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Elections législatives en Azerbaidjan, le point à une semaine du scrutin

Actualité

Corinne Deloy,  

Fondation Robert Schuman

-

31 octobre 2005
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Corinne Deloy

Chargée d'études au CERI (Sciences Po Paris), responsable de l'Observatoire des élections en Europe à la Fondation Robert Schuman

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Fondation Robert Schuman

L'Azerbaïdjan se prépare à vivre le 6 novembre prochain des élections législatives agitées. Les dernières semaines de campagne électorale ont en effet été mouvementées et marquées par de nombreuses arrestations, le limogeage de plusieurs membres du gouvernement et de nombreuses personnalités politiques ainsi que par la tentative de retour avortée de Rasoul Gouliev, leader du Parti démocratique, formation membre du Bloc d'opposition Azadlig (Liberté) qui regroupe également le Parti du front populaire dirigé par Ali Kerimli et le Parti Moussavat de Isa Gambar.

Agé de cinquante-sept ans et exilé depuis 1996 aux Etats-Unis, Rasoul Gouliev, ancien président du Milli Mejlis (Parlement azerbaïdjanais) et accusé de cent vingt millions de dollars (quatre vingt-trois millions d'euro) de détournement de fonds publics lorsqu'il dirigeait l'une des plus importantes raffineries du pays, Azarneftyag, est officiellement candidat dans un district de la capitale, Bakou, pour les élections législatives du 6 novembre. Le 17 octobre dernier, il a été arrêté sur le chemin de son retour vers l'Azerbaïdjan, à la demande d'Interpol, à l'aéroport de Simferopol en Ukraine.

Vingt-six membres du Parti démocratique, dont l'un de ses leaders Gurban Mamedov et le neveu de Rasoul Gouliev, Etibar Gouliev, avaient été emprisonnés la veille du jour prévu de l'arrivée de l'ancien président du Parlement. Pour justifier ces arrestations, le ministre de l'Intérieur, Ramil Usubov, a déclaré à la télévision que les forces d'opposition se préparaient à des actions violentes en stockant des armes et en faisant venir des partisans de tout le pays dans la capitale Bakou. « L'opposition prend délibérément des mesures pour aggraver la situation dans le pays. Elle incite les gens à défier la loi et prévoit d'utiliser la violence contre les forces de police et le ministère de la Sécurité d'Etat » a-t-il affirmé. Les ambassadeurs de Grèce, des Etats-Unis et les représentants d'organisations internationales- dont le bureau pour la démocratisation et les droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) - s'étaient rendus à l'aéroport le 17 octobre pour attendre Rasoul Gouliev à l'aéroport de Bakou.

Selon la politologue Leyla Alieva, le gouvernement est, avec raison, effrayé par le retour du leader du Parti démocratique « Rasoul Gouliev est un homme qui a de l'argent et qui est dans l'opposition. L'émergence de personnalités économiques indépendantes, comme cela a été le cas en Ukraine, représente un réel danger pour les autorités d'Azerbaïdjan qui détiennent la quasi-totalité des principales activités économiques du pays entre leurs mains » souligne t-elle. Leyla Alieva considère que l'attitude du gouvernement pourrait s'avérer contre-productive et aller contre ses intérêts. Certains analystes politiques estiment que si Rasoul Gouliev échoue à revenir dans son pays la semaine prochaine (l'ancien président du Parlement avait déjà planifié de revenir pour les élections législatives du 5 novembre 2000 et pour l'élection présidentielle du 15 octobre 2003), il sera définitivement discrédité aux yeux de l'opinion publique et devra alors mettre un terme à sa carrière politique. D'autres assurent qu'il restera néanmoins une personnalité avec laquelle il faudra compter, notamment à cause de sa richesse.

