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Corinne Deloy,
Fondation Robert Schuman
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Fondation Robert Schuman
Le Parti du nouvel Azerbaïdjan (YAP) du Président de la République Ilham Aliev est arrivé en tête des élections législatives qui se sont déroulées le 6 novembre en Azerbaïdjan. La formation actuellement au pouvoir perd toutefois la majorité absolue qu'elle détenait dans la précédente législature et obtiendrait, selon des résultats encore partiels, soixante-cinq sièges au Milli Mejlis (Parlement), contre sept pour le Bloc d'opposition Azadlig (Liberté), qui regroupe le Parti du front populaire dirigé par Ali Kerimli, le Parti Moussavat de Isa Gambar et le Parti démocratique dont le leader est Rasoul Gouliev. Trente-huit sièges reviendraient à des candidats indépendants, dont une partie seraient en fait favorables au gouvernement en place. L'épouse du Président de la République Ilham Aliev, Mehriban Alieva, candidate pour la première fois, a été plébiscitée avec 92,12% des voix.
Ces élections législatives n'ont pas vraiment mobilisé les électeurs ; ils n'ont été que 46,83% à participer à ce scrutin.
Le secrétaire exécutif du Parti du nouvel Azerbaïdjan, Ali Akhmadov, a affirmé que les élections législatives avaient été « transparentes, justes et démocratiques » et que les irrégularités recensées n'étaient pas suffisantes pour affecter les résultats. De son côté, le président de la Commission électorale centrale, Mazahir Panahov, a souligné que les élections législatives s'étaient déroulées de façon démocratique. « Nous n'avons rien constaté durant le scrutin qui soit alarmant » a-t-il précisé. Des propos désavoués par les forces de l'opposition qui n'ont pas attendu les premiers résultats pour dénoncer la fraude. « Ce sont les élections les plus frauduleuses jamais tenues dans l'histoire de l'Azerbaïdjan » a déclaré le président du Bloc d'opposition Azadlig, Panakh Guseinov.
« Nous ne reconnaissons pas la légitimité du Parlement. Ces élections législatives ne pouvaient pas refléter la volonté du peuple d'Azerbaïdjan. Il y a eu des fraudes massives. Ce n'était pas une élection mais une mauvaise imitation A partir de mardi, nous entamerons notre lutte pacifique dans le cadre de la Constitution pour invalider les résultats frauduleux » a souligné Ali Kerimli, leader du Parti du front populaire, par ailleurs battu dans sa circonscription.
Mille deux cent quatre vingt onze observateurs internationaux et deux mille Azerbaïdjanais étaient chargés de surveiller le scrutin. Selon la mission d'observation du Conseil de l'Europe et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), en dépit de « quelques améliorations », les élections législatives « n'ont pas rempli un certain nombre d'engagements pour des élections démocratiques ». « Les défaillances qui ont été observées, en particulier le jour du scrutin, nous ont amenés à conclure que l'élection n'était pas conforme aux engagements internationaux de l'Azerbaïdjan » a déclaré le chef de la mission d'observation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, Alcee Hastings. « Il m'est pénible d'indiquer que les progrès constatés durant la période préélectorale ont été mis à mal par des défaillances significatives lors du dépouillement » a t-il ajouté, précisant que des « insuffisances significatives avaient été observées pendant le décompte ».
L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a dénoncé les interventions des autorités dans la campagne et pendant le scrutin, une composition déséquilibrée des commissions électorales ainsi « qu'un usage disproportionné de la force pour empêcher les manifestations » et des « détentions arbitraires ».
Les améliorations relevées concernent l'allocation de temps de parole gratuit aux candidats sur les médias publics, la possibilité d'organiser nombre de manifestations, le marquage à l'encre des électeurs, la campagne d'information des électeurs, la distribution de nouvelles pièces d'identité et la transparence de plusieurs commissions.
De son côté, le vice-président du Parti Moussavat, Vurgun Eyub, a affirmé que sept représentants de l'opposition avaient été interpellés dans un bureau de vote de Surahani, ville située dans la banlieue de la capitale Bakou et que des observateurs avaient été expulsés de vingt-trois bureaux de vote avant la clôture du scrutin.
