre des Représentants et la Chambre des Peuples. Celle-ci compte quinze membres (cinq Bosniaques, cinq Serbes et cinq Croates) désignés par la Chambre des Représentants de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et par l'Assemblée nationale de la République serbe de Bosnie. La Chambre des Représentants compte quarante-deux députés élus pour deux ans, vingt-huit pour la Fédération de Bosnie-Herzégovine et quatorze pour la République serbe.
Les enjeux du scrutin
Les accords de Dayton (21 novembre 1995), signés à Paris le 14 décembre 1995 qui ont mis fin à la guerre opposant les Serbes, les Croates et les Bosniaques, prévoient que, par l'intermédiaire de différentes organisations, la communauté internationale aide au développement politique et économique de la Bosnie-Herzégovine dans un environnement pacifié et respectueux des principes fondamentaux des Nations Unies (démocratie et respect des droits de l'Homme).
Le pays est actuellement une Confédération sous tutelle du Haut représentant des Nations Unies (Paddy Ashdown depuis le 27 mai 2002). Celui-ci dispose de pouvoirs importants : il peut imposer des lois aux institutions bosniaques ou destituer tout individu dont les actes sont contraires aux principes démocratiques. La communauté internationale est garante de la stabilité du pays, dix-neuf mille hommes appartenant à la force de stabilisation de l'OTAN (SFOR) assurent la sécurité du pays. La Bosnie-Herzégovine vit aujourd'hui principalement de l'aide étrangère (la dette de la nation devrait atteindre 120 millions d'euros en 2003). Les institutions centrales disposent de très faibles pouvoirs, les deux entités ayant chacune non seulement leurs propres institutions politiques mais également leurs propres armée, police, système judiciaire, etc. De fait, la Bosnie-Herzégovine compte actuellement treize Premiers ministres, cent quatre-vingts ministres, 1 200 juges et procureurs, 760 législateurs, quatre niveaux différents de gouvernement et trois armées. Dans ce pays comptant aujourd'hui 3,8 millions d'habitants (dont 43,7% de Bosniaques Musulmans, 31,4% de Bosno-serbes et 17,3% de Bosno-croates), la reconstruction nationale est lente et pâtit de l'absence de vision commune des trois groupes de population, les Bosniaques Musulmans étant les seuls à souhaiter une Bosnie réunifiée alors que les plus nationalistes des Serbes ou des Croates ne rêvent que d'un rattachement à leur « mère patrie ». L'institution de services « trans-entités » (douanes, banques, réseau ferré) sous l'autorité du Gouvernement central peinent à se mettre en place. Des progrès ont néanmoins été réalisés : les réfugiés commencent à revenir sur leurs terres et l'économie de marché se met, lentement, en place. Cependant, si les violences ont cessé, la paix reste inachevée et la démocratisation du pays dépend principalement de l'action de la communauté internationale.
Les dernières élections législatives du 11 novembre 2000 ont porté au pouvoir une coalition multi-ethnique et confirmé l'exclusion des partis nationalistes. En juillet 2000, la Cour constitutionnelle bosniaque indiquait que les deux entités de Bosnie-Herzégovine n'offraient pas des statuts égaux aux peuples qui les composaient. Le Haut représentant des Nations Unies, à l'époque Wolfgang Petrisch, a alors mis en place, au sein des deux entités, des commissions constitutionnelles chargées de rédiger des amendements à la Constitution allant dans le sens d'une plus juste représentation de chacune des trois communautés. En dépit de difficultés intervenues dans la République serbe, le 27 mars 2002, neuf partis se sont mis d'accord sur une révision constitutionnelle donnant plus de pouvoirs aux minorités ethniques par le biais d'une représentation proportionnelle plus juste. Néanmoins, seules trois formations ont officiellement approuvé cet accord : le Parti social-démocrate (SDP), le Parti pour la Bosnie-Herzégovine (SZBIH) et La Nouvelle Initiative croate (NHI). Plusieurs autres partis populaires tels la Communauté démocratique croate de Bosnie-Herzégovine (HDZ-BiH) et le Parti d'action démocratique (SDA) bosniaque ont refusé d'y apposer leur signature et quatre formations politiques serbes ont exprimé les plus vives réserves. L'accord a également été signé par le Haut représentant des Nations Unies, l'ambassadeur des Etats-Unis et l'ambassadeur espagnol, représentant l'Union européenne. L'accord a pour but de permettre à chacune des trois communautés d'être représentée de façon « symétrique » dans chacune des deux entités du pays. Une seconde assemblée, appelée le Conseil des Peuples et formée de personnalités des trois communautés élues à la proportionnelle selon les chiffres du recensement de 1991, a ainsi été créée en République serbe de Bosnie dans le but de défendre les « intérêts vitaux » de la population musulmane et croate. L'accord stipule également que le gouvernement de la République serbe sera désormais composé de seize ministres dont huit Serbes, cinq Bosniaques et trois Croates et que celui de la Fédération de Bosnie Herzégovine comprendra également seize portefeuilles dont huit reviendront aux Bosniaques, cinq aux Croates et trois aux Serbes. Par ailleurs, les citoyens des trois communautés pourront occuper des postes législatif, judiciaire et exécutif dans les entités formant la Bosnie-Herzégovine en proportion de leur nombre d'inscrits sur les registres électoraux. Ces réformes constitutionnelles ont été saluées comme un pas historique par l'ensemble de la communauté internationale.
A un mois du scrutin, la tension monte entre les différentes communautés. Le 3 septembre dernier, les Serbes de Bosnie ont demandé au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie l'autorisation de juger sept anciens officiers bosniaques et croates de Bosnie soupçonnés de crimes de guerre (les tribunaux locaux de Bosnie peuvent juger des suspects de crimes de guerre avec l'autorisation du TPI). Le même jour est paru en République serbe un rapport publié par le Bureau de coordination du gouvernement avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie minimisant le massacre de Srebrenica. Selon le TPI, six à huit mille Bosniaques Musulmans, hommes et jeunes garçons, ont été tués lorsque l'enclave de Srebrenica est tombée aux mains des Serbes. Environ six mille corps ont été exhumés à ce jour et le général Radislav Krstic, l'un des commandants des forces serbes à Srebrenica à l'époque du massacre, a été condamné, pour avoir supervisé les exécutions, à quarante-six ans de prison pour génocide. Le rapport publié en République serbe affirme que le nombre de morts avancé est « évidemment exagéré » et estime à deux mille le nombre de combattants tués. L'Union européenne et les Etats-Unis se sont indignés de la publication de ce rapport, le Haut responsable des Nations Unies le qualifiant de « tendancieux, absurde et provocateur ». Paddy Ashdown a également émis le souhait qu'aucun homme politique responsable n'associe son nom à ce texte, en particulier « à l'approche d'élections qui concernent l'avenir de la Bosnie-Herzégovine et non pas la réécriture de son passé ». Souhaitons qu'il soit entendu et que le scrutin du 5 octobre soit l'occasion d'une nouvelle avancée sur le chemin de la réconciliation pour les trois communautés de Bosnie-Herzégovine.
Rappel des résultats des élections législatives du 11 novembre 2000
en République de Bosnie-Herzégovine :
source : Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE)
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