Rasoul Gouliev a été remis en liberté par le tribunal de Simferopol le 20 octobre dernier. « Il n'y a aucune raison de l'arrêter. Les documents présentés par les autorités américaines montrent que les motifs de poursuites contre Rasoul Gouliev, qui bénéficie du statut de réfugié aux Etats-Unis, pourraient être politiques » a déclaré la juge Nina Starova. Le leader du Parti démocratique s'est dit décidé à rentrer dans son pays et à participer coûte que coûte au scrutin législatif. « En dépit des déclarations des autorités qui promettent de m'arrêter, je suis bien déterminé à rentrer en Azerbaïdjan pour participer aux élections législatives. Mon but est de lutter contre la dictature, la corruption et les monopoles » a t-il déclaré. « Je pense personnellement qu'il ne reviendra pas. Une deuxième tentative n'a pas de sens et son arrivée ne changera rien » a affirmé l'analyste de l'université Johns Hopkins, Fariz Ismaïlzade, ajoutant « j'ai l'impression qu'il ne fait que gagner du temps avant les élections pour montrer qu'il voulait revenir et que finalement ça n'a pas marché ».

Plusieurs personnalités politiques et membres du gouvernement ont été arrêtés ces jours derniers : l'ancien ministre des Finances, Fikret Ioussifov, le 18 octobre, puis le 20 octobre, le ministre du Développement économique, Farkhad Aliev (sans lien de parenté avec le Président de la République en dépit de son nom de famille), le ministre de la Santé, Ali Isanov, et le chef de l'administration pénitentiaire, Akif Mouradverdiev. Le frère de Farkhad Aliev, Rafik Aliev, dirigeant de la plus grande compagnie pétrolière du pays, Azpetrol, a également été interpellé. Farkhad Aliev a été inculpé de « détournement de fonds publics, d'abus de pouvoir, d'organisation d'émeutes et de tentative de s'emparer du pouvoir de manière violente » indique un communiqué du procureur général et des ministères de l'Intérieur et de la Sécurité d'Etat. Quant à Fikret Ioussifov, il aurait avoué, selon les autorités, que Rasoul Gouliev lui aurait téléphoné en juillet dernier pour lui signifier que le financement d'une prise de pouvoir illégale serait confié au ministre du Développement économique, soit Farkhad Aliev, et à d'autres de ses proches. La semaine passée, Fikret Sadikhov, proche de Rasoul Gouliev et président de la société d'Etat, Azerchimie et Nazim Ibrahimov, directeur des ressources humaines du ministère de la Santé, ont également été arrêtés ainsi que le directeur du département du développement des entreprises, celui du Fonds d'aide aux entreprises et plusieurs responsables des départements de la santé des régions. Tous sont accusés d'avoir fait partie du complot visant à fomenter un coup d'Etat dans le pays. Par ailleurs, la Commission électorale de la circonscription de Djalilabad a annulé la candidature d'Aliovsat Aliev, frère de Farhad et Rafik Aliev aux élections législatives du 6 novembre prochain.

Ces récentes arrestations témoignent des fortes rivalités existant au sein du pouvoir, Farhad et Rafik Aliev étant membres de la deuxième famille la plus influente en Azerbaïdjan après celle du Président de la République, Ilham Aliev. Celui-ci pourrait se servir des élections législatives pour se débarrasser d'une partie de la vieille garde politique qui l'entoure et nommer de nouvelles personnalités qui semblent plus soucieuses de réformer la société azerbaïdjanaise, voire de l'ouvrir graduellement à une certaine démocratisation.

La manifestation, organisée le 9 octobre dernier à Bakou par le Bloc d'opposition Azadlig en faveur de l'organisation d'élections législatives libres et transparentes a donné lieu à de violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Selon le Parti du front populaire d'Azerbaïdjan dirigée par Ali Kerimli, vingt-sept personnes ont été blessées, dont dix journalistes et deux candidats de l'opposition, et cinquante-deux autres ont été arrêtées. Selon les forces de l'ordre, vingt-huit personnes ont été arrêtées et onze policiers blessés. Ramiz Nadjafli, rédacteur en chef de l'hebdomadaire Boz Gurd, a été battu au point de perdre connaissance et Idrak Abbasov, correspondant du quotidien Ayna-Zerkalo, a également dû être transporté à l'hôpital. Cette manifestation était la troisième non autorisée organisée à Bakou en moins de trois semaines (les deux précédentes avaient eu lieu les 25 septembre et 1er octobre).