Ces derniers jours, les directeurs de campagne du Parti du front populaire Kabil Mamedzaïev, et celui du Parti démocratique, Faramaz Djavadov, avaient été interpellés par les forces de police. Ce dernier a d'ailleurs été condamné à douze jours de prison pour avoir résisté durant son interpellation. Les forces de police avaient annoncé, la veille du scrutin, avoir arrêté plusieurs personnes dans les bureaux des forces de l'opposition. « Tous les signes de violations des procédures électorales sont en cours d'analyse et des mesures vont être prises. Certains des résultats seront invalidés et les responsables d'irrégularités subiront des sanctions administratives ou pénales » a assuré Nazim Issaïev, conseiller politique auprès de l'administration présidentielle. Ce dernier a prévenu que le gouvernement surveillerait de près les actions de l'opposition et que les services de sécurité sauraient mettre fin à tout mouvement se déroulant en dehors du périmètre autorisé par le pouvoir. « Si des émeutes surviennent et conduisent à une escalade et à un affrontement, les services de sécurité prendront les mesures nécessaires pour y mettre un terme, cela ne fait aucun doute » a t-il affirmé.
Attentifs à promouvoir la démocratie partout dans le monde, les Etats-Unis sont également soucieux de réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis du Moyen-Orient et d'affirmer leur influence dans la région stratégique que constitue le Caucase du Sud. Ils n'oublient donc pas leurs intérêts et ont fait de la stabilité politique de ce pays, non seulement riche en pétrole mais également l'un des principaux lieux de transit de l'or noir, une priorité. Washington a ainsi dépensé plus de quatre milliards de dollars pour la construction de l'oléoduc de 1 760 kilomètres qui traverse la Géorgie et permet le transport du pétrole et du gaz issus de la mer Caspienne jusqu'au port turc de Ceyhan. « Les Américains veulent une évolution, pas la révolution. Ils tiennent à la stabilité à cause du nouvel oléoduc de Bakou en Turquie et craignent l'Iran voisin. Mais ils comprennent aussi que l'absence de démocratie créerait un terrain favorable à l'islamisme » souligne l'analyste politique de l'université Johns Hopkins, Farid Ismailzade.
L'opposition azerbaïdjanaise a donc engagé un bras de fer avec les autorités en place. « Nous allons commencer dès mardi un mouvement pacifique. Ce sera le point de départ de manifestations permanentes jusqu'à l'annulation des élections » a déclaré Ali Kerimli. Le leader du Parti du front populaire a affirmé que les autorités municipales de Bakou avaient donné leur accord pour la tenue d'une manifestation le 8 novembre sur une place située à environ quatre kilomètres du centre de la capitale. « Nous prévoyons de manifester entre 15H00 et 18H00 mercredi 9 novembre pour faire annuler le scrutin » a affirmé Isa Gambar, leader du Parti Moussavat, précisant que les premiers projets d'occuper la voie publique dès mardi ont été abandonnés afin d'obtenir des autorités l'autorisation de manifester.
Néanmoins, faute de leader charismatique pouvant faire le consensus, les forces d'opposition ne semblent pas jouir d'un soutien populaire équivalent à celui dont ont pu bénéficier Mikhaïl Saakashvili en 2003 en Géorgie ou Viktor Iouchtchenko en 2004 en Ukraine. De même, les formations opposées au pouvoir en place ne sont pas suffisamment unies pour représenter une alternative crédible au pouvoir de celui que tous surnomment « le Fils », Ilham Aliev, héritier du défunt Président de la République (1993-2003) Heydar Aliev. « La population est préoccupée par le chômage et le mauvais fonctionnement des services (électricité, gaz, transports, etc.), deux thèmes négligés par l'opposition qui ne parle que d'élections libres et de démocratie » souligne Farid Ismailzade.
Enfin, si la tension reste forte au lendemain du scrutin, le souvenir des émeutes consécutives à l'élection présidentielle du 15 octobre 2003 et de la répression qui s'en était suivie est également très présent parmi la population. A l'époque, trois personnes étaient mortes et plusieurs centaines d'autres avaient été arrêtées et détenues durant des mois.
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