Le 23 octobre, une nouvelle manifestation a rassemblé dans la capitale azerbaïdjanaise près de trois cent personnes selon le Bloc Azadlig (cent cinquante selon les forces de police) exigeant la démission du Président de la République Ilham Aliev et la tenue d'élections libres. Cinquante manifestants (quinze selon la police) auraient été arrêtés avant d'être libérés. Enfin, la semaine passée, environ seize mille personnes auraient, selon le Bloc Azadlig, participé à trois manifestations dans les régions de Hadjigaboul, Neftchala et Ali-Bayramli situées dans l'Est du pays. Le Bloc d'opposition a prévu de clore sa campagne électorale par l'organisation d'un concert le 4 novembre prochain dans un stade de la capitale, Bakou.

A une semaine des élections législatives, les Etats-Unis ont fait part de leur grande inquiétude. « Nous sommes troublés par les mesures que le gouvernement a prises cette semaine, notamment les arrestations en masse, la détention de certains candidats, la restriction de l'accès aux médias pour les candidats de l'opposition et le déploiement des services de sécurité » indique un communiqué du Département d'Etat américain. Cependant, l'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch (HRW) a tenu à souligner les craintes d'une partie de la population azerbaïdjanaise de voir les Etats-Unis privilégier ses investissements pétroliers aux droits de l'homme ; l'Azerbaïdjan est en effet le point de départ du pipeline de 1 760 kilomètres qui traverse la Géorgie et permet le transport du pétrole et du gaz issus de la Mer Caspienne jusqu'au port turc de Ceyhan. « Il est temps que l'Occident adopte une position plus fondée sur des principes » a également déclaré le leader du Parti du front populaire d'Azerbaïdjan, Ali Kerimli. De son côté, l'Union européenne par la voix de sa Commissaire aux relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner, s'est élevée contre les violations des libertés politiques lors de la campagne électorale en Azerbaïdjan. La Commissaire s'est dite « très concernée et très inquiète » de l'évolution de la situation dans la République caucasienne. « Un tel climat est une menace sur la tenue d'élections véritablement démocratiques » a souligné Benita Ferrero-Waldner. Enfin, Maurizio Pavesi, chef de la mission de Bakou de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe fait part de son inquiétude quant à « l'accroissement de la violence, l'utilisation de la force contre les manifestants et les arrestations arbitraires ».

Les autorités craignent fortement le déroulement d'un scénario à la géorgienne ou à l'ukrainienne le 6 novembre prochain. Les divisions existant au sein des forces d'opposition -le Bloc Azadlig se prononçant pour des réformes plus radicales que le Bloc nouvelle politique (YES)- qui pourraient d'ailleurs être accentuées en cas de retour de Rasoul Gouliev et les nombreux intérêts de l'Occident dans cette partie du monde rendent toutefois très peu probable l'avènement d'une révolution pacifique démocratique dans la République du Caucase le 6 novembre prochain. Le Bloc d'opposition Azadlig et le Mouvement Milli Birlik (Unité nationale) ont récemment tenté de se rapprocher en signant le 12 octobre dernier un accord de coopération pour le scrutin législatif. Les formations promettent d'unir leurs forces pour « assurer la tenue d'élections libres et démocratiques, l'élimination des fraudes, le soutien réciproque des candidats et l'adoption d'une position commune quant aux résultats une fois que ceux-ci auront été proclamés ».

A une semaine des élections législatives, mille huit cent vingt-deux candidats sont toujours en lice. Par ailleurs, la Commission électorale azerbaïdjanaise a donné, le 26 octobre dernier, son accord à l'utilisation d'encre indélébile anti-fraude pour le scrutin, une décision que les experts qualifient de positive tout en regrettant son adoption tardive.